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05/05/2023 | FRANCE | N°20/02521

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 05 mai 2023, 20/02521


MINUTE N° 210/2023







































Copie exécutoire



aux avocats





Le 5 mai 2023





Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 5 MAI 2023







Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/02521 -

N° Portalis DBVW-V-B7E-HMMK
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Décision déférée à la cour : 25 Juin 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTE et INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT :



Madame [Y] [W] née [H]

demeurant [Adresse 6] à [Localité 4] (ALLEMAGNE)



représentée par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, Avocat à la cour





INTIMÉS et APP...

MINUTE N° 210/2023

Copie exécutoire

aux avocats

Le 5 mai 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 5 MAI 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/02521 -

N° Portalis DBVW-V-B7E-HMMK

Décision déférée à la cour : 25 Juin 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE et INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT :

Madame [Y] [W] née [H]

demeurant [Adresse 6] à [Localité 4] (ALLEMAGNE)

représentée par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, Avocat à la cour

INTIMÉS et APPELANTS SUR APPEL INCIDENT :

Monsieur [L] [W]

demeurant [Adresse 1] à [Localité 3]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/00234 du 09/02/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

Madame [D] [W]

demeurant [Adresse 1] à [Localité 3]

(bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2020/005522 du 12/01/2021 accordée par le bureau d'aide juridictionnelle de COLMAR)

représentés par Me Julie HOHMATTER, Avocat à la cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 06 Janvier 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseillère

Madame Nathalie HERY, Conseillère

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Dominique DONATH, faisant fonction

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente, et Madame Sylvie SCHIRMANN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

2

FAITS ET PROCÉDURE

Selon acte du 17 avril 1998, M. [O] [W] et Mme [Y] [H] ont fait l'acquisition d'un terrain à [Localité 3] d'une contenance de 6,59 ares section 9 n°232/160 sur lequel ils ont bâti une maison pour le prix de 277 100 francs.

Le pacte tontinier inscrit en page 9 de l'acte de vente prévoit que le premier mourant d'entre eux sera considéré comme n'ayant jamais eu droit à la propriété de l'immeuble, laquelle appartiendra en totalité au survivant sur la tête duquel ladite propriété sera censée avoir toujours reposé depuis le jour de l'acquisition.

Le 10 avril 1999, M. [O] [W] a établi un testament désignant Mme [Y] [H] en qualité de légataire universelle.

M. [O] [W] et Mme [Y] [H] ont contracté mariage le 19 octobre 2000 sans contrat de mariage ; deux enfants sont nés de cette union, [L], le 21 janvier 2002 et [D], le 30 septembre 2003.

Le 21 mai 2014, une demande en divorce a été présentée devant le juge aux affaires familiales de Strasbourg laquelle n'a pas abouti du fait du décès de M. [O] [W] le 19 octobre 2016.

Le 31 mai 2017, un administrateur ad hoc a été désigné par le juge aux affaires familiales en charge de la tutelle des mineurs, statuant sur requête de leur grand-mère paternelle, au motif du conflit d'intérêts entre la mère et les enfants et aux fins de voir engager une procédure judiciaire en vue d'obtenir l'annulation du pacte tontinier et du testament.

Le 6 décembre 2018, les mineurs, [D] et [L] [W], représentés par l'association Thémis, en qualité d'administrateur ad hoc, ont fait assigner Mme [Y] [H] devant le tribunal de grande instance de Strasbourg afin de voir, notamment, annuler le testament du 10 avril 1999 établi en faveur de cette dernière et dire et juger que la clause de tontine contenue dans l'acte de vente du 17 avril 1998 ne correspondait pas aux exigences légales et devait s'analyser comme une simple libéralité qui devait être déclarée nulle, et, à titre subsidiaire, révoquée de plein droit, de sorte que la parcelle sur laquelle était construit le domicile conjugal situé à [Localité 3] et la construction s'y trouvant devaient être intégrées de plein droit dans la succession de M. [O] [W].

Par jugement du 25 juin 2020, le tribunal judiciaire remplaçant le tribunal de grande instance, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, a :

rejeté les demandes de l'association Thémis en sa qualité d'administrateur ad hoc de [D] [W] et [L] [W] portant sur le testament ;

requalifié la clause de tontine passée entre Mme [Y] [H] et M. [O] [W] au sujet d'un terrain figurant dans l'acte de vente du 17 avril 1998 en une libéralité ;

révoqué ladite libéralité ;

dit et jugé corrélativement que la parcelle et la maison s'y trouvant, situées à [Localité 3], section E [Cadastre 2] pour 6,52 ares « Untere Heuwiese '' formant le lot 39 du [Adresse 5] devait intégrer la succession de M. [O] [W] ;

condamné Mme [Y] [H] aux dépens ;

rejeté les autres demandes.

Le tribunal a indiqué que l'annulation du testament était sollicitée pour cause d'ingratitude, d'une part, parce que Mme [Y] [H] entretenait une relation extra conjugale qui avait duré jusqu'au décès de [O] [W] et, d'autre part, pour des faits de violence (coups et griffures) commis le 30 septembre 2015, suite à l'entretien devant le juge des enfants, par Mme [Y] [H] à l'égard de [O] [W] et de leurs enfants.

3

Après avoir rappelé les dispositions des articles 1046 et 957 du code civil sur la révocation d'un testament pour cause d'ingratitude, le tribunal a indiqué que :

s'agissant des faits du 30 septembre 2015, aucune pièce du dossier ne permettait de les qualifier de délit puisque le jugement du 17 décembre 2015 rendu par le juge aux affaires familiales se contentait d'évoquer une altercation violente survenue à cette date sans donner plus de précisions sur les faits ; même si on considérait ces faits comme établis et comme pouvant constituer une cause d'ingratitude, il n'était pas contestable que, d'une part, M. [O] [W] avait connaissance des faits d'adultère de Mme [Y] [H], au minimum, depuis le début de l'année 2015, l'enquête sociale rentrée le 2 janvier 2015 évoquant l'existence du compagnon de cette dernière et que, d'autre part, M. [O] [W] ayant été présent à la scène du 30 septembre 2015, et peut-être même victime, ne pouvait les ignorer ; le décès de M. [O] [W] étant intervenu plus d'une année après ces deux dates du 2 janvier 2015 et 30 septembre 2015, l'action en révocation du testament pour ingratitude était éteinte pour tous, y compris ses héritiers.

Sur la demande de nullité du testament, le tribunal a rappelé les dispositions de l'article 970 du code civil qui indique que le testament olographe n'est pas valable s'il n'est écrit en entier, daté et signé de la main du testateur.

Il a considéré que ne pouvait produire d'effet l'argument selon lequel aucune copie n'avait été retrouvée dans les affaires de M. [O] [W] alors qu'il y était indiqué dans l'acte que ce dernier aurait conservé une copie de ce document, étant souligné que le fait de ne pas avoir pu retrouver le double, n'enlevait rien à la validité d'un acte olographe, ce simple état de fait ne pouvant être considéré comme valant révocation tacite d'un testament.

Il a ajouté que l'étude du document ne permettait pas d'en remettre en cause sa validité.

Le tribunal a également retenu que le testament ne portait pas atteinte à la réserve héréditaire de [L] et [D] [W], faisant état de ce que, même si la rédaction du testament paraissait incertaine, il n'était pas de nature à faire obstacle aux dispositions d'ordre public des articles 912 et suivants du code civil.

Sur la clause de tontine, après avoir indiqué que l'article 1873-2 du code civil ne s'appliquait pas au régime des tontines, le tribunal a fait état de ce qu'il était de doctrine et de jurisprudence constante que le pacte tontinier était un contrat aléatoire à titre onéreux, dans lequel les parties acceptaient de faire dépendre, sur les avantages et les pertes, les effets du contrat d'un événement incertain ; il a considéré que l'engagement financier de M. [O] [W] et Mme [Y] [H] n'était ni égal, ni proportionnel puisqu'au moment de la rédaction du pacte, le prix du terrain était de 277 000 francs, soit 42 228 euros, que la donation du 15 février 2002 réalisée par Mme [X] [W], grand-mère de M. [O] [W], au profit de son petit-fils pour la somme de 50 000 euros avait été utilisée pour rembourser le prêt souscrit à hauteur de 267 000 francs pour l'acquisition du terrain, que la différence entre la valeur de la donation de 50 000 euros et le prix initial de vente de 42 228 euros, s'expliquait probablement par le souhait de la donatrice de pouvoir couvrir aussi les frais annexes (frais de notaire et les intérêts courus de l'emprunt).

Il a constaté que l'apport personnel de M. [O] [W] venait intégralement couvrir le prix d'acquisition du terrain, de sorte que l'aléa n'était plus présent au pacte, Mme [Y] [H] ne démontrant pas avoir participé au coût de la construction de la maison familiale.

Il en a déduit qu'il y avait lieu de disqualifier le pacte tontinier en une libéralité.

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L'analyse des nombreuses pièces de procédure issues de l'instance en divorce a permis au tribunal de constater que la situation entre les époux était devenue particulièrement tendue, que M. [O] [W] semblait avoir très mal vécu les infidélités de son épouse qui ne les cachait pas, de sorte qu'il avait souhaité obtenir un divorce pour faute de son épouse, que M. [O] [W] avait, suite à la séparation du couple, focalisé son attention et son énergie sur ses enfants, la force du lien qui l'unissait à ces derniers n'étant pas contestée.

Le tribunal en a déduit que l'intention libérale qui avait existé en l998 de la part de M. [O] [W] au profit de celle qui allait devenir son épouse, n'existait plus au moment du décès de ce dernier, de sorte que la libéralité du 17 avril 1998 devait être considérée comme révoquée avec cette conséquence de faire entrer le bien immobilier situé à [Localité 3] dans la succession de M. [O] [W].

Mme [H] a formé appel à l'encontre de ce jugement par voie électronique le

1er septembre 2020.

L'instruction de l'affaire a été clôturée le 5 avril 2022.

Par arrêt du 15 septembre 2022, la cour a constaté l'interruption de l'instance à l'égard de Mme [D] [W] du fait de sa majorité, a rabattu l'ordonnance de clôture du 5 avril 2022, et a renvoyé l'affaire à l'audience de mise en état.

Une nouvelle ordonnance de clôture a été rendue le 6 décembre 2022.

PRÉTENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 18 octobre 2022, Mme [H] demande à la cour de :

rejeter l'appel incident ;

faisant droit au seul appel principal :

infirmer le jugement entrepris sauf en tant que le premier juge rejette les demandes de l'association Thémis en sa qualité d'administrateur ad hoc de [D] [W] et de [L] [W] portant sur le testament qui devra par conséquent produire son plein effet, sous réserve de la réserve héréditaire des enfants s'agissant des biens autres que le bien immeuble situé à [Adresse 7], soit le terrain et le bâtiment érigé sur la parcelle section e [Cadastre 2] d'une contenance de 6 ares52 « Untere Heuwiese '' formant le lot 39 du [Adresse 5], subsidiairement dire que le testament à son profit vise l'ensemble des biens de M. [O] [W] si la tontine devait être annulée ;

en conséquence :

déclarer les demandes des parties adverses intimées à la présente instance, irrecevables comme prescrites, subsidiairement mal fondées s'agissant de la validité et de la requalification du pacte tontinier en libéralité, respectivement en donation;

dire recevable le moyen tiré de la prescription ;

dire irrecevable, subsidiairement mal fondée la demande tendant à voir révoquer la donation ou toutes libéralités qui lui ont été faites par M. [O] [W] ;

débouter M. [L] [W] et Mme [D] [W] de l'ensemble de leurs fins et conclusions, tant comme étant irrecevables que mal fondées ;

déclarer les intimés, appelants sur appel incident, irrecevables, subsidiairement mal fondés en leurs demandes, fins et conclusions s'agissant du testament ;

les débouter de l'ensemble de leurs fins et conclusions à ce titre et à tout autre ;

les condamner aux entiers frais et dépens de la procédure.

5

Mme [H] indique que la prescription qu'elle oppose caractérise un moyen nouveau qui reste recevable devant la cour et que, sauf renonciation, la prescription peut être opposée en tout état de cause, même devant la cour.

Elle ajoute que le moyen d'irrecevabilité de la prescription ne relève pas de l'office de la cour en vertu des dispositions de 1'article 786 du code de procédure civile, l'appel ayant été introduit après le 1er janvier 2020.

Faisant état de ce que la nullité sanctionnant le défaut de cause d'un pacte tontinier ne protège que l'intérêt particulier des parties et se prescrit par cinq ans selon les modalités de l'article 1304 du code civil et non selon celles de l'article 2262 du même code, Mme [H] fait valoir que la prétendue absence d'aléa invoquée par la partie adverse était nécessairement connue de M. [O] [W] dès le 15 février 2002, date de la donation, et que l'action ayant été introduite vingt ans après la conclusion du pacte tontinier, soit en 2018 alors que l'acquisition a eu lieu en 1998, elle est prescrite, de sorte que la clause de tontine doit trouver pleine application. Elle en déduit qu'elle est seule propriétaire du terrain acquis le 17 avril 1998 et de la maison d'habitation qui a été construite, selon les règles de l'accession. Elle rappelle que s'agissant d'une communauté légale réduite aux acquêts, si les personnes se marient après avoir acquis le bien avec une clause de tontine, ce bien appartient en propre au survivant des époux conformément à l'article 1405 du code civil.

Mme [H] indique qu'elle produit des documents qui comprennent notamment un tableau co-signé et un accord du 16 mai 1998 signés par M. [O] [W] et elle-même qui récapitule l'origine des apports financiers produits par chacun d'eux dont il résulte qu'elle a apporté 101 784 DM et M. [O] [W] 61 500 DM pour les besoins du bien immobilier situé à [Localité 3], la signature portée par M. [O] [W] n'étant pas contestable.

Elle expose que la partie adverse n'a jamais justifié avoir financé seule la maison construite sur le terrain, qu'elle justifie avoir payé la cuisine en décembre 1998 et conteste que

M. [O] [W] ait versé la somme de 50 000 euros à la suite d'une donation du

15 février 2002 pour l'apurement du prêt.

Elle souligne qu'il faut se placer à la date à laquelle le pacte tontinier est conclu, soit en 1998 et que le juge n'a absolument pas recherché quel était l'apport des parties au moment de l'acquisition en 1998, aucun élément ne lui ayant été soumis par la partie adverse à cet égard.

Elle fait état de ce qu'elle a fait un apport de 40 000 DM plus important que celui de son époux, qu'elle a continué à participer au financement du bien et a payé par exemple la cuisine en totalité en décembre 1998.

Elle en déduit que la partie adverse ne peut prétendre que le pacte tontinier a perdu son caractère aléatoire du fait que le bien aurait été financé en totalité par M. [O] [W], de sorte que l'opération dissimulerait une libéralité.

Elle ajoute que le fait même d'adopter le régime légal de la communauté de biens ne change en rien l'aléa résultant du pacte tontinier, sauf à présumer du fait que pendant toute la vie commune, un seul des époux travaillera et que l'autre ne contribuera ni financièrement ni en industrie à la communauté.

Elle rappelle que le contrat tontiner ne constitue pas une libéralité de sorte qu'aucune réduction ne peut être sollicitée pour atteinte à la réserve.

Mme [H] indique que si le pacte tontinier devait être requalifié, dès lors qu'il porte sur des parts de SCI, la valeur des parts au décès devra être un rapport à la masse successorale afin de calculer la quotité disponible et de faire réduire la libéralité attentatoire

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aux droits des enfants. Elle ajoute que le rapport à la succession de M. [O] [W] devra uniquement se faire pour le calcul de la quotité disponible et non en propriété et ne pourra se faire qu'en valeur en fonction de la détermination de la réserve.

Mme [H] soutient que la libéralité du 17 avril 1998, à savoir l'accroissement requalifié en donation, est irrévocable, aucune des causes prévues par la loi n'existant.

Elle considère que l'article 960 du code civil invoqué par les consorts [W] n'est pas applicable au pacte tontinier qui n'est ni une donation ni une libéralité. Elle ajoute que les donations entre époux ne sont pas révoquées par la survenance d'un enfant. Elle précise que les consorts [H]-[W] n'étaient pas mariés en 1998 et que le décès du donateur consacre la stabilité définitive des donations entre époux.

Sur le testament, Mme [H] entend que la demande de nullité du testament pour cause d'ingratitude soit déclarée irrecevable pour non-respect du délai préfix, subsidiairement, du fait de la prescription et, subsidiairement, mal fondée.

Elle fait valoir que le délai de prescription de l'article 957 du code civil est un délai préfix non susceptible d'interruption ou de prorogation.

Mme [H] indique que le testament n'encourt pas la nullité puisque la comparaison des différents documents versés aux débats permet d'identifier la signature comme étant celle de M. [O] [W], le fait que les héritiers n'aient pas retrouvé le second original du testament étant sans incidence et n'emportant pas la nullité de la convention.

Mme [H] soutient que le testament ne porte pas atteinte à la réserve héréditaire puisqu'il prévoit le cas où à la date du décès il existerait des enfants nés ou à naître, il est précisé qu'ils hériteront alors de leur père réservataire quant au legs mentionné.

Elle fait état de ce que le dispositif de la décision comprend une contradiction manifeste puisque le premier juge rejette les demandes de l'association Thémis portant sur le testament dont il reconnait la validité sauf à déterminer l'atteinte à la réserve des enfants, tout en disant que la parcelle et la maison se trouvant à [Localité 3] doivent intégrer la succession de M. [O] [W].

Elle soutient que la cour doit faire une application stricte de la clause de tontine s'agissant du bien immobilier qui relève de sa seule propriété et ne peut donner lieu à rapport ou réduction.

Subsidiairement, elle indique que si la cour devait considérer qu'il y a lieu de requalifier ladite clause en donation, il conviendrait de préciser que celle-ci est réductible de sorte que le bien doit être rapporté en valeur à la succession de M. [O] [W], tant s'agissant du terrain que des bâtiments en vertu de la règle de l'accession.

Subsidiairement encore et si la clause de tontine devait être annulée, elle expose que le testament devra s'appliquer pour toute la succession de M. [O] [W] léguée à son épouse.

Mme [H] mentionne que M. [O] [W] a introduit une procédure de divorce pour faute au motif de l'adultère de son épouse. Elle fait valoir qu'il ne suffit pas de rechercher s'il existe ou non un adultère mais de rechercher si, en soi, cet adultère pouvait constituer une injure grave au regard des circonstances.

Mme [H] conteste que le testament présente une nullité intrinsèque sur la seule base des constatations de la traductrice assermentée selon lesquelles il n'est pas possible d'authentifier son auteur avec la signature, la traductrice assermentée n'étant pas graphologue, peu importe que le second original du testament n'ait pas été retrouvé.

7

Aux termes de leurs conclusions transmises par voie électronique le 17 octobre 2022,

M. [L] [W] et Mme [D] [W] demandent à la cour de :

concernant l'appel principal :

débouter Mme [H] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions;

déclarer irrecevable la demande d'irrecevabilité au titre de la prescription présentée dans les conclusions de l'appelante, en tout état de cause la déclarer mal fondée ;

écarter des débats les pièces adverses n°15-20, 20 bis et 23 produites en langue allemandes et non accompagnées de leur traduction ;

confirmer le jugement entrepris en ce qu'il a requalifié la clause de tontine passée entre Mme [Y] [H] et M.[O] [W] au sujet d'un terrain figurant dans l'acte de vente du 17 avril 1998 en une libéralité et en ce qu'il a révoqué ladite libéralité et dit et jugé corrélativement que la parcelle et la maison s'y trouvant, situées à [Localité 3], section E [Cadastre 2] pour 6,52 ares « Untere Heuwiese » formant le lot 39 du [Adresse 5], doivent intégrer la succession de [O]

[W] ;

concernant l'appel incident :

à titre principal :

prononcer la nullité du testament daté du 10 avril 1999 en faveur de Mme [H], par lequel cette dernière a la qualité de légataire universel ;

à titre subsidiaire :

constater la révocation tacite du testament daté du 10 avril 1999 en faveur de Mme [H], par lequel cette dernière a la qualité de légataire universel ;

en tout état de cause :

condamner la partie défenderesse, aux entiers frais et dépens de la procédure, notamment à la somme de 385 euros correspondant aux frais de traduction de l'assignation du 27 octobre 2017, et y compris l'intégralité des frais, émoluments et honoraires liés à une éventuelle exécution de la décision à intervenir par voie d'huissier et en particulier tous les droits de recouvrement ou d'encaissement visés par le décret 96-1080 du 12 décembre 1996 modifié par le décret 2001-212 du 8 mars 2001, sans exclusion du droit de recouvrement ou d'encaissement à la charge des créanciers prévu à l'article 10 du décret.

Au soutien de leurs demandes, M. [L] [W] et Mme [D] [W] sollicitent la confirmation de l'analyse et de la motivation du premier juge concernant le pacte tontinier.

Ils soutiennent que le moyen tiré de la prescription de l'action en nullité du pacte tontinier est irrecevable car formé pour la première fois à hauteur de cour et que l'action n'est pas prescrite puisque le délai court à compter du jour où la partie qui agit a connu ce vice soit à partir de la découverte de l'absence d'aléa, à savoir, en l'espèce, à l'ouverture de la succession par les héritiers.

Sur la nullité dudit pacte, les consorts [W] font valoir que l'acquisition d'un bien avec clause de tontine constitue un contrat aléatoire, et non une libéralité, à condition toutefois que cet aléa soit caractérisé et que, par conséquent, une clause de tontine doit être requalifiée en libéralité lorsque les circonstances sont telles que l'aléa s'amenuise ou disparaît, l'absence d'aléa pouvant notamment résulter d'un déséquilibre de financement de l'immeuble.

8

Ils approuvent l'analyse du premier juge tant s'agissant du terrain que de la maison bâtie dessus puisque la donation faite à M. [O] [W] couvre la valeur d'achat du bien, ce dernier ayant financé l'acquisition du bien immobilier principalement sur ses deniers, notamment grâce à la donation effectuée par sa grand-mère à hauteur de 50 000 euros.

Ils précisent que Mme [H] ne démontre pas qu'elle a participé au financement de la maison et concluent au rejet des pièces adverses n°15 et n°23 libellées en allemand et non traduites sur lesquelles celle-ci se base pour dire qu'elle a financé les travaux de la cuisine soulignant que même si cette dernière avait financé la cuisine, l'absence d'aléa peut résulter d'un déséquilibre de financement dans l'acquisition.

Ils rappellent que le pacte tontinier préexistait au régime matrimonial et font valoir que le régime matrimonial a fait totalement disparaitre l'aléa puisque seuls les revenus de M. [O] [W] ont servi au financement du bien, quand bien même ils sont qualifiés de revenus communs, la participation de Mme [H] par le biais d'une économie sur les frais de garde restant dérisoire et n'étant pas démontrée puisque rien ne prouve qu'il était essentiel pour le couple de faire cette économie alors que ce choix de ne pas travailler a pu être fait pour des considérations purement personnelles, les frais de garde étant bien moins importants une fois que les enfants fréquentent l'école.

Ils ajoutent que même si la cour devait considérer que Mme [H] a participé au financement, cette participation financière apparaît clairement inégalitaire, celle-ci n'étant pas en mesure de prouver son financement, de sorte qu'il n'y a plus d'aléa et que la clause de tontine doit être requalifiée en libéralité.

Les consorts [W] entendent remettre en cause la libéralité, les circonstances de l'espèce démontrant que M. [O] [W] n'était plus animé d'aucune intention libérale envers Mme [H], et ce, depuis plusieurs années.

Ils considèrent que la libéralité a été révoquée du fait de la naissance de [L] tel que le prévoit l'article 960 du code civil.

Par ailleurs, les consorts [W] font valoir que le testament doit être annulé pour cause d'ingratitude.

A ce titre, ils font, tout d'abord, état de ce que Mme [H] a entretenu une relation extra-conjugale alors qu'elle était toujours mariée à M. [O] [W], cette situation ayant perduré jusqu'au décès de ce dernier, le 19 octobre 2016, date à laquelle l'action en révocation du testament pour cause d'ingratitude leur a été transmise en qualité d'héritiers de ce dernier. Ils précisent qu'au 19 octobre 2016, ils étaient mineurs et ne pouvaient donc ester en justice en l'absence de représentant légal autre que leur mère, Mme [H], et que ce n'est qu'à partir du moment où un administrateur ad hoc a été désigné, qu'ils pouvaient valablement intenter une action en révocation du testament de leur père pour cause d'ingratitude, soit à compter du 16 octobre 2017, ce qui a été fait le 27 octobre 2017 par l'association Thémis, désignée comme administrateur ad'hoc. Ils soutiennent que l'adultère est de nature à constituer une injure grave à l'égard de l'autre au sens de l'article 955 du code civil et que M. [O] [W] avait engagé une procédure de divorce pour faute en raison de l'adultère de son épouse.

Ils évoquent des violences physiques commises par Mme [H] à l'égard de M. [O] [W] le 30 septembre 2015.

Les consorts [W] font encore valoir que le testament est sujet à caution puisqu'il n'est pas possible d'authentifier son auteur avec la signature et qu'aucun document de cette nature a été retrouvé dans les affaires de [O] [W] suite à son décès, étant souligné que l'écriture du dernier paragraphe semble différente de celle du reste du document.

9

Ils soutiennent que par l'effet du testament, Mme [H] bénéficierait de la quotité disponible, puisqu'elle aurait la qualité de légataire universelle alors qu'en sa qualité de conjoint survivant elle ne pourrait prétendre, dans le meilleur des cas, qu'à un quart en pleine propriété ou à la totalité de la succession en usufruit.

Ils ajoutent que comme il existe deux enfants, la réserve héréditaire est d'un tiers pour chaque enfant, soit deux tiers de la totalité de la succession, Mme [H] pouvant donc bénéficier d'un tiers en pleine propriété de la succession de M. [O] [W] si la validité du testament était reconnue.

Ils constatent donc que l'acte contrevient aux prescriptions des articles 912 et suivants du code civil instituant le principe de la réserve héréditaire.

Ils font encore état d'une révocation tacite du testament puisque la version en la possession de M. [O] [W] est introuvable, que ni sa mère, ni ses enfants n'en avaient connaissance et qu'au moment de son décès, ce dernier était dans une situation de conflit très lourd avec Mme [H], ce qui explique qu'il ait vraisemblablement volontairement détruit ce testament.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIFS DE LA DÉCISION

Les consorts [W] demandent à ce que soient écartées des débats les pièces adverses n°15,20, 20 bis et 23, lesquelles sont en langue allemande et non accompagnées de leur traduction.

Mme [H] produisant leur traduction en langue française, cette demande est rejetée.

Sur le testament du 10 avril 1999

Les consorts [W] demandent à la cour, à titre principal, de prononcer la nullité de ce testament, en premier lieu, pour cause d'ingratitude et, en second lieu, pour cause intrinsèque à l'acte et, à titre subsidiaire, demandent à la cour de constater la révocation tacite de cet acte.

Bien qu'il n'y ait pas de demande d'infirmation du jugement formulée expressément par M. [L] [W] et Mme [D] [W] dans le dispositif des leurs conclusions, la cour est néanmoins saisie de l'appel incident lequel a été formé avant le 17 septembre 2020, ce même dispositif reprenant les demandes que les intimés entendent soumettre à la cour.

Sur la demande de nullité

Les consorts [W] se fondent sur les dispositions des articles 955, 957 et 1046 du code civil pour demander la nullité du testament pour cause d'ingratitude.

Ces articles, dans leur version applicable aux faits de l'espèce, prévoient la possibilité, non pas d'annuler, mais de révoquer des dispositions testamentaires pour cause d'ingratitude notamment si le donataire s'est rendu coupable envers le donateur de sévices, délits ou injures graves, la demande en révocation devant être formée dans l'année, à compter du jour du délit imputé par le donateur au donataire, ou du jour où le délit aura pu être connu par le donateur mais ne pouvant l'être par les héritiers du donateur contre le donataire, à moins que l'action n'ait été intentée par le donateur ou qu'il ne soit décédé dans l'année du délit.

10

Force est de constater que M. [L] [W] et Mme [D] [W] ne sollicitent pas la révocation du testament dans le dispositif de leurs conclusions, étant souligné que l'absence d'ingratitude n'est pas une condition de formation du contrat et ne caractérise donc pas une cause de nullité.

Il y a donc lieu de rejeter la demande de nullité du testament formulée de ce chef.

Aux termes des dispositions de l'article 970 du code civil, le testament olographe, pour être valable, doit être écrit en entier, daté et signé de la main du testateur et n'est assujetti à aucune autre forme.

Le testament en cause a fait l'objet d'une traduction par un expert traducteur assermenté près la cour d'appel de Colmar lequel a indiqué en bas de sa traduction que la signature était illisible, ce qui ne signifie pas qu'il ne s'agit pas de la signature de M. [O] [W] mais qu'il n'a pas été en mesure de la décrypter.

La comparaison de la signature qui figure au bas du document avec celle qui figure sur l'acte de vente du 17 avril 1998 permet de constater qu'elles sont semblables de sorte que M. [O] [W] est clairement authentifié comme en étant son auteur.

De surcroît, au regard de l'homogénéité de son écriture, ce testament apparaît tout à fait valable, cette validité n'étant pas altérée par le fait qu'aucune copie n'ait été retrouvée dans les affaires de M. [O] [W] alors qu'il y était indiqué dans l'acte que ce dernier en aurait conservé une copie.

Dès lors, aucune nullité n'est encourue de ce chef.

Aux termes du testament, M. [O] [W] lègue l'ensemble de ses droits matériels et immatériels sur le bien immobilier situé à [Localité 3] ainsi que toute sa fortune restante à Mme [Y] [H].

Les consorts [W] soutiennent que cet acte contrevient aux prescriptions des articles 912 et suivants du code civil instituant le principe de la réserve héréditaire.

Considérant que le non-respect de ces dispositions n'est pas une cause de nullité du testament mais ouvre le droit, le cas échéant, à une action en réduction de la libéralité, la demande de nullité est rejetée de ce chef.

Sur la demande subsidiaire tendant à constater la révocation du testament

Les consorts [W] soutiennent qu'il y a eu révocation tacite de ce testament dès lors que la version en la possession de M. [O] [W] est introuvable, que ni sa mère, ni ses enfants n'en avaient connaissance et qu'au moment de son décès, ce dernier était dans une situation de conflit très lourd avec Mme [H], ce qui explique qu'il ait vraisemblablement volontairement détruit ce testament.

Toutefois, aucun de ces éléments, lesquels ne sont pas justifiés, ne permet de faire droit à cette demande, les arguments étant, au demeurant, contestables au regard des mentions du testament en cause puisque M. [O] [W] a clairement indiqué en fin de son testament qu'il avait indiqué à sa famille l'existence de ce testament et le lieu où il se trouvait.

*

Le jugement entrepris est donc confirmé en ce qu'il a rejeté les demandes de l'association Themis en sa qualité d'administrateur ad'hoc de [D] et [L] [W] portant sur le testament.

11

Sur le pacte tontinier dans l'acte de vente du 17 avril 1998

Sur la nullité du pacte tontinier

Mme [H] soutient que l'action en nullité est prescrite. Les consorts [W] font valoir que cette prescription est soulevée pour la première fois à hauteur d'appel et doit, de ce fait, être déclarée irrecevable, ce à quoi Mme [H] réplique en indiquant que la cour n'est pas compétente pour statuer sur cette recevabilité.

Contrairement à ce que soutient Mme [H], la cour est seule compétente pour statuer sur la recevabilité d'une demande nouvelle à hauteur d'appel.

De surcroît, la prescription étant une fin de non-recevoir, elle peut être soulevée pour la première fois à hauteur d'appel par application des dispositions de l'article 123 du code de procédure civile, de sorte qu'elle doit être déclarée recevable.

Faisant état de ce que la nullité sanctionnant le défaut de cause d'un pacte tontinier ne protège que l'intérêt particulier des parties et se prescrit par cinq ans selon les modalités de l'article 1304 du code civil et non selon celles de l'article 2262 du même code, Mme [H] fait valoir que la prétendue absence d'aléa invoquée par la partie adverse était nécessairement connue de M. [O] [W], dès le 15 février 2002, date de la donation par sa grand-mère de la somme de 50 000 euros et que l'action ayant été introduite vingt ans après la conclusion du pacte tontinier, soit en 2018, alors que l'acquisition a eu lieu en 1998, elle est prescrite, de sorte que la clause de tontine doit trouver pleine application.

Les consorts [W] considèrent que l'absence d'aléa et le vice affectant la clause de tontine n'ont été découverts qu'à l'ouverture de la succession par les héritiers, de sorte que l'action n'est pas prescrite.

L'acte de vente du 17 avril 1998 comprenant un pacte tontinier constitue un contrat aléatoire lequel, par application des dispositions de l'ancien article 1108 du code civil applicable en l'espèce, pour être valable, doit remplir quatre conditions essentielles dont une cause licite dans l'obligation, l'aléa constituant la cause du contrat aléatoire.

L'existence de la cause étant une condition de formation du contrat, elle s'apprécie au jour de sa conclusion, son absence étant de nature à emporter la nullité du contrat, laquelle est relative, seule la personne protégée par la loi ayant le droit d'agir.

Avant la loi n°2008-561 du 17 juin 2008, l'article 1304 du code civil prévoyait un délai de prescription de dix ans pour l'action en nullité.

L'acte de vente incluant le pacte tontinier datant du 17 avril 1998, force est de constater que la prescription était acquise à la date du 17 avril 2008, soit antérieurement au décès de M. [O] [W] survenu le 19 octobre 2016 et à l'entrée en vigueur de la loi du 17 juin 2008 susvisée, de sorte l'action en nullité n'a pas été transmise aux héritiers de ce dernier.

Il s'en déduit que la demande des consorts [W] formulée dans leur assignation du

6 décembre 2018 tendant à la nullité du pacte tontinier est irrecevable.

12

Sur la demande de requalification du pacte tontinier en libéralité et de révocation de la libéralité

Le pacte tontinier étant un contrat aléatoire à titre onéreux, il doit être requalifié en acte à titre gratuit lorsque les circonstances de fait sont telles que l'aléa s'amenuise ou disparaît. Un contrat à titre onéreux déséquilibré par une intention libérale est susceptible de constituer une donation indirecte.

Les consorts [W] soutiennent qu'il y a un déséquilibre de financement et du terrain et la maison bâtie dessus. Toutefois, l'appréciation du déséquilibre doit se faire à la date du contrat, soit le 17 avril 1998, lequel acte ne portait que sur le terrain à bâtir d'une surface de 6,52 ares moyennant le paiement d'un prix de 277 100 francs TTC, une somme de 10 000 francs ayant d'ores et déjà été payée en amont de l'acte.

Si le 25 octobre 1997, M. [O] [W] et Mme [Y] [H] avaient signé avec la Caisse de Crédit Mutuel Alsace du Nord un contrat de prêt pour la construction de leur maison et l'acquisition du terrain pour un montant de 370 000 francs, le coût total de l'opération immobilière se montant à 1 045 000 francs, Mme [H] produit toutefois une convention datée du 15 mai 1998 concernant le projet de construction de la maison, signée par elle-même et M. [O] [W] dont il résulte qu'à cette date, soit quelques mois après la signature du contrat de prêt, elle avait d'ores et déjà contribué pour le projet immobilier en cause à hauteur de 323 860 francs, soit bien au-delà de la moitié du coût du terrain alors que M. [O] [W] avait contribué à hauteur de 191 749 francs.

L'existence d'un déséquilibre dans les apports respectifs par Mme [Y] [H] et M. [O] [W] pour financer le terrain à bâtir au détriment de ce dernier n'est donc pas démontrée par les consorts [W], de sorte que leur demande de requalification du pacte tontinier en libéralité est rejetée.

En absence de requalification du pacte tontinier en libéralité, la demande de révocation de cette dernière est devenue sans objet.

Le jugement entrepris est donc infirmé de ce chef.

Sur les dépens

Au regard des circonstances particulières de la cause et des liens familiaux existant entre les parties, il y a lieu de laisser à chaque partie la charge de ses propres dépens, tant pour la procédure de premier ressort que pour celle d'appel, étant précisé que le jugement entrepris est confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de M. [L] [W] et de Mme [D] [W] tendant à ce que Mme [H] prenne en charge les frais de traduction de son assignation, les dispositions de l'article 695 du code de procédure civile incluant dans les dépens les frais de traduction des actes lorsque celle-ci est rendue nécessaire par la loi, ce qui est le cas au regard de la nationalité de Mme [H] et de son domicile en Allemagne.

13

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

DIT n'y avoir lieu à écarter des débats les pièces n°15,20, 20 bis et 23 produites par Mme [Y] [H] ;

DÉCLARE recevable la fin de non-recevoir tirée de la prescription de l'action en nullité du pacte tontinier soulevée à hauteur d'appel ;

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 25 juin 2020 en ce qu'il

a :

requalifié la clause de tontine passée entre Mme [Y] [H] et M. [O] [W] au sujet d'un terrain figurant dans l'acte de vente du 17 avril 1998 en une libéralité ;

révoqué ladite libéralité ;

dit et jugé corrélativement que la parcelle et la maison s'y trouvant, situées à [Localité 3], section E [Cadastre 2] pour 6,52 ares « Untere Heuwiese '' formant le lot 39 du [Adresse 5] devaient intégrer la succession de M. [O] [W] ;

condamné Mme [Y] [H] aux dépens ;

CONFIRME pour le surplus, le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 25 juin 2020 ;

Statuant de nouveau sur les seuls points infirmés et y ajoutant :

DÉCLARE irrecevable la demande de M. [L] [W] et Mme [D] [W] tendant à la nullité du pacte tontinier inclus dans l'acte de vente du 17 avril 1998 ;

REJETTE la demande de M. [L] [W] et Mme [D] [W] tendant à la requalification du pacte tontinier inclus dans l'acte de vente du 17 avril 1998 en libéralité et DIT sans objet la demande de M. [L] [W] et Mme [D] [W] tendant à la révocation de la libéralité ;

DIT que chaque partie supportera la charge des dépens qu'elle a exposés tant en premier ressort qu'à hauteur d'appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/02521
Date de la décision : 05/05/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-05-05;20.02521 ?
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