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26/05/2023 | FRANCE | N°21/02695

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 26 mai 2023, 21/02695


MINUTE N° 260/2023

























Copie exécutoire à :



- Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ



- la SELARL ACVF ASSOCIES





Le 26 mai 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 26 MAI 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02695 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HTFR

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Décision déférée à la cour : 07 Avril 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTS :



Monsieur [W] [X]

Madame [H] [E]

demeurant tous deux [Adresse 2]



représentés par Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ, Avocat à la cour





INTIMÉE :



La...

MINUTE N° 260/2023

Copie exécutoire à :

- Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ

- la SELARL ACVF ASSOCIES

Le 26 mai 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 26 MAI 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02695 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HTFR

Décision déférée à la cour : 07 Avril 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTS :

Monsieur [W] [X]

Madame [H] [E]

demeurant tous deux [Adresse 2]

représentés par Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ, Avocat à la cour

INTIMÉE :

La SCCV [Adresse 3], prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

[Localité 4]

représentée par la SELARL ACVF ASSOCIES, Avocats à la cour

plaidant : Me GRIVAUD, Avocat au barreau de Strasbourg

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 27 janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre, et Madame Nathalie HERY, Conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique DONATH, faisant fonction

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente, et Madame Sylvie SCHIRMANN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

2

FAITS ET PROCÉDURE

Le 6 octobre 2017, M. [W] [X] et Mme [H] [E] ont conclu avec la SCCV [Adresse 3] un contrat de réservation en vue de l'acquisition en l'état futur d'achèvement, au prix de 400 000 euros, d'un appartement constituant le lot n°4 d'un immeuble à construire [Adresse 3] à [Localité 5], avec constitution d'un dépôt de garantie de 8 000 euros. Le délai d'achèvement était fixé à titre indicatif à la fin du 4ème trimestre 2018.

La vente n'ayant pas été réitérée par acte authentique, M. [X] et Mme [E] ont notifié à la SCCV [Adresse 3] la résolution du contrat de réservation à ses torts exclusifs par courrier recommandé du 24 septembre 2019, reçu le 4 octobre 2019.

Selon exploit signifié le 14 mai 2020, M. [X] et Mme [E] ont assigné la SCCV [Adresse 3] devant le tribunal judiciaire de Strasbourg aux fins de voir juger que le contrat a été résolu aux torts exclusifs de la SCCV [Adresse 3], subsidiairement ordonner ou prononcer la résolution judiciaire du contrat de réservation, et condamner la SCCV [Adresse 3] au paiement de différents montants à titre de dommages et intérêts.

La SCCV [Adresse 3] a opposé la nullité du contrat de réservation.

Par jugement du 7 avril 2021, le tribunal a prononcé la nullité du contrat de réservation du 6 octobre 2017, dit sans objet les demandes en constat ou prononcé de résolution du contrat, débouté M. [X] et Mme [E] de leurs demandes indemnitaires et la SCCV [Adresse 3] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et a condamné M. [X] et Mme [E] aux dépens.

Le tribunal a constaté que le dépôt de garantie matérialisé par un chèque remis à la SCCV [Adresse 3] n'avait pas été porté à l'encaissement et avait été restitué en cours d'instance. Il a considéré, au visa des articles L.261-15, R.261-29 et R.261-31 du code de la construction et de l'habitation, que le dépôt de garantie n'ayant pas été constitué dans les formes requises par ces textes par remise à un compte spécial ouvert au nom du réservataire dans une banque ou un établissement habilité à cet effet ou chez un notaire, le contrat de réservation était entaché de nullité, cette nullité pouvant être invoquée par le réservant dont l'engagement était de réserver et non de vendre, les réservataires qui ne pouvaient ignorer l'absence d'encaissement d'un chèque d'un tel montant ne pouvant, à ce stade, se prévaloir des dispositions encadrant la vente en l'état futur d'achèvement.

Se fondant sur l'article 1178 du code civil, le premier juge a retenu, pour rejeter les demandes de dommages et intérêts de M. [X] et Mme [E], qu'ils ne pouvaient se prévaloir d'une faute contractuelle de la SCCV [Adresse 3], en l'occurrence du non-respect du délai de livraison, puisque le contrat était censé n'avoir jamais existé, ce délai étant au surplus seulement indicatif.

M. [X] et Mme [E] ont interjeté appel de ce jugement, le 17 mai 2021 en toutes ses dispositions, à l'exception de celle rejetant la demande la SCCV sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 4 octobre 2022.

3

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 3 décembre 2021, M. [X] et Mme [E] demandent à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté la demande de la SCCV [Adresse 3] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, de le réformer en ce qu'il a prononcé la nullité du contrat de réservation, dit sans objet les demandes en constat ou prononcé de résolution du contrat, débouté les consorts [X] - [E] de leurs demandes indemnitaires et les a condamnés aux dépens, et statuant à nouveau de :

- juger que le contrat de réservation a été résolu par les consorts [X] - [E] aux torts exclusifs de la SCCV [Adresse 3],

subsidiairement,

- ordonner ou prononcer la résolution du contrat,

en tout état de cause,

- condamner la SCCV [Adresse 3] à leur payer les sommes de 10 6250,42 euros au titre des loyers et charges réglés de janvier à septembre 2019, et de 6 000 euros pour préjudice moral, à défaut la somme de 15 000 euros que la SCCV [Adresse 3] s'était engagée à leur payer par courriel du 27 février 2019,

- la condamner aux dépens de première instance et d'appel et au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Invoquant les dispositions des articles 1217 et 1228 du code civil, ils font valoir qu'ils étaient fondés à solliciter la résolution du contrat de réservation aux torts exclusifs de la SCCV [Adresse 3] puisque cette dernière n'a pas respecté les obligations mises à sa charge dans le cadre de ce contrat, à savoir la condition substantielle de livraison à la date contractuellement prévue, et pour absence de signature d'un acte de vente. Ils soulignent que l'acte de vente n'a pas été signé avant le 7 octobre 2018 comme cela était prévu et qu'à la date de leurs écrits, l'ensemble immobilier n'était toujours pas achevé. Subsidiairement, ils demandent que la résolution judiciaire du contrat soit prononcée.

Ils soutiennent être fondés à solliciter la réparation de leur préjudice matériel constitué par le paiement en pure perte d'un loyer pour un appartement qui ne convenait plus à leurs besoins familiaux dans l'attente de la livraison du bien réservé prévue au plus tard le 31 décembre 2018, ainsi que d'un préjudice moral à raison du comportement déloyal de la SCCV [Adresse 3] qui les a maintenus dans l'illusion de la signature d'un acte de vente en l'état futur d'achèvement, ce qui a retardé de deux années leur projet.

Ils contestent que leurs demandes de modifications des plans de l'appartement ait pu contribuer à ce retard, et relèvent que l'intimée a reconnu sa faute dans un c ourriel du 27 février 2019, et s'était engagée à les indemniser du retard à hauteur de 15 000 euros, cet engagement n'étant assorti d'aucune condition.

Ils estiment que c'est à tort que le tribunal a prononcé la nullité du contrat, faisant valoir que :

- c'est la SCCV [Adresse 3] qui n'a pas respecté ses obligations contractuelles en s'abstenant d'ouvrir un compte spécial pour encaisser leur chèque correspondant au dépôt de garantie, et elle ne peut se prévaloir de sa propre carence,

- la nullité d'ordre public édictée par l'article L.261-10 du code de la construction et de l'habitation, en cas de non-respect des règles impératives régissant la vente d'immeuble à construire, est une nullité relative ne pouvant être invoquée que par le réservataire dont ces règles sont destinées à assurer la protection, s'agissant d'une vente relevant du secteur protégé,

- il en va nécessairement de même au stade du contrat de réservation, alors qu'au surplus le vendeur est à l'origine de l'irrégularité.

4

Ils soutiennent que ce faisant, la SCCV [Adresse 3] a commis une faute de nature contractuelle l'obligeant à réparer leur préjudice. À défaut, l'intimée devra les indemniser

sur le fondement de la responsabilité extra-contractuelle en application du dernier alinéa de l'article 1178 du code civil, au titre du non-respect de ses obligations découlant du contrat de réservation, comme cela est d'ailleurs possible, par analogie, en matière de clause pénale.

En tout état de cause, ils sont fondés à demander réparation du préjudice découlant de l'illusion de la validité du contrat de réservation dans laquelle les a maintenu la SCCV [Adresse 3], qui leur a laissé espérer la signature d'un contrat de vente en l'état futur d'achèvement malgré le retard, cette dernière ayant en outre expressément reconnu sa responsabilité.

*

Aux termes de ses écritures transmises par voie électronique le 18 octobre 2021, la SCCV [Adresse 3] demande à la cour de confirmer la décision entreprise en toutes ses dispositions, de déclarer nul et de nul effet le contrat de réservation, et au besoin de prononcer cette nullité, et en toute hypothèse, de débouter M. [X] et Mme [E] de l'intégralité de leurs fins, moyens et prétentions, y compris à hauteur d'appel, et les condamner in solidum aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle fait valoir que, selon les dispositions combinées des articles R.261-29 et L.261-15 du code de la construction et de l'habitation, à défaut de remise du dépôt de garantie sur un compte dédié ouvert au nom du réservataire, le contrat de réservation est nul même si cette irrégularité n'a causé aucun préjudice au réservataire.

Elle considère que les dispositions relatives au contrat de réservation ne doivent pas être confondues avec celles relatives à la vente en l'état futur d'achèvement, dès lors que le réservataire est soumis à l'aléa dépendant de la réalisation du programme ou de sa consistance définitive, et soutient que les dispositions précitées édictent une nullité absolue, pouvant être invoquée tant par le réservant que par le réservataire qu'elles ont vocation l'un et l'autre à protéger. Elle approuve donc les motifs du jugement quelle fait siens.

La SCCV [Adresse 3] ajoute que les appelants ne pouvaient ignorer l'absence d'encaissement de leur chèque et qu'ils étaient parfaitement conscients de la nullité du contrat puisqu'ils l'ont évoquée dès leur assignation dans laquelle ils demandaient la restitution sous astreinte du chèque.

Elle soutient que le contrat étant nul, M. [X] et Mme [E] ne peuvent rechercher sa responsabilité contractuelle, or ils ne démontrent aucune faute de sa part de nature délictuelle, et ne peuvent raisonner par analogie avec la promesse de vente, le contrat de réservation ne comportant pas d'engagement de vendre.

Elle ajoute que M. [X] et Mme [E] qui n'ignoraient pas que le chèque devait être libellé à son ordre ne se sont pas préoccupés de l'absence d'encaissement de ce chèque, qu'ils ont été informés des délais de construction, le délai stipulé étant seulement indicatif, et ont demandé de multiples modifications qui ont contribué au retard.

Elle soutient que sa proposition de dédommagement à raison des retards ne peut valoir reconnaissance de responsabilité.

5

Enfin, la seule sanction prévue par l'article L.261-15 en cas de résiliation du contrat de réservation à l'initiative du réservant est la restitution du dépôt de garantie, et les préjudices allégués ne sont pas démontrés. L'intimée soutient en effet que les appelants ne justifient pas du préjudice matériel qu'ils invoquent, qui de surcroît est dépourvu de lien de causalité avec la nullité du contrat de réservation puisqu'ils auraient dû, en tout état de cause, se loger. Elle relève que M. [X] et Mme [E] se sont par ailleurs engagés dans un autre projet immobilier portant sur l'achat d'un terrain à bâtir dans un lotissement, et non plus d'un appartement, de sorte qu'outre l'absence d'urgence de leur relogement, leur projet n'a pas été obéré, ce qui exclut tout préjudice moral.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'est tenue de statuer que sur les prétentions figurant au dispositif des dernières écritures des parties et n'a pas à répondre à des demandes tendant à voir 'dire et juger' ou 'constater' qui correspondent seulement à la reprise de moyens développés dans les motifs des conclusions et ne constituent pas des prétentions.

Sur la nullité du contrat de réservation

Conformément à l'article L.261-15 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version applicable au litige, la vente d'un immeuble à construire relevant du champ d'application du ' secteur protégé  de la construction à usage d'habitation ou mixte, peut être précédée d'un contrat préliminaire par lequel, en contrepartie d'un dépôt de garantie effectué à un compte spécial, le vendeur s'engage à réserver à un acheteur un immeuble ou une partie d'immeuble. Le dernier alinéa de cet article énonce qu'est nulle toute autre promesse d'achat ou de vente.

Selon une jurisprudence établie, la nullité édictée par l'alinéa 5 de l'article L.261-15, sanctionne non seulement le fait de conclure un avant-contrat autre que le contrat préliminaire prévu par ce texte, mais aussi le fait que ledit contrat préliminaire ne répond pas aux exigences légales et réglementaires qui lui sont applicables, notamment celles de l'article R.261-29 du même code, dans sa version applicable au litige, qui dispose que le dépôt de garantie est fait à un compte spécial ouvert au nom du réservataire dans une banque ou un établissement spécialement habilité à cet effet ou chez un notaire.

Il n'est pas contesté qu'en l'espèce, les dispositions précitées n'ont pas été respectées puisque le dépôt de garantie, qui a pris la forme d'un chèque émis à l'ordre de la SCCV [Adresse 3], n'a pas été encaissé par elle sur un compte spécial ouvert au nom du réservataire.

Les parties divergent quant au caractère absolu ou relatif de cette nullité.

Pour considérer qu'il s'agit d'une nullité absolue, le premier juge a retenu d'une part que l'engagement du réservant étant seulement de réserver et de non de vendre, aucune assimilation ne pouvait être faite avec le contrat de vente d'immeuble à construire, et

6

d'autre part que l'article R.261-31 du code de la construction et de l'habitation, dans sa version applicable au litige, qui dispose que le dépôt de garantie est restitué, sans retenue ni pénalité au réservataire :

a) Si le contrat de vente n'est pas conclu du fait du vendeur dans le délai prévu au contrat préliminaire ; [...] n'indiquait pas, à la différence des situations suivantes visées par ce texte, la ou les causes de cette non-conclusion.

Si le contrat de réservation est prévu dans l'intérêt du réservant afin de lui permettre d'appréhender les perspectives de commercialisation et de financement de son programme, ce contrat ne l'obligeant ni à construire ni à vendre, mais seulement à réserver le bien objet du contrat préliminaire en cas de réalisation du projet, les dispositions impératives encadrant la forme et le contenu du contrat préliminaire n'ont toutefois pas pour autant vocation à préserver un intérêt général, mais au contraire à protéger les intérêts du réservataire afin, s'agissant plus particulièrement des dispositions en cause dans le cas présent, d'assurer à celui-ci la possibilité d'obtenir la restitution effective du dépôt de garantie dans les hypothèses visées à l'article R.261-31 précité.

Contrairement à l'opinion du premier juge, les dispositions protectrices applicables aux ventes relevant du ' secteur protégé  de la construction à usage d'habitation ou mixte, qu'il s'agisse de celles relatives à la vente elle-même ou de celles relatives au contrat préliminaire, relèvent de l'ordre public de protection et sont destinées à protéger l'acquéreur, respectivement le réservataire, de sorte que la nullité édictée par l'article L.261-15 du code de la construction et de l'habitation est une nullité relative ne pouvant être invoquée que par le réservataire, sauf à permettre au réservant, professionnel de l'immobilier, d'échapper à ses obligations en invoquant des irrégularités du contrat dont il est le rédacteur qui lui seraient imputables.

Dès lors qu'il s'agit d'une nullité relative ne pouvant être invoquée que par les réservataires, il importe peu qu'ils aient eu connaissance de l'absence d'encaissement du chèque.

Le jugement entrepris doit donc être infirmé en tant qu'il a accueilli la demande de nullité du contrat présentée par la SCCV [Adresse 3], et cette demande sera rejetée.

Sur la résolution du contrat

Le contrat de réservation liant les parties prévoit d'une part que la vente sera conclue dans les meilleurs délais, et au plus tard dans le délai d'un an à compter de la conclusion dudit contrat, d'autre part que le délai d'achèvement est prévu, à titre indicatif, pour la fin du quatrième trimestre 2018.

Par courrier recommandé du 18 juillet 2019, le conseil de M. [X] et Mme [E] a mis en demeure la SCCV [Adresse 3] de lui indiquer la nouvelle date de livraison, ainsi que les motifs de prorogation, justificatifs à l'appui, et de s'engager au paiement des pénalités journalières de retard prévues au contrat.

En l'absence de réponse de la SCCV [Adresse 3], M. [X] et Mme [E] lui ont notifié la résolution du contrat de réservation à ses torts exclusifs, par lettre recommandée avec accusé de réception du 24 septembre 2019.

7

Si M. [X] et Mme [E] ne peuvent utilement se prévaloir du non-respect du délai de livraison qui était donné à titre indicatif ainsi que cela ressort clairement des stipulations du contrat, ni de l'absence de conclusion du contrat de vente, le contrat de réservation n'étant pas une promesse de vente, c'est néanmoins à juste titre que n'ayant obtenu aucune réponse de l'intimée quant aux suites qu'elle entendait réserver au contrat, alors que les travaux étaient engagés et qu'elle les maintenait dans l'illusion d'une possible réalisation de la vente, ainsi que cela ressort des courriers électroniques échangés entre les parties d'octobre 2018 à février 2019, les appelants lui ont notifié la résolution du contrat en application de l'article 1217 du code civil, la SCCV [Adresse 3] n'ayant pas exécuté le contrat de bonne foi.

Il ressort en effet de ces échanges que :

- le 18 octobre 2018 la SCCV [Adresse 3] informait les appelants du démarrage imminent des travaux de gros oeuvre, et leur transmettait des plans modifiés,

- le 23 octobre 2018, elle les invitait à adresser leurs demandes de modifications directement à l'architecte,

- le 12 décembre 2018 une réunion avait lieu entre les parties,

- le 20 décembre 2018 et le 30 janvier 2019, la SCCV [Adresse 3] leur transférait les plans du bureau d'études technique, et des plans modifiés,

- suite à un nouveau rendez-vous en février 2019, la SCCV [Adresse 3] leur proposait, le 27 février 2019, un dédommagement à hauteur de 15 000 euros pour le retard dans la livraison de l'appartement et des locaux annexes,

- une nouvelle réunion avait lieu en juin 2019.

Il convient donc d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la demande de constatation de la résolution du contrat de réservation aux torts de la SCCV [Adresse 3] était sans objet, et de faire droit à cette demande.

Sur la demande de dommages et intérêts de M. [X] et Mme [E]

M. [X] et Mme [E] agissent à titre principal, en l'absence d'annulation du contrat, sur le fondement de la responsabilité contractuelle.

M. [X] et Mme [E] sollicitent un montant de 10 650,42 euros au titre des loyers et charges qu'ils ont réglés en pure perte de janvier à septembre 2019 pour un appartement ne correspondant plus à leurs besoins familiaux, alors qu'ils auraient dû, à compter de janvier 2019, rembourser un emprunt.

La SCCV [Adresse 3] oppose à juste titre d'une part que la date d'achèvement indiquée était purement indicative, comme rappelé ci-dessus, et d'autre part que le paiement d'un loyer et de charges qui avait pour contrepartie leur logement, ne constitue pas un préjudice pour M. [X] et Mme [E].

La demande de ce chef doit donc être rejetée.

Les appelants sollicitent un montant de 6 000 euros pour préjudice moral qui résulte du comportement déloyal de la SCCV [Adresse 3] consistant à les maintenir dans l'illusion selon laquelle il était encore possible de signer un acte de vente en l'état futur d'achèvement, ce qui leur a fait perdre deux années dans la réalisation de leur projet immobilier.

8

Ce préjudice est avéré dans la mesure où, ainsi que cela a été évoqué ci-dessus, les parties ont continué à échanger des courriers électroniques, à tout le moins jusqu'en février 2019, portant sur différents problèmes techniques, tels que l'implantation de la cuisine, la teneur de ces échanges étant de nature à conforter ces derniers dans l'illusion d'un possible aboutissement de leur projet d'acquisition de l'appartement visé dans le contrat de réservation. En outre dans un courriel du 27 février 2019, la SCCV [Adresse 3] admettait être à l'origine du retard de livraison, qu'elle ne saurait désormais imputer à M. [X] et Mme [E], et leur proposait un dédommagement, sans toutefois qu'il en résulte un engagement exprès de sa part.

La SCCV [Adresse 3] ne peut utilement se prévaloir à cet égard du fait que les réservataires ont finalement opté pour un projet de construction de maison individuelle, alors que ce n'est que le 25 septembre 2019 qu'ils ont signé, en qualité de bénéficiaires, une promesse de vente pour un terrain sis dans un lotissement à [Localité 6].

Le jugement sera donc infirmé en tant qu'il a débouté les appelants de leurs demandes indemnitaires. Le préjudice moral subi par M. [X] et Mme [E] sera justement réparé par l'octroi d'une somme de 6 000 euros à titre de dommages et intérêts, eu égard à la durée de la période pendant laquelle ils ont été maintenus dans l'illusion de voir aboutir leur projet et des désagréments causés.

Sur les dépens et frais exclus des dépens

En considération de la solution du litige, le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné M. [X] et Mme [E] aux dépens de première instance, et confirmé en ce qu'il a rejeté la demande présentée par la SCCV [Adresse 3] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Les dépens de première instance et d'appel seront supportés par la SCCV [Adresse 3] qui sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel. Il sera en revanche alloué à M. [X] et Mme [E], sur ce fondement, une somme de 4 000 euros.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 7 avril 2021, sauf en ce qu'il a débouté la SCCV [Adresse 3] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONFIRME le jugement entrepris de ce seul chef ;

Statuant à nouveau pour le surplus, et ajoutant au jugement,

DÉBOUTE la SCCV [Adresse 3] de sa demande de nullité du contrat de réservation ;

9

CONSTATE la résolution du contrat de réservation par M. [X] et Mme [E] aux torts exclusifs de la SCCV [Adresse 3] ;

CONDAMNE la SCCV [Adresse 3] à payer à M. [W] [X] et à Mme [H] [E], ensemble, la somme de 6 000 € (six mille euros) à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice moral ;

DÉBOUTE M. [X] et Mme [E] de leur demande de dommages et intérêts au titre de la perte de loyers ;

DÉBOUTE la SCCV [Adresse 3] de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE la SCCV [Adresse 3] aux dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à M. [W] [X] et à Mme [H] [E], ensemble, la somme de 4 000 € (quatre mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/02695
Date de la décision : 26/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-26;21.02695 ?
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