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26/05/2023 | FRANCE | N°21/02509

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 26 mai 2023, 21/02509


GLQ/KG





MINUTE N° 23/457





















































Copie exécutoire

aux avocats



Copie à Pôle emploi

Grand Est



le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 26 MAI 2023



Numéro d'insc

ription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02509

N° Portalis DBVW-V-B7F-HS2U



Décision déférée à la Cour : 16 Avril 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SCHILTIGHEIM



APPELANTE :



S.A.S. PORCELANOSA FRANCE

prise en son établissement de [Adresse 6]

N° SIRET : 350 52 6 3 23

[Adresse 1]

[Localité 3]...

GLQ/KG

MINUTE N° 23/457

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 26 MAI 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02509

N° Portalis DBVW-V-B7F-HS2U

Décision déférée à la Cour : 16 Avril 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SCHILTIGHEIM

APPELANTE :

S.A.S. PORCELANOSA FRANCE

prise en son établissement de [Adresse 6]

N° SIRET : 350 52 6 3 23

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Patrick TRUNZER, avocat au barreau de STRASBOURG

INTIME :

Monsieur [C] [F]

[Adresse 4]

[Localité 2]

Représenté par Me Raphaël REINS, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 14 Mars 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme Wallaert, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Par contrat à durée indéterminée du 24 août 2005, la société PORCELANOSA LORCERAM a embauché M. [C] [F] en qualité de directeur commercial puis de directeur régional par avenant du 1er mars 2006. Le salarié assurait notamment la gestion des salles de vente de [Localité 5] et [Localité 7].

M. [C] [F] a été placé en arrêt de travail pour maladie à compter du 1er octobre 2017.

Le 27 décembre 2018, M. [C] [F] a saisi le conseil de prud'hommes de Schiltigheim pour obtenir le paiement d'heures supplémentaires.

Par jugement du 16 avril 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit que M. [C] [F] n'a pas le statut de cadre dirigeant,

- déclaré prescrite la demande d'heures supplémentaires pour les événements antérieurs au 27 décembre 2015,

- condamné la S.A.S. PORCELANOSA EUROCERAMIQUE, venant aux droits de la société PORCELANOSA LORCERAM, au paiement des sommes suivantes, avec intérêts au taux légal à compter du 28 décembre 2018 :

* 122 438,61 euros brut au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur de 2016, outre 12 243,87 euros brut au titre des congés payés afférents,

* 69.752, 68 euros brut au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur de 2017, outre 6 975,27 euros au titre des congés payés afférents,

- condamné la S.A.S. PORCELANOSA EUROCERAMIQUE à remettre à M. [C] [F] un bulletin de paie rectificatif,

- condamné la S.A.S. PORCELANOSA EUROCERAMIQUE aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La S.A.S. PORCELANOSA EST, venant aux droits de la S.A.S. PORCELANOSA EUROCERAMIQUE, a interjeté appel le 20 mai 2021.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 08 mars 2023, la S.A.S. PORCELANOSA FRANCE, venant aux droits de la S.A.S. PORCELANOSA EST, demande à la cour d'infirmer le jugement sauf en ce qu'il a déclaré prescrites la demande pour la période antérieure au 27 décembre 2015 et de :

- dire que M. [C] [F] a le statut de cadre dirigeant,

- déclarer la demande irrecevable,

- à titre subsidiaire, débouter M. [C] [F] de ses demandes,

- en tout état de cause, condamner M. [C] [F] aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 10 mars 2023, M. [C] [F] demande de confirmer le jugement, de débouter la S.A.S. PORCELANOSA FRANCE de ses demandes et de la condamner aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux écritures précitées, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 14 février 2023. L'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 14 février 2023 et mise en délibéré au 26 mai 2023.

MOTIFS

Sur la demande de rappel d'heures supplémentaires statut de cadre dirigeant

Sur le statut de cadre dirigeant

L'article L. 3111-2 précise que les cadres dirigeants ne sont pas soumis aux dispositions des titres II et III et que sont considérés comme ayant la qualité de cadre dirigeant les cadres auxquels sont confiées des responsabilités dont l'importance implique une grande indépendance dans l'organisation de leur emploi du temps, qui sont habilités à prendre des décisions de façon largement autonome et qui perçoivent une rémunération se situant dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans leur entreprise ou établissement.

Il résulte de ces dispositions que relèvent de la catégorie des cadres dirigeants les cadres qui remplissent les trois conditions cumulatives prévues à l'article L. 3111-2 et qui participent à la direction de l'entreprise (Soc., 1er mars 2023, pourvoi n° 21-19.988).

Pour s'opposer aux demandes de M. [C] [F], la S.A.S. PORCELANOSA FRANCE soutient que le salarié avait la qualité de cadre dirigeant.

Pour contester l'application de ce statut, M. [C] [F] fait valoir que le contrat de travail du 20 mai 2005 prévoit expressément la possibilité d'effectuer des heures supplémentaires.

Il démontre par ailleurs qu'il ne disposait pas d'une grande indépendance dans l'organisation de son emploi du temps puisque, s'agissant de ses congés, ils faisaient l'objet d'une autorisation par la direction générale en Espagne et non d'une simple information, comme le soutient l'employeur (pièces n° 4, 5, 6, 29, 30, 31, 32, 64, 89, pièce n° 49 de l'appelante). Dans un message du 27 juin 2014 (pièce n°65), M. [C] [F] explique ainsi que, conformément aux directives de la direction, sauf exception, il n'est autorisé à poser que trois semaines de congés sur cinq chaque année, ce que confirme le bulletin de paie du mois de novembre 2018 qui mentionne un solde de jours de congés non posés de 119 jours.

M. [C] [F] soutient également qu'il n'était pas habilité à prendre des décisions de façon largement autonome. Il justifie ainsi que les décisions de recrutement étaient soumises à la validation de la direction de l'entreprise, notamment de MM. [Y] et [S] (pièces n°8, 9, 34, 59, 67, 68, 70, 74), de même que celles relatives au paiement de congés payés à un salarié (pièces n° 48, 69, 70, 71), au versement d'une avance sur salaire d'un montant de 300 euros (pièce n°72) ou à l'inscription de deux collaborateurs à une formation de management (pièce n°81). Le salarié démontre qu'il ne disposait pas davantage du pouvoir de déterminer les objectifs des salariés placés sous sa responsabilité (pièce n°16) et que l'un des directeurs de l'entreprise s'adressait volontiers directement à un salarié qui ne remplissait pas ses objectifs (pièce n°44). Dans un courriel du 28 juin 2012, M. [C] [F] rappelle également qu'il ne disposait d'aucun pouvoir de décision en matière disciplinaire (pièce n°40). Il justifie par ailleurs que les courriers adressés aux salariés sanctionnés d'un avertissement étaient établis par la direction (pièces n°11, 12), qu'il recevait des consignes pour sanctionner certains salariés (pièce n°41) ou négocier une rupture conventionnelle (pièces n°36, 73) et qu'il ne disposait pas d'une délégation de pouvoir pour représenter l'entreprise devant le conseil de prud'hommes (pièce n°39).

Si la S.A.S. PORCELANOSA FRANCE soutient que M. [C] [F] avait le pouvoir de procéder aux embauches, il résulte des notes de services produites (pièce n°61) que la décision de recrutement était validée par M. [Y] et M. [V], lequel procédait à une première sélection au sein de laquelle le directeur régional pouvait choisir son candidat, ce qui démontre que M. [C] [F] ne disposait pas d'une réelle autonomie en la matière. Les pièces produites par l'employeur témoignent également de l'intervention de M. [S] dans la procédure de licenciement, ce qui confirme M. [C] [F] ne pouvait pas sanctionner un salarié sans en référer au préalable à la direction. S'agissant du paiement des congés payés, l'employeur fait valoir que M. [C] [F] souhaitait obtenir l'aval de M. [Y] 'afin de se couvrir', 'conscient que le paiement des congés n'est pas la règle à appliquer', ce qui témoigne que M. [C] [F] n'était pas autorisé à s'affranchir des règles fixées par la direction dont il ne faisait manifestement pas partie.

La S.A.S. PORCELANOSA FRANCE produit également un échange de messages daté du 20 janvier 2020 (pièce n°59) dans lequel M. [C] [F] sollicite l'accord de M. [Y] avant de présenter une nouvelle organisation de ses équipes.

De même, les nombreux courriels relatifs aux budgets sociaux produits par l'employeur (pièces n°11 et 12) démontrent que M. [C] [F] élaborait ces budgets sous le contrôle étroit de la direction. Il apparaît à ce titre que M. [C] [F] ne disposait pas d'une autonomie dans l'établissement du budget et dans la fixation des objectifs commerciaux (pièces n°17, 50, 51, 28), qu'il sollicitait l'accord de la direction pour les commandes d'ordinateurs portables et leur attribution aux différents salariés (pièce n°75), qu'il n'était manifestement pas associé aux décisions relatives à la détermination des primes (pièces n°46, 60) ou à la décision d'attribuer un 'super bonus' aux salariés en 2015, décision prise par M. [Y] et faisant l'objet d'une note de service transmise aux directeurs régionaux pour diffusion aux équipes commerciales (pièce n°13).

M. [C] [F] justifie également qu'il était simplement informé des jours de fermeture exceptionnelle des salles de vente décidés par M. [Y] (pièces n°14, 15, 18, 38) et que la direction de l'entreprise lui donnait des instructions (pièces n° 45, 54 et 61) en rappelant, le cas échéant, que le non-respect de ces instructions constituait une faute grave (pièce n°55). Les courriels produits par la direction (pièce n°39) démontrent que M. [C] [F] pouvait proposer des jours de fermeture mais que la décision était prise par M. [Y].

M. [C] [F] justifie enfin que ses résultats commerciaux étaient commentés et critiqués par la direction y compris en cours de mois (pièces n°43, 78, 79, 82).

Il résulte de ces éléments que, si M. [C] [F] disposait d'un certain pouvoir de décision et de proposition en qualité de directeur régional, l'employeur échoue à démontrer qu'il disposait d'une grande indépendance ni qu'il était habilité à prendre des décisions de façon largement autonome, ce qui ne permet pas de le considérer comme un cadre dirigeant au sens de l'article L. 3111-2 du code du travail et sans qu'il soit nécessaire de déterminer si sa rémunération se situait dans les niveaux les plus élevés des systèmes de rémunération pratiqués dans l'entreprise. Le jugement sera par conséquent confirmé sur ce point.

Sur la demande en paiement d'heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

En cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l'espèce, à l'appui de sa demande de rappel d'heures supplémentaires pour les années 2016 et 2017, M. [C] [F] produit un décompte par semaine des heures travaillées duquel il résulte qu'il aurait effectué 1 135,40 heures supplémentaires non rémunérées en 2016 et 658,20 heures en 2017.

La S.A.S. PORCELANOSA FRANCE fait valoir que ce décompte est trop imprécis pour lui permettre de fournir ses propres éléments. Le salarié indique certes dans ses conclusions qu'il a établi pour chaque jour un relevé d'heures à partir de ses agendas mais il ne produit pas le détail de ses heures de travail quotidiennes, sauf pour le mois de juin 2016. Il convient à ce titre de relever que le salarié n'avait manifestement pas l'obligation de respecter des horaires de travail fixes, l'employeur soulignant sans être contredit qu'en sa qualité de directeur régional, M. [C] [F] disposait d'une large autonomie dans l'aménagement de son planning. Il était en outre rémunéré sur la base de 37,50 heures hebdomadaires.

Les autres éléments produits par le salarié, à savoir les attestation établies notamment par d'autres salariés de l'entreprise, lesquels témoignent de sa disponibilité, de son investissement professionnel et de journées de travail pouvant débuter tôt le matin et s'achever tard le soir, les courriels et les justificatifs de trajets professionnels réalisés par le salarié, ne permettent pas davantage à l'employeur de répliquer sur la réalité des heures effectivement travaillées par le salarié.

Au vu de ces éléments, il convient de constater que le salarié ne produit pas d'éléments suffisamment précis pour étayer sa demande de paiement d'heures supplémentaires et pour permettre à l'employeur d'apporter des éléments contraires. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la S.A.S. PORCELANOSA FRANCE à payer à M. [C] [F] les sommes de 122 438,61 euros bruts au titres des heures supplémentaires et du repos compensateur pour l'année 2016, 69 752,68 euros bruts au titre des heures supplémentaires et du repos compensateur pour l'année 2017 ainsi que les sommes de 12 243,87 euros et 6 975,27 euros au titre des congés payés afférents. M. [C] [F] sera par ailleurs débouté de l'ensemble des demandes présentées à ce titre.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la S.A.S. PORCELANOSA FRANCE aux dépens et à verser à M. [C] [F] la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, M. [C] [F] qui à succombe est condamné aux dépens de première instance et d'appel et débouté de ses demandes au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du Code de procédure civile au bénéfice de la société PORCELANOSA FRANCE.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Schiltigheim du 16 avril 2021 en ce qu'il a dit que M. [C] [F] n'a pas le statut de cadre dirigeant ;

INFIRME le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,

DÉBOUTE M. [C] [F] de ses demandes de paiement d'heures supplémentaires, de repos compensateur et des congés payés afférents ;

LAISSE les dépens à la charge de la partie qui les aura exposés ;

REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 26 mai 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Caroline Wallaert, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/02509
Date de la décision : 26/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-26;21.02509 ?
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