La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

26/05/2023 | FRANCE | N°21/01297

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 26 mai 2023, 21/01297


MINUTE N° 273/2023





























Copie exécutoire à



- Me Thierry CAHN



- Me Christine BOUDET



- Me Nadine HEICHELBECH





Le 26 mai 2023



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 26 Mai 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01297 - N° P

ortalis DBVW-V-B7F-HQXO



Décision déférée à la cour : 27 Janvier 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANT et intimé sur incident :



Le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE [Adresse 1] agissant par son syndic l'agence immobilière BAUMANN, prise ...

MINUTE N° 273/2023

Copie exécutoire à

- Me Thierry CAHN

- Me Christine BOUDET

- Me Nadine HEICHELBECH

Le 26 mai 2023

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 26 Mai 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01297 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HQXO

Décision déférée à la cour : 27 Janvier 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANT et intimé sur incident :

Le SYNDICAT DES COPROPRIETAIRES DE LA RESIDENCE [Adresse 1] agissant par son syndic l'agence immobilière BAUMANN, prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 4]

représenté par Me Thierry CAHN, avocat à la cour.

INTIMÉE et appelante sur incident :

La S.A.R.L. CABINET SCHEUER, prise en la personne de son représentant légal.

Ayant son siège social [Adresse 3]

représentée par Me Christine BOUDET, Avocat à la Cour.

INTIMÉE sur appels principal et incident :

La S.A. ALLIANZ, représentée par son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

représenté par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Janvier 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, président de chambre

Madame Myriam DENORT, conseiller

Madame Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCEDURE

Au courant de l'année 1986, Mme [H] [I] [Y] [X] a entrepris des travaux dans l'appartement qu'elle détient au [Adresse 1] en créant une cabine de douche à la suite desquels sont apparus des désordres d'ordre privatif (fissures) qui se sont étendus à l'immeuble.

Le Cabinet Scheuer a procédé à une déclaration de sinistre le 19 septembre 2005 auprès de la compagnie d'assurances AGF, laquelle a classé le dossier en décembre 2006 en l'absence de réclamations malgré relances.

Le 18 juin 2009, la municipalité de [Localité 6] a pris un arrêté de péril ordinaire concernant l'immeuble et le même jour un arrêté portant interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux.

Mme [N] désignée comme expert, par décisions judiciaires successives, a déposé son rapport le 26 janvier 2010.

Le 16 mars 2010, l'assemblée générale des copropriétaires a voté des décisions relatives aux travaux et a donné l'autorisation au syndic, le cabinet Scheuer, d'assigner au fond tous les intervenants locateurs d'ouvrage quels qu'ils soient, architectes, maîtres d'oeuvre, promoteurs, entreprises, assureurs et copropriétaires cités dans le rapport de l'expert Mme [N] et dont la responsabilité pouvait être engagée selon ledit rapport.

Par ordonnance du 28 juin 2011, le tribunal de grande instance de [Localité 6] a constaté que le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « [Adresse 1] était dépourvu de tout syndic et a désigné, pour une durée de trois mois, M. [P] [E] en qualité d'administrateur provisoire de la copropriété.

Lors de l'assemblée générale du 28 septembre 2011, les copropriétaires ont désigné l'agence immobilière Baumann en qualité de syndic à compter du 25 septembre 2011.

Le 22 mars 2012, l'assemblée générale des copropriétaires a validé des devis de travaux et a renouvelé l'autorisation d'ester en justice donnée au syndic, l'agence immobilière Baumann, en visant notamment l'entreprise de travaux de chape et de carrelage, le maître d'oeuvre, le vendeur de l'appartement de Mme [I] [Y] [X] et les compagnies d'assurance concernées.

Par jugement du 27 mai 2015, l'un des copropriétaires, M. [V] [J], a obtenu condamnation du syndicat prise en la personne de son syndic, l'agence immobilière Baumann, à lui verser la somme de 39 000 euros au titre de la privation de l'usage de son bien.

Le 19 avril 2016, l'assemblée générale des copropriétaires a autorisé le syndicat des copropriétaires à agir en justice contre l'ancien syndic, le cabinet Scheuer.

Le 28 décembre 2016, le syndicat des copropriétaires a fait assigner devant le tribunal de grande instance de Strasbourg la Sarl cabinet Scheuer en paiement de dommages et intérêts laquelle a appelé en intervention forcée, par acte du 15 mai 2017, son assureur la SA Allianz IARD dans le cadre d'une instance RG 17/3498 jointe à la présente le 30 janvier 2018.

Par jugement du 27 janvier 2021, le tribunal judiciaire remplaçant le tribunal de grande instance a notamment :

dit prescrite l'action du syndicat du [Adresse 1] à [Localité 6] ;

dit sans objet l'action subsidiaire de la SARL cabinet Scheuer à l'égard de la SA Allianz IARD ;

condamné le syndicat du [Adresse 1] à [Localité 6] aux dépens, sauf ceux de l'appel en intervention forcée laissés à la charge de la SARL cabinet Scheuer ;

débouté les parties de leurs demandes au titre des frais irrépétibles.

Après avoir rappelé les dispositions de l'article 2224 du code civil aux termes duquel les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer et indiqué qu'il importait d'établir la date à laquelle le syndicat avait eu ou aurait dû avoir connaissance des faits dommageables qui sont le support de son action, le tribunal a considéré qu'était établi qu'au moins à la date du rendu du rapport définitif de l'expert judiciaire Mme [N], soit le 26 janvier 2010, le syndicat des copropriétaires, dans un litige entamé d'ailleurs en 2017 à1'initiative de Mme [I] [Y] [X] puis à la sienne propre, avait connaissance des faits dans toute son étendue, à savoir la délimitation des désordres, leurs causes, les positions de l'expert quant aux responsabilités encourues dont celle d'ailleurs du syndic de l'époque, le cabinet Scheuer, et la détermination des remèdes et de leur coût.

Il a ajouté que le syndicat, lors de deux assemblées générales des 16 mars 2010 et 22 mars 2012, avait délivré des autorisations au syndic d'ester pour lui en justice en recherche des responsabilités découlant des faits en question, sans, à ce stade, envisager la mise en cause du cabinet Scheuer alors qu'à la seconde date citée celui-ci n'exerçait plus comme syndic.

Il a souligné que, dans le rapport même de l'expert, la question de 1'action diligente ou non du syndic avait été expressément abordée, Mme [N] s'étant prononcée sur 1'aggravation résultant d'une inaction sur vingt ans depuis les travaux, alors que le syndicat fondait son exposé factuel dans ses conclusions sur 1'inaction du syndic depuis 1999 par référence même au rapport de l'expert et qu'il admettait ainsi que l'information résultait de celui-ci.

Il a indiqué que le jugement ultérieur découlant de l'action individuelle d'un copropriétaire, M. [J], n'était pas de nature à modi'er cette analyse et la question d'un chiffrage ultérieur plus précis des coûts de reprise des travaux était sans emport sur l'analyse développée.

Il en a déduit que l'action du syndicat des copropriétaires était prescrite depuis le 27 janvier 2015 et que l'assignation datant du 28 décembre 2016, la prescription de l'action devait être constatée.

Le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 1] à [Localité 6] a formé appel à l'encontre de ce jugement par voie électronique le 1er mars 2021.

L'instruction a été clôturée le 4 octobre 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 18 novembre 2021, le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 1] à [Localité 6] demande à la cour de :

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 27 janvier 2021 ;

statuant à nouveau :

- déclarer la demande recevable et bien fondée ;

- dire n'y avoir lieu à prescription ;

- condamner la SARL cabinet Scheuer et la SA Allianz IARD à lui payer un montant de 237 309 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts au taux légal à compter de l'assignation ;

- en tant que de besoin, désigner un expert pour chiffrer la part du préjudice imputable au cabinet Scheuer ;

- condamner le cabinet Scheuer et la SA Allianz IARD aux dépens de première instance et d'appel, ainsi qu'à un montant de 6000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour les deux instances ;

- déclarer l'appel incident du cabinet Pierre Scheuer mal fondé ;

- le condamner aux dépens de son appel incident.

Le syndicat des copropriétaires indique que l'assemblée générale des copropriétaires a autorisé l'action en justice à l'encontre du cabinet Scheuer en date du 19 avril 2016, cette assemblée générale n'ayant pas été contestée.

Sur la prescription, rappelant que la jurisprudence, en particulier en matière de responsabilité, considère que la prescription ne peut pas commencer à courir avant que soient réunis la faute, le dommage et le lien de causalité, le syndicat des copropriétaires soutient que la prescription n'est pas acquise.

A cet égard, il fait, tout d'abord, valoir que ce n'est que le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg du 27 mai 2015 qui s'est prononcé sur les griefs qui pouvaient être formulés en particulier à l'encontre du syndic et qui l'a condamné à indemniser un copropriétaire, M. [J], à hauteur de 39 000 euros et de 1500 euros. Il en déduit que la prescription n'a pu courir qu'à compter de cette date et n'était pas acquise à la date de délivrance de l'assignation en 2016, ce d'autant plus, que le préjudice retenu par le tribunal correspondait à la privation de jouissance jusqu'à la fin des travaux réceptionnés en juillet 2013.

Le syndicat des copropriétaires soutient également que les dommages relatifs à l'aggravation des désordres, d'ordre d'abord privatif, chez une copropriétaire en lien avec un bac de douche défaillant puis s'étant étendus à l'immeuble progressivement, et les conséquences sur l'immeuble lui-même, relevant des travaux de copropriété, n'ont pu être chiffrés qu'en fonction de la réalisation des travaux et de leur coût ; or, il est de jurisprudence constante qu'en matière d'action en responsabilité, la prescription ne peut pas courir avant que soient connus les dommages dont il est sollicité réparation soit à la date à laquelle les devis ont été établis et portés à la connaissance de la copropriété qui correspond à l'assemblée générale du 22 mars 2012, les travaux eux-mêmes n'ayant été finalisés et décomptés qu'au début de l'année 2014 et seul le montant définitif des travaux constituant le dommage sur la base duquel il est possible d'agir en responsabilité.

Il soutient que le tribunal ne pouvait considérer que la prescription courrait à compter du rapport définitif d'expertise de Mme [N] du 27 janvier 2010 puisque, si c'est en effet à partir de cette date que le syndic aurait pu commencer à agir, c'est la prolongation de sa carence qui a perduré et qui a été fautive, le constat des conséquences de cette carence ayant permis de procéder à celui des dommages. Il ajoute qu'en tout état de cause, il ne voit pas comment sa condamnation à indemniser un copropriétaire, M. [J] pouvait être connue avant que n'intervienne le jugement du 27 mai 2015, de sorte que sa demande d'indemnisation pour le montant des condamnations résultant de ce jugement ne peut, par nature, être prescrite.

Sur le fond, le syndicat des copropriétaires expose qu'il entend mettre en cause la responsabilité contractuelle du cabinet Scheuer, syndic de la copropriété à la date des faits, compte tenu de ses carences.

Il argue de ce que le syndic est le mandataire du syndicat des copropriétaires et, à ce titre, engage sa responsabilité contractuelle en raison de ses négligences ou des manquements à son devoir de conseil, conformément aux articles 1991, 1992 et 1147 et suivants anciens du code civil (devenus 1231 et suivants du code civil).

Il ajoute qu'en application de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 sur la copropriété, le syndic est, en particulier, chargé d'administrer l'immeuble, de pourvoir à sa conservation, à sa garde et à son entretien, et, en cas d'urgence, de faire procéder de sa propre initiative à l'exécution de tous travaux nécessaires à la sauvegarde de celui-ci.

Le syndicat des copropriétaires précise que l'assemblée générale des copropriétaires a autorisé l'action en justice à l'encontre du cabinet Scheuer, ancien syndic, en date du 19 avril 2016 et a aussi autorisé l'appel contre le jugement de première instance.

Le syndicat des copropriétaires se prévaut de ce que l'existence des désordres initiaux dans l'appartement de Mme [I] [Y] sont apparus progressivement à partir de 1988 et le syndic en a été prévenu en « 199 » [sic] sans prendre d'initiative avant 2005, date à laquelle une déclaration de sinistre a été faite auprès de la compagnie AGF, ce qui est resté sans suites, faute de réaction du syndic, cette absence de réactivité ayant conduit à l'arrêté de péril et à l'arrêté portant interdiction d'habiter et d'utiliser les lieux en date du 18 juin 2009.

Il ajoute qu'à la suite du rapport d'expertise de Mme [N] rendu le 27 janvier 2010, alors même que l'assemblée générale des copropriétaires avait validé la réalisation des travaux tels que définis par l'expert et avait donné pouvoir au syndic pour accepter de signer les offres de prix sur la base d'un prix maximum de 208 735 euros, aucun des travaux validés par l'assemblée générale n'était engagé, aucun appel de fonds n'était demandé par le syndic, cette situation conduisant à la désignation d'un administrateur provisoire du syndicat des copropriétaires avant que soit désigné un nouveau syndic à savoir l'agence immobilière Baumann lequel convoquait une assemblée générale des copropriétaires en mars 2012, pour que soient initiés les travaux et appels de fonds, les travaux étant ensuite entrepris pour s'achever début 2014.

Il argue de ce que c'est la carence du cabinet Scheuer qui a entraîné une aggravation des désordres laquelle avait conduit à l'arrêté de péril et l'évacuation de l'intégralité de l'immeuble, de sorte qu'il doit être indemnisé pour cette aggravation qui a rendu nécessaires les travaux particulièrement importants mis en 'uvre et qui ont représenté un coût de 196 809,70 euros, des montants qu'il a dû payer à M. [V] [J], à hauteur de 39 000 euros et de 1500 euros correspondant à la privation de jouissance de son appartement sur une période de cinquante-deux mois, soit de mars 2009 à juillet 2013, date à laquelle le logement a été à nouveau habitable.

Le syndicat des copropriétaires en tant que de besoin, sollicite la désignation d'un expert pour chiffrer la part du préjudice imputable au cabinet Scheuer, ce qui nécessiterait des investigations techniques s'il était considéré qu'une part des dégâts était inhérente dès l'origine au problème du receveur de douche.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 21 mars 2022, la SAS cabinet Scheuer demande à la cour de :

sur appel principal :

constater le défaut d'habilitation du syndicat des copropriétaires à ester en justice ;

déclarer irrecevable la demande formée par le syndicat des copropriétaires en son syndic ;

confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 27 janvier 2021 ;

subsidiairement :

confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 27 janvier 2021 en ce qu'il a constaté la prescription de l'action dirigée contre elle ;

rejeter l'appel formé ;

en tout état de cause :

dire et juger qu'elle n'a commis strictement aucune faute dans l'exercice de ses fonctions ;

constater qu'il n'existe aucun préjudice subi par le syndicat des copropriétaires du chef du mandat de syndic qu'elle a exercé ;

débouter l'appelant de l'ensemble de ses demandes, fins et conclusions ;

écarter des débats les pièces 5 et 7 du demandeur qui violent l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971 ;

infiniment subsidiairement, en cas d'infirmation du jugement :

dire et juger que la société Allianz, son assureur responsabilité civile, la tiendra quitte et indemne de toute condamnation pouvant être prononcée à son encontre en principal, intérêts, frais et dépens, article 700 du code de procédure civile, au besoin, l'y condamner ;

en tout état de cause :

condamner l'appelant à lui verser une indemnité de 3000 euros, compte tenu de l'abus de droit d'ester en justice, en application de l'article 1240 du code civil ;

le condamner à lui verser une somme de 5000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

le condamner aux entiers frais et dépens de la procédure.

Au soutien de sa demande d'irrecevabilité pour défaut d'autorisation d'ester en justice, la société cabinet Scheuer se prévaut des dispositions des articles 13 et 55 du décret du 17 mars 1967 et considère que la convocation à l'assemblée générale du 19 avril 2016 ne renferme aucune précision, laissant les copropriétaires dans la totale incertitude sur la décision à prendre quant à l'introduction d'une procédure judiciaire, alors même que la décision avait déjà été prise en 2012, de sorte qu'il ne peut être valablement considéré que le syndic ait été autorisé par le syndicat des copropriétaires à introduire la présente procédure.

Sur la prescription, la société cabinet Scheuer entend rappeler que la responsabilité contractuelle et extracontractuelle du syndic est soumise à la prescription quinquennale, conformément aux articles 2224 et 2254 du code civil. Elle précise que le fait générateur de responsabilité a été porté à la connaissance du syndicat des copropriétaires au courant de l'année 2005, dès lors que le syndic avait été alerté par Mme [I] [Y] des désordres constatés dans son appartement, que le délai de prescription a été interrompu par la procédure de référé ayant abouti à l'ordonnance du 21 août 2007, cette ordonnance ayant fait courir un nouveau délai qui s'est achevé le 21 août 2012, de sorte que toute action postérieure est prescrite. Elle ajoute que, pour les besoins du raisonnement, il pourrait être imaginé que les responsabilités ont été précisées par le rapport de l'expert judiciaire le 26 janvier 2010, de sorte que ce serait alors, au plus tard, le rapport de l'expert qui constituerait le point de départ ou de reprise du délai de prescription de l'action du syndicat des copropriétaires. Elle considère comme impossible de faire courir la prescription de l'action en réparation résultant du coût des travaux connus et constatés par voie d'expert en 2010, à compter d'un jugement ayant condamné en 2016 le syndicat à indemniser un copropriétaire en raison de la privation de l'usage de son bien durant les travaux, ce jugement n'ayant eu aucune incidence sur le chiffrage du coût des travaux et l'action individuelle du copropriétaire, M. [J], n'étant pas de nature à modifier l'analyse et donc à retarder le point de départ de la prescription.

Elle souligne que le syndicat des copropriétaires indique, dans ses conclusions justificatives d'appel, que sa demande d'indemnisation ne peut être prescrite, au minimum, pour le montant des condamnations résultant du jugement de 2015, demande subsidiaire qu'elle ne reprend pas dans son dispositif, de sorte que celle-ci doit être déclarée irrecevable en application de l'article 566 du code de procédure civile.

S'agissant du chiffrage exact du préjudice invoqué par le syndicat des copropriétaires comme point de départ du délai de prescription, elle relève que ce chiffrage n'a eu de cesse d'évoluer, le préjudice étant certain dès le rapport d'expertise du 26 janvier 2010.

Sur le fond, la société cabinet Scheuer soutient que le syndicat des copropriétaires ne démontre pas sa faute et son absence de diligences, l'expert, Mme [N], ayant conclu, dans son rapport, à l'inexistence de tout élément permettant de conclure à sa responsabilité.

Elle fait état de ce que rien ne permet d'affirmer que, si Mme [I] [Y] avait informé le syndic en 1988, les troubles dans l'immeuble auraient été évités.

Elle conteste ne pas avoir instruit le dossier après avoir déclaré le sinistre en 2005 auprès des AGF qui a été amenée à classer le dossier faute de doléances de Mme [I] [Y].

Elle souligne qu'elle a missionné l'institut [5] structure en août 2005 et que, sur la base de ses conclusions, elle a introduit une requête visant à la désignation d'un expert judiciaire, puis compte tenu de la gravité des désordres, a saisi la ville d'une demande tendant au prononcé d'un arrêté de péril sur l'immeuble. Elle précise avoir lancé des appels d'offres, avoir fait débuter les travaux dès la perception des premiers acomptes perçus.

Elle s'étonne que le syndicat des copropriétaires se fonde sur des courriers échangés confidentiellement entre un avocat et son client pour rechercher sa responsabilité, la production des pièces n°5 et n°7 étant contraire aux règles et usages de la profession dans la mesure où les courriers entre un avocat et son client sont confidentiels au visa de l'article 66-5 de la loi du 31 décembre 1971.

S'agissant de M. [J], elle argue de ce que, c'est le syndic Baumann qui a commis une faute puisqu'il a violé ses obligations légales d'inscrire les questions demandées à l'ordre du jour, ce qui a conduit à son assignation et à sa condamnation par le tribunal.

La société Cabinet Scheuer indique encore qu'elle n'est pas responsable des travaux qui résulteraient d'une aggravation des désordres et encore moins de l'ensemble des travaux qui ont dû être effectués dans l'immeuble au regard du rapport de l'expert.

La société cabinet Scheuer s'oppose à la demande d'expertise faisant valoir que cette demande est peu détaillée et apparaît irrecevable car formée au fond et non devant le conseiller de la mise en état.

Sur l'appel incident, la société cabinet Scheuer expose qu'ayant souscrit un contrat de responsabilité civile professionnelle « garantie 1ère ligne » sur les différentes options de garantie proposées par Allianz, cette dernière doit la garantir de toute condamnation pouvant être prononcée contre elle en principal, intérêts, frais et accessoires.

Elle conteste que la clause d'exclusion de garantie mentionnée à l'article 1.4 des conditions générales de vente s'applique, à défaut pour la compagnie d'assurance de démontrer que la clause d'exclusion qu'elle invoque a été portée à sa connaissance en l'absence de signature ou de reconnaissance expresse des conditions générales de vente. Elle souligne que si le contrat d'assurance groupe porte mention des conditions générales n° 44.197.303 dont se prévaut Allianz, tel n'est pas le cas du bulletin d'adhésion qu'il a signé.

Elle soutient encore que la compagnie d'assurance ne peut se prévaloir de la clause d'exclusion, les responsabilités concernées par la clause d'exclusion étant celles évoquées par les articles 1792, 1792-6 et 2270 du code civil qui ont exclusivement vocation à s'appliquer aux constructeurs d'ouvrage, à savoir les garanties décennales et de parfait achèvement alors que la procédure introduite par le syndicat des copropriétaires ne vise pas ses activités au titre d'actes qui auraient été exercés en sa qualité de maître d''uvre ou de constructeur mais sa prétendue carence dans la mise en 'uvre des actions visant à remédier aux désordres dans l'immeuble autrement dit une prétendue carence dans l'exercice de ses fonctions de syndic de copropriété au visa de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965.

La société cabinet Scheuer indique qu'aucune mention n'est faite au contrat d'assurance quant au fait que le mandat du syndic des copropriétaires doit être signé pour être couvert par l'assurance souscrite et que les fautes qui lui sont reprochées se rapportent à la période précédant l'année 2010 et non celle très courte se situant entre 2010 et 2011 où le mandat a été involontairement exercé en vertu d'un mandat de syndic non signé de sorte que la couverture d'assurance doit trouver à s'appliquer durant la période concernée.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 16 mars 2022, la société Allianz IARD demande à la cour de :

confirmer le jugement ;

en tout état de cause :

débouter le syndicat de copropriétaires de ses demandes ;

très subsidiairement, débouter le cabinet Scheuer de sa demande de garantie formée à son encontre ;

condamner le syndicat des copropriétaires à lui payer une indemnité de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

le condamner aux entiers frais et dépens.

Au soutien de ses prétentions, la société Allianz IARD expose que le chiffrage définitif des travaux importe peu, soulignant qu'au demeurant, l'expert, Mme [N], avait effectué un chiffrage en 2010.

Sur la faute reprochée au cabinet Scheuer d'avoir aggravé les désordres par son inaction, depuis 1999 à tout le moins depuis 2005, elle indique que ce n'est pas avec le jugement de 2015 concernant M. [J] que le syndicat des copropriétaires a connu les faits lui permettant d'exercer l'action puisque dès 2009, le conseil de la copropriété écrivait au cabinet Scheuer pour se plaindre de sa carence.

Sur le fond, la société Allianz IARD fait valoir que le cabinet Scheuer n'est pas le responsable des désordres, tel que cela résulte du rapport de l'expert, Mme [N], soulignant que ce dernier n'a pas insuffisamment agi puisqu'il n'a cessé de le faire dans l'intérêt du syndicat des copropriétaires.

La compagnie Allianz indique s'associer pleinement aux observations formulées par le cabinet Scheuer, relativement à l'inexistence d'une quelconque responsabilité de sa part dans cette affaire.

Sur sa garantie, la société Allianz considère qu'elle ne peut être mobilisée, en raison de l'existence d'une clause d`exclusion de garantie figurant dans les conditions générales (1.4. : risques exclus), seule le nature des dommages déterminant l'application de cette clause ; or, les dommages de construction ne sont pas garantis par la police.

Elle ajoute que l'assurance n'a pas vocation à garantir l'activité d'un syndic de fait, de sorte que, au moins pour une partie de la période d'inaction reprochée, la garantie n'est pas acquise.

Elle considère que la clause d'exclusion de garantie est tout à fait opposable à la société cabinet Scheuer.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

La SAS Cabinet Scheuer formule une demande tendant à ce que la cour fasse des constatations.

Considération prise de ce que la réclamation tendant à voir constater ne s'analyse pas comme une prétention mais comme un moyen, la cour n'ayant pas à procéder à des constats mais à dire le droit en vue de trancher des litiges, il n'y a pas lieu de statuer sur cette réclamation.

Sur les fins de non-recevoir

Sur le défaut de qualité à agir du syndic

S'il est vrai que la convocation à l'assemblée générale du 19 avril 2016 n'est pas satisfaisante en ce qu'elle ne précise pas au point 13 de l'ordre du jour contre qui il est prévu de prendre une décision de mise en place d'une procédure judiciaire, force est de constater que la décision de l'assemblée générale portant sur ce point n'a été ni contestée, ni annulée.

Aux termes de l'assemblée générale le 19 avril 2016, a été abordée la question n°13 de l'ordre du jour « Décision à prendre concernant la mise en place d'une procédure judiciaire à l'encontre du cabinet Scheuer » et a été prise, la décision d'entamer une procédure judiciaire à l'encontre dudit cabinet, de sorte que le syndic a qualité à agir pour le compte du syndicat des copropriétaires.

Cette fin de non-recevoir est donc rejetée.

Sur la prescription

Aux termes des dispositions de l'article 2224 du code civil, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, les actions personnelles ou mobilières se prescrivent par cinq ans à compter du jour où le titulaire d'un droit a connu ou aurait dû connaître les faits lui permettant de l'exercer.

Le rapport déposé le 26 janvier 2010 par Mme [N], expert judiciaire a mis en évidence que :

- les désordres sur le plancher bas du logement de Mme [I] [Y] [X] résultaient de l'action de la mérule, dégradant les solives et une poutre principale, ainsi que d'un sous-dimensionnement des poutres sous le plancher ;

- les désordres sur le mur en pan de bois à colombages entre la cage d'escalier et les logements consistaient en un affaissement causé par la dégradation du plancher, et alors que le pan de bois était fortement dégradé par le capricorne ;

- l'absence de toute étude de structure relativement à la charge pesant sur le plancher, cette défaillance du concepteur et du constructeur de la douche causant la dégradation du plancher et à tout le moins l'aggravant ;

- l'impossibilité de déterminer une défaillance d'entretien des joints de la douche de Mme [I] [Y] [X];

- le caractère très probablement préjudiciable du temps écoulé entre l'apparition des premiers désordres et le début des investigations.

Le 16 mars 2010, l'assemblée générale des copropriétaires a voté des décisions relatives aux travaux et a donné l'autorisation au syndic, le cabinet Scheuer, d'assigner au fond tous les intervenants locateurs d'ouvrage quels qu'ils soient, architectes, maîtres d'oeuvre, promoteurs, entreprises, assureurs et copropriétaires cités dans le rapport de l'expert Mme [N] et dont la responsabilité pouvait être engagée selon ledit rapport.

Il est constant que le cabinet Scheuer n'a pas donné suites à cette résolution puisqu'il n'a pas procédé, malgré la résolution votée lors de l'assemblée générale, aux assignations à l'égard des intervenants cités dans le rapport de l'expert pour voir statuer sur les responsabilités et sauvegarder les intérêts de la copropriété, cette négligence permettant d'engager la responsabilité dudit cabinet.

Il convient de déterminer à quelle date, le syndicat des copropriétaires a connu ou aurait dû connaître l'absence de diligences du cabinet Scheuer pour procéder aux assignations.

L'analyse du courrier du 9 août 2011 adressé par le cabinet Scheuer aux copropriétaires permet de constater que le mandat de syndic de ce dernier n'a pas été dûment renouvelé à la date de son échéance, notamment lors de l'assemblée générale du 16 mars 2010, de sorte que celui-ci a continué à agir dans les conditions d'un mandat de fait.

Ce n'est qu'à la fin de ce mandat que la négligence du cabinet Scheuer s'est révélée, seul l'organe représentant le syndicat des copropriétaires étant à même de le constater et de réagir, en l'occurrence, M. [P] [E] désigné comme administrateur provisoire de la copropriété et ce, à compter du 28 juin 2011, date de sa désignation par ordonnance du tribunal de grande instance de Strasbourg.

Le syndicat des copropriétaires bénéficiait donc d'un délai de cinq ans à compter du 28 juin 2011 pour agir soit jusqu'au 28 juin 2016.

Force est de constater que ledit syndicat a assigné le cabinet Scheuer le 28 décembre 2016, soit au-delà, de sorte que la prescription est acquise et que la demande du syndicat est irrecevable.

Le jugement entrepris est donc confirmé de ce chef.

Sur la demande de dommages et intérêts de la société Cabinet Scheuer

L'abus de droit d'ester en justice reproché au syndicat des copropriétaires n'étant pas démontré, la demande de dommages et intérêts de la société Cabinet Scheuer est rejetée.

Sur les dépens et les frais de procédure

Le jugement entrepris est confirmé de ces chefs.

A hauteur d'appel, le syndicat des copropriétaires est condamné aux dépens ainsi qu'à payer, au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à la société Cabinet Scheuer et à la société Allianz IARD, la somme de 1500 euros pour chacun.

Le syndicat des copropriétaires est débouté de sa demande formulée sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

REJETTE la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité à agir du syndic, l'agence immobilière Baumann ;

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 27 janvier 2021;

Y ajoutant :

DÉBOUTE la SARL Cabinet Scheuer de sa demande de dommages et intérêts pour procédure abusive ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 1] aux dépens de la procédure d'appel ;

CONDAMNE le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 1] à payer à la SARL Cabinet Scheuer et à la SA Allianz IARD, la somme de 1500 (mille cinq cents) euros pour chacun au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour leurs frais de procédure exposés à hauteur d'appel ;

DÉBOUTE le syndicat des copropriétaires de la résidence [Adresse 1] de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

La greffière, Le président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/01297
Date de la décision : 26/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-26;21.01297 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award