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16/05/2023 | FRANCE | N°21/01895

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 16 mai 2023, 21/01895


GLQ/KG





MINUTE N° 23/420





















































Copie exécutoire

aux avocats



Copie à Pôle emploi

Grand Est



le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 16 MAI 2023



Numéro d'insc

ription au répertoire général : 4 A N° RG 21/01895

N° Portalis DBVW-V-B7F-HRZG



Décision déférée à la Cour : 16 Mars 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG



APPELANTE :



Madame [X] [U]

[Adresse 2]

[Adresse 2]



Représentée par Me Frédéric BENOIST, avocat au barreau de PARIS



INTIMEE :



...

GLQ/KG

MINUTE N° 23/420

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 16 MAI 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/01895

N° Portalis DBVW-V-B7F-HRZG

Décision déférée à la Cour : 16 Mars 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG

APPELANTE :

Madame [X] [U]

[Adresse 2]

[Adresse 2]

Représentée par Me Frédéric BENOIST, avocat au barreau de PARIS

INTIMEE :

S.A.S.U. SPIE INDUSTRIE & TERTIAIRE

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Adresse 1]

[Adresse 1]

Représentée par Me Jean SCHACHERER, avocat au barreau de STRASBOURG

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 28 Février 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Par un contrat à durée indéterminée du 26 novembre 2001, Mme [X] [U] a été embauchée en qualité de consultante ressources humaines par une société GROUPE IPEDEX, exerçant son activité dans le secteur des services pétroliers, rachetée depuis par la société AMEC SPIE.

Après avoir exercé diverses fonctions au sein de sociétés du groupe SPIE, Mme [X] [U] a été embauchée par la S.A.S. SPIE EST à compter du 1er juin 2017 en qualité de responsable commerciale, avec reprise de l'ancienneté acquise au sein du groupe SPIE.

Par un courrier daté du 31 juillet 2018, Mme [X] [U] a informé son employeur qu'elle prenait acte de la rupture de son contrat de travail, imputant la dégradation de son état de santé aux conditions d'exécution de son contrat de travail.

Le 11 juin 2019, Mme [X] [U] a saisi le conseil de prud'hommes de Strasbourg pour faire constater que la prise d'acte de la rupture du contrat de travail s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Par jugement du 16 mars 2021, le conseil de prud'hommes a :

- débouté la S.A.S.U. SPIE INDUSTRIE ET TERTIAIRE de sa demande au titre de l'incompétence matérielle,

- dit que le forfait jour est valable,

- débouté Mme [X] [U] de ses demandes au titre des heures supplémentaires, des congés payés y afférent, des repos compensateurs et du travail dissimulé,

- dit que la prise d'acte de la rupture est imputable à Mme [X] [U] et qu'elle produit les effets d'une démission,

- débouté Mme [X] [U] de ses demandes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés y afférent, de l'indemnité conventionnelle de licenciement, de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et de la violation de l'obligation de sécurité,

- condamné Mme [X] [U] au paiement de la somme de 4 500 euros à titre de dommages et intérêts pour prise d'acte injustifiée,

- condamné Mme [X] [U] aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Mme [X] [U] a interjeté appel le 08 avril 2021.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 novembre 2021, Mme [X] [U] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a déclaré la juridiction prud'hommale compétente et l'infirmer pour le surplus. Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de :

- dire que la prise d'acte de rupture s'analyse en un licenciement sans cause réelle et sérieuse imputable à la S.A.S.U. SPIE INDUSTRIE ET TERTIAIRE,

- constater que la S.A.S.U. SPIE INDUSTRIE ET TERTIAIRE a manqué à son obligation de sécurité de résultat,

- dire que le forfait auquel l'appelant était soumise est entaché de nullité,

- condamner la S.A.S.U. SPIE INDUSTRIE ET TERTIAIRE au paiement des sommes suivantes :

* 16 819,50 euros au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, outre 1 681,95 euros au titre des congés payés afférents,

* 40 366,80 euros au titre de l'indemnité conventionnelle de licenciement,

* 78 500 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

* 33 639 à titre de dommages et intérêts pour violation de l'obligation de sécurité de résultat,

* 25 583,27 euros au titre des heures supplémentaires, outre 2 558,32 euros au titre des congés payés afférents,

* 5 654,88 euros au titre des repos compensateurs,

* 33 639 euros au titre de la dissimulation d'emploi salarié,

- dire que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du dépôt de la demande,

- condamner la S.A.S.U. SPIE INDUSTRIE ET TERTIAIRE aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 mai 2022, la S.A.S. SPIE EST, devenue la S.A.S. SPIE INDUSTRIE, demande à la cour d'infirmer à titre reconventionnel le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre de l'incompétence matérielle du conseil de prud'hommes et de confirmer le jugement pour le surplus. En conséquence, elle demande à la cour de :

- dire que le forfait jour de Mme [X] [U] est valable,

- dire que la prise d'acte de rupture du contrat de travail de Mme [X] [U] produit les effets d'une démission,

- débouté Mme [X] [U] de ses demandes,

- en tout état de cause, condamné Mme [X] [U] aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour un exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux écritures précitées, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 31 mai 2022. L'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 28 février 2023 et mise en délibéré au 16 mai 2023.

MOTIFS

Sur les heures supplémentaires

Sur la convention de forfait en jours

Aux termes des articles L. 3121-53 et suivants du code du travail, la durée du travail peut être forfaitisée en heures ou en jours. Le forfait en heures est hebdomadaire, mensuel ou annuel. Le forfait en jours est annuel. La forfaitisation de la durée du travail doit faire l'objet de l'accord du salarié et d'une convention individuelle de forfait établie par écrit.

Par ailleurs, toute convention de forfait en jours doit être prévue par un accord collectif dont les stipulations assurent la garantie du respect de durées raisonnables de travail ainsi que des repos, journaliers et hebdomadaires.

Pour solliciter la condamnation de la S.A.S. SPIE INDUSTRIE au paiement d'un rappel d'heures supplémentaires, Mme [X] [U] conteste la validité de la convention de forfait en jours prévue par le contrat de travail.

La S.A.S. SPIE INDUSTRIE fait valoir à ce titre que la salariée occupait un emploi de cadre qui lui permettait de bénéficier d'une convention de forfait à laquelle elle a expressément donné son accord en signant le contrat de travail.

Il ne peut par ailleurs être reproché à l'employeur de ne pas avoir organisé l'entretien individuel prévu par le contrat de travail pour assurer le suivi de l'organisation et de la charge de travail. Il convient en effet de constater que le contrat de travail a pris effet le 1er juin 2017, que Mme [X] [U] a été placée en arrêt de maladie au mois d'avril 2018, avant l'échéance annuelle, et qu'elle n'a plus repris ses fonctions avant la rupture du contrat de travail.

Il résulte en revanche de l'article 3.3 de la convention collective nationale des cadres des travaux publics que 'l'organisation du travail des salariés fait l'objet d'un suivi régulier par la hiérarchie qui veille notamment aux éventuelles surcharges de travail et au respect des durées minimales de repos. Un document individuel de suivi des périodes d'activité, des jours de repos et jours de congés (en précisant la qualification du repos : hebdomadaire, congés payés, etc.) sera tenu par l'employeur ou par le salarié sous la responsabilité de l'employeur. L'entreprise fournira aux salariés un document permettant de réaliser ce décompte. Ce document individuel de suivi permet un point régulier et cumulé des jours de travail et des jours de repos afin de favoriser la prise de l'ensemble des jours de repos dans le courant de l'exercice.'

Mme [X] [U] fait valoir l'absence de suivi de la charge et de l'amplitude de travail et la S.A.S. SPIE INDUSTRIE ne justifie pas de la mise en place d'un tel suivi que ce soit par l'intermédiaire du document individuel de suivi prévu par la convention collective ou par tout autre moyen. A défaut d'un suivi effectif de la charge et de l'amplitude de travail, la convention de forfait en jours est inopposable à la salariée. Le jugement sera confirmé en ce qu'il a débouté Mme [X] [U] de sa demande de nullité de la convention de forfait en jour qui lui sera en revanche déclarée inopposable.

Sur les heures supplémentaires

Aux termes de l'article L. 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, l'employeur fournit au juge les éléments de nature à justifier les horaires effectivement réalisés par le salarié. Au vu de ces éléments et de ceux fournis par le salarié à l'appui de sa demande, le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.

Il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.

En l'espèce, Mme [X] [U] produit son agenda sur lequel figure des heures de rendez-vous et de réunion mais qui ne mentionne pas ses horaires de travail ainsi qu'un tableau de décompte d'heures supplémentaires pour la période du 1er juin 2017 au 20 avril 2018. Ce décompte est toutefois établi sur une base uniquement hebdomadaire et ne contient pas le détail des heures de travail que la salariée prétend avoir effectuées chaque jour. Ces éléments n'apparaissent pas suffisamment précis pour permettre à la S.A.S. SPIE INDUSTRIE de répondre utilement. Il convient en conséquence de confirmer le jugement en ce qu'il a rejeté les demandes de paiement d'heures supplémentaires et d'indemnité pour travail dissimulé.

Sur la prise d'acte de la rupture du contrat de travail

La prise d'acte permet au salarié de rompre le contrat de travail en cas de manquement suffisamment grave de l'employeur à ses obligations empêchant la poursuite du contrat de travail. Dans cette hypothèse, elle produit les effets d'un licenciement sans cause réelle et sérieuse, ceux d'une démission dans le cas contraire.

Sur l'obligation de sécurité

Aux termes de l'article L. 4121-1 du code du travail, l'employeur prend les mesures nécessaires pour assurer la sécurité et protéger la santé physique et mentale des travailleurs. Ces mesures comprennent :

1° Des actions de prévention des risques professionnels, y compris ceux mentionnés à l'article L. 4161-1 ;

2° Des actions d'information et de formation ;

3° La mise en place d'une organisation et de moyens adaptés.

L'employeur veille à l'adaptation de ces mesures pour tenir compte du changement des circonstances et tendre à l'amélioration des situations existantes.

Mme [X] [U] justifie qu'elle a été alertée la direction de l'entreprise du comportement de son supérieur hiérarchique, M. [H], qui, selon la salariée, adoptait des postures managérielles perturbant le bon fonctionnement du service et qui cherchait à rabaisser ses contradicteurs par le biais de menaces grossières et de hurlements. Il résulte d'un courriel du 20 novembre 2017 qu'elle avait rencontrée la directrice des ressources humaines le 14 septembre 2017 pour demander le 'divorce' avec son chef et elle produit un courriel du 22 septembre 2017 dans lequel elle fait état d'un éclat 'd'une violence inouïe' dont elle-même et l'un de ses collègues ont été victimes de la part de leur supérieur hiérarchique qu'elle qualifie de 'chef de meute', expliquant que la situation ne fait qu'empirer et qu'elle a craqué. Dans un long courriel très circonstancié adressé à la directrice des ressources humaines et transmis au directeur général le 16 octobre 2017, elle décrit des propos et comportements sexistes récurrents de la part de M [H]. Mme [X] [U] reproche à l'employeur d'avoir fait preuve d'inertie face à la dénonciation de cette situation, en particulier de ne pas avoir diligenté d'enquête.

Les courriels échangés permettent certes de constater que, pendant cette période, Mme [X] [U] a bénéficié de l'écoute et du soutient de la directrice des ressources humaines qui n'a pas remis en cause les faits tels que dénoncés par la salariée et qui lui a fait part de son intention de régler la situation. Mme [X] [U] reconnaît ainsi dans son courriel du 16 octobre 2017 que la situation s'est nettement améliorée depuis ses remarques du mois septembre même si elle ne sait pas si cela résulte d'une intervention de la direction auprès de M. [H]. Elle se plaint en revanche dans son courriel du 20 novembre 2017 que la situation ne soit pas encore réglée, ce qui sera le cas dans les jours qui suivront avec le départ de M. [H] de l'entreprise qui a mis un terme à la situation dénoncée par Mme [X] [U]. Dans un courriel du 1er décembre 2017, elle informe d'ailleurs Mme [R] [M] que la rencontre avec son nouveau supérieur hiérarchique s'est très bien passée et qu'elle a 'retrouvé l'envie et la gnaque'.

Il résulte de ces éléments que l'employeur n'est manifestement pas resté totalement inerte face aux faits de harcèlement dénoncés par Mme [X] [U] et que la situation a de fait été réglée dans un délai de deux mois après que les faits ont été dénoncés pour la première fois par la salariée. La S.A.S. SPIE INDUSTRIE ne fait toutefois état d'aucune action concrète qui aurait été immédiatement mise en place pour assurer la sécurité et protéger la santé de la salariée. Aucun élément ne permet en outre de considérer que le départ de M. [H] serait lié à la dénonciation de faits de harcèlement par Mme [X] [U]. La S.A.S. SPIE INDUSTRIE ne démontre donc pas qu'elle aurait alors respecté son obligation de sécurité.

Il convient en revanche de constater que Mme [X] [U] ne produit aucun élément permettant d'établir un lien entre la situation de harcèlement qui a cessé définitivement au mois de novembre 2017 et la dégradation de son état de santé à l'origine de ses arrêts de travail à partir du mois d'avril 2018. Mme [X] [U] ne démontre donc pas que sa prise d'acte de la rupture du contrat de travail était justifiée par le manquement de l'employeur à son obligation de sécurité au titre de la situation de harcèlement moral qu'elle avait dénoncée.

Mme [X] [U] reproche également à l'employeur de l'avoir laissée dans l'incertitude sur son affectation géographique, ce qui l'aurait obligée à effectuer des trajets épuisants.

Il résulte des déclarations non contestées de Mme [X] [U] et des pièces produites que le logement principal de la salariée est situé en région parisienne. Elle a accepté sa mutation auprès de la société SPIE EST par une convention tripartite du 10 mai 2017, ce qui a donné lieu à la signature d'un nouveau contrat de travail le 03 mai 2017, lequel prévoit que la salariée est basée à [Localité 7], dans le département de la Côte-d'Or. Mme [X] [U] explique que, suite au départ de M. [H], elle a été rattachée à M. [F], directeur opérationnel pour le secteur Lorraine, Champagne-Ardennes, Bourgogne et Franche-Comté et qu'elle a été affectée aux fonctions de responsable commerciale sur la région Champagne Ardennes alors que son lieu de travail était maintenu à [Localité 3]. Elle soutient qu'au mois de janvier 2018, son responsable lui a demandé d'être basée à [Localité 4] à partir du 1er février 2018 et que cette situation aurait entraîné la dégradation de son état de santé.

L'employeur produit une attestation de M. [F] qui explique que, suite au départ de M. [H], le secteur de la Bourgogne a été rattaché au secteur Lorraine-Champagne-Ardennes et que Mme [X] [U] assurait les fonctions de commercial sur ce secteur. Il précise qu'une nouvelle organisation était en cours de préparation et qu'il lui a suggéré, avant de quitter sa résidence principale à [Localité 5], d'attendre que cette nouvelle organisation soit mise en place, ce qui a été le cas au mois de mai 2018. Il ajoute que le travail de Mme [X] [U] se concentrait davantage sur le secteur Lorraine-Champagne, raison pour laquelle elle a décidé de prendre un pied à terre à [Localité 4] plutôt que de conserver celui dont elle disposait en Bourgogne mais qu'elle aurait également pu s'installer à [Localité 6].

Il résulte de ces éléments que les déplacements entre la région parisienne et la Bourgogne puis la ville de [Localité 4] relevait d'un choix personnel de la part de Mme [X] [U]. Aucune pièce produite ne permet en effet de considérer que l'employeur lui aurait imposé de conserver son logement principal à [Localité 5] et la salariée ne démontre pas que la suggestion faite par M. [F] d'attendre la finalisation d'un projet de réorganisation avant d'envisager un déménagement pouvait avoir un caractère contraignant pour la salariée. Il sera par ailleurs relevé que le contrat de travail contenait une clause de mobilité géographique et que, dans les différents courriels produits par Mme [X] [U], les seuls échanges portent sur les conditions de prise en charge par l'employeur des frais de déplacements, Mme [X] [U] ne se plaignant à aucun moment que la situation serait source d'une fatigue importante et d'une souffrance au travail. Au vu de ces éléments, aucun manquement à l'obligation de sécurité ne résulte du choix fait par Mme [X] [U] de conserver son logement principal en région parisienne.

Sur la convention de forfait

S'il a été jugé que la S.A.S. SPIE INDUSTRIE n'avait pas respecté son obligation de mettre en place un suivi de la charge de travail dans le cadre de la convention de forfait, ce manquement n'est pas en lui-même susceptible de justifier la prise d'acte de la rupture du contrat. Mme [X] [U] n'a par ailleurs pas été en mesure de démontrer qu'elle aurait effectué des heures supplémentaires non rémunérées.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, la prise d'acte de la rupture du contrat de travail par Mme [X] [U] n'est justifiée par aucun manquement de l'employeur à ses obligations. En conséquence, le jugement sera confirmé en ce qu'il a dit que la prise d'acte produit les effets d'une démission et en ce qu'il a débouté Mme [X] [U] des demandes au titre de l'indemnité compensatrice de préavis, des congés payés sur préavis, de l'indemnité conventionnelle de licenciement et de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

Sur la demande de dommages et intérêts au titre du manquement à l'obligation de sécurité

Sur la compétence matérielle du conseil de prud'hommes

Il convient de constater que la demande de dommages et intérêts formée par Mme [X] [U] au titre du manquement à l'obligation de sécurité est sans lien avec l'indemnisation d'un accident du travail ou d'une maladie professionnelle qui relève de la compétence du tribunal judiciaire en application de l'article L. 451-1 du code de la sécurité sociale. Cette demande relève par ailleurs de la compétence matérielle du conseil de prud'hommes en application de l'article L. 1411-4 du code du travail. Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a écarté l'exception d'incompétence matérielle soulevée par la S.A.S. SPIE INDUSTRIE.

Sur le bien-fondé de la demande

Mme [X] [U] a démontré que l'employeur avait manqué à son obligation de sécurité du fait l'insuffisance des mesures prises suite à la dénonciation de faits de harcèlement moral. Il a cependant été jugé que ce manquement était sans lien avec la dégradation de l'état de santé de la salariée intervenu plusieurs mois plus tard. Mme [X] [U] ne justifiant d'aucun autre préjudice qui aurait résulté de cette situation de harcèlement, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande de dommages et intérêts.

Sur la demande reconventionnelle au titre du non-respect du préavis

Dès lors que la prise d'acte produit les effets d'une démission, le salarié est redevable de l'indemnité de préavis prévue à l'article L. 1237-1 du code du travail.

En l'espèce, il résulte des conclusions de Mme [X] [U] que, compte tenu de son ancienneté, elle devait à son employeur un préavis d'une durée de trois mois. Le montant réclamé par la S.A.S. SPIE INDUSTRIE à ce titre étant inférieur à celui auquel l'employeur pouvait prétendre, il convient de confirmer le jugement en ce qu'il a fait droit à la demande de la S.A.S. SPIE INDUSTRIE en condamnant Mme [X] [U] à lui payer la somme de 4 500 euros.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné Mme [X] [U] aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 100 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de l'issue du litige, il convient de condamner Mme [X] [U] aux dépens de la procédure d'appel. Par équité, Mme [X] [U] sera en outre condamnée à payer à la S.A.S. SPIE INDUSTRIE la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. Mme [X] [U] sera par ailleurs déboutée de la demande présentée sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Strasbourg du 16 mars 2021 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

DÉCLARE la convention de forfait en jours inopposable à la salariée ;

CONDAMNE Mme [X] [U] aux dépens de la procédure d'appel ;

CONDAMNE Mme [X] [U] à payer à la S.A.S. SPIE INDUSTRIE la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE Mme [X] [U] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 16 mai 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/01895
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-16;21.01895 ?
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