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16/05/2023 | FRANCE | N°21/02256

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 16 mai 2023, 21/02256


GLQ/KG





MINUTE N° 23/419





















































Copie exécutoire

aux avocats



Copie à Pôle emploi

Grand Est



le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 16 MAI 2023



Numéro d'insc

ription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02256

N° Portalis DBVW-V-B7F-HSMT



Décision déférée à la Cour : 22 Avril 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE



APPELANTE :



S.A.R.L. CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE MLCA

prise en la personne de son gérant

[Adresse 2]

[Localité 3]



Représentée par...

GLQ/KG

MINUTE N° 23/419

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 16 MAI 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02256

N° Portalis DBVW-V-B7F-HSMT

Décision déférée à la Cour : 22 Avril 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE

APPELANTE :

S.A.R.L. CABINET D'EXPERTISE COMPTABLE MLCA

prise en la personne de son gérant

[Adresse 2]

[Localité 3]

Représentée par Me Marc STAEDELIN, avocat au barreau de MULHOUSE

INTIMEE :

Madame [K] [H] épouse [M]

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Steeve ROHMER, avocat au barreau de MULHOUSE

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Par contrat à durée indéterminée du 03 décembre 2014, Mme [K] [M] a été embauchée en qualité de chargée de clientèle comptable par la S.A.R.L. MLCA, cabinet d'expertise comptable.

Par courriel du 04 octobre 2018, Mme [K] [M] a informé son employeur de sa démission, avec effet au 04 janvier 2019 à l'issue du délai de préavis de trois mois.

Le 18 novembre 2018, Mme [K] [M] a été placée en arrêt de travail pour maladie.

Par courrier du 29 novembre 2018, la S.A.R.L. MLCA a notifié à Mme [K] [M] son licenciement pour faute lourde.

Le 05 février 2019, Mme [K] [M] a saisi le conseil de prud'hommes de Mulhouse pour contester le licenciement.

Par jugement du 22 avril 2021, le conseil de prud'hommes a :

- déclaré la sanction disciplinaire injustifiée,

- condamné la S.A.R.L. MLCA au paiement des sommes suivantes :

* 822,61 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

* 1727,48 euros au titre du demi treizième mois,

* 3 935,11 euros au titre des salaires des mois de décembre 2018 et janvier 2019,

* 508,44 euros nets en compensation de la retenu de salaire au titre de la mise à pied conservatoire dépourvue de fondement,

* 2 500 euros au titre de l'indemnité pour rupture brutale et vexatoire,

* 1 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la S.A.R.L. MLCA aux dépens,

- débouté Mme [K] [M] de ses demandes pour le surplus,

- débouté la S.A.R.L. MLCA de ses demandes reconventionnelles.

La S.A.R.L. MLCA a interjeté appel le 28 avril 2021.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 décembre 2021, la S.A.R.L. MLCA demande à la cour d'infirmer le jugement et, statuant à nouveau de :

- débouter Mme [K] [M] de ses demandes,

- ordonner le remboursement des sommes versées en vertu de l'exécution provisoire,

- condamner Mme [K] [M] aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 07 octobre 2021, Mme [K] [M] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a condamné la S.A.R.L. MLCA à payer à Mme [K] [M] :

* 822,61 euros au titre de l'indemnité compensatrice de congés payés,

* 1 727,48 euros au titre du demi treizième mois,

* 3 935,11 euros au titre des salaires des mois de décembre 2018 et janvier 2019,

* 508,44 euros nets en compensation de la retenu de salaire au titre de la mise à pied conservatoire dépourvue de fondement,

* 1 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a limité à 2 500 euros le montant de l'indemnité pour rupture brutale et vexatoire et rejetée la demande au titre de la résistance abusive.

Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de :

- débouter la S.A.R.L. MLCA de ses demandes,

- déclarer la sanction disciplinaire nulle, en tout état de cause, injustifiée,

- condamner la S.A.R.L. MLCA au paiement de la somme de 8 000 euros à titre d'indemnité pour rupture brutale et vexatoire et de la somme de 5 000 euros à titre d'indemnité pour résistance abusive,

- condamner la S.A.R.L. MLCA aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 4 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux écritures précitées, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 02 février 2022. L'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 28 février 2023 et mise en délibéré au 16 mai 2023.

MOTIFS

Sur le licenciement

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

La faute lourde est caractérisée par l'intention de nuire à l'employeur, laquelle implique la volonté du salarié de lui porter préjudice dans la commission du fait fautif, et ne résulte pas de la seule commission d'un acte préjudiciable à l'entreprise.

Dans la lettre de licenciement du 29 novembre 2018, l'employeur reproche à la salariée la destruction de données informatiques, de graves négligences dans son travail et sa déloyauté résultant d'arrêts de travail qui auraient été fondés sur de faux prétextes.

- sur la destruction de données informatiques :

La S.A.R.L. MLCA soutient que, pendant l'absence de Mme [K] [M], elle a fait intervenir une société informatique pour récupérer les courriels professionnels présents sur la boîte de la salariée et que cette société aurait constaté la suppression de tous les messages de clients contenant des informations professionnelles. Pour en justifier, la S.A.R.L. MLCA produit une facture établie par une société informatique qui mentionne notamment une intervention au mois de novembre 2018 ayant pour objet une 'analyse de pertes de données malveillantes' ainsi qu'une capture d'écran relative à une liste de messages datés du 12 et du 13 juillet 2017 et supprimés le 18 novembre 2018 à 16h48. Cette capture d'écran démontre toutefois que la suppression n'était pas définitive puisque les messages en question pouvaient être récupérés.

Par ailleurs, la S.A.R.L. MLCA ne produit aucun des messages supprimés et ne justifie pas que ces messages contenaient des données importantes concernant ses clients et qui devaient être conservées. Il apparaît au contraire à la lecture de l'en-tête de ces messages permet qu'il s'agit pour l'essentiel d'accusés de réception, de notification de lecture ou de transmission.

La S.A.R.L. MLCA ayant déposé plainte pour ces faits le 22 novembre 2018, Mme [K] [M] a été entendue par les services de police le 05 août 2020. Elle constate ainsi que, sur les 43 messages apparaissant sur la capture d'écran, 33 étaient des messages générés automatiquement et que les autres concernaient des rappels d'échéance ou des messages d'ordre personnel. La plainte de l'employeur a ainsi fait l'objet d'une décision de classement sans suite de la part du procureur de la République suite à l'audition de Mme [K] [M]. Au vu de ces éléments, le grief n'apparaît pas établi.

- sur les négligences :

La S.A.R.L. MLCA n'a pas précisé dans la lettre de licenciement ni dans ses conclusions les négligences qu'elle reprochait à Mme [K] [M] au moment du licenciement. L'employeur se borne à produire une attestation établie par M. [B] [P] qui a été embauché le 04 février 2019 et qui a repris les dossiers qui étaient gérés par Mme [K] [M] au sein du cabinet comptable. Le témoin déclare avoir constaté que ces dossiers comportaient des irrégularités et des erreurs dont il a dressé une liste annexé à l'attestation. Mme [K] [M] fait toutefois valoir à juste titre que cette attestation ne démontre en rien que les erreurs et irrégularités relevées par M. [P] lui seraient imputables.

Force est de constater surtout que la S.A.R.L. MLCA ne démontre pas qu'elle avait connaissance au moment du licenciement des erreurs et irrégularités que le témoin n'a pu découvrir que plusieurs semaines plus tard.

La S.A.R.L. MLCA ne faisant état d'aucune négligence qu'elle aurait reprochée à la salariée au moment du licenciement, ce grief n'apparaît pas établi.

- sur les absences :

La déloyauté alléguée par l'employeur résulterait du fait que la salariée lui avait indiqué que son arrêt était lié à l'état de santé de son père alors que celui-ci poursuivait son activité de spectacles pendant la même période. La S.A.R.L. MLCA reconnaît pourtant que l'arrêt de maladie était médicalement justifié. Le grief n'est donc pas davantage établi.

L'employeur fait également état d'éléments relatifs à une enquête du conseil régional de l'ordre des experts comptables qui a mis en évidence un exercice illégal de la profession par Mme [K] [M]. Dans le cadre de cette procédure, Mme [K] [M] a reconnu que certains clients de la S.A.R.L. MLCA avaient souhaité poursuivre leur collaboration avec elle lorsqu'elle avait quitté son employeur. Ces éléments ne sont toutefois pas visés dans la lettre de licenciement et ne permettent pas de justifier le licenciement a posteriori.

Il apparaît ainsi que l'employeur ne rapporte la preuve d'aucun des griefs invoqués dans la lettre de licenciement et qu'aucune faute ne peut dès lors être reprochée à Mme [K] [M]. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a dit que la sanction disciplinaire prononcée contre Mme [K] [M] n'était pas justifiée et en ce qu'il a condamné la S.A.R.L. MLCA au paiement d'une indemnité compensatrice de congés payés, d'un demi treizième mois, du salaire des mois de décembre 2018 et janvier 2019 et du salaire correspondant à la période de mise à pied conservatoire.

Sur les dommages et intérêts pour rupture brutale et vexatoire

Le caractère fautif de l'utilisation du pouvoir disciplinaire par l'employeur apparaît établi par le fait qu'il a imputé à la salariée une faute lourde reposant sur des griefs manifestement infondés et qu'il a accompagné la procédure de licenciement d'une plainte pénale pour laquelle Mme [K] [M] a dû subir une audition par les services de police. Si Mme [K] [M] a reconnu que, suite à son départ, elle avait détournée certains clients de la S.A.R.L. MLCA, cet élément ne permet pas d'écarter la faute commise par l'employeur dans l'utilisation de son pouvoir disciplinaire.

Il sera en revanche constaté que le conseil de prud'hommes a fait une juste évaluation du préjudice subi à ce titre par la salariée en lui allouant la somme de 2 500 euros à titre de dommages et intérêts et le jugement sera confirmé sur ce point.

Sur les dommages et intérêts pour résistance abusive

L'exercice d'une action en justice, de même que la défense à une telle action, ne dégénèrent en abus que s'ils constituent un acte de malice ou de mauvaise foi ou s'il s'agit d'une erreur grossière équipollente au dol. La seule appréciation erronée qu'une partie fait de ses droits n'est pas, en soi, constitutive d'une faute susceptible de justifier l'octroi de dommages et intérêts pour procédure ou résistance abusive.

Mme [K] [M] ne rapporte pas la preuve de ce que la S.A.R.L. MLCA aurait fait un usage abusif de son droit d'agir en justice et d'exercer un recours ni qu'elle aurait commis une faute dans la conduite des procédures de première instance et d'appel. Mme [K] [M] ne justifie pas davantage d'un préjudice distinct de celui réparé par l'octroi des sommes sur lesquelles il va être statué ci-après, résultant des frais qu'elle a engagés au titre de la présente procédure.

Il y a dès lors lieu de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages-intérêts pour procédure abusive.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la S.A.R.L. MLCA aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1 700 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de l'issue du litige, il convient de condamner la S.A.R.L. MLCA aux dépens de la procédure d'appel. Par équité, la S.A.R.L. MLCA sera en outre condamnée à payer à Mme [K] [M] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La S.A.R.L. MLCA sera par ailleurs déboutée de la demande présentée sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Mulhouse du 22 avril 2021 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE la S.A.R.L. MLCA aux dépens de la procédure d'appel ;

CONDAMNE la S.A.R.L. MLCA à payer à Mme [K] [M] la somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la S.A.R.L. MLCA de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 16 mai 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/02256
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-16;21.02256 ?
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