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25/05/2023 | FRANCE | N°21/00326

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 25 mai 2023, 21/00326


MINUTE N° 269/2023





























Copie exécutoire à



- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI



- Me Pégah HOSSEINI SARADJEH



- la SELARL ACVF Associés





Le 25 mai 2023



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 25 MAI 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2

A N° RG 21/00326 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HPDC



Décision déférée à la cour : 04 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTE :



La S.A. ALLIANZ IARD, représentée par son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 8] à [Localité 7]



...

MINUTE N° 269/2023

Copie exécutoire à

- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI

- Me Pégah HOSSEINI SARADJEH

- la SELARL ACVF Associés

Le 25 mai 2023

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 25 MAI 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00326 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HPDC

Décision déférée à la cour : 04 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

La S.A. ALLIANZ IARD, représentée par son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 8] à [Localité 7]

représentée par la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me KAPPLER, avocat à Strasbourg.

INTIMÉES et appelantes sur incident :

1/ La Société HL SPRL, société de droit étranger, prise en la personne de son représentant légal.,

ayant son siège social [Adresse 10] à [Localité 4] (BELGIQUE)

2/ La Société P&V ASSURANCES, société de droit étranger, prise en la personne de son représentant légal.

ayant son siège social [Adresse 3] à [Localité 2] (BELGIQUE)

1 & 2/ représentées par Me Pégah HOSSEINI SARADJEH, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me BALBZIOUI, avocat à Strasbourg.

INTIMÉE et appelée en déclaration d'arrêt commun :

3/ L'association BUREAU CENTRAL FRANCAIS, association déclarée, prise en la personne de son représentant légal.

ayant siège social [Adresse 1]

représentée par Me Pégah HOSSEINI SARADJEH, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me BALBZIOUI, avocat à Strasbourg.

INTIMÉE sur appels principal et incident et appelée en garantie :

4/ La S.A. AXA FRANCE IARD, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 6]

représentée par la SELARL ACVF Associés, société d'avocats à la cour.

Avocat plaidant : Me ZENGERLE, avocat à Strasbourg.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 17 Novembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, président de chambre

Madame Myriam DENORT, conseiller

Madame Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 2 mars 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCÉDURE

Le 15 décembre 2012, la SARL Dépannage Jaeger est intervenue à la demande de l'assistance automobile de M. [J], conducteur d'un véhicule Skoda Octavia appartenant à la société belge HL SPRL, suite à une panne mécanique du véhicule sur le parking de l'hôtel qu'il avait rejoint.

Le véhicule fut remorqué jusque dans les locaux situés [Adresse 5] à [Localité 9] (67), appartenant à la SCI du Houblon, donnés à bail commercial pour l'essentiel à la SARL Garage Jaeger et, pour une surface de 20 m² environ ainsi que pour des places de parking, à la société Dépannage Jaeger. Cette dernière était également autorisée par le bailleur, selon un avenant du 31 décembre 2007, notamment à entreposer et stocker dans l'atelier tout véhicule en rapport avec son activité.

La nuit suivante, un incendie s'est déclaré dans l'atelier, causant d'importantes dégradations aux bâtiments ainsi qu'aux matériels et véhicules qui y étaient entreposés.

Par ordonnance du 20 août 2013, le juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg a ordonné une expertise judiciaire. Dans son rapport du 10 février 2014, l'expert a conclu que le véhicule Skoda avait pris feu suite à un court-circuit électrique au niveau de la planche de bord, côté conducteur, lequel s'était propagé ensuite dans le bâtiment, la mesure conservatoire consistant à débrancher la batterie lors du dépannage et du stockage du véhicule n'ayant pas été prise.

La société Allianz IARD, assureur de la société Garage Jaeger et agissant pour le compte de la société AXA France IARD, elle-même assureur de la SCI du Houblon, en vertu d'une clause d'assurance pour le compte du propriétaire à la charge du locataire, a, le 5 mai 2015, indemnisé la société Garage Jaeger d'un montant de 318 061 euros et la SCI du Houblon d'un montant de 339 155 euros.

La société Allianz IARD a par la suite saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg d'une action dirigée contre la société HL SPRL et la société P&V Assurances, assureur de cette dernière, d'une action tendant à obtenir le remboursement des sommes ainsi versées et elle a fait assigner le Bureau Central Français (BCF) en déclaration de jugement commun.

Par la suite, la société HL SPRL et la société P&V Assurances ont saisi le même tribunal d'un appel en garantie dirigé contre la société AXA France IARD, en sa qualité d'assureur de la société Dépannage Jaeger.

Les deux dossiers ont fait l'objet d'une jonction et, par jugement du 4 novembre 2020, le tribunal, devenu le tribunal judiciaire de Strasbourg a, statuant au fond, débouté la société Allianz IARD de l'ensemble de ses demandes et dit sans objet les demandes formées par la société HL SPRL et la société P&V Assurances. Il a condamné la demanderesse à verser à ses dernières la somme de 1 000 euros chacune sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens, sauf ceux de l'appel en garantie qui ont été mis à la charge de la société HL SPRL et de la société P&V Assurances.

Il a débouté la société AXA France IARD de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile et déclaré le jugement commun et opposable au Bureau Central Français.

Retenant la pertinence du rapport d'expertise judiciaire quant aux éléments matériels constatés sur un raccordement électrique interne au véhicule Skoda et sur le constat thermique de celui-ci, et quant à la conclusion, d'une part que l'incendie s'était déclaré dans ce véhicule et d'autre part de ce qu'il trouvait sa source dans un dysfonctionnement d'ordre électrique, sans meilleure détermination causale, le tribunal a considéré que l'implication d'un véhicule terrestre à moteur dans la survenance d'un accident était établi au sens de l'article 1er de la loi du 5 juillet 1985.

De même, se référant à la jurisprudence de la Cour de cassation, il a relevé que les circonstances de l'accident, qui étaient celles d'un incendie survenu à bord d'un véhicule automobile stationné depuis plusieurs heures sur un pont élévateur dans un garage automobile, caractérisaient bien un accident de la circulation au sens de ce même article 1er de la loi du 5 juillet 1985.

Enfin, le tribunal a rappelé que selon une interprétation constante à ce jour de l'article 2 de la même loi, le débiteur de l'indemnisation était défini comme le conducteur et/ou le gardien du véhicule impliqué.

Dans la situation présente, il n'existait pas de conducteur au moment de l'accident, le véhicule étant immobilisé et éteint depuis de nombreuses heures lorsque l'incendie s'était déclaré. En revanche, une présomption simple de la qualité de gardien pesait sur le propriétaire du véhicule, la société HTML SPRL, qui invoquait un transfert de la garde à l'occasion du remorquage du véhicule en panne.

Le tribunal a retenu que cette garde avait été transférée à la société Dépannage Jaeger et que celle-ci l'avait conservée jusqu'à la survenance de l'accident. En effet, entre l'arrivée du véhicule en panne dans l'atelier et la survenance de l'incendie, le garage était fermé et le responsable de la société Dépannage Jaeger disposait des clés des lieux, ayant été autorisé par le bailleur, selon l'avenant du 31 décembre 2007, à entreposer et stocker tout véhicule en rapport avec son activité dans l'atelier.

Le tribunal a donc considéré que la société HL SPRL, propriétaire du véhicule en cause, et son assureur, la société P&V Assurances, n'étaient pas les débiteurs du droit à indemnisation issu de la loi du 5 juillet 1985, faute d'être gardien ou conducteur du véhicule impliqué.

La société Allianz IARD a interjeté appel de ce jugement le 23 décembre 2020.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 6 septembre 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 5 avril 2022, la société Allianz IARD sollicite l'infirmation du jugement déféré en qu'il l'a déboutée de l'ensemble de ses demandes et l'a condamnée aux dépens et à indemnisation sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle demande que la cour, statuant à nouveau, condamne in solidum la société HL SPRL et la société P&V Assurances à lui payer la somme de 657 216 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, ainsi que les dépens de première instance et d'appel, comprenant les frais d'expertise judiciaire, et la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Allianz IARD soutient que la loi du 5 juillet 1985 est applicable au sinistre en cause dans le présent litige, invoquant la jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle, notamment, le stationnement constitue un fait de circulation, y compris lorsque le véhicule est stationné sur le pont élévateur d'un garage, et, s'agissant de l'implication du véhicule, le rapport d'expertise judiciaire conclut qu'un dysfonctionnement de son système électrique est responsable de l'incendie.

Sur la détermination du gardien du véhicule au moment de l'accident, la société Allianz IARD soutient que la société Garage Jaeger ne l'a jamais été et que la détention momentanée du véhicule, pour une très courte durée, ne vaut pas transfert de la garde de celui-ci du propriétaire au détenteur. De plus, lors du sinistre, ni la société Dépannage Jaeger, ni la société Garage Jaeger n'avaient les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle sur ledit véhicule, qui avait été confié à la société Dépannage Jaeger uniquement en attente de sa réparation par le garage Skoda, conformément à la demande de la société HL SPRL, laquelle en est restée gardienne pendant ce laps de temps.

De plus, selon la Cour de cassation, le propriétaire du véhicule en conserve la garde lorsque le dommage résulte d'un vice dudit véhicule, ce qui est le cas selon l'appelante, qui se réfère au rapport d'expertise, s'agissant de la cause du sinistre.

Dans l'hypothèse où la société Dépannage Jaeger serait retenue comme étant le gardien du véhicule lors du sinistre, les victimes étant distinctes, s'agissant de la société Garage Jaeger et de la SCI du Houblon, leur droit à indemnisation ne serait ni exclu, ni même limité. De plus, la société Garage Jaeger n'a commis aucune faute susceptible de limiter ou d'exclure son droit à indemnisation des dommages aux biens qu'elle a subis.

Si la cour retenait que la société Garage Jaeger était gardienne du véhicule lors du sinistre, aucune limitation de l'indemnisation de la SCI du Houblon ne pourrait avoir lieu, la société Allianz IARD étant également subrogée dans les droits de cette dernière.

Si la cour considérait la société Dépannage Jaeger ou même la société Garage Jaeger comme gardienne du véhicule, la société Allianz IARD soutient que la garantie du contrat IDEAL AUTO souscrit par la société HL SPRL auprès de la société P&V Assurances devrait être mobilisée, garantissant l'indemnisation, notamment, de tout détenteur du véhicule assuré.

En effet, si le principe est l'application de la loi du lieu du sinistre, en l'espèce la loi française, l'article L 211-1 du code des assurances n'exclut pas l'application d'une loi étrangère, en l'espèce la loi belge, par exception, lorsqu'elle est plus favorable à l'assuré. Or, la qualité d'assurée doit être reconnue à la société Dépannage Jaeger et à la société Garage Jaeger, au sens de l'article 1er des conditions générales du contrat de la société P&V Assurances, et toute personne lésée est fondée à réclamer l'application du dit contrat.

La société Allianz IARD conteste que l'article 7 des conditions générales de ce contrat, qui exclut l'indemnisation de la personne responsable du dommage, et l'article 8, qui exclut de la garantie les dommages causés par le seul fait des biens transportés ou par les manipulations nécessitées par le transport, en excluent l'application. La société Garage Jaeger, comme la SCI du Houblon, n'ont commis aucun manquement selon le rapport d'expertise judiciaire.

De plus, l'exclusion prévue par l'article 8 des conditions générales du contrat, qui constitue une dérogation particulière aux dispositions obligatoires de la loi belge, est inopposable aux personnes lésées, en application des articles 3 et 31 de la loi belge du 21 novembre 1989 relative à l'assurance obligatoire de la responsabilité en matière de véhicules automoteurs.

Par leurs conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 31 janvier 2022, la société HL SPRL, la société P&V Assurances et le Bureau Central Français sollicitent le rejet de l'appel de la société Allianz IARD, qu'il soit dit et jugé que la société HL SPRL n'était pas gardienne du véhicule lors de l'incendie, et que la loi du 5 juillet 1985 est inopposable à la société HL SPRL et à la société P&V Assurances.

Les intimées sollicitent la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions ainsi que le rejet de l'ensemble des demandes formées contre les deux sociétés belges.

Dans l'hypothèse où la cour considérerait cependant que la loi du 5 juillet 1985 est applicable, ces dernières sollicitent que soit constatée l'existence de manquements par la société Garage Jaeger, dans la prise en charge du véhicule, excluant dès lors tout droit à indemnisation, et que la société Allianz IARD soit déboutée de l'ensemble de ses demandes.

Subsidiairement, si la cour faisait droit aux demandes de la société Allianz IARD contre les deux sociétés belges, celles-ci, formant appel incident, sollicitent l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a dit sans objet leurs demandes et que la cour, statuant à nouveau, condamne la société AXA France IARD, en sa qualité d'assureur de la société Dépannage Jaeger, à les garantir des éventuelles condamnations prononcées à leur égard.

A titre infiniment subsidiaire, elles demandent qu'il soit dit et jugé qu'en l'absence de faute des parties, la répartition de l'indemnisation se fera par parts égales entre la société Allianz IARD, la société AXA France IARD et la société P&V Assurances.

En tout état de cause, elles sollicitent la condamnation de la société Allianz IARD à leur verser la somme de 2 000 euros chacune au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de la procédure.

Les intimées contestent que la loi du 5 juillet 1985 soit applicable, dans la mesure où le véhicule ne se trouvait pas dans un lieu ouvert à la circulation et n'était pas en mesure d'être utilisé, étant immobilisé sur un pont élévateur.

De plus, lors de l'incendie, la garde du véhicule terrestre à moteur impliqué avait été transférée au garagiste dès le moment où les clés lui avaient été remises. Ce dernier avait seul le pouvoir d'usage, de direction et de contrôle du véhicule lors de l'incendie.

Elles invoquent une présomption de faute causale du garagiste dépositaire dans la survenance du dommage subi par le véhicule confié, auquel il appartient de démontrer que les dégradations intervenues suite à sa prise en charge existaient avant la mise en dépôt et qu'il a pris les mesures nécessaires pour éviter que ce véhicule ne se dégrade ou disparaisse. Or, l'incendie a pris naissance au niveau du tableau de bord, probablement du fait du changement de fusible opéré par la société Dépannage Jaeger.

Par ailleurs, dès lors que la société HL SPRL n'était plus gardienne du véhicule, du fait du transfert de garde de celui-ci, la société P&V Assurances ne peut être tenue à indemnisation en sa qualité d'assureur du véhicule.

En outre, les intimées invoquent l'article 7 des conditions générales du contrat IDEAL AUTO souscrit auprès de la société P&V Assurances excluant de l'indemnisation la personne responsable du dommage, le rapport d'expertise judiciaire mettant en cause les manquements de la société Garage Jaeger comme étant à l'origine de l'incendie et des dommages en ayant résulté.

Par ailleurs, elles invoquent l'article 8, au motif que des fautes ont été commises par les sociétés Jaeger lors du transport du véhicule et de sa manipulation, la batterie n'ayant pas été débranchée et un fusible inadapté ayant été installé dans le véhicule.

Enfin, soutenant que, compte tenu du lieu de survenance de l'incendie, la loi française a vocation à régir la détermination de la personne tenue à indemnisation finale, la société HL SPRL et son assureur invoquent, non seulement le transfert de garde du véhicule au profit de la société Garage Jaeger, dont cette dernière ne peut s'exonérer que par un cas de force majeure, mais également une faute de cette dernière excluant son droit à indemnisation en application de l'article 5 de la loi du 5 juillet 1985.

A ce titre, elles se prévalent des conclusions de l'expertise judiciaire selon lesquelles les gérants de la société Dépannage Jaeger et de la société Garage Jaeger admettent ne pas avoir débranché la batterie du véhicule et ne pas avoir pris les mesures conservatoires lors du dépannage et du stockage de celui-ci. Elles ajoutent que la société Garage Jaeger, qui a fait signer un ordre de réparation à M. [J], a également manqué à son obligation de résultat.

A titre subsidiaire, la société P&V Assurances appelle en garantie la société AXA France IARD, assureur de la société Dépannage Jaeger, invoquant les fautes commises par cette dernière, à l'origine du sinistre, en l'absence de mesure conservatoire prise lors du dépannage du stockage du véhicule, mais aussi en remplaçant un fusible de 20 ampères par un fusible inadapté et en conduisant le véhicule sur la dépanneuse sans aucun diagnostic, l'expert judiciaire attestant avec certitude que le départ de l'incendie trouve son origine dans le boîtier à fusible placé à gauche du tableau de bord du véhicule, devant les pieds du conducteur.

La société P&V Assurances ajoute que le risque incendie est couvert par le contrat par la société Dépannage Jaeger auprès de la société AXA France IARD.

A titre subsidiaire, si l'application de la loi du 5 juillet 1985 était retenue sans aucune faute à l'encontre des parties, une contribution égale à la dette entre la société Allianz IARD, la société AXA France IARD et la société P&V Assurances devrait être retenue et cette dernière ne devrait contribuer qu'à la moitié des sommes déboursées par la société Allianz IARD.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 26 août 2021, la société AXA France IARD sollicite que la cour constate que la société Allianz IARD ne formule aucune demande à son encontre et qu'elle la déboute de son appel en ce qu'il est dirigé contre elle.

En tout état de cause, elle sollicite que la cour déclare prescrites les demandes que la société Allianz IARD viendrait à formuler à son encontre et confirme le jugement déféré en ce qu'il a débouté cette dernière de l'ensemble de ses demandes.

Sur l'appel incident, la société AXA France IARD sollicite que la cour :

- déclare irrecevables les demandes de la société HL SPRL, de la société P&V Assurances et du Bureau Central Français dirigées contre elle et qu'elle les déclare prescrites.

- subsidiairement, les déboute de leur appel incident dirigé à son encontre,

- très subsidiairement, juge que la société Garage Jaeger a commis une faute dans la prise en charge du véhicule et limite le recours de la société Allianz IARD à la part non imputable à cette faute,

- en tout état de cause, condamne in solidum la société Allianz IARD, la société HL SPRL, la société P&V Assurances et le Bureau Central Français aux entiers frais et dépens de l'appel et à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

S'agissant des demandes de la société HL SPRL et de la société P&V Assurances, la société AXA France IARD soulève en premier lieu leur irrecevabilité sur le fondement de l'article 564 du code civil (en réalité le code de procédure civile), au motif qu'en première instance, dans leurs conclusions du 8 octobre 2018 rappelées par le tribunal dans son jugement du 4 novembre 2020, leurs demandes étaient dirigées exclusivement contre la société Allianz IARD. Or, les demandes dirigées contre elle ne tendent pas aux mêmes fins que celles soumises au premier juge et ne sont ni l'accessoire, ni la conséquence ou le complément nécessaire de demandes soumises à ce dernier.

Sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription, la société AXA France IARD soutient que le point de départ de la prescription quinquennale de l'article 2224 du code civil, applicable à l'action de la société HL SPRL, de la société P&V Assurances et du Bureau Central Français à son encontre, se situe au plus tard le 4 novembre 2015, date de leur assignation par la société Allianz IARD. Le délai de prescription expirait donc le 4 novembre 2020 alors qu'elles n'ont formé leur appel en garantie à son encontre que par leurs conclusions du 1er juin 2021.

Sur le fond, elle fait valoir que la société HL SPRL a conservé la garde du véhicule, la détention momentanée de celui-ci, pour une durée très courte, n'emportant pas transfert de sa garde du propriétaire au détenteur. Or, la société Dépannage Jaeger n'a été détentrice du véhicule qu'entre sa prise en charge et sa livraison à la société Garage Jaeger, et ce dans l'intérêt de la société HL SPRL. De plus, lors du dépôt du véhicule dans les locaux de la société Garage Jaeger, elle a également déposé les clés et n'avait donc pas les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle du véhicule lors de l'accident.

Par ailleurs, invoquant le rapport d'expertise judiciaire, la société AXA France IARD soutient que les travaux de modification électrique du véhicule, qui n'ont pas été réalisés dans les règles de l'art, ont joué un rôle causal dans le déclenchement de l'incendie.

Pour soutenir que la société HL SPRL doit seule être considérée comme gardienne du véhicule lors de l'accident, au sens de la loi du 5 juillet 1985, la société AXA France IARD invoque par ailleurs la jurisprudence selon laquelle, dans l'hypothèse d'une chose dotée d'un dynamisme propre susceptible de se manifester de manière dangereuse, le gardien de la structure répond du dommage résultant du vice de cette chose, le gardien du comportement n'étant tenu qu'en raison de sa faute éventuelle. Or, le véhicule en cause, doté d'un dynamisme propre, était affecté d'un vice résultant de modifications apportées sur le système électrique, non conformes aux règles de l'art et aux règles de sécurité en vigueur.

Si la cour devait considérer que la société HL SPRL n'a pas conservé la garde du véhicule, la société AXA France IARD soutient que cette garde a été transférée à la société Garage Jaeger, à laquelle le véhicule a été remis, l'incendie s'étant produit dans ses locaux et les clés du véhicule lui ayant été remises. D'ailleurs, le gérant de la société Garage Jaeger a reconnu, lors de l'expertise, ne pas avoir débranché la batterie du véhicule, ce qui vaut reconnaissance de la garde de celui-ci.

La société AXA France IARD invoque également une faute de la société Garage Jaeger en ce qu'elle n'a pas pris les mesures conservatoires habituelles en la matière, qui s'imposaient pour assurer une conservation normale et sécurisée du véhicule. Cette faute, qui lui est exclusivement imputable et qui est à l'origine exclusive de l'accident, est de nature à exclure l'indemnisation des dommages provoqués par l'incendie, voire à limiter fortement ce droit à indemnisation.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties constituées, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

MOTIFS

I ' Sur la demande principale de la société Allianz IARD

A) Sur la demande dirigée contre la société HL SPRL

Aucune des parties ne conteste l'application de la loi française au litige portant sur la responsabilité civile, s'agissant des conséquences de l'incendie en cause.

Effectivement, selon l'article 4, §1 du règlement CE n°864/2007 dit Rome II du 11 juillet 2007, en matière de responsabilité délictuelle, la loi applicable est celle du pays où le dommage survient, quel que soit le pays où le fait générateur du dommage se produit et quels que soient le ou les pays dans lesquels des conséquences indirectes de ce fait surviennent. Or, il ne fait aucun doute que, dans la situation présente, le dommage en cause est survenu en France.

La loi du 5 juillet 1985, qui, selon son article 1er, s'applique lorsqu'un accident de la circulation implique un véhicule terrestre à moteur, n'exige pas que cet accident se soit produit dans un lieu ouvert à la circulation publique et que le véhicule ait été en mouvement, à l'arrêt ou stationné, dès lors, sur ce dernier point, qu'il ne s'est pas produit dans un lieu impropre au stationnement d'un véhicule. Elle s'applique donc à un accident causé par un véhicule en stationnement dans un garage ou un atelier de réparation automobile, comme en l'espèce. Bien plus, ses dispositions étant d'ordre public, elles doivent être mises en 'uvre, et non celles du code civil relatives à la responsabilité du fait des choses qu'on a sous sa garde, dès lors qu'un incendie est provoqué par un véhicule terrestre à moteur, ce dernier fût-il en stationnement.

Or, dans la situation présente, il résulte du rapport d'expertise judiciaire du 10 février 2014 que l'incendie trouve son origine dans un court-circuit électrique dont le point de départ est localisé au niveau de la planche de bord située devant les pieds du conducteur du véhicule Skoda appartenant à la société HL SPRL, ce qu'aucune des parties ne conteste sérieusement.

Dès lors, ce véhicule est bien impliqué, au sens de la loi du 5 juillet 1985, dans l'incendie accidentel qui a causé d'importants dommages matériels à la SCI du Houblon et à la société Garage Jaeger et les conditions d'application des dispositions de la dite loi se trouvent donc remplies.

L'article 2 de cette loi précise que les victimes, y compris les conducteurs, ne peuvent se voir opposer la force majeure ou le fait d'un tiers par le conducteur ou le gardien d'un véhicule mentionné à l'article 1er.

Le véhicule en cause ayant été en stationnement depuis des heures, vide de tout occupant, lors de l'incendie accidentel, il n'existait à ce moment aucun conducteur de ce véhicule.

S'agissant du gardien du véhicule en cause lors de l'accident, ainsi que l'a justement relevé le premier juge, si son propriétaire est présumé en être le gardien, cette présomption de responsabilité ne subsiste pas en cas de transfert des pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle du dit véhicule.

Or, dans la situation présente, le véhicule en panne avait été confié à la société Dépannage Jaeger, à laquelle ses clés avaient été remises, et qui en avait assuré le transport dans les locaux dont elle avait l'usage, afin de le garder le temps du week-end et de son transfert au garage Skoda, lequel devait en assurer la réparation.

Ainsi, quand bien même ce dépôt du véhicule dans les locaux utilisés par la société Dépannage Jaeger était destiné à ne durer qu'à peine 48 heures, il n'en demeure pas moins que, durant cette période, tant son conducteur, M. [J], que sa propriétaire, la société HL SPRL, en avaient totalement perdu l'usage, la direction et le contrôle au profit de la société de dépannage, à laquelle ce véhicule et ses clés avaient été confiés.

De plus, s'agissant de l'origine du court-circuit qui a été la cause de l'incendie, l'expert judiciaire a observé dans le véhicule les restes présumés d'un relais électrique à gauche du radiateur d'eau. Cette voiture avait en effet été utilisée comme taxi et l'équipement installé à la livraison du véhicule neuf avait été désinstallé 10 mois avant le sinistre. Ce faisceau électrique ayant été coupé et raccordé par « épissure », l'expert a indiqué que ce procédé était « archaïque », indiquant cependant ne pouvoir prouver qu'il constituait l'origine de l'incendie. Il en est de même de la pose d'un fusible de 30 ampères par la société Dépannage Jaeger afin de pouvoir démarrer le véhicule et le faire rouler sur le plateau de la dépanneuse, l'expert ayant précisé que, si cette piste était privilégiée, elle ne constituait qu'une hypothèse. Il n'a donc pas pu aller au-delà de la démonstration de l'origine de l'incendie rapportée plus haut, c'est-à-dire un court-circuit électrique dont le point de départ était localisé au niveau de la planche de bord.

Enfin, l'expert a relevé que les gérants des sociétés Dépannage Jaeger et Garage Jaeger admettaient ne pas avoir débranché la batterie du véhicule en cause, lequel, transporté le samedi dans les locaux qu'elles exploitaient, a été placé sur un pont élévateur dans l'attente du lundi suivant. Ce véhicule a pris feu durant la nuit du samedi au dimanche.

Ainsi, l'origine du court-circuit du véhicule lui-même n'est pas établie et, par conséquent, il ne peut être considéré que cet incendie accidentel ait été causé par un défaut du véhicule dissimulé par son propriétaire ou son conducteur au dépanneur, et que la garde de la structure du véhicule n'ait, de ce fait, pas été transférée à ce dernier. En effet, l'une des hypothèses relatives à l'origine de cet accident réside dans le changement de fusible opéré par le dépanneur lui-même.

Au surplus, il peut être souligné que, selon le rapport d'expertise, le dépanneur avait lui-même considéré que la panne du véhicule était d'origine électrique et il n'est nullement démontré que son propriétaire ait pu en savoir plus que lui sur l'origine de cette panne.

Il n'existe donc aucun obstacle au transfert de la garde du véhicule, au motif que la cause de l'accident résiderait dans un défaut de ce véhicule connu de son propriétaire qui n'en aurait pas averti le dépanneur avant son transport dans les locaux où l'incendie s'est déclenché.

S'agissant de la qualité de gardien de la société Dépannage Jaeger et/ou de la société Garage Jaeger, il doit être souligné, ainsi que l'a fort justement relevé le premier juge, que la société Dépannage Jaeger était autorisée par le bailleur de la société Garage Jaeger à entreposer et stocker tous véhicules en rapport avec son activité, dans l'atelier donné à bail à cette dernière, dont elle disposait de la clé. De plus, il n'est pas non plus contesté que la société Garage Jaeger était fermée pour le week-end quand le véhicule a été amené, et qu'aucun de ses représentants ou employés n'était sur place afin de le prendre en charge.

Il n'est pas non plus contesté que le propriétaire de ce véhicule n'avait pas l'intention de le faire réparer par la société Garage Jaeger, mais par un garage de la marque Skoda. Les intimées indiquent d'ailleurs elles-mêmes que l'ordre de réparation que le représentant de la société Garage Jaeger a demandé à M. [J] de signer en précisant « sans date », a été adressé à ce dernier après l'incendie, manifestement dans le but de préserver la mise en 'uvre des garanties souscrites par cette dernière auprès de son assureur. L'absence de tout ordre de réparation préalable à cet incendie ne fait que confirmer l'absence d'intervention de la société Garage Jaeger, de quelque manière que ce soit, concernant ce véhicule avant le sinistre.

Enfin, si l'employé de la société Dépannage Jaeger a rédigé une fiche d'intervention mentionnant la remise « au garage » du véhicule et de ses clés, qui lui avaient elles-mêmes été confiées par M. [J], cette mention ne suffit nullement à opérer un transfert de la garde du dit véhicule à la société Garage Jaeger, dans les circonstances évoquées plus haut, alors qu'il n'est pas démontré que la société Garage Jaeger ait été informée du dépôt du véhicule en cause dans les locaux. Que son représentant, lors de la réunion d'expertise, ait répondu négativement à la question posée par l'expert, relative au débranchement du véhicule, ne constitue nullement un aveu de ce qu'il avait été en mesure de le faire.

En conséquence, ainsi que l'a retenu le tribunal, le transfert de la garde du véhicule en cause a bien eu lieu et ce uniquement au profit de la société Dépannage Jaeger, laquelle avait seule reçu, lors de l'incendie accidentel et pour le temps où le véhicule lui a été confié, son usage, sa direction et son contrôle.

Dès lors, selon les dispositions de la loi du 5 juillet 1985, seule applicable en l'espèce, l'unique gardien du véhicule, lors de l'incendie accidentel, étant la société Dépannage Jaeger, les demandes de l'appelante, subrogée dans les droits des victimes de celui-ci, dirigées contre la société HL SPRL, ne peuvent être accueillies. Il en résulte que le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il les a rejetées.

B) Sur la demande dirigée contre la société P&V Assurances

Sur la demande de la société Allianz IARD, subrogée dans les droits de la SCI du Houblon et de la société Garage Jaeger, dirigée contre l'assureur de la société HL SPRL, la société P&V Assurances, aucune norme nationale ou européenne n'interdit à la personne lésée par un accident de solliciter la mise en 'uvre des garanties offertes par une compagnie d'assurance étrangère lorsque celles-ci sont supérieures à celle de l'assureur national. En revanche, il en va différemment de la personne responsable du sinistre.

Précisément, en l'espèce, l'article 1er des conditions générales du contrat d'assurance de responsabilité civile souscrit par la société HL SPRL auprès de la société P&V Assurances stipule que la garantie est accordée pour un sinistre causé en Belgique par le véhicule désigné, mais également pour un sinistre survenu dans tout pays de la Communauté européenne.

Dans cette dernière hypothèse, si la garantie accordée par la Compagnie est, par principe, celle prévue par la législation sur l'assurance automobile obligatoire de l'État sur le territoire duquel le sinistre a eu lieu, l'application de la loi étrangère ne peut toutefois pas priver l'assuré de la garantie plus étendue que la loi belge lui accorde. L'assuré, au sens du contrat, est toute personne dont la responsabilité est couverte par celui-ci, y compris tout détenteur du véhicule, et la compagnie d'assurance ne conteste pas cette qualité à la société Garage Jaeger, à la SCI du Houblon et à la société Dépannage Jaeger.

En revanche, l'article 7 des conditions générales du contrat d'assurance souscrit auprès de la société P&V Assurances exclut effectivement de l'indemnisation la personne responsable du dommage, sauf s'il s'agit d'une responsabilité du fait d'autrui. Il ajoute cependant que le bénéfice de l'indemnisation reste acquis à la personne partiellement responsable, pour la partie de son dommage imputable à l'assuré.

Dans la situation présente, si l'expertise judiciaire a mis en évidence que les mesures conservatoires n'avaient été prises ni lors du dépannage du véhicule, ni lors de son stockage dans les locaux de la SCI du Houblon, rien ne démontre que la société Garage Jaeger ait seulement été informée de la présence du dit véhicule dans le garage. Aucune faute susceptible d'avoir contribué à l'incendie ne peut donc lui être reprochée.

Il en résulte que la clause d'exclusion applicable au responsable du dommage ne peut être mise en 'uvre la concernant et qu'elle peut donc à ce titre bénéficier des garanties du contrat d'assurance souscrit par la propriétaire du véhicule auprès de la société P&V Assurances.

Par ailleurs, l'article 8 des conditions générales du contrat exclut l'indemnisation des dommages qui, ne résultant pas de l'usage du véhicule, sont causés par le seul fait des biens transportés ou par les manipulations nécessitées par le transport.

Cette dernière phrase peut être sujette à interprétation, dans le sens où les manipulations en cause peuvent être à considérer comme étant celles des biens transportés et non celles du véhicule lui-même.

En l'espèce, aucun bien transporté dans le véhicule n'est à l'origine de l'incendie causé par celui-ci. S'agissant des manipulations nécessitées par son transport, à supposer que le contrat doive s'interpréter en ce sens, il résulte du rapport d'expertise judiciaire que, d'après les dépanneurs intervenus, le garage [N] puis la société Dépannage Jaeger, deux fusibles ont « grillé » à deux reprises et la société Dépannage Jaeger a remplacé l'un d'eux, de 20 ampères, par un fusible de 30 ampères. Cependant, en réponse à un dire du conseil de la société HL SPRL et de son assureur qui soulignait que ce fusible était bien trop puissant et qu'au lieu de fondre, il était à l'origine de la chauffe du faisceau et de la fusion des gaines, l'expert a répondu que « la piste du fusible de 30 ampères » n'était qu'une hypothèse, même si elle restait privilégiée.

Dès lors, il n'est pas établi que les dommages subis par la société Garage Jaeger et par la SCI du Houblon auraient été causés par les manipulations nécessitées par le transport.

Il résulte de l'ensemble de ces observations que rien ne vient exclure la mise en 'uvre des garanties souscrites par la société HL SPRL auprès de la société P&V Assurances au profit de la société Garage Jaeger et de la SCI du Houblon, ce dont il résulte que les demandes de la société Allianz IARD, subrogée dans les droits de ces dernières, sont, dès lors, fondées.

De plus, le montant réclamé par la société Allianz IARD, au titre de l'indemnisation des dommages causés par l'incendie à la société Garage Jaeger et à la SCI du Houblon, n'est pas contesté et il est établi par les pièces versées aux débats. Il y a donc lieu d'infirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté ses demandes dirigées contre la société P&V Assurances et de condamner cette dernière à lui verser le montant total de 657 216 euros avec intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir.

II ' Sur les demandes de la société P&V Assurances et du Bureau Central Français

A) ' Sur la recevabilité des demandes dirigées contre la société AXA France IARD

En application des articles 564 à 566 du code de procédure civile, à peine d'irrecevabilité relevée d'office, les parties ne peuvent soumettre à la cour de nouvelles prétentions si ce n'est pour opposer compensation, faire écarter les prétentions adverses ou faire juger les questions nées de l'intervention d'un tiers, ou de la survenance ou de la révélation d'un fait.

Les prétentions ne sont pas nouvelles dès lors qu'elles tendent aux mêmes fins que celles soumises au premier juge, même si leur fondement juridique est différent.

Les parties ne peuvent ajouter aux prétentions soumises au premier juge que les demandes qui en sont l'accessoire, la conséquence ou le complément nécessaire.

La société P&V Assurances ne présente aucune observation sur les fins de non-recevoir soulevées par la société AXA France IARD, dont elle sollicite la condamnation à la garantir de toute condamnation prononcée à son encontre.

Il doit être observé que si le tribunal, dans le jugement déféré, a rappelé les dernières conclusions au fond de la société HL SPRL, de la société P&V Assurances et du Bureau Central Français du 8 octobre 2018, dans lesquelles leurs demandes étaient dirigées exclusivement contre la société Allianz IARD, il a également rappelé l'assignation par elles délivrée le 5 décembre 2018 à la société AXA France IARD, en sa qualité d'assureur de la société Dépannage Jaeger, « afin qu'elle les relève de toute condamnation dont elle pourrait faire l'objet ».

Le tribunal a ordonné la jonction de cet appel en garantie avec l'instance principale.

Dès lors, il apparaît que, contrairement aux allégations de la société AXA France IARD, la société P&V Assurances avait bien présenté à son encontre, en première instance, les mêmes demandes qu'elle forme en appel, ce dont il résulte que ces dernières ne sont nullement des demandes nouvelles au sens de l'article 564 du code de procédure civile.

Sur la prescription soulevée, la société AXA France IARD admet que le point de départ de la prescription quinquennale des demandes formées à son encontre par la société P&V Assurances se situe à la date du 4 novembre 2015, qui est celle de l'assignation de cette dernière par la société Allianz IARD. Dès lors que l'appel en garantie de la société P&V Assurances dirigé contre elle a été formé par assignation délivrée le 5 décembre 2018, cet appel en garantie n'est nullement prescrit.

Au vu des développements qui précèdent, il y a donc lieu d'écarter les fins de non-recevoir de la société AXA France IARD à l'encontre des demandes présentées dans le cadre de l'appel en garantie de la société P&V Assurances dirigé contre elle et de déclarer ces demandes recevables.

B) Sur le fond

Ainsi qu'il a été développé plus haut, seule la société Dépannage Jaeger peut être considérée comme ayant été gardienne du véhicule en cause lors de l'incendie accidentel, à l'exclusion de la société Garage Jaeger. Elle a bien reçu, avec le véhicule et ses clés, les pouvoirs d'usage, de direction et de contrôle du dit véhicule.

Par ailleurs, il convient de souligner à nouveau que l'expert n'a pas pu déterminer la cause du court-circuit à l'origine de l'incendie du véhicule, n'ayant émis que des hypothèses à ce sujet, et qu'en conséquence, il n'est nullement démontré que celui-ci ait été affecté d'un vice à l'origine du dommage. Dès lors, il ne peut être considéré que la société HL SPRL, propriétaire du dit véhicule, soit à ce titre restée gardienne de la structure du véhicule devant répondre du dommage résultant d'un tel vice. En outre, il reviendrait à la société Dépannage Jaeger, gardienne du comportement du véhicule, de pouvoir, dans un tel cas, se dégager de sa responsabilité par son absence de faute.

Précisément, sur ce point, l'expertise judiciaire a mis en évidence, ainsi qu'il a été rappelé plus haut, que les mesures conservatoires n'avaient été prises ni lors du dépannage du véhicule, ni lors de son stockage dans les locaux de la SCI du Houblon, précisément que la batterie n'avait pas été débranchée. Or, seule la société Dépannage Jaeger, unique gardienne du véhicule lors de ce stockage, pouvait prendre de telles mesures, puisqu'il n'est pas même démontré que la société Garage Jaeger ait été informée du stockage du véhicule dans les locaux qu'elle exploitait.

La carence de cette société de dépannage est d'autant plus fautive qu'elle soupçonnait une origine électrique à la panne de ce véhicule, ce qui pouvait laisser soupçonner un risque de court-circuit. Or, une telle mesure conservatoire aurait permis d'éviter à un tel risque de se concrétiser, en coupant toute alimentation électrique du véhicule.

En conséquence, la société Dépannage Jaeger, gardienne du comportement du dit véhicule, ne pourrait se décharger de sa responsabilité par son absence de faute.

Puisqu'ainsi qu'il a été relevé plus haut, seule la société Dépannage Jaeger était en mesure de procéder au débranchement de la batterie et aurait dû le faire, la société Garage Jaeger ne peut non plus se voir reprocher une faute à cet égard.

De plus, au vu des observations faites plus haut, il n'est nullement démontré que la société HL SPRL ait eu la moindre connaissance d'une défaillance électrique, sur le véhicule en cause, d'autant plus que la panne de celui-ci s'est manifestée brutalement, lors des tentatives de démarrage par son conducteur, sur le parking de l'hôtel où il l'avait stationné la veille. Dans ces circonstances, aucune faute ne peut non plus être reprochée à la société HL SPRL.

Dès lors, le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a déclaré sans objet l'appel en garantie de la société P&V Assurances et cet appel en garantie à l'encontre de la société AXA France IARD, en sa qualité d'assureur de la société Dépannage Jaeger, qui est la seule dont la responsabilité de l'incendie accidentel peut être retenue, doit être accueilli.

III ' Sur la demande de la société AXA France IARD tendant à la limitation du droit à indemnisation de la société Allianz IARD

La société AXA France IARD ne sollicitant la limitation du droit à indemnisation de la société Allianz IARD qu'à titre « très subsidiaire », cette demande ne peut être examinée qu'à la suite de celles qui la précédaient, toutes rejetées.

Les développements ci-dessus ayant démontré qu'aucune faute ne peut être reprochée à la société Garage Jaeger, le droit à indemnisation de la société Allianz IARD, subrogée dans ses droits, ne peut être limité pour un tel motif et la demande de la société AXA France IARD présentée en ce sens doit être rejetée.

IV - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Dans le cadre de l'instance principale, le jugement déféré étant partiellement infirmé en ses dispositions relatives aux demandes dirigées contre la société P&V Assurances, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais non compris dans les dépens engagés en première instance.

Dans la mesure où la demande de la société Allianz IARD à l'encontre de la société P&V Assurances est accueillie, cette dernière sera condamnée aux dépens de l'instance principale, s'agissant de ceux de la première instance, qui comprendront les frais de l'expertise judiciaire, et de ceux de l'appel.

Pour les mêmes motifs, il sera fait droit à la demande de la société Allianz IARD dirigée contre la société P&V Assurances, au titre des frais exclus des dépens, à hauteur de 3 000 euros.

En revanche, la demande de la société Allianz IARD présentée contre la société HL SPRL étant rejetée, l'appelante sera déboutée de sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à l'encontre de cette dernière, mais elle sera condamnée à lui verser la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans le cadre de l'appel en garantie de la société P&V Assurances à l'encontre de la société AXA France IARD, auquel il est fait droit, il convient de confirmer les dispositions du jugement déféré qui ont condamné la société HL SPRL aux dépens de son appel en garantie, mais d'infirmer celles qui ont condamné la société P&V Assurances aux dépens de son appel en garantie et de condamner la société AXA France IARD à les régler. Cette dernière devra en conséquence assumer les dépens du dit appel en garantie et verser à la société P&V Assurances la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sa propre demande présentée sur le même fondement étant rejetée, de même que celle de la société HL SPRL.

Par ailleurs, la demande de la société AXA France IARD dirigée contre la société Allianz IARD étant rejetée, il convient de rejeter également sa demande dirigée contre elle, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt rendu contradictoirement, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement rendu entre les parties par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 4 novembre 2020 en ce qu'il a rejeté les demandes de la société Allianz IARD dirigées contre la société P&V Assurances, en ce qu'il a dit sans objets les demandes formées par la société P&V Assurances, en ce qu'il a condamné la société Allianz IARD à verser à la société P&V Assurances la somme de 1 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, en ce qu'il a condamné la société Allianz IARD aux dépens de l'instance principale et la société P&V Assurances aux dépens de son appel en garantie contre la société AXA France IARD, et CONFIRME le dit jugement en ses autres dispositions,

Statuant à nouveau des chefs infirmés, et ajoutant au dit jugement :

Dans le cadre de l'instance principale :

CONDAMNE la société P&V Assurances à payer à la SA Allianz IARD la somme de 657 216,00 euros (six cent cinquante-sept mille deux cent seize euros) avec intérêts au taux légal à compter de ce jour,

CONDAMNE la société P&V Assurances aux dépens de l'instance principale, s'agissant de ceux de première instance qui incluent les frais de l'expertise judiciaire, et des dépens d'appel,

REJETTE la demande de la société P&V Assurances présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile contre la SA Allianz IARD,

CONDAMNE la société P&V Assurances à payer à la SA Allianz IARD la somme de 3 000,00 (trois mille) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE la SA Allianz IARD à payer à la société HL SPRL la somme de 2 000,00 (deux mille) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

Dans le cadre des appels en garantie :

DECLARE recevables les demandes de la société P&V Assurances dirigées contre la SA AXA France IARD,

CONDAMNE la SA AXA France IARD à garantir la société P&V Assurances de toutes les condamnations prononcées à son encontre dans le cadre de l'instance principale, et ce en principal, intérêts, dépens (incluant les frais de l'expertise judiciaire) et frais irrépétibles,

REJETTE les demandes de la SA AXA France IARD dirigées contre la SA Allianz IARD,

CONDAMNE la SA AXA France IARD aux dépens de l'appel en garantie de la société P&V Assurances à son encontre, s'agissant des dépens de première instance et des dépens de l'appel,

CONDAMNE la SA AXA France IARD à verser la somme de 3 000,00 (trois mille) euros à la société P&V Assurances sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE les demandes de la SA AXA France IARD et de la société HL SPRL présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

DECLARE le présent arrêt commun et opposable au Bureau Central Français

La greffière, Le président de chambre,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/00326
Date de la décision : 25/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-25;21.00326 ?
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