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31/05/2023 | FRANCE | N°21/01817

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 31 mai 2023, 21/01817


MINUTE N° 265/2023

























Copie exécutoire à



- Me Julie HOHMATTER



- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY





Le 31 mai 2023





La Greffière,

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 31 MAI 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01817 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HRUL



Décision déférée à la cour : 16 Février 2021 par le tribunal judiciaire de Strasbourg





APPELANTS et INTIMÉS SUR APPEL INCIDENT :



Monsieur [W] [X] et

Monsieur [R] [X]

demeurant tous deux [Adresse 2]



représentés par Me Julie HOHMATTER, Avocat à la c...

MINUTE N° 265/2023

Copie exécutoire à

- Me Julie HOHMATTER

- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY

Le 31 mai 2023

La Greffière,

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 31 MAI 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01817 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HRUL

Décision déférée à la cour : 16 Février 2021 par le tribunal judiciaire de Strasbourg

APPELANTS et INTIMÉS SUR APPEL INCIDENT :

Monsieur [W] [X] et

Monsieur [R] [X]

demeurant tous deux [Adresse 2]

représentés par Me Julie HOHMATTER, Avocat à la cour

INTIMÉE et APPELANTE SUR APPEL INCIDENT :

Madame [G] [Y]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, Avocat à la cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Mars 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur WALGENWITZ, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

M. WALGENWITZ, Président de chambre

Mme DENORT, Conseillère

Mme HERY, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffière, lors des débats : Mme ARMSPACH-SENGLE

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, Président, et Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE, Greffière, à laquelle la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Madame [G] [Y] est propriétaire d'une parcelle cadastrée commune d'[Localité 5], section [Cadastre 4] n°[Cadastre 3] lieudit [Localité 6], pour une superficie de 44a 27ca.

Cette parcelle est exploitée par Monsieur [W] [X].

Par courrier du 30 septembre 2017, Madame [Y] a écrit à Messieurs [W] [X] et [R] [X] pour leur notifier sa décision de résilier le prêt à usage consenti sur cette terre avec effet au 11 novembre 2017.

Monsieur [W] [X] répondait en son nom et au nom de son fils [R], en s'opposant à cette résiliation, invoquant le bénéfice d'un bail rural.

Madame [Y] a, le 15 juin 2018, saisi le tribunal judiciaire de Strasbourg d`une demande d'expulsion des consorts [X] de la parcelle lui appartenant.

Le tribunal judiciaire de Strasbourg a, par jugement du 16 février 2021, fait droit aux demandes de Madame [Y] dans les termes suivants :

«DIT que [W] et [R] [X] occupent sans droit ni titre la parcelle à [Localité 5] cadastrée Section [Cadastre 4] n°[Cadastre 3],

ORDONNE leur expulsion et tous occupants de leur chef sous astreinte de 50 euros (cinquante euros) par jour de retard passé le délai d 'un mois suivants signification du présent jugement,

DEBOUTE [G] [Y] de sa demande de dommages et intérêts,

CONDAMNE [W] et [R] [X] aux dépens et à payer à [G] [Y] la somme de 1 500 euros (mille cinq cent euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

ORDONNE l 'exécution provisoire de la présente décision ».

Le tribunal indiquait dans sa décision que Monsieur [W] [X] ne pouvait se considérer comme locataire agricole alors qu'il a été mis en liquidation judiciaire par jugement du 15 mars 2015, de sorte que s'il y avait bail rural il ne pourrait profiter qu'à [R] [X].

La juridiction considérait le document produit à la MSA daté du 11 août 2018, opérant mutation de la parcelle litigieuse de [W] à [R] [X], avec la signature supposée de la propriétaire, comme un faux car la signature attribuée à la propriétaire n'était pas la sienne.

Au surplus, l'existence du bail rural n'était, selon le tribunal, pas rapportée pour cause d'absence de paiement des loyers et d'une convention de bail.

Le tribunal constatait alors que la seule pièce utile produite par les consorts [X] était l'attestation établie par Madame [J] [D] ; cependant il était estimé que cette unique attestation, non corroborée par un document de nature à prouver l'existence de règlements, était insuffisante pour fonder les allégations des consorts [X].

Le tribunal rejetait par conséquent les allégations d'existence d'un bail rural, accueillait la demande principale de Madame [Y], tout en écartant sa demande de dommages-intérêts estimant que perdre un procès ne signifiait pas pour autant résistance abusive.

Les consorts [X] ont interjeté appel du jugement susvisé par déclaration d'appel du 30 mars 2021.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 décembre 2021, Messieurs [W] [X] et [R] [X] demandent à la cour de :

DECLARER l'appel de Messieurs [X] recevable et bien-fondé

RECTIFIER l'erreur matérielle qui affecte le jugement du 16 février 2021 et INDIQUER que le nom des appelants est « [X] » et non « [X] »

Dès lors :

INFIRMER le jugement du 16 février 2021 en ce qu'il a :

- DIT que [W] et [R] [X] occupent sans droit ni titre la parcelle à [Localité 5] cadastrée Section [Cadastre 4] no [Cadastre 3],

- ORDONNE leur expulsion et tous de leur chef, sous astreinte de 50 euros (cinquante euros) par jour de retard passé le délai d'un mois suivant signification du présent jugement,

- CONDAMNE [W] et [R] [X] aux dépens et à payer à [G] [Y] la somme de 1 500 euros (mille cinq cent euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- ORDONNE l'exécution provisoire de la présente décision.

INFIRMER le jugement du 16 février 2021 en ce que le tribunal judiciaire s'est déclaré compétent pour connaître du litige

Statuant à nouveau :

CONSTATER qu'il existe un bail rural conclu entre Mme [G] [Y] et Messieurs [W] et [R] [X] concernant la parcelle à [Localité 5] cadastrée Section [Cadastre 4] no [Cadastre 3]

DIRE que le litige opposant locataire et bailleur au titre du bail rural relève de la seule compétence du tribunal paritaire des baux ruraux de Schiltigheim

SE DECLARER, en conséquence, incompétente pour statuer sur la demande formée par Mme [G] [Y] à l'encontre de Messieurs [W] et [R] [X] au profit du tribunal paritaire des baux ruraux de Schiltigheim

RENVOYER la procédure engagée par Mme [G] [Y] à l'encontre de Monsieur [W] [X] et de Monsieur [R] [X] par devant le tribunal paritaire des baux ruraux paritaire de Schiltigheim

Sur l'appel incident de Mme [G] [Y].

DECLARER Mme [G] [Y] mal-fondée en ses fins, moyens et conclusions

DECLARER Mme [G] [Y] mal-fondée en son appel incident,

En conséquence,

L'EN DEBOUTER

CONFIRMER le jugement du 16 février 2021 en ce qu'il a « Débouté Mme [G] [Y] de sa demande de dommages et intérêts »

CONDAMNER Mme [G] [Y] aux entiers frais et dépens de l'appel incident

En tout état de cause :

DEBOUTER Mme [G] [Y] de toutes ses fins, moyens et conclusions

CONDAMNER Mme [G] [Y] à régler à Monsieur [W] [X] et Monsieur [R] [X] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile en première instance et en appel

CONDAMNER Mme [G] [Y] aux frais et dépens de première instance et d'appel.

Les appelants critiquent le jugement au motif que le tribunal judiciaire n'aurait pas été compétent pour connaître du présent litige opposant un bailleur et ses locataires liés par un bail rural.

Seul le tribunal paritaire des baux ruraux territorialement compétent, à savoir celui de Schiltigheim, pourrait connaître du présent litige. Par conséquent la cour devrait se déclarer incompétente et renvoyer le dossier devant ledit tribunal paritaire.

Le tribunal judiciaire aurait également considéré à tort que l'existence d'un bail rural n'était pas rapportée alors que [W] et [R] [X] occuperaient la parcelle en l'exploitant depuis des années en vertu d'un bail rural verbal qui avait été conclu avec les membres de la famille [Y], précédents propriétaires de ladite parcelle.

Ils se réfèrent à l'attestation rédigée par la tante de Madame [G] [Y] qui confirmerait le versement de fermages par les consorts [X] aux propriétaires en exécution de ce bail rural. Le fait que Madame [G] [Y] ait hérité de ladite parcelle aux termes d'un acte de licitation, ne ferait pas disparaître le bail rural conclu.

Les appelants affirment exploiter cette parcelle depuis 20 ans, que le fermage aurait été toujours réglé, la parcelle litigieuse se trouvant au centre d'un ilot de culture exploité par les consorts [X].

S'agissant enfin de l'appel incident formé par Madame [Y], il devrait être rejeté car l'existence d'une résistance abusive de la part des appelants ne serait pas rapportée. L'attestation de la MSA confirmerait d'ailleurs les droits d'exploitation des consorts [X] sur le terrain en litige.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 février 2022, Madame [G] [Y] demande à la cour de :

RECTIFIER l'erreur matérielle qui a affecté le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 16 février 2021 et remplacer le nom « [X]» par « [X] »,

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 16 février 2021 sauf en ce qu'il a débouté Madame [G] [Y] de sa demande de dommages et intérêts,

REJETER l'exception d'incompétence soulevée par la partie adverse,

CONSTATER en tout état de cause la plénitude de juridiction de la cour d'appe1 pour statuer sur 1'entier litige,

Statuant sur appel incident,

INFIRMER le jugement entrepris en tant qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts présentée par Madame [G] [Y],

Statuant à nouveau,

CONDAMNER in solidum Messieurs [W] et [R] [X] à payer à Madame [G] [Y] une indemnité de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice subi par cette dernière du fait de leur résistance abusive ;

CONDAMNER in solidum Messieurs [W] et [R] [X] à payer à Madame [G] [Y] 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

Les CONDAMNER in solidum aux entiers frais et dépens de l`instance ;

DEBOUTER la partie adverse de toutes conclusions plus amples ou contraires.

Madame [G] [Y] estime que le tribunal judiciaire est compétent pour connaître de la question de l'existence d'un bail rural ou non, la compétence exclusive du tribunal paritaire des baux ruraux ne portant que sur les contestations entre bailleurs et preneurs de baux ruraux en cas d'existence avérée d'un bail rural. Au cas d'espèce, il n'y en aurait pas, les parties étant liées par un prêt à usage à titre gratuit.

En tout état de cause il conviendrait de considérer la cour d'appel, en tant que juridiction d'appel du tribunal paritaire des baux ruraux de Schiltigheim, comme étant parfaitement habilitée à connaître du présent litige par l'effet dévolutif de l'appel et au regard de sa plénitude de juridiction.

Madame [G] [Y] considère ne pas être liée aux appelants par un bail rural. Elle explique que ces derniers ne lui auraient jamais réglé le fermage au titre de l'exploitation de la parcelle objet du litige, et que ce n'est qu'à la suite du courrier qu'elle leur a adressé le 30 septembre 2017 qu'ils lui ont adressé un chèque de fermage pour les neufs années et demie passées, chèque qu'elle a refusé d'encaisser.

Elle conteste la validité, tant dans sa forme que dans son fond, de l'attestation produite par les appelants rédigée par Madame [D] ; l'intimée fait référence au raisonnement du juge qui a estimé que l'attestation n'était pas crédible car non accompagnée de la preuve du paiement d'un loyer.

Quant à la transcription de la parcelle litigieuse au nom de monsieur [X] sur la base d'un bulletin de mutation, elle conteste la véracité de la signature y figurant qui lui est attribuée. Elle rappelle l'analyse du premier juge - qu'elle fait sienne - qui a estimé qu'il s'agissait là d'un faux qui ne pouvait entraîner de droit.

Dans ces conditions il y aurait lieu de confirmer le jugement, sauf en ce qu'il a rejeté la demande qu'elle avait formulée au titre des dommages et intérêts ; n'hésitant pas à se prévaloir de pièces qui seraient manifestement des faux, les appelants se maintiendraient sans titre sur la parcelle de Madame [G] [Y] ce qui lui causerait un préjudice moral qui devrait être indemnisé par l'allocation d'une somme de 3 000 euros.

* * *

Par ordonnance du 4 octobre 2022, la présidente de chambre, chargée de la mise en état, a ordonné la clôture de la procédure et renvoyé l'affaire à l'audience du 22 mars 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIVATION

1) Sur la rectification d'erreur matérielle

Conformément à l'article 462 du code de procédure civile, les erreurs ou

omissions matérielles qui affectent un jugement même passé en force de chose jugée

peuvent toujours être réparées par la juridiction qui l'a rendu ou par celle à laquelle il est

déféré, selon ce que le dossier révèle ou, à défaut, ce que la raison commande.

Il est constant que le nom de famille des défendeurs à l'instance est « [X] » et non « [X] » comme indiqué par erreur dans le premier jugement.

Il y aura par conséquent lieu de rectifier cette erreur matérielle.

2) Sur l'exception d'incompétence

L'appréciation de l'existence et de la nature d'un bail portant sur un terrain agricole n'est pas de la compétence exclusive du tribunal paritaire des baux ruraux. Si cette question est soulevée devant le tribunal paritaire des baux ruraux, il reste juge de sa propre compétence. Mais si elle est soulevée devant le tribunal judiciaire, ce dernier est parfaitement habilité à y répondre, quitte à renvoyer le dossier devant le tribunal paritaire des baux ruraux le cas échéant s'il estime devoir qualifier le bail qui lui est soumis de « rural ».

Le premier juge a par conséquent eu raison de retenir sa compétence pour qualifier la nature du contrat liant les parties.

3) Sur l'existence d'un bail rural

Les appelants estiment occuper le terrain litigieux en application d'un bail rural verbal, alors que l'intimée considère que l'occupation de sa parcelle par les consorts [X] se faisait en application d'un « prêt à usage » à titre gratuit.

L'article L 311-1 du code rural et de la pêche maritime prévoit notamment que « Sont réputées agricoles toutes les activités correspondant à la maîtrise et à l'exploitation d'un cycle biologique de caractère végétal ou animal et constituant une ou plusieurs étapes nécessaires au déroulement de ce cycle ainsi que les activités exercées par un exploitant agricole qui sont dans le prolongement de l'acte de production ou qui ont pour support l'exploitation. » tandis que l'article L 411-1 al. 1 du code rural précise « Toute mise à disposition à titre onéreux d'un immeuble à usage agricole en vue de l'exploiter pour y exercer une activité agricole définie à l'article L.311-1 est régie par les dispositions du présent titre [statut du fermage et du métayage ], sous les réserves énumérées à l'article L. 411-2 [conventions conclues en application de dispositions législatives particulières, concessions ou conventions sur l'utilisation des forêts ou des biens relevant du régime forestier, conventions conclues pour assurer l'entretien de terrain situés à proximité d'un immeuble d'habitation et en constituant la dépendance, conventions d'occupation précaire]. Cette disposition est d'ordre public ».

Conformément aux dispositions de l'article L.411-1 dernier alinéa du code rural, la preuve de l'existence d'un contrat de bail rural est libre et peut être rapportée par tous moyens.

En l'occurrence, il est constant que les appelants ' qui doivent démontrer l'existence d'un bail rural - ne justifient pas avoir versé de loyer au propriétaire pendant plus de 10 années.

Ce n'est que par courriers des 1er novembre 2017 et 17 janvier 2018 qu'ils ont adressé à l'intimée des chèques de montants respectifs de 1 051,50 euros et de 106,88 euros, correspondant selon eux aux fermages dus pour la période de 2007 à 2016 puis de 2017.

L'absence de tout versement de fermage pendant plus de 9 années ne peut que s'expliquer par l'absence d'un bail rural.

Il s'en déduit que les appelants ne démontrent pas l'existence d'une contrepartie onéreuse pour la mise à disposition de la parcelle litigieuse au sens de l'article L 411-1 du code rural.

Les appelants produisent comme justificatifs, une copie de l'attestation parcellaire de la MSA du 8 août 2017 selon laquelle la parcelle en litige est mise en valeur par Monsieur [R] [X], et un bulletin de mutation daté du 8 juin 2015 des terres au profit de [R] [X] qui comporterait la signature de la propriétaire Madame [G] [Y].

Cependant, en premier lieu il y a lieu de préciser que ces documents ne sont, en soi, pas de nature à venir combler l'absence pendant 10 ans de tout versement d'une contrepartie financière en échange de l'occupation et l'exploitation du terrain : or à défaut de contrepartie, il ne peut y avoir qu'une mise à disposition gratuite, et précaire.

En deuxième lieu, la comparaison entre :

- d'une part la signature attribuée à Madame [G] [Y] qui figure sur le bulletin de mutation du 8 juin 2015 (document a) dans le cadre réservé à la « signature du propriétaire »,

- et d'autre part la signature de Madame [G] [Y] présente dans le courrier qu'elle a adressé à monsieur [X] le 30 septembre 2017 (document b) pour lui signifier la fin du contrat de mise à disposition (annexe 2 de l'intimée) et la signature de Madame [G] [Y] figurant sur l'acte notarié du 4 décembre 2008 (document c) (annexe 2 des appelants) '

' démontre clairement que la signature présente sur le premier document (a) est totalement dissemblable des deux autres (b et c).

Il est à noter que les signatures de Madame [G] [Y] présentes sur les deux documents des 30 septembre 2017 et 4 décembre 2008 (b et c) sont parfaitement identiques, bien que réalisées à près de 9 années de distance, en rappelant que ces annexes ont été produites par l'intimée (c) et par les appelants (b).

C'est donc en toute logique que le premier juge a qualifié la signature attribuée à Madame [Y] présente sur le document transmis à la MSA, de contrefaite, et estimé que le document était un faux.

Dans un tel contexte, où il est fort possible qu'un faux ait été fabriqué et produit, l'attestation présentée comme étant rédigée par Madame [D] - qui n'est pas accompagnée de la photocopie de sa carte d'identité comprenant sa signature, ce qui aurait permis de vérifier l'authenticité de la signature de l'attestante - ne saurait constituer preuve crédible et utile. Elle sera de ce fait écartée.

En conséquence, force est de constater que les appelants ne rapportent pas la preuve de l'existence d'un bail rural portant sur la parcelle litigieuse.

Il y a dès lors lieu de constater que le tribunal judiciaire était compétent pour connaître du litige et de confirmer le premier jugement en ce qu'il a dit que les intimés sont occupants sans droit et titre et a prononcé leur expulsion.

4) Sur l'appel incident

Comme démontré plus haut, le document produit à la MSA ne peut être considéré comme un document valable entraînant des effets juridiques en ce qu'il comporte une signature contrefaite.

La production d'un faux document, à une administration telle que la MSA d'Alsace, puis en justice, constitue indéniablement un trouble de nature à provoquer un préjudice moral pour le plaideur à qui on oppose ce document.

Cependant il convient aussi de tenir compte du fait que l'intimée a laissé perdurer la situation pendant plusieurs années, sachant pertinemment que les consorts [X] occupaient sa terre.

Le premier jugement sera dès lors infirmé sur ce point, Messieurs [W] [X] et [R] [X] devant être condamnés in solidum à lui verser une somme de 800 euros en réparation du préjudice moral.

5) Sur les demandes accessoires

Le jugement de première instance statuant sur la question des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile, sera confirmé.

Messieurs [W] [X] et [R] [X], parties succombantes au sens de l'article 696 du code de procédure civile, seront condamnés aux dépens de la procédure d'appel et à verser à Madame [G] [Y] une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés dans le cadre de la procédure d'appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de Messieurs [W] [X] et [R] [X] tendant à être indemnisés de leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après en avoir délibéré, publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile :

RECTIFIE l'erreur matérielle qui affecte le jugement du 16 février 2021 rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg et remplace le nom « [X] » par celui de « [X] »

DIT qu'il sera fait mention du présent arrêt rectificatif sur la minute et sur les expéditions du jugement rectifié,

REJETTE la fin de non-recevoir soulevée par Messieurs [W] et [R] [X] pour cause d'incompétence pour statuer sur la demande formée par Madame [G] [Y],

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 16 février 2021 sauf en ce qu'il a débouté Madame [G] [Y] de sa demande en dommages et intérêts,

Et statuant à nouveau sur ce seul point :

CONDAMNE Messieurs [W] [X] et [R] [X] à payer à Madame [G] [Y] une somme de 800 euros (huit cents euros) à titre de dommages-intérêts,

Et y ajoutant

CONDAMNE Messieurs [W] [X] et [R] [X] aux dépens de la procédure d'appel,

CONDAMNE Messieurs [W] [X] et [R] [X] à verser à Madame [G] [Y] une somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés à hauteur d'appel,

REJETTE la demande de Messieurs [W] [X] et [R] [X] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/01817
Date de la décision : 31/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-31;21.01817 ?
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