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16/05/2023 | FRANCE | N°21/03817

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 16 mai 2023, 21/03817


EP/KG





MINUTE N° 23/487

















































Copie exécutoire

aux avocats



Copie à Pôle emploi

Grand Est



le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 16 MAI 2023



Numéro d'inscription au réper

toire général : 4 A N° RG 21/03817

N° Portalis DBVW-V-B7F-HVDU



Décision déférée à la Cour : 29 Juillet 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MULHOUSE



APPELANT :



Monsieur [U] [O]

[Adresse 1]

[Adresse 1]



Représenté par Me Olivier SALICHON, avocat au barreau de COLMAR



INTIMEES :


...

EP/KG

MINUTE N° 23/487

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 16 MAI 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/03817

N° Portalis DBVW-V-B7F-HVDU

Décision déférée à la Cour : 29 Juillet 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION DE DEPARTAGE DE MULHOUSE

APPELANT :

Monsieur [U] [O]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représenté par Me Olivier SALICHON, avocat au barreau de COLMAR

INTIMEES :

S.E.L.A.R.L. MJM FROEHLICH & ASSOCIES ès qualités de mandataire liquidateur de la société REFLEX VERANDA

[Adresse 2]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Olivier PHILIPPOT, avocat au barreau de STRASBOURG

Association UNEDIC DELEGATION AGS CGEA DE [Localité 5] Association, représentée par sa Directrice nationale,

[Adresse 3]

[Adresse 3]

Représentée par Me Marc STAEDELIN, avocat au barreau de MULHOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 24 Février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. PALLIERES, Conseiller rapporteur et M. LE QUINQUIS, Conseiller.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

****

EXPOSE DU LITIGE

La société Reflex Véranda, ayant pour activité l'achat et la revente de vérandas et pergolas, a été créée par Monsieur [U] [O] et Monsieur [X] [C] le 28 août 2015.

Le 1er septembre 2015, Monsieur [O] a été embauché en qualité de technico-commercial dans le cadre d'un contrat de travail à durée indéterminée.

Un avenant au contrat de travail a été établi le 8 juin 2017, puis le 28 septembre 2017.

Par lettre du 27 mars 2018, Monsieur [O] a informé la société de " sa décision de démissionner ".

La Sas Réflex Véranda a fait l'objet de l'ouverture d'une procédure de liquidation judiciaire par un jugement de la chambre commerciale du Tribunal de Grande Instance de Mulhouse du 25 juillet 2018.

Par requête du 6 mars 2019, Monsieur [U] [O] a saisi le Conseil de prud'hommes de Mulhouse de demandes aux fins de fixation de créances au titre d'heures supplémentaires, d'indemnisation pour travail dissimulé, pour non respect du repos hebdomadaire, compensatrice de congés payés, de rappel de salaire pour commissions, de requalification de la rupture du contrat en licenciement sans cause réelle et sérieuse et aux fins d'indemnisation en conséquence.

Par jugement du 29 juillet 2021, ledit Conseil de prud'hommes, en formation de départage, a :

- écarté les attestations de Messieurs [F] [Z], [K] [E] et [D] [M] ;

- dit que la rupture du contrat de travail de Monsieur [O] correspond bien à une démission ;

- fixé la créance de Monsieur [O] au passif de la liquidation judiciaire de la Sas Réflex Véranda aux sommes suivantes :

* 14 921,39 euros bruts au titre du solde des commissions et des congés payés afférents ;

* 2 171,03 euros au titre du solde des congés payés,

- débouté Monsieur [O] du surplus de ses demandes ;

- déclaré le jugement opposable au Cgea-Ags de [Localité 5] ;

- condamné la Selarl Mjm Froehlich et Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la Sas Reflex Véranda, aux dépens,

- condamné la Selarl Mjm Froehlich et Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la Sas Reflex Véranda, au paiement de la somme de 1 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté les autres demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- ordonné l'exécution provisoire.

Par déclaration au greffe du 13 août 2021, Monsieur [O] a interjeté appel de cette décision en ce qu'il a écarté les attestations de témoins [Z], [E] et [M], en ce qu'il a dit que la rupture est une démission et rejeté le surplus de ses demandes.

Par écritures, transmises par voie électronique le 27 octobre 2021, Monsieur [U] [O] sollicite l'infirmation du jugement, et que la Cour, statuant à nouveau, :

- fixe sa créance au passif de la procédure de liquidation de la SAS Reflex Véranda aux sommes suivantes :

* 47 025,33 euros bruts au titre des heures supplémentaires impayées ;

* 4 702,53 euros bruts au titre des congés payés y afférents,

* 23 683,98 euros à titre d'indemnité pour travail dissimulé ;

* 3 947,33 euros à titre de dommages et intérêts pour non respect des repos hebdomadaires ;

* 2 368,40 euros bruts a titre d'indemnité compensatrice de congés payés ;

* 49 411,69 euros bruts à titre de rappel de commissions et d'indemnités compensatrices de congés payés calculées sur rappel de commissions ;

- dise et juge que la rupture du contrat de travail s'analyse, subsidiairement

produit les effets, en un licenciement abusif et irrégulier ;

- fixe sa créance de Monsieur [O] aux sommes suivantes :

* 47 367,96 euros a titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

* 3 947,33 euros a titre de dommages et intérêts pour licenciement irrégulier ;

- dise et juge le jugement a intervenir opposable aux organes de la procédure

collective,

- fixe sa créance, subsidiairement, condamne la société Reflex Véranda à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par écritures, transmises par voie électronique le 3 janvier 2022, la Selarl Mjm Froehlich et Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la Sas Reflex Véranda, qui a formé un appel incident, sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a :

- fixé la créance de Monsieur [O] au passif de la liquidation judiciaire de la Sas Reflex Véranda aux sommes suivantes :

* 14 921,39 euros bruts au titre du solde des commissions et des congés payés afférents;

* 2 171,03 euros au titre du solde des congés payés,

- déclaré le jugement opposable au Cgea-Ags de [Localité 5],

- condamné la Selarl Mjm Froehlich et Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la Sas Reflex Véranda aux entiers dépens et au paiement de la somme de 1 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté les autres demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

et que la Cour, statuant à nouveau, :

- déboute Monsieur [U] [O] de l'ensemble de ses demandes,

- condamne Monsieur [U] [O] à lui verser la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Par écritures, transmises par voie électronique le 20 janvier 2022, le Cgea de [Localité 5], qui a formé un appel incident, sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a fixé la créance de Monsieur [O] aux sommes suivantes :

* 14 921, 39 euros au titre du solde des commissions et des congés payés y afférents,

* 2 171, 03 euros au titre du solde des congés payés,

et que la Cour statuant à nouveau :

- déboute Monsieur [O] de ses demandes,

- condamne Monsieur [O] à lui payer la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la Cour se réfère aux conclusions de l'appelante pour plus amples exposé des prétentions et moyens de cette partie.

Une ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 4 mai 2022.

MOTIFS

I. Sur les heures supplémentaires

En application de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant (Cass. Soc. 21 octobre 2020 n°19-15.453).

En l'espèce, Monsieur [U] [O] produit :

- la copie de son agenda, informatisé, couvrant la période du lundi 14 décembre 2015 au samedi 21 octobre 2017,

- la copie d'un agenda manuscrit couvrant la période du 21 septembre 2015  au 21 août 2017,

- un tableau récapitulatif des heures supplémentaires par semaine qu'il a lui-même établi, de la semaine 39 de l'année 2015 à la semaine 42 de l'année 2017,

- une attestation de témoin de Monsieur [D] [M], selon laquelle il a toujours accompagné Monsieur [O] afin de monter et démonter les stands de foires et salons pour la société Reflex Véranda, et avoir été présent avec l'intéressé les 30 septembre 2015, 12 octobre 2015, 10 mai 2016, 23 mai 2016, 5 octobre 2016, 17 octobre 2016, 3 octobre 2017, et 16 octobre 2017, le témoin précisant les horaires de début et de fin de travail,

- plusieurs pièces justificatives, notamment factures de billets de train, factures Foire Expo de [Localité 4], factures de matériel et de location, confirmant des mentions apposées dans l'agenda,

- une attestation de témoin de Monsieur [K] [E] selon laquelle il atteste avoir aidé Monsieur [O], le lundi 26 janvier 2016,à décharger une enseigne, qu'en qualité de voisins directs du stock à [Localité 6], il atteste avoir vu conduire et décharger Monsieur [O] avec le chariot élévateur, les 23 et 27 janvier 2017, le 20 avril 2017 et le 13 mars 2017, le témoin indiquant des horaires.

De même, Monsieur [E] atteste avoir été présent le 22 septembre 2015 entre 16 heures et 19h30 avec Monsieur [O] afin d'étudier les faisabilités techniques d'agrandissement d'un local à [Localité 6].

- des pièces relatives à la signature d'un bail commercial,

- une attestation de témoin de Monsieur [F] [Z], salarié de la société Locamat, selon laquelle il atteste que sa société a loué à plusieurs reprises à Monsieur [O], pour le compte de la société Reflex Véranda, un chariot élévateur, à plusieurs dates indiquées par le témoin.

Ces éléments apparaissent suffisamment précis afin de permettre à l'employeur d'y répondre utilement.

Le mandataire liquidateur, qui représente l'employeur, ne produit aucun élément, et soutient que :

- Monsieur [O] ne fournit à l'appui de sa demande aucun élément susceptible d'établir la réalité des heures supplémentaires prétendument effectuées,

- Monsieur [O] bloquait des plages horaires de travail pour une tâche, ce qui ne justifie pas d'avoir réalisé effectivement le nombre d'heures indiqué,

- le salarié a comptabilisé des heures supplémentaires aux motifs de déplacement alors qu'un temps de trajet n'est pas un temps de travail effectif,

- les factures et photographies produites n'établissent pas que Monsieur [O] a effectué des heures supplémentaires,

- les attestations de témoin, produites, ne sont pas conformes aux articles 202 et suivants du code de procédure civile de telle sorte qu'elles devront être écartées, alors qu'elles sont toutes dactylographiées, établies avec la même police de caractère, intégralement en majuscules, avec la même ponctuation.

Le mandataire liquidateur sollicite, en conséquence, que les attestations de témoin de Messieurs [Z], [E] et [M] soient écartées.

Contrairement à ce que soutient le mandataire liquidateur, le salarié ne supporte pas la charge de l'administration de la preuve de la réalisation des heures supplémentaires, au regard de l'article L 3174-1 précité, la charge de la preuve étant partagée avec l'employeur .

En outre, les conditions de forme, imposée par les articles 202 et suivants du code de procédure civile, ne sont pas sanctionnées par la nullité ou l'irrecevabilité des attestations de témoin produites, et il appartient au juge du fond d'apprécier la valeur probante des attestations.

En conséquence, le jugement entrepris sera infirmé en ce qu'il a écarté des débats ces attestations.

Toutefois, appréciant la force probante des attestations en cause, la Cour relève, comme le fait le mandataire liquidateur, que les trois attestations sont dactylographiées, et établies avec la même police de caractère, et la même taille de caractère, en lettres majuscules, de telle sorte qu'elles ont été manifestement préétablies par un tiers.

En conséquence, la force probante de ces attestations ne saurait être retenue.

Pour le surplus, comme l'ont fait les premiers juges, la Cour relève également, que :

- le contrat de travail, signé par Monsieur [O], le 1er septembre 2015, liste les activités de technico-commercial et prévoit une durée mensuelle de travail de 151,67 heures, l'avenant du 28 septembre 2017 listant également les attributions en qualité de salarié de Monsieur [O],

- Monsieur [O] était associé, dans la société Réflex Véranda, selon les statuts du 28 août 2015, avec Monsieur [X] [C], et, ce, à l'origine, à hauteur de 24, 50 % du capital social, et qu'il était donc directement intéressé au bon fonctionnement et aux résultats de l'entreprise, ce qui explique son investissement.

En tant qu'associé, il a également eu la responsabilité d'approuver les comptes de la société,

- Monsieur [O] a été gérant de la société Réflex Véranda entre septembre 2015 et septembre 2017 (et donc représentant légal de l'employeur), la Cour ajoutant qu'il résulte de la lettre de Monsieur [C] du 18 avril 2018, qu'il produit, que sa participation au capital social de la société Véranda Reflex représentait, en dernier état, 49 % du capital social,

- en tant qu'associé et agent de maîtrise, il transmettait, tous les mois, les éléments permettant de préparer sa paie, cependant aucune heure supplémentaire ne faisait partie de cette communication,

- ni le courrier de démission du 27 mars 2018, ni la lettre du 9 avril 2018 adressée à son employeur, ne mentionnent de revendication concernant des heures supplémentaires.

Ces éléments permettent d'écarter la réalisation d'heures supplémentaires, dans le cadre de travail salarié, Monsieur [O] ayant manifestement confondu son activité salariée avec celle de gérant et/ou associé de l'employeur intéressé, personnellement, aux résultats financiers de l'entreprise.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de fixation d'une créance, au passif de la société Réflex Véranda, à titre de rappel de salaire pour heures supplémentaires, ainsi que d'une créance au titre des congés payés y afférents.

II. Sur l'indemnité pour non-respect des repos hebdomadaires

Selon l'article L 3132-1 du code du travail, Il est interdit de faire travailler un même salarié plus de six jours par semaine.

Selon l'article L 3132-2 du même code, le repos hebdomadaire a une durée minimale de 24 heures consécutives auxquelles s'ajoutent les heures consécutives de repos quotidien prévu au chapitre premier.

Monsieur [U] [O] fait état que la société Reflex Véranda ne lui permettait pas de bénéficier de son repos hebdomadaire, et il indique, sans que cette énumération soit exhaustive, des périodes entre le 28 septembre 2015 et le 21 octobre 2017.

Toutefois, pour les mêmes motifs que précédemment, Monsieur [O] ne saurait reprocher à la société, qu'il a par ailleurs lui-même dirigée du mois de septembre 2015 au mois de septembre 2017, et dont il était associé, intéressé aux résultats financiers, un manquement de la société Reflex Véranda, commis à son égard, au titre d'un non-respect du repos hebdomadaire.

En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de fixation d'une indemnité à ce titre.

III. Sur l'indemnité pour travail dissimulé

Selon l'article L 8221-5 du code du travail, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :

(version antérieure au 10 août 2016) 2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

(version depuis le 10 août 2016) 2° Soit de se soustraire intentionnellement à la délivrance d'un bulletin de paie ou d'un document équivalent défini par voie réglementaire, ou de mentionner sur le bulletin de paie ou le document équivalent un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;

Selon l'article L 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.

Aucun manquement, tel que visé par l'article L 8221-5 précité, de l'employeur, n'étant établi, les faits de travail dissimulé sont inexistants, de telle sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de fixation, au passif de la société Réflex Véranda, d'une indemnité pour travail dissimulé.

IV. Sur l'indemnité compensatrice de congés payés

Il y a lieu de relever que :

- la déclaration d'appel de Monsieur [O] ne remet en cause que l'écart des attestations de témoin, la qualification de démission de la rupture du contrat de travail, et le rejet du surplus des demandes de Monsieur [O], de telle sorte que l'appel principal ne porte pas sur les dispositions du jugement relatives à un solde d'indemnité compensatrice de congés payés, qui a été accordé,

- les appels incidents, du mandataire liquidateur et du Cgea de [Localité 5], portent sur la fixation à la somme de 2 171, 03 euros bruts au titre d'un solde d'indemnité compensatrice de congés payés, mais les motifs des écritures des appelants incidents ne comportent aucun moyen à ce titre.

Or, selon l'article 954 alinéa 3 du code de procédure civile, la cour ne statue que sur les prétentions énoncées au dispositif et n'examine les moyens au soutien de ces prétentions que s'ils sont invoqués dans la discussion.

En conséquence, la Cour ne peut que confirmer le jugement en ce qu'il a fixé la créance de Monsieur [O], à ce titre, à la somme de 2 171, 03 euros bruts.

V. Sur un rappel de commissions

En application de l'article 1315, devenu 1353, du code civil, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et, réciproquement, celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

Il en résulte d'une part, que la charge de la preuve du paiement du salaire incombe à l'employeur qui se prétend libéré de son obligation, d'autre part, que lorsque le calcul de la rémunération dépend d'éléments détenus par l'employeur, celui-ci est tenu de les produire en vue d'une discussion contradictoire (Cass. Soc. 10 mai 2023 n°21-20.509 ; ibid 24 septembre 2008 n°07-41.383).

Il résulte de l'article 7 du contrat de travail à durée indéterminée du 1er septembre 2015, de l'avenant au contrat de travail, du 8 juin 2017, et de l'article 7 de l'avenant au contrat de travail, du 28 septembre 2017, que le salarié devait percevoir une rémunération variable égale à 6 % du montant du chiffre d'affaires réalisé dans le mois, comptes arrêtés au 20 du mois, des factures encaissées, déduction faite d'éventuelles annulations de commande, d'impayés du mois ; outre 1 % supplémentaire à compter du 1er juin 2017, dans le cas où il ferait aussi son propre métré.

Monsieur [U] [O] produit, en son annexe n°14, de nombreuses pièces constituées, pour l'essentiel de factures ou bons de commandes, de même qu'il produit les bordereaux de remises de chèque en banque à hauteur de 517 262, 05 euros TTC.

Faisant état d'un chiffre d'affaires réalisé, au total de 989 417, 01 euros, dont 819 813, 83 euros hors taxes à compter du 1er juin 2017, il sollicite un solde de rémunération variable de 44 919, 72 euros bruts, outre 10 % au titre des congés payés y afférents, en tenant compte de la somme totale de 22 643, 44 euros bruts perçues.

Si les commissions sont fonction, non pas des commandes, mais des paiements effectués par les clients, la Cour relève que l'employeur s'est abstenu de produire tout élément sur les paiements effectués relatifs aux commandes justifiées par le salarié, et, ce, en violation de son obligation légale.

En conséquence, le jugement entrepris, en ce qu'il a limité le solde de rémunération variable sur la somme de 517 262, 05 euros, et fixé, en conséquence, la créance du salarié, au titre des commissions, à la somme de 13 564, 90 euros bruts, outre 1 356, 49 euros bruts, au titre des congés payés y afférents, sera infirmé.

La Cour, statuant à nouveau, fixera la créance de Monsieur [O], au passif de la procédure de liquidation judiciaire de la société Reflex Véranda, à la somme de 49 411, 69 euros bruts, au titre du solde de commissions, congés payés y afférents inclus.

VI. Sur la requalification de la démission en prise d'acte de la rupture aux torts de l'employeur

Monsieur [U] [O] soutient que la rupture de son contrat de travail est une prise d'acte et doit s'analyser en un licenciement abusif et irrégulier et réclame à ce titre que soient fixées deux créances de dommages et intérêts.

Il critique le jugement entrepris en ce qu'il reconnaît le défaut de paiement de commissions correspondant à la rémunération variable, et n'en a pas tiré les conséquences alors que le retard de paiement de salaire est une faute grave de l'employeur.

La démission est un acte unilatéral par lequel le salarié manifeste sa volonté claire et non équivoque de mettre fin à son contrat de travail.

Le caractère clair et non équivoque de la démission peut être remis en cause :

- lorsque le salarié démontre que les circonstances qui l'ont conduit à démissionner ne caractérisent pas, de sa part, une réelle volonté de mettre fin à son contrat de travail,

- lorsque le salarié invoque des manquements de l'employeur de nature à rendre équivoque sa démission.

La lettre du 27 mars 2018 de Monsieur [U] [O] est ainsi rédigée :

" Je vous informe que j'ai pris la décision de démissionner.

Conformément aux dispositions issues du droit local, j 'effectuerai mon préavis de six semaines à compter de la réception des présentes.

De ce fait je serai amené à quitter votre société au 10 mai 2018 "

Comme retenu par les premiers juges, la lettre de démission ne comporte aucune explication sur les raisons de cette décision, ni aucune réserve.

Monsieur [U] [O] a adressé, à la société Réflex Véranda, le 9 avril 2018, une mise en demeure de régulariser le paiement des salaires de février et mars 2018 en précisant : " ce qui est bien au coeur de ma démission, je dénonce vos méthodes sur des retenues abusives de mes commissions au titre de nombreux chantiers ".

Si cette lettre et la réponse, par lettre du 18 avril 2018 de l'employeur, alors représenté par le co-associé, Monsieur [C], font preuve d'un litige concernant le calcul des commissions, faisant suite, selon l'employeur, à une absence de respect par le salarié du formalisme pour le calcul desdites commissions, il n'est pas établi, comme également retenu par les premiers juges, que les circonstances, qui ont conduit Monsieur [O] à démissionner, rendaient impossible la poursuite de la relation de travail, ce, d'autant plus que Monsieur [O] avait également la qualité d'associé à hauteur de 49 % du capital social.

Dès lors, la volonté, exprimée par Monsieur [U] [O], de mettre au fin au contrat de travail est non équivoque et correspond bien à une démission.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de requalification en prise d'acte et les demandes indemnitaires en conséquence.

VII. Sur la garantie du Cgea-Ags

La garantie de l'Ags ne s'exerce qu'à titre subsidiaire en l'absence de fonds disponibles, dans les conditions de l'article L 3253-8 du code du travail, ainsi que dans la limite, toutes créances avancées, d'un des trois plafonds résultant des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail.

La garantie est exclue pour l'indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

En application de l'article L 622-28 du code de commerce, le jugement d'ouverture, de la procédure de liquidation judiciaire, arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations,

Ajoutant au jugement entrepris, la Cour rappellera les limites de la garantie de l'Ags.

VIII. Sur les demandes annexes

Le jugement sera confirmé en ses dispositions relatives aux frais irrépétibles et aux dépens.

Chaque partie succombant partiellement, chacune conservera la charge de ses propres dépens d'appel.

Pour le même motif, l'équité commande qu'il n'y ait pas condamnation au titre de l'article 700 du code de procédure civile, pour les frais exposés à hauteur d'appel.

PAR CES MOTIFS

La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire, mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement du 29 juillet 2021 du Conseil de prud'hommes de Mulhouse SAUF en ce qu'il a :

- écarté les attestations de témoin de Messieurs [F] [Z], [K] [E], et [D] [M] ;

- fixé la créance de Monsieur [U] [O], au titre du solde de commissions et des congés payés y afférents, à la somme de 14 941, 39 euros bruts ;

Statuant à nouveau sur ces chefs et y ajoutant,

DEBOUTE la Selarl Mjm Froehlich et Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la Sas Reflex Véranda, de sa demande d'écart des débats des attestations de témoin de Messieurs [F] [Z], [K] [E], et [D] [M] ;

FIXE la créance de Monsieur [U] [O], au passif de la liquidation judiciaire de la Sas Reflex Véranda, au titre du solde de commissions et des congés payés y afférents, à la somme de 49 411, 69 euros bruts (quarante neuf mille quatre cent onze euros et soixante neuf centimes) ;

DIT ET JUGE que la garantie de l'Ags (l'Unédic, délégation Ags/Cgea de [Localité 5]) ne s'exerce qu'à titre subsidiaire en l'absence de fonds disponibles, dans les conditions de l'article L 3253-8 du code du travail, ainsi que dans la limite, toutes créances avancées, d'un des trois plafonds résultant des articles L 3253-17 et D 3253-5 du code du travail ;

RAPPELLE que le jugement d'ouverture, de la procédure de liquidation judiciaire, arrête le cours des intérêts légaux et conventionnels, ainsi que de tous intérêts de retard et majorations ;

DEBOUTE Monsieur [U] [O] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE la Selarl Mjm Froehlich et Associés, ès qualités de mandataire liquidateur de la Sas Reflex Véranda, de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

DEBOUTE le Cgea-Ags de [Localité 5] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE chaque partie à supporter ses propres dépens d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 16 mai 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/03817
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-16;21.03817 ?
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