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26/05/2023 | FRANCE | N°21/00352

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 26 mai 2023, 21/00352


MINUTE N° 278/2023

























Copie exécutoire à



- Me Laurence FRICK



- Me Claus WIESEL





Le 26 mai 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT MIXTE DU 26 MAI 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00352 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HPEE



Décision d

éférée à la cour : 20 novembre 2020 par le tribunal judiciaire à compétence commerciale de STRASBOURG





APPELANTE :



La S.A.S. PONTIGGIA

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 4] à [Localité 3]



représentée par Me ...

MINUTE N° 278/2023

Copie exécutoire à

- Me Laurence FRICK

- Me Claus WIESEL

Le 26 mai 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT MIXTE DU 26 MAI 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00352 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HPEE

Décision déférée à la cour : 20 novembre 2020 par le tribunal judiciaire à compétence commerciale de STRASBOURG

APPELANTE :

La S.A.S. PONTIGGIA

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 4] à [Localité 3]

représentée par Me Laurence FRICK, Avocat à la cour

INTIMÉE :

La S.A.S. ARCO

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1] à [Localité 2]

représentée par Me Claus WIESEL, Avocat à la cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 907 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 décembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre, et Madame Myiam DENORT, conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Dominique DONATH faisant fonction

ARRÊT mixte contradictoire

- prononcé publiquement, après prorogation le 14 avril 2023, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente, et Madame Sylvie SCHIRMANN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

2

FAITS et PROCÉDURE

Par un contrat de construction du 24 octobre 2012, la SCI Rheingold a confié à la SAS Arco, en qualité de contractant général, la réalisation de travaux de construction de locaux sur le site du « Club des marques » à [Localité 5] (67). Cette société a sous-traité la réalisation des travaux du lot n°2 VRD à la société TP Simon, qui les a elle-même sous-traités à la SAS Pontiggia.

Invoquant l'absence de règlement des travaux qui lui avaient été confiés par la société TP Simon, laquelle avait, entre-temps, fait l'objet de l'ouverture d'une liquidation judiciaire, la société Pontiggia a fait assigner la société Arco devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Strasbourg en novembre 2017, afin d'obtenir le règlement des travaux qui lui avaient été confiés.

Considérant alors la société Arco comme le maître de l'ouvrage, la société Pontiggia a en effet exercé à son encontre l'action directe du sous-traitant à l'égard du maître de l'ouvrage, fondant subsidiairement son action sur la responsabilité délictuelle.

Par un jugement du 20 novembre 2020, la chambre commerciale du tribunal, devenu le tribunal judiciaire de Strasbourg, a rejeté l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens, disant n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile et, par ailleurs, rappelant l'exécution provisoire de droit de ce jugement.

Le tribunal a indiqué qu'il ressortait des pièces versées aux débats que la société Arco était l'entrepreneur principal, le maître de l'ouvrage étant la SCI Rheingold. De plus, la société Arco avait complètement désintéressé son sous-traitant, la société TP Simon, par l'entremise de son liquidateur. Alors que la société Pontiggia fondait son action directe à l'encontre de la société Arco sur la théorie de l'apparence, au motif que cette dernière s'était toujours comportée comme le maître d'ouvrage, le tribunal a relevé que ces allégations n'étaient démontrées par aucune des pièces versées aux débats et qu'il n'était pas démontré que la défenderesse ait entretenu une confusion sur sa qualité.

Le tribunal a également considéré que la mention « suite à notre discussion, accord sur 15 000 euros hors-taxes », résultant d'un échange de courriels entre les parties ne pouvait valoir reconnaissance expresse, par la société Arco, de la créance alléguée par la société Pontiggia, en l'absence de précision sur la facture et les travaux concernés.

Sur l'action en responsabilité délictuelle engagée au motif que la société Arco n'avait pas fait procéder à l'acceptation du sous-traitant de second rang, dont elle connaissait l'intervention sur le chantier, le tribunal a relevé que les dispositions légales invoquées, tirées des articles 3 et 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, ne s'appliquaient qu'au maître de l'ouvrage et non à l'entrepreneur principal.

Il a précisé que la société Arco n'était pas davantage l'entrepreneur principal au regard de la société Pontiggia, l'article 2 de la même loi énonçant que le sous-traitant était considéré comme entrepreneur principal à l'égard de ses propres sous-traitants, ce dont il résultait que c'était la société TP Simon qui aurait dû faire agréer la société Pontiggia, sous-traitant de second rang.

La société Pontiggia a interjeté appel de ce jugement le 24 décembre 2020.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 5 avril 2022.

3

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 28 mars 2022, la société Pontiggia sollicite que son appel soit déclaré recevable, que le jugement entrepris soit infirmé en toutes ses dispositions et que la cour, statuant à nouveau :

- Avant-dire droit, fasse injonction à la société Arco de justifier des paiements reçus par ses soins de la SCI Rheingold et de leurs dates, ainsi que du marché et le cas échéant des avenants au marché,

- au fond, condamne la société Arco à lui payer la somme de 41 400 euros TTC augmentée des intérêts au taux légal à compter du 22 juillet 2016, subsidiairement à compter du 21 décembre 2016, très subsidiairement du 16 mai 2017, plus subsidiairement à compter du jour de délivrance de l'assignation devant le tribunal de grande instance de Strasbourg,

- condamne la société Arco à lui payer la somme de 1 500 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- déboute la société Arco de l'intégralité de ses prétentions, et la condamne à payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des procédures de première instance et d'appel, ainsi qu'en tous les dépens des procédures de première instance et d'appel.

La société Pontiggia soutient être intervenue en qualité de sous-traitant de la société TP Simon, entrepreneur principal, qui l'a laissée comprendre qu'il avait passé un marché privé pour la pose d'enrobé avec la société Arco, maître de l'ouvrage, ce que cette dernière n'avait jamais démenti ou corrigé.

Rappelant les dispositions de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance, la société Pontiggia fait valoir que :

- elle a respecté les conditions de l'action directe édictées par ce texte en mettant en demeure le liquidateur judiciaire de la société TP Simon de s'acquitter du paiement des travaux par une lettre recommandée avec avis de réception du 21 décembre 2016, la déclaration de sa créance au passif de l'entrepreneur principal en liquidation ne constituant pas une condition de mise en 'uvre de cette action directe,

- elle a adressé des mises en demeure à la société Arco en la considérant comme le maître de l'ouvrage, et cette dernière, qui n'y a pas répondu, n'a pas démenti cette qualité,

- l'acceptation du sous-traitant peut être exprimée tacitement,

- dans les cas où l'acceptation tacite est écartée, l'action directe est cependant ouverte, selon la jurisprudence, lorsque le maître de l'ouvrage n'a pas respecté l'obligation que lui impose l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975 de vérifier que le sous-traitant a bien été soumis à son agrément, ou lorsqu'il n'a pas protesté à la réception de la copie de la mise en demeure que lui a adressée le sous-traitant désirant exercer l'action directe, ces deux conditions étant remplies en l'espèce,

- elle a facturé ses travaux le 26 février 2014 à la société Arco, maître de l'ouvrage de fait, ignorant totalement l'existence de la SCI Rheingold.

À titre subsidiaire, elle se prévaut de la théorie de l'apparence, la société Arco s'étant toujours comportée comme le maître de l'ouvrage et elle-même ayant ignoré que cette dernière était entrepreneur principal dans le contrat de sous-traitance qu'elle avait conclu avec la société TP Simon.

4

Elle reproche à l'intimée, qui connaissait son intervention, de ne pas l'avoir révélée à la SCI Rheingold pour la faire accepter, ainsi que ses conditions de paiement, cette abstention étant fautive dans la mesure où elle aurait pu s'adresser immédiatement à la SCI Rheingold si elle avait su que celle-ci était le maître de l'ouvrage.

Elle lui reproche également d'avoir entretenu la confusion sur sa qualité de maître de l'ouvrage, évoquant un courriel explicite sur la détermination du chantier, par lequel celle-ci avait répondu le 29 juillet 2015 « suite à notre discussion, accord sur 15 000 HT ».

Enfin, elle affirme que, selon la Cour de cassation, le sous-traitant de second rang peut initier une action directe contre l'entrepreneur principal lorsque le véritable maître de l'ouvrage n'est pas identifié.

A titre subsidiaire, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, la société Pontiggia reproche à la société Arco :

- de n'avoir pas mis en demeure la société TP Simon de s'acquitter de ses obligations de la faire accepter et de faire agréer ses conditions de paiement,

- d'avoir refusé de la régler en gardant le silence, alors qu'elle avait reconnu lui devoir a minima la somme de 15 000 euros HT par le courriel du 20 juillet 2015,

- de s'être abstenue, en sa qualité d'entrepreneur principal, de demander l'acceptation du sous-traitant de second rang qu'elle était, alors qu'elle était informée de son intervention sur le chantier,

- d'avoir entretenu la confusion en ne lui révélant qu'au cours de la première instance l'existence de la SCI Rheingold en qualité de maître de l'ouvrage, alors qu'elle savait depuis des années que la société Pontiggia la considérait comme le maître de l'ouvrage ;

Ce faisant, la société Arco a voulu préserver sa propre rémunération par le maître de l'ouvrage, mais son comportement fautif a eu pour conséquence de lui faire perdre le droit d'exercer toute éventuelle action directe à l'encontre de la SCI Rheingold et ainsi de recouvrer sa créance auprès du véritable maître de l'ouvrage.

La société Arco n'a révélé sa qualité d'entreprise principale et non pas de maître de l'ouvrage qu'après avoir perçu de ce dernier tous les montants lui revenant, rendant vain l'éventuel recours de la société Pontiggia contre lui. C'est pourquoi l'appelante sollicite que l'intimée justifie des paiements reçus ainsi que de leur date, en justifiant que les montants payés correspondent à sa rémunération totale.

A titre subsidiaire, elle invoque une perte de chance de pouvoir être payée.

Par ailleurs, elle soutient que le comportement de la société Arco relève de la résistance abusive, si ce n'est même de l'intention de nuire, en ayant conservé un mutisme dolosif jusqu'à ses premières conclusions devant le tribunal.

Elle ajoute que c'est à l'entrepreneur de faire accepter le sous-traitant par le maître de l'ouvrage.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 31 janvier 2022, la société Arco sollicite :

- à titre principal le rejet de l'intégralité des demandes de la société Pontiggia et, en conséquence, la confirmation du jugement déféré,

- à titre infiniment subsidiaire, que la condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre soit limitée au montant hors taxes des demandes de la société Pontiggia,

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- en tout état de cause, la condamnation de la société Pontiggia aux entiers frais et dépens ainsi qu'à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Arco précise avoir réglé à la société TP Simon, son sous-traitant, la totalité des sommes qu'elle lui devait, ayant adressé le solde au liquidateur judiciaire de cette dernière après avoir été assignée à cette fin devant le tribunal de grande instance de Strasbourg.

Sur l'action directe de la société Pontiggia, elle fait valoir que :

- cette dernière n'est ouverte qu'à l'encontre du maître de l'ouvrage et qu'elle n'a pas cette qualité,

- la sous-traitance en chaîne n'a pas pour effet de donner la qualité de maître de l'ouvrage à l'entreprise principale du sous-traitant de premier rang au profit du sous-traitant de second rang,

- les obligations du maître de l'ouvrage sont limitées à ce qu'il doit encore à l'entrepreneur principal à la date de réception de la copie de la mise en demeure prévue à l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975 ; or elle-même avait réglé le solde du marché de son sous-traitant au 15 octobre 2015, alors que la première mise en demeure de la société Pontiggia ne lui a été adressée, et par erreur, que le 22 juillet 2016,

- elle n'a jamais entretenu de flou sur sa qualité, ayant demandé à la société Pontiggia sur quel fondement juridique elle s'estimait fondée à solliciter un règlement libellé à l'ordre de la société TP Simon, puis précisé dans ses premières conclusions de première instance que le maître de l'ouvrage était la SCI Rheingold et en ayant justifié ; à cette date, la société Pontiggia pouvait exercer l'action directe à l'encontre de la SCI Rheingold, son action n'étant nullement prescrite,

- la société Pontiggia tente de masquer ses propres carences, n'ayant pas régularisé un contrat de sous-traitance en bonne et due forme avec l'entreprise principale, ayant renoncé à exiger de la société TP Simon d'être agréée par le maître de l'ouvrage et de solliciter que le paiement de ses travaux soit garanti par une caution personnelle et solidaire (article 14-1).

Sur la mise en cause de sa responsabilité délictuelle, la société Arco fait valoir que, selon une jurisprudence établie depuis 1987, l'entreprise principale n'a pas à faire agréer le sous-traitant de second rang, cette obligation revenant au seul sous-traitant de premier rang.

De plus, elle conteste que cette absence de présentation au maître de l'ouvrage ait causé un préjudice à l'appelante qui disposait, depuis 2018, de tous les éléments pour former sa demande à l'encontre du maître de l'ouvrage.

Elle ajoute qu'elle-même avait réglé à la société TP Simon l'intégralité des sommes lui revenant en octobre 2015 et ne pouvait savoir alors que cette dernière n'avait pas réglé ses factures à la société Pontiggia. Or, la première mise en demeure de cette dernière lui a été adressée en juillet 2016, si bien qu'elle n'a commis aucune faute en procédant au règlement des sommes dues à son sous-traitant, précisant qu'elle faisait l'objet d'une procédure judiciaire à cette fin.

Contestant tout lien de causalité entre une prétendue faute et le préjudice de la société Pontiggia, la société Arco soutient ne pas avoir à supporter les conséquences des carences de la société Pontiggia, ajoutant à celles précédemment évoquées que l'appelante n'a pas déclaré sa créance, dans le cadre de la liquidation judiciaire de la société TP Simon, et n'a effectué aucune démarche auprès de cette dernière entre l'émission de sa facture et la mise en demeure de règlement adressée le 21 décembre 2016 à son liquidateur.

Enfin, à titre infiniment subsidiaire, sur le quantum des demandes, la société Arco précise que la société Pontiggia est une société commerciale assujettie à la TVA qui ne représente donc pas un poste de préjudice pour elle, ses demandes devant être ramenées au montant hors taxes.

6

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

MOTIFS

I ' Sur la demande présentée au titre de l'action directe

Les dispositions de l'article 12 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 ouvrent au sous-traitant une action directe contre le maître de l'ouvrage si l'entrepreneur principal ne paie pas, un mois après en avoir été mis en demeure, les sommes qui lui sont dues en vertu du contrat de sous-traitance, cette action directe subsistant même si l'entrepreneur principal est en état de liquidation des biens.

Cependant, de telles dispositions ne peuvent s'appliquer, s'agissant de l'action de la société Pontiggia à l'encontre de la société Arco, dans la mesure où cette dernière n'a pas qualité de maître de l'ouvrage mais de contractant général, s'agissant des travaux en cause. Il est en effet acquis aux débats qu'en cette dernière qualité, elle a sous-traité les travaux de pose d'enrobé en cause à la société TP Simon, qui les a elle-même sous-traités à l'appelante.

De plus, si, en application de l'article 2 de la même loi, le sous-traitant est considéré comme entrepreneur principal à l'égard du sous-traitant de second rang, ces dispositions ne font pas pour autant prendre à l'entrepreneur principal initial la qualité de maître de l'ouvrage à l'égard de ce sous-traitant de second rang.

C'est pourquoi le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société Pontiggia à l'encontre de la société Arco sur le fondement de l'action directe exercée en application des dispositions de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975 rappelées ci-dessus.

II- Sur la demande fondée sur la responsabilité civile délictuelle

Il est constant qu'au vu de la défaillance de la société TP Simon, dont elle était la sous-traitante dans le cadre des travaux en cause, la société Pontiggia a réclamé le paiement de ses travaux à la société Arco.

Or, il résulte des termes du courriel adressé par le représentant de la société Pontiggia à celui de l'intimée le 2 octobre 2014, puis de la lettre recommandée avec avis de réception de son conseil du 22 juillet 2016, que l'appelante a entendu se prévaloir de l'action directe du sous-traitant contre le maître de l'ouvrage pour obtenir de la société Arco le règlement de ses travaux. En effet, elle a écrit dans son courriel « Conformément à la réglementation sur la sous-traitance, nous vous demandons de nous payer directement la facture jointe » et, dans la lettre recommandée du 22 juillet 2016, faisant référence à ce courriel, le conseil de la société Pontiggia a clairement invoqué la qualité de maître de l'ouvrage de la société Arco, auprès de laquelle elle sollicitait le paiement de ses honoraires, en sa qualité de sous-traitante de la société TP Simon, défaillante.

Suite à une brève réponse du conseil de la société Arco du 27 juillet 2016 sollicitant des précisions complémentaires, le conseil de la société Pontiggia a, dans une lettre transmise par courrier électronique du 22 août 2016, fait à nouveau très clairement état de la qualité de maître de l'ouvrage de l'intimée.

Or, la société Arco avait proposé par courriel du 29 juillet 2015, en réponse à c elui du 2 octobre 2014, le règlement de la somme de 15 000 euros HT, ce qui ne pouvait que continuer à entretenir, chez la société Pontiggia, la conviction de ce qu'elle était bien le maître de l'ouvrage pour les travaux en cause.

7

Puis, après la lettre du 27 juillet 2016, elle n'a plus jamais répondu aux relances de l'appelante et notamment à celles du 3 octobre 2016, du 21 décembre 2016, du 21 décembre 2016, et y compris à sa sommation de payer du 12 mai 2017. Elle n'a jamais démenti la croyance erronée de la société Pontiggia concernant sa qualité de maître de l'ouvrage avant ses conclusions du 15 février 2018, déposées dans le cadre de l'instance en paiement introduite par cette dernière devant le tribunal de grande instance de Strasbourg. Ce n'est que dans ces écritures que, révélant qu'elle n'était pas le maître de l'ouvrage mais le contractant général, elle a mentionné l'identité du maître de l'ouvrage, à savoir la SCI Rheingold.

De plus, tant le courriel du 2 octobre 2014 que les lettres recommandées du 22 juillet 2016 et du 12 mai 2017 de la société Pontiggia faisaient précisément état du chantier en cause, si bien qu'aucune confusion avec un autre chantier n'a pu être intervenir de la part de la société Arco, concernant les travaux dont le paiement était réclamé par la société Pontiggia, qui a toujours mentionné tout aussi clairement le nom de l'entrepreneur dont elle avait été la sous-traitante pour les travaux en cause.

Il en résulte que c'est sciemment, en connaissance des conséquences de son attitude pour la société Pontiggia, que la société Arco a maintenu cette dernière dans l'erreur qui était la sienne concernant sa qualité et, de la sorte, dans l'ignorance du nom du véritable maître de l'ouvrage. Ce faisant, elle l'a en effet privée du droit de pouvoir exercer en temps utile son action directe de sous-traitant contre le véritable maître de l'ouvrage et elle l'a privée d'une chance d'être réglée par ce dernier du montant de ses travaux, en lieu et place de la société TP Simon, défaillante.

Il peut être observé que, si l'appelante n'a adressé une mise en demeure au liquidateur judiciaire de la société TP Simon que le 21 décembre 2016, elle aurait pu effectuer cette démarche plus tôt dans le but d'exercer son action directe contre le véritable maître de l'ouvrage, si elle avait su que ce dernier n'était pas la société Arco.

Cependant, l'article 13, alinéa 2 de la loi du 31 décembre 2016 énonce que les obligations du maître de l'ouvrage sont limitées à ce qu'il doit encore à l'entrepreneur principal à la date de la réception de la copie de la mise en demeure prévue à l'article précédent.

Dès lors, le préjudice causé par la faute de la société Arco à la société Pontiggia ne peut s'apprécier qu'en connaissant le montant des prestations qui restait dû par le maître de l'ouvrage à la société Arco lors de la réception, par cette dernière, de la lettre recommandée avec avis de réception du 22 juillet 2016, qui est la date à compter de laquelle, si la société Arco l'avait informée de sa qualité et de l'identité du maître d'oeuvre, la société Pontiggia aurait pu elle-même adresser la mise en demeure prévue à la société TP Simon, représentée par son liquidateur.

C'est pourquoi, s'il convient d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande de la société Pontiggia fondée sur la responsabilité civile délictuelle, il y a lieu de déclarer la société Arco responsable du préjudice subi par la société Pontiggia pour l'avoir maintenue dans l'ignorance de sa qualité d'entrepreneur principal et de l'identité du maître de l'ouvrage et d'ordonner la réouverture des débats avant de pouvoir statuer sur cette demande et de solliciter de l'intimée, justificatifs à l'appui, d'indiquer précisément ce montant, qui correspond à celui que la SCI Reinhold lui a réglé postérieurement à cette date.

Dans l'attente, il sera sursis à statuer sur la demande de l'appelante et les dépens, ainsi que l'application éventuelle de l'article 700 du code de procédure civile, seront réservés.

8

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu contradictoirement, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement rendu entre les parties par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 20 novembre 2020 en ce qu'il a rejeté la demande de la société Pontiggia présentée contre la société Arco sur le fondement de l'action directe du sous-traitant dirigée contre le maître de l'ouvrage et L'INFIRME en ce qu'il a rejeté sa demande fondée sur la responsabilité délictuelle,

DÉCLARE la société Arco responsable du préjudice subi par la société Pontiggia pour l'avoir maintenue dans l'ignorance de sa qualité d'entrepreneur principal et de l'identité du maître de l'ouvrage ;

RÉSERVE à STATUER sur le préjudice et sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive ;

ORDONNE la réouverture des débats ainsi que la révocation de l'ordonnance de clôture,

INVITE la société Arco à justifier du montant des prestations qui lui avait été réglé et de celui qui lui restait dû par la SCI Rheingold, au titre du chantier du Club des marques, à [Localité 5], lors de la réception de la lettre recommandée avec avis de réception du conseil de la société Pontiggia du 22 juillet 2016,

RÉSERVE les dépens et l'application éventuelle de l'article 700 du code de procédure civile ;

RENVOIE l'affaire à l'audience de mise en état du 3 octobre 2023.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/00352
Date de la décision : 26/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-26;21.00352 ?
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