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16/05/2023 | FRANCE | N°21/01162

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 16 mai 2023, 21/01162


ZEI/KG





MINUTE N° 23/407





















































Copie exécutoire

aux avocats



Copie à Pôle emploi

Grand Est



le



Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 16 MAI 2023



Numéro d'insc

ription au répertoire général : 4 A N° RG 21/01162

N° Portalis DBVW-V-B7F-HQQO



Décision déférée à la Cour : 15 Février 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE



APPELANT :



Monsieur [C] [W]

[Adresse 2]

[Localité 4]



Représenté par Me Raphaël REINS, avocat à la Cour



INTIMEE :



S.A. SCHIN...

ZEI/KG

MINUTE N° 23/407

Copie exécutoire

aux avocats

Copie à Pôle emploi

Grand Est

le

Le greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 16 MAI 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/01162

N° Portalis DBVW-V-B7F-HQQO

Décision déférée à la Cour : 15 Février 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE MULHOUSE

APPELANT :

Monsieur [C] [W]

[Adresse 2]

[Localité 4]

Représenté par Me Raphaël REINS, avocat à la Cour

INTIMEE :

S.A. SCHINDLER FRANCE

Prise en la personne de son représentant légal.

[Adresse 1]

[Localité 3]

Représentée par Me Laetitia RUMMLER, avocat à la Cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 10 Juin 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. EL IDRISSI, Conseiller

M. BARRE, Vice Président placé, faisant fonction de Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

M. [C] [W], né le 27 juillet 1979, a été embauché, à compter du 5 septembre 2011, par la Sa Schindler, suivant un contrat à durée déterminée, en qualité de technicien de montage.

La relation de travail s'est poursuivie en contrat à durée indéterminée à compter du 5 mai 2012.

M. [C] [W] a été nommé en qualité de technicien de maintenance suivant avenant au contrat du 13 février 2014, puis en qualité de technicien de réparation suivant avenant au contrat du 8 octobre 2013.

La relation contractuelle était régie par la convention collective départementale des mensuels des industries métallurgiques du Haut- Rhin.

M. [C] [W] a été convoqué à un entretien préalable au licenciement fixé au 30 août 2018, puis il a été licencié le 4 septembre 2018 pour faute grave.

Par acte introductif d'instance du 11 juillet 2019, il a saisi le conseil de prud'hommes de Mulhouse aux fins de contester son licenciement et d'obtenir diverses sommes au titre des indemnités de rupture, d'indemnité liée au caractère vexatoire du licenciement et d'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse. Il sollicitait également la rectification, sous astreinte, de son solde de tout compte.

Par jugement du 15 février 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit et jugé que le licenciement de M. [C] [W] est fondé et que la faute grave est caractérisée,

- dit et jugé que les circonstances vexatoires et humiliantes du licenciement, ainsi que le préjudice distinct qui en découle ne sont pas démontrés par M. [C] [W],

- débouté M. [C] [W] de l'ensemble de ses chefs de demandes,

- rejeté les demandes des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné M. [C] [W] aux entiers frais et dépens.

Par déclaration reçue le 23 février 2021 au greffe de la cour par voie électronique, M. [C] [W] a interjeté appel de cette décision.

Aux termes de ses écritures transmises par voie électronique le 21 mai 2022, M. [C] [W] demande à la cour de :

- infirmer le jugement entrepris, et statuant à nouveau,

- écarter des débats les attestations produites par la Sa Schindler pour défaut d'objectivité et car elles émanent de témoins sous la subordination de l'employeur,

- dire et juger que son licenciement est irrégulier, qu'il est dépourvu de cause réelle et sérieuse, qu'il est abusif et qu'il présente un caractère vexatoire,

- en conséquence, condamner la Sa Schindler à lui payer les sommes suivantes, majorées des intérêts au taux légal à compter de la demande :

* 6.754,92 euros brut au titre de l'indemnité compensatrice de préavis,

* 675,49 euros brut au titre des congés payés y afférents,

* 13.509,44 euros brut à titre d'indemnité pour licenciement vexatoire,

* 5.910,55 euros brut, à titre d'indemnité légale de licenciement,

* 40.529,52 euros brut, subsidiairement 27.019,68 euros brut si le barème Macron devait être appliqué, à titre de dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,

- ordonner la rectification et la transmission du solde de tout compte et du certificat de travail, et ce sous astreinte de 30 euros par document et par jour de retard à compter de la décision à intervenir,

- se réserver le droit de liquider l'astreinte,

- rejeter l'appel incident,

- condamner la Sa Schindler aux entiers frais et dépens, ainsi qu'au paiement d'un montant de 6.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner la Sa Schindler à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage liées au licenciement à concurrence de 6 mois.

Aux termes de ses écritures transmises par voie électronique le 12 mai 2022, la Sa Schindler demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris et débouter M. [C] [W] de l'ensemble de ses demandes,

- à titre subsidiaire, si le licenciement est considéré comme sans cause réelle et sérieuse, limiter l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse à 3 mois de salaire, soit un maximum de 10.069,26 euros, et débouter M. [C] [W] de toutes ses autres demandes,

- en tout état de cause, condamner M. [C] [W] aux entiers dépens, ainsi qu'au paiement de la somme de 5.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction de l'affaire a été prononcée par ordonnance du 10 juin 2022.

Il est, en application de l'article 455 du code de procédure civile, pour plus ample exposé des faits, moyens et prétentions des parties, renvoyé au dossier de la procédure, aux pièces versées aux débats et aux conclusions des parties ci-dessus visées.

MOTIFS

Sur la demande d'écarter les attestations produites par l'employeur

M. [C] [W] demande au tribunal d'écarter les attestations produites par la Sa Schindler pour défaut d'objectivité et car elles émanent de témoins sous la subordination de l'employeur.

Toutefois, et en premier lieu, les attestations établies par M. [L] [O], M. [O] [G], M. [F] [K] et M. [E] [U], salariés de la Sa Schindler, satisfont aux prescriptions des articles 201 et suivants du code de procédure civile.

En deuxième lieu, en matière prud'homale, la preuve est libre, sauf obtention par un moyen illicite, et il appartient ensuite aux juges du fond d'apprécier la valeur probante des pièces qui leur sont soumises.

En dernier lieu, M. [C] [W] se borne à remettre en cause les attestations en raison du lien de subordination qui lie les témoins à la Sa Schindler, alors que ce seul lien ne saurait suffire à écarter les attestations.

Au vu de ces éléments, la demande tendant à écarter lesdites attestations des débats ou à les juger sans valeur probante sera rejetée, ce en quoi le jugement entrepris sera confirmé.

Sur le licenciement

En application des articles L.1232-1, L.1232-6 et L.1235-1 du code du travail, lorsque l'employeur décide de licencier un salarié, il lui notifie sa décision par lettre recommandée avec avis de réception, qui doit comporter l'énoncé du ou des motifs invoqués par l'employeur.

Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les termes du litige, et il appartient au juge d'apprécier le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur en formant sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

La faute grave, qui seule peut justifier une mise à pied à titre conservatoire, est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations résultant du contrat de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible la poursuite des relations de travail.

L'employeur qui entend arguer d'une faute grave supporte exclusivement la charge de prouver celle-ci, dans les termes de la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige, et si un doute subsiste il profite au salarié.

La lettre de licenciement de M. [C] [W] du 4 septembre 2018 est ainsi libellée :

'Les faits que nous vous reprochons sont les suivants :

[Adresse 6] :

En date du 6 août 2018, vous êtes intervenu sur l'installation dans le cadre d'un dépannage.

Lors de cette intervention, vous avez délibérément et consciemment transgressé les règles de sécurité élémentaires. Alors que l'intervention consistait à déplacer la cabine sur batterie, vous avez sciemment utilisé des shunts inapropriés, ce qui a eu pour effet la destruction de l'ensemble des circuits électriques.

Cette manière d'agir est non seulement interdite dans nos procédures mais extrêmement dangereuse et aurait pu avoir des conséquences dramatiques pour votre sécurité avec la possibilité d'électrocution, d'incendie ou d'explosion des batteries.

De plus, l'appareil a dû être laissé à l'arrêt pour des réparations supplémentaires, ce qui a eu pour conséquence le mécontentement de notre client ainsi qu'un coût de plus de 6000 € à notre charge.

Vous avez reconnu ces faits sans nous fournir d'explications. Faisant preuve de mauvaise foi, vous n'avez pas hésité à rétorquer que vous aviez déjà vu faire cette man'uvre, ce qui est pourtant parfaitement contraire à nos procédures.

[Adresse 5] :

Courant août 2018, dans le cadre d'une réparation de raccourcissement des câbles, nous avons constaté un fin de course haut inactif, alors que c'est un élément majeur de sécurité.

Vous avez en charge cet ascenseur à la maintenance depuis plusieurs mois et notamment, lors de la dernière visite technique, vous auriez dû contrôler ce circuit.

Vous reconnaissez avoir constaté, après contrôle du circuit, sa défectuosité. Vous confirmez avoir tenté de le réparer, mais constatant que vous n'y arriviez pas, vous avez simplement décidé de laisser le circuit en l'état, pire de laisser l'ascenseur en service.

Nous sommes stupéfaits de votre réponse alors que vous connaissez le risque majeur et même mortel qu'une telle situation peut avoir pour les usagers.

Comment avez-vous pu laisser un appareil en service, alors même que vous le savez dangereux'

Vous reconnaissez les faits et vous ne semblez pas comprendre la gravité de cette situation.

Ces faits sont inadmissibles mais surtout contraires à toutes nos procédures ainsi qu'aux valeurs fondamentales de notre société.

La sécurité des usagers et des collaborateurs est la priorité de notre société.

Pourtant depuis votre embauche en date du 5 septembre 2011, vous avez bénéficié de 51 formations, tant sur le terrain, qu'en salle, ou encore des formations techniques au siège ou locales.

Force est de constater que vous êtes incapable de suivre les méthodes et les procédures que chaque salarié doit respecter au sein de notre organisation.

Bien au contraire, votre manière d'agir en tant que technicien de maintenance est dangereuse autant pour nos usagers, collaborateurs ou vous-même et est totalement inacceptable au regard de notre devoir de transporter des personnes en toute sécurité.

En conséquence, nous avons le regret de vous informer par la présente que nous prenons la décision de vous licencier pour faute grave.'

M. [C] [W] conteste tant la réalité des faits reprochés que leur caractère grave, et soutient que l'employeur ne l'a pas licencié dans un délai restreint à compter de la découverte des faits soi-disant fautifs.

La Sa Schindler se prévalant d'une faute grave à son encontre, elle devait entamer la procédure de licenciement dans un délai restreint à compter de sa révélation dans la limite du délai de prescription de deux mois dans lequel une poursuite disciplinaire doit être engagée.

La Sa Schindler a agi dans un tel délai puisqu'elle a eu une pleine connaissance des faits considérés comme fautifs le 8 août 2018 et qu'elle a convoqué le salarié à un entretien préalable au licenciement le 20 août 2018.

Il convient donc d'examiner les griefs invoqués par l'employeur dans la lettre de licenciement qui fixe les limites du litige.

1. Sur les faits relatifs à l'ascenseur de l'hôtel Bristol de Mulhouse

Il est reproché à M. [C] [W] d'avoir, lors de son intervention du 6 août 2018 sur l'ascenseur en panne de l'hôtel Bristol qui consistait à déplacer la cabine sur batterie, délibérément et consciemment transgressé les règles de sécurité élémentaires en utilisant sciemment des shunts inapropriés, ce qui a eu pour effet la destruction de l'ensemble des circuits électriques.

Pour en justifier, la Sa Schindler fait valoir pour l'essentiel :

- que le 6 août 2018, l'hôtel Bristol de Mulhouse a signalé que l'ascenseur était bloqué au rez-de-chaussée, le défaut d'origine ; que pour ce dépannage, M. [C] [W] devait procéder à une opération de déplacement de la cabine de l'ascenseur, coincée au rez-de-chaussée, jusqu'au 5ème étage, où se trouve l'armoire de commande de l'ascenseur ; que pour ce faire, et conformément aux procédures préconisées, il a eu recours au système d'évacuation de secours par batterie, dit 'Pulse Electronic Brake Opening' (PEBO), dispositif fonctionnant par action sur le frein de l'ascenseur et qui est relativement lent par rapport à la vitesse de déplacement normale d'une cabine d'ascenseur ; que jugeant cette manipulation trop lente, M. [C] [W] a tenté de l'accélérer en effectuant un shunt inapproprié par utilisation des 'connecteurs de test demi-frein (test MGB et test MGB1)' pour forcer l'ouverture des freins de la cabine et accélérer ainsi son déplacement, procédure prévue pour des tests de frein ;

- qu'en d'autres termes, la man'uvre effectuée par M. [C] [W] a généré un court-circuit entre le système d'alimentation de secours sur batterie et le système d'alimentation secteur en 230V, causant des dégâts et des destructions dans les circuits de l'ascenseur, avec un arrêt de 11 jours occasionnant le mécontentement du client et un coût de 6.000 euros restant à la charge de l'entreprise ;

- que M. [L] [O], technicien agence service (TAS) dont la fonction consiste à solutionner des problèmes techniquement plus complexes, qui est intervenu sur l'ascenseur endommagé pour procéder à sa réparation, atteste en ces termes : 'Le 08/08/2018 lors d'une intervention d'assistance au dépannage avec M. [C] [W] à l'hôtel Bristol (...) J'ai diagnostiqué que plusieurs composants électroniques étaient défectueux. J'ai alors demandé à M. [W] les circonstances de ces anomalies, il m'a raconté que lors de son intervention de dépannage sur cet ascenseur le 06/08/2018 il a utilisé les outils shunt (test MGB et MGB1) en plus du système de secours (PEBO) en pensant accélérer le déplacement de la cabine en manuel (secours par batteries). Cette action hors process a provoqué la destruction de plusieurs composants' ;

- que M. [C] [W] aurait reconnu ces faits, à l'entretien préalable, sans nous fournir d'explications, et faisant preuve de mauvaise foi, il n'aurait pas hésité à rétorquer avoir déjà vu faire cette man'uvre, ce qui est pourtant contraire aux procédures pratiquées au sein de l'entreprise.

Toutefois, ces éléments ne sont pas suffisants à caractériser la matérialité des faits reprochés, et un doute subsiste quant à leur commission, doute qui doit profiter au salarié.

En effet, et en premier lieu, la Sa Schindler ne justifie par aucun élément que M. [C] [W] ait reconnu à l'entretien préalable les faits reprochés lors de son intervention à l'hôtel Bristol de Mulhouse.

Dans son attestation, M. [E] [U], salarié ayant assisté M. [C] [W] à cet entretien préalable, évoque une reconnaissance des faits, objet du deuxième grief, et non ceux relatifs à l'hôtel Bristol de Mulhouse.

En deuxième lieu, le témoignage de M. [L] [O] est contredit par le carnet d'entretien dudit ascenseur qui mentionne une intervention de celui-ci, le 8 août 2018, en présence de deux autres techniciens, un certain '[P]' et un certain 'Bareva'. La présence de M. [C] [W] n'est pas mentionnée.

Force est de constater que la Sa Schindler ne s'explique pas sur ce point, et ne donne aucune précision sur les deux techniciens précités qui auraient pu éventuellement témoigner de la présence ou non de M. [C] [W] ce jour du 8 août 2018.

En dernier lieu, la Sa Schindler produit en son annexe n°26 un suivi informatique de l'ascenseur de l'hôtel Bristol, extrait de 'l'outil Fieldink' de M. [L] [O], qui mentionne que l'intervention de ce dernier a duré toute la journée du 8 août 2018, de 9h14 à 17h, et qu'à 17h l'équipement était en fonctionnement.

Il y donc lieu de supposer que lors de l'intervention de M. [C] [W] du 6 août 2018, les composants électroniques n'étaient pas défectueux puisqu'il n'avait pas été procédé encore à leur remplacement et que l'ascenseur était en fonctionnement.

Il s'en évince que la preuve de ce que M. [C] [W] aurait été à l'origine de la défectuosité des composants électroniques n'est pas établie.

Il s'ensuit que le premier grief n'est pas caractérisé.

2. Sur les faits relatifs à l'ascenseur de l'immeuble situé [Adresse 5]

Il est reproché à M. [C] [W] d'avoir constaté, après contrôle de l'ascenseur de cet immeuble courant 2018, que le 'fin de course haut' était inopérant, puis décidé de laisser l'ascenseur en service, faisant courir un risque majeur, et même mortel, aux usagers.

En premier lieu, les faits ayant été découverts le 23 août 2018, soit entre la date de la convocation du 20 août 2018 et celle de l'entretien préalable fixé au 30 août 2018, c'est à juste titre que les premiers juges ont rappelé que, contrairement à ce qui est soutenu par le salarié, l'employeur n'était pas tenu de procéder à une deuxième convocation pour ces faits.

Pour justifier des faits reprochés, la Sa Schindler fait valoir pour l'essentiel :

- que bien qu'ayant été le seul en charge de l'inspection régulière de l'ascenseur équipant l'immeuble situé [Adresse 5], M. [C] [W] n'a jamais signalé le moindre dysfonctionnement affectant cet appareil ;

- que M. [F] [K], technicien intervenu sur l'ascenseur le 23 août 2018 dans le cadre d'un raccourcissement de câbles, témoigne en ces termes : 'À la fin de l'intervention, j'ai contrôle les sécurités de l'ascenseur comme définies dans nos procédures. J'ai alors constaté que le fin de course était inopérant car la came passait à côté du contact. J'ai alors repris le réglage afin de laisser l'ascenseur en service. Le rôle du fin de course haut est d'empêcher la cabine d'ascenseur de s'écraser au plafond de la gaine en cas d'anomalie de fonctionnement. Le dérèglement de ce fin de course ne peut être accidentel, les composants (came et contact) étant solidaires et fixés mécaniquement' ;

- que M. [C] [W] a reconnu, lors de l'entretien préalable, n'avoir pas signalé le dysfonctionnement du fin de course et avoir laissé l'ascenseur en fonction, comme en atteste M. [E] [U], salarié et secrétaire du CHSCT l'ayant assisté audit entretien, en ces termes : 'Je soussigné (...) avoir participé le 30 août 2018 à l'entretien préalable de M. [C] [W] et ce à sa demande en tant que témoin. Lors de cet entretien, M. [C] [W] a admis avoir connaissance d'un défaut grave de sécurité, qui est le non fonctionnement du fin de course extrême haut et être parti du site en laissant l'ascenseur en service malgré le défaut de sécurité existant et connu de sa part, au [Adresse 5]. Un manquement de cette nature aurait dû être remonté de suite au niveau de la hiérarchie et l'appareil aurait dû être mis à l'arrêt comme la procédure l'impose'.

M. [C] [W] conteste ces faits et soutient en substance :

- que le dérèglement du fin de course n'était pas accidentel, puisque provoqué par l'intervention de raccourcissement des câbles de levage, et que l'employeur ne démontre pas que ce dérèglement existait avant son intervention du 23 août 2018 ;

- que les attestations produites aux débats sont de pure complaisance visant à le discréditer ;

- que la procédure de licenciement doit être considérée comme irrégulière, puisque M. [E] [U], censé l'assister à l'entretien préalable, s'est révélé plutôt un soutien de l'employeur qui s'est trouvé assisté de deux personnes à l'entretien préalable, face un salarié non assisté ;

- que l'employeur, qui était tenu en qualité de prestataire entrant de réaliser un 'état initial d'installation', après l'acquisition du marché relatif à l'immeuble situé [Adresse 5], ne justifie pas avoir procédé à l'état des lieux (EDL) et l'état de sécurité (EDS) avant sa dernière intervention du 15 mai 2018 ;

- que ces états ont été effectués non pas le 27 août 2018, comme indiqué dans le carnet d'entretien qui aurait vraisemblablement été falsifié, mais bien après la visite d'inspection du 16 octobre 2018 ;

- que seuls l'état des lieux et les visites bimensuelles, dénommées S1 et S2, et non les visites d'inspection comme la dernière qu'il a effectuée le 15 mai 2018, qui auraient pu révéler un dysfonctionnement au niveau du fin de course ;

- que le fin de course haut ne fait pas partie des dispositifs de sécurité dont les ascenseurs doivent être obligatoirement pourvus et dont l'état de fonctionnement doit être contrôlé, partant l'allégation de danger de mort pour les usagers est sans objet.

En premier lieu, le témoignage de M. [F] [K] est précis et circonstancié.

À suivre le raisonnement de M. [C] [W], ce salarié aurait lui-même déréglé le fin de course haut de l'ascenseur lors de son intervention du 23 août 2018, l'aurait réparé puis aurait menti à l'employeur pour l'accabler et contribuer à son licenciement.

Pourtant, M. [C] [W], qui avait une ancienneté de sept année dans l'entreprise, ne justifie d'aucune animosité de ce témoin à son égard, ni de l'intérêt que celui-ci aurait eu pour entrer en collusion avec l'employeur et lui porter préjudice.

Il y a donc lieu de considérer qu'avant l'intervention du témoin en date du 23 août 2018, le fin de course était déjà déréglé, puisque ses composants, la came et le contact, n'étaient plus solidaires.

En deuxième lieu, il n'est pas contesté que M. [C] [W] était le seul salarié en charge de l'inspection régulière de l'ascenseur de l'immeuble situé [Adresse 5].

Le carnet d'entretien de cet ascenseur mentionne que M. [C] [W] est intervenu à quatre reprises avant le 23 août 2018, date des faits reprochés : le 11 octobre 2017 pour une visite de type S2 ; le 27 février 2018 pour une visite d'inspection ; le 6 avril 2018 pour une visite de type S1 et le 15 mai 2018 pour une visite d'inspection.

Or, la localisation du dispositif de fin de course sur le toit de la cabine exclut qu'une autre personne que le technicien de l'entreprise ait pu y accéder.

M. [C] [W] reconnaît que la vérification de l'interrupteur de fin de course doit être effectuée lors de l'inspection en maintenance de type S1. Cet élément est d'ailleurs expressément mentionné au point 22 de la 'liste de contrôle : méthodologie de la maintenance Schindler 2 J42500002Ae8', produite en annexe n°16 de la Sa Schindler.

Toutefois, il ne justifie pas pourquoi il n'aurait pu déceler le dérèglement du fin de course dont les composants, à savoir la came et le contacteur, étaient désolidarisés, lors de son intervention du 6 avril 2018, précisément pour une visite bisannuelle de type S1.

Le moyen tiré de ce que le carnet d'entretien aurait été falsifié, et que l'état des lieux (EDL) et l'état de sécurité (EDS) n'auraient pas été effectués avant sa dernière intervention du 15 mai 2018, est sans emport, étant au surplus observé que M. [C] [W], qui soutient que les deux lignes relatives à l'EDL et l'EDS auraient été ajoutées par la suite, n'explique pas pourquoi il aurait précisément sauté ces deux lignes quand il avait rempli le carnet d'entretien entre ses deux interventions des 11 octobre 2017 et 27 février 2018 (cf. annexe n°14 de la Sa Schindler).

En troisième lieu, c'est en vain que M. [C] [W] soutient que le fin de course haut ne fait pas partie des dispositifs de sécurité dont les ascenseurs doivent obligatoirement être pourvus et dont l'état de fonctionnement doit être contrôlé, alors qu'en sa qualité de salarié, il devait se conformer aux directives de son employeur et respecter la 'liste de contrôle' précitée, mise à sa disposition et inspirée de la norme européenne EN 81-20 relative aux règles de sécurité pour la construction et l'installation des élévateurs.

En dernier lieu, force est de relever qu'aucun texte n'interdit à un délégué du personnel ayant assisté le salarié lors de l'entretien préalable d'établir une attestation contenant la relation de faits auxquels il avait assisté ou qu'il avait personnellement constaté, et qu'il appartient seulement au juge d'apprécier souverainement l'objectivité du témoignage ainsi rapporté par cette attestation.

S'il peut être regretté que M. [E] [U], membre et secrétaire du CHSCT ayant assisté M. [C] [W] à l'entretien préalable, n'ait pas établi un compte rendu en retranscrivant les échanges au cours de cet entretien, il ne peut lui être reproché d'avoir témoigné ultérieurement de ce qu'il avait entendu lors du même entretien.

La circonstance qu'il ait ajouté dans son attestation que le manquement constaté aurait dû être remonté de suite au niveau de la hiérarchie et que l'appareil aurait dû être mis à l'arrêt comme la procédure l'impose, relève de son appréciation en qualité de membre du CHSCT, soucieux du respect de la sécurité au sein de l'entreprise.

Il s'ensuit que le deuxième grief est caractérisé.

Le manquement retenu à l'endroit de M. [C] [W] révèle un comportement inadmissible, alors que de par son expérience et son ancienneté, il avait perdu la confiance de son employeur.

Ces faits sont caractéristiques d'une faute grave rendant impossible le maintien du salarié dans l'association, ce d'autant qu'il ne fournit aucune explication plausible à son attitude faisant prendre aux usagers de l'ascenseur un risque pouvant être lourd de conséquences et qu'il a perdu la confiance de son employeur dont la mission est précisément d'assurer la maintenance des ascenseurs pour un usage en toute sécurité.

En conséquence, le licenciement pour faute grave est justifié, et il y a lieu de rejeter les demandes de M. [C] [W] en paiement des indemnités de rupture, et des dommages-intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, ce en quoi le jugement entrepris sera confirmé.

Sur la demande en paiement de dommages-intérêts pour rupture vexatoire

M. [C] [W] sollicite une somme de 13.509,44 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive et vexatoire.

Le caractère vexatoire de la rupture du contrat de travail peut résulter des conditions dans lesquelles le licenciement est intervenu et des circonstances qui l'ont entouré.

En l'espèce, M. [C] [W] soutient qu'il a été licencié dans des conditions vexatoires et humiliantes, dans la mesure où il aurait été licencié de manière brusque et soudaine, alors qu'il n'avait jamais fait l'objet du moindre reproche durant toute sa carrière.

Toutefois, il ne caractérise pas le caractère vexatoire et humiliant allégué, alors que son licenciement trouve son origine dans le fait qu'il s'était permis de laisser un ascenseur en service malgré le défaut de sécurité constaté, et sans même le signaler à son employeur, faisant ainsi courir aux usagers un risque pouvant être lourd de conséquences.

Il y a donc lieu, dans ces conditions, de rejeter ce chef de demande, ce en quoi le jugement entrepris sera confirmé.

Sur la demande de rectification du solde de tout compte et du certificat de travail

La cour n'ayant pas requalifié le licenciement et n'ayant alloué aucune somme à M. [C] [W], ce chef de demande est sans objet et doit être rejeté, ce en quoi le jugement entrepris sera confirmé.

Sur les demandes accessoires

Le jugement entrepris doit être confirmé en ce qu''il a condamné M. [C] [W] aux dépens de la première instance, et en ce qu'il a débouté les parties de leurs demandes au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

À hauteur d''appel, M. [C] [W], partie perdante, sera condamné aux dépens d'appel.

Les demandes respectives des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile seront rejetées.

PAR CES MOTIFS,

La cour, statuant par mise à disposition de l'arrêt au greffe, contradictoirement et en dernier ressort, après en avoir délibéré conformément à la loi,

CONFIRME le jugement rendu le 15 février 2021 par le conseil de prud'hommes de Mulhouse en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

REJETTE les demandes respectives des parties au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE M. [C] [W] aux dépens d'appel.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 16 mai 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de chambre, et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/01162
Date de la décision : 16/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-16;21.01162 ?
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