MINUTE N° 205/2023
Copie exécutoire à
- Me Joëlle LITOU-WOLFF
- la SELARL LEXAVOUE COLMAR
Le 14 avril 2023
Le Greffie
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
DEUXIEME CHAMBRE CIVILE
ARRÊT DU 14 AVRIL 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00717 -
N° Portalis DBVW-V-B7F-HPZC
Décision déférée à la cour : 15 Janvier 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG
APPELANTE et INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT :
S.A. BOUYGUES IMMOBILIER
ayant son siège social [Adresse 1]
représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la cour
plaidant : Me MORVAN, avocat au barreau de Paris
INTIMÉES et APPELANTES SUR APPEL INCIDENT :
S.A.S. [G] IMMOBILIERE
prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 3]
S.C.I. STEVSKY prise en la personne de son représentant légal
ayant son siège social [Adresse 2]
représentées par la SELARL LEXAVOUE COLMAR, avocat à la cour
plaidant : Me SCHACH, avocat au barreau de Strasbourg
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions des articles 805 modifié et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 décembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre, et Madame Myriam DENORT, conseiller, chargées du rapport.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la cour, composée de :
Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre
Madame Myriam DENORT, conseiller
Madame Nathalie HERY, conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Madame Dominique DONATH faisant fonction
ARRÊT contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.
- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente, et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
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FAITS ET PROCÉDURE
Aux termes de deux promesses unilatérales de vente en date du 4 décembre 2015, assorties de différentes conditions suspensives tenant notamment à l'obtention d'un permis de construire pour une surface minimale de plancher et à l'obtention d'un rapport attestant de l'absence de pollution du sol ou du sous-sol, les sociétés [G] Immobilière et Stevsky, dirigées par M. [G] [Y], se sont engagées à céder à la société Bouygues immobilier différentes parcelles leur appartenant situées lieu-dit [Adresse 4] pour une somme totale de 4 000 000 euros hors taxes, en vue de la réalisation d'une opération de promotion immobilière portant sur la création de quatre immeubles collectifs et de douze maisons individuelles, soit 121 logements.
Selon promesse de vente du 15 septembre 2016, la SCI Stevsky s'est engagée à vendre d'autres parcelles moyennant le prix principal de 833 000 euros HT. Le même jour ont été signés deux avenants aux deux premières promesses de vente portant modification du prix et prorogation de la durée de validité, dans la mesure où les terrains concernés situés en zone non constructible avaient vocation à devenir constructibles dans le cadre de l'élaboration du plan local d'urbanisme intercommunal de l'Eurométropole de [Localité 5], lequel n'a toutefois été définitivement adopté que le 25 mars 2018.
Le 29 mars 2018, les parties ont à nouveau conclu des avenants aux promesses aux fins d'en proroger la validité jusqu'au 30 novembre 2018, la condition d'obtention d'un rapport relatif à la dépollution étant supprimée, compte tenu d'un accord intervenu entre les parties sur ce point, le prix total étant corrélativement ramené à 3 285 292 euros HT. La condition suspensive relative à l'obtention d'un permis de construire visait la réalisation d'une surface minimale de plancher de 7 778 m², dont 1 698 m² maximum à destination de logements sociaux.
Ces promesses de vente et leurs avenants comportaient tous une clause de 'complément de prix pendant la durée de la promesse' au cas où le permis de construire obtenu et devenu définitif autoriserait la construction de surfaces de plancher (SDP) supplémentaires, ce complément de prix étant fonction du nombre de mètres carrés de surfaces de plancher supplémentaires autorisés et du type de logements.
L'acte authentique de vente a été signé le 28 décembre 2018, entre les sociétés [G] Immobilière et Stevsky et la société Bouygues immobilier.
Parallèlement, la société Bouygues immobilier a étendu son opération à des parcelles voisines appartenant à d'autres propriétaire afin de porter l'emprise du projet de 12 843 m² à 14 976 m² et le nombre de logements créés de 121 à 149.
Selon exploit du 27 novembre 2020, les sociétés [G] Immobilière et Stevsky ont fait citer la société Bouygues immobilier devant le tribunal judiciaire de Strasbourg, selon la procédure à jour fixe, aux fins d'obtenir paiement d'un complément de prix et de dommages et intérêts.
Par jugement du 15 janvier 2021, assorti de l'exécution provisoire, le tribunal a condamné la société Bouygues immobilier à payer aux sociétés [G] Immobilière et Stevsky la somme de 470 518,94 euros TTC augmentée des intérêts au taux légal à compter du jugement au titre du complément de prix, ainsi que la somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts et une somme de 5 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, rejetant les demandes reconventionnelles.
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Le tribunal a relevé que l'acte authentique de vente faisait expressément référence aux promesses unilatérales de vente du 4 décembre 2015, qui avaient fait l'objet de trois avenants en date du 15 septembre 2016 et de trois avenants supplémentaires en date du 29 mars 2018, que tous ces avenants contenaient expressément une clause 'de retour à meilleure fortune' prévoyant un complément de prix en fonction des surfaces de plancher supplémentaires autorisées par type de logements, et que les parties s'opposaient sur l'interprétation de cette clause, et plus précisément sur le point de savoir si le droit à complément de prix prenait fin au moment de la signature de l'acte authentique comme le soutenait la société Bouygues immobilier ou à la date du dernier permis de construire, comme soutenu par les sociétés [G] Immobilière et Stevsky.
Le tribunal a retenu qu'après la signature de l'acte authentique, le projet de la société Bouygues immobilier avait été sensiblement modifié, suite à l'acquisition de parcelles auprès des consorts [U], de sorte que le périmètre du projet était passé de 12 843 m² à 14 976 m², et le permis de construire avait été modifié prévoyant 10 094 m² de surfaces de plancher et non plus 7 773 m² ; que d'un point de vue littéral et grammatical, le texte présentait deux cas de figure pour lesquels un paiement de prix complémentaire pouvait avoir lieu, que la première partie du texte, qui prévoyait « Ce versement interviendra à titre forfaitaire et définitif en complément du prix principal le jour de la signature de l'acte authentique », impliquait que c'était au moment de la signature de l'acte de vente chez le notaire qu'était fixé le prix de vente définitif, qui n'était alors plus révisable ; que toutefois si telle avait été la commune et unique intention des parties, le texte n'aurait pas comporté en sa fin les termes « Il en sera de même en cas de dépôt de permis de construire ultérieur portant sur les mêmes parcelles tendant à l'augmentation de la surface constructible ».
Le tribunal a déduit de l'analyse grammaticale et logique de la clause que les sociétés [G] Immobilière et Stevsky avaient souhaité insérer cette disposition au contrat pour s'assurer que le promoteur immobilier ne puisse, de manière unilatérale, une fois l'acte d'acquisition réalisé sur la foi d'un premier permis de construire, en faire établir un second comportant une surface de plancher supérieure, man'uvre qui lui permettrait d'éluder le paiement d'une partie du prix. Il a en outre rappelé que dès le départ, toutes les parties savaient que la superficie constructible pouvait être très variable, et a retenu qu'il était manifeste que la commune intention des parties était de corréler le prix définitif en fonction des mètres de superficie de plancher autorisés, puisqu'il était dans l'intérêt de tous de pouvoir obtenir le maximum de mètres carrés constructibles, l'aléa objectif et implicite contenu dans cette clause résidant dans les conditions d'octroi du permis de construire par les services de la collectivité territoriale au regard de la législation nationale et locale. Faisant application des articles 1188 et 1189 du code civil, le tribunal a considéré qu'il était évident que la commune intention des parties était de permettre une révision du prix, en cas de nouveau permis de construire, et ce indépendamment de la date de cession des terrains de la société [G] Immobilière et de la SCI Stevsky.
Sur les conséquences, le tribunal a considéré que les sociétés [G] Immobilière et Stevsky ne pouvaient demander un complément de prix calculé sur les 2 319 m² de surface de planchers supplémentaires obtenues dans le cadre du permis définitif dans la mesure où la superficie avait été augmentée par l'acquisition d'un terrain de type « dent creuse » auprès de tiers pour une superficie de 21,33 ares, qu'il y avait lieu de comparer la densité de surface de plancher par mètre carré de terrain, telle qu'elle était avant la modification du permis en 2019, à celle existant au moment de la vente au 28 décembre 2018, pour déterminer si les sociétés [G] Immobilière et Stevsky avaient droit à un complément de prix. Le premier juge a ainsi retenu que la densité de surface de plancher par mètre carré au sol actuelle était supérieure de 0,0687 mètre carré à celle présente dans le projet au moment de la vente, que les terrains cédés par les sociétés [G] Immobilière et Stevsky portant sur une superficie de 12 843 m², la surface de plancher supplémentaire était de 882,31 m² (soit 12 843 x 0,0687), qui devait être payée, à concurrence de 20 % (soit 176,46 m²) au tarif de 222 euros hors taxes le mètre carré, les 80 % restants (705,85 m²) l'étant au prix de 500 euros hors taxes.
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Le tribunal a enfin retenu qu'il n'était pas sérieusement contestable que la société Bouygues immobilier avait tenté de ne pas respecter son engagement d'apporter un complément de prix aux sociétés venderesses, alors qu'elle savait pertinemment que la modification du permis de construire en 2019 avait permis d'accroître de près de 30 % la surface de plancher du projet et que l'acquisition de la ' dent creuse n'avait accru que de 16,66 % la surface au sol et qu'en s'abstenant de reprendre contact avec les sociétés venderesses, elle avait simplement tenté d'éluder sa responsabilité, ce qui n'avait pu que générer un préjudice moral pour les sociétés [G] Immobilière et Stevsky auxquelles devait être allouée une somme de 15 000 euros à titre de dommages et intérêts.
Pour rejeter la demande reconventionnelle de la société Bouygues immobilier pour manquement des sociétés venderesses à leur obligation d'information concernant la présence d'une cuve contenant du bitume, le tribunal a relevé que la question de la dépollution du terrain, s'agissant d'une ancienne fourrière municipale, avait donné lieu à beaucoup d'échanges entre les parties, que les sociétés [G] Immobilière et Stevsky avaient consenti une diminution du prix pour tenir compte d'éventuels frais de dépollution, que lors de la signature de l'acte authentique une somme de 90 000 euros avait été séquestrée pendant une durée de six mois pour garantir le coût réel des travaux à réaliser qui devait être supporté dans cette limite par les vendeurs et que la société Bouygues immobilier ayant consenti à la restitution de cette somme, cela impliquait que l'enlèvement de la cuve ne posait pas de difficultés, de sorte que la société Bouygues immobilier ne pouvait prétendre avoir été victime d'un défaut d'information.
La société Bouygues immobilier a interjeté appel de ce jugement le 28 janvier 2021, en toutes ses dispositions.
Elle a saisi la première présidente d'une demande d'arrêt de l'exécution provisoire qui a été rejetée par ordonnance du 2 juin 2021.
La procédure a été clôturée par ordonnance du 4 octobre 2022.
MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES
Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 29 septembre 2022, la société Bouygues immobilier demande à la cour d'infirmer le jugement et statuant à nouveau, de dire qu'aucun complément de prix n'est dû et de débouter les sociétés [G] Immobilière et Stevsky de leurs fins, moyens et prétentions.
A titre subsidiaire, elle demande à la cour de :
- dire et juger que les sociétés [G] Immobilière et Stevsky n'ont pas formé de demandes distinctes permettant de déterminer le complément de prix qui serait dû à chacune d'elles, ce dont il résulte que le premier juge n'a pas été valablement saisi,
- dire et juger que le premier juge qui a substitué la carence des sociétés demanderesses a excédé ses pouvoirs et n'a pas respecté le principe du contradictoire,
- en conséquence, débouter les sociétés [G] Immobilière et Stevsky de leurs fins, moyens et prétentions.
A titre très subsidiaire,
- dire et juger que le complément de prix ne saurait excéder 120 641,46 euros HT et débouter les sociétés [G] Immobilière et Stevsky de leurs prétentions plus amples,
- rappeler que l'arrêt vaut titre de restitution des sommes ayant fait l'objet d'une exécution forcée.
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Sur l'appel incident,
constatant que l'appel incident ne saisit la cour d'aucun chef spécifiquement désigné du jugement entrepris,
- dire que la cour n'est pas saisie de l'appel incident des sociétés [G] Immobilière et Stevsky,
- dire en conséquence qu'il n'y a pas lieu d'examiner la demande de condamnation de la société Bouygues immobilier à payer un complément de prix et des dommages et intérêts,
- subsidiairement, dire non fondées les prétentions des appelantes sur incident,
En conséquence,
- débouter les sociétés [G] Immobilière et Stevsky de leurs demandes,
- les condamner in solidum aux frais de l'appel incident,
En tout état de cause,
- dire et juger que les sociétés [G] Immobilière et Stevsky ont manqué à leur obligation d'information et que l'action engagée est abusive,
- les condamner au paiement d'une somme de 50 000 euros à titre de dommages et intérêts pour manquement à leur obligation d'information et procédure abusive,
- les condamner au paiement d'une somme de 20 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.
Au soutien de son appel elle fait valoir en premier lieu que le tribunal a cru devoir rechercher la commune intention des parties à partir des promesses de vente en méconnaissant les termes clairs de l'acte de vente, qui ne prévoyaient pas de complément de prix, et ce faisant, a dénaturé l'accord des parties.
L'appelante rappelle les dispositions de l'article 1192 du code civil selon lesquelles il n'y a pas lieu d'interpréter les clauses claires et précises et donc de rechercher la commune intention des parties.
Elle indique que les promesses de vente avaient été initialement conclues sous les conditions suspensives que les règles d'urbanisme évoluent et permettent la réalisation du projet envisagé, qu'un permis de construire définitif soit obtenu, et d'une dépollution, et que la référence à la surface de plancher a évolué, au fil des promesses, outre l'abandon de la condition suspensive relative à dépollution, qui a donné lieu à un accord.
Or si les avenants signé le 29 mars 2018 maintenaient la clause complément de prix 'pendant la durée de la promesse' l'acte de vente du 28 décembre 2018 stipule au contraire un prix total de 3 285 292 euros HT, dont 1 122 292 euros HT à revenir à la société [G] Immobilière et 2 163 000 euros à la SCI Stevsky, payable à concurrence de 400 000 euros par imputation sur les indemnités d'immobilisation versées aux vendeurs, et à concurrence de 2 885 292 euros comptant par virement en la comptabilité du notaire, le solde correspondant à la TVA étant payable dans un délai de quinze jours, aucun mécanisme de complément de prix n'étant prévu.
L'appelante observe que, quelques jours avant la passation de l'acte, les intimées ont obtenu que soit prévu un paiement comptant alors que les promesses de vente prévoyaient un paiement du prix à concurrence de 60 % à la signature de l'acte de vente et le solde 16 mois plus tard, ce qui démontre que la clause 'prix' a été négociée avec une attention particulière par les parties et leurs conseils qui intentionnellement n'ont pas prévu de complément de prix.
Elle ajoute que l'acte ne contient aucune disposition renvoyant aux stipulations des promesses de vente qui sont seulement relatées en préambule, au même titre que sont visées des notifications par huissier, sommation [...] ce qui n'a pas pour effet de les intégrer dans les actes au titre des obligations souscrites de part et d'autre.
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Elle fait valoir en deuxième lieu, subsidiairement, que le tribunal a non seulement dénaturés les termes non ambigus de l'acte de vente, mais il a également dénaturé ceux de la clause de complément de prix en considérant qu'elle devait s'appliquer aux autorisations de construire modificatives postérieures à la vente.
La société Bouygues immobilier soutient ainsi que la clause ne vise que le permis de construire ou les permis modificatifs obtenus avant réitération par acte authentique, la clause étant intitulée'clause de complément de prix pendant la durée de la promesse' et prévoyant le versement de l'éventuel complément de prix à la signature de l'acte authentique, cette rédaction ne vidant pas la clause de sa substance comme retenu à tort par le tribunal, mais étant destinée à prendre en considération les changements susceptibles d'intervenir pendant la durée de validité de la promesse. Or au jour de signature de l'acte authentique le permis de construire définitif ne portait pas sur une superficie supérieure à 7 778 m².
C'est également à tort que le tribunal a considéré que le permis de construire du 21 septembre 2018 ne serait pas définitif et que les deux permis modificatifs obtenus en 2020 ne feraient qu'un avec ce permis, alors que, selon la jurisprudence du Conseil d'Etat, le permis de construire modificatif est un acte juridique distinct du permis de construire initial, en outre le caractère définitif résulte de l'expiration du délai de recours, de sorte que les deux permis de construire modificatifs délivrés les 4 février et 5 août 2020 suite à l'acquisition de nouvelles parcelles n'ont pas remis en cause le caractère définitif du permis obtenu le 21 septembre 2018.
A titre infiniment subsidiaire, la société Bouygues immobilier fait valoir que sur les 2 319 m² supplémentaires autorisés seuls 543,43 m² ont été affectés à une parcelle appartenant à un seule des sociétés intimées. Elle considère tout d'abord que la demande des sociétés [G] Immobilière et Stevsky, dont l'appel incident devra être rejeté, est indéterminée en l'absence de répartition du complément de prix entre elles, outre le fait qu'elles réclament une condamnation toutes taxes comprises alors que la SCI n'est pas assujettie à la TVA.
Elle soutient ensuite que le tribunal ne pouvait calculer le complément de prix en déterminant le nombre de mètres carrés de surface de plancher supplémentaires autorisés par le permis modificatif rapporté à l'emprise totale du projet incluant des parcelles vendues par des tiers, et non pas au regard des seules parcelles cédées par les sociétés [G] Immobilière et Stevsky, et qu'en procédant d'initiative, sans réouverture des débats, à un calcul théorique et forfaitaire déconnecté de toute réalité, le tribunal a excédé ses pouvoirs.
Elle considère que c'est tout au plus un montant de 120 641,46 euros qui pourrait éventuellement être dû au regard de la superficie de plancher supplémentaire concernant les seules parcelles issues du projet, et le seul bâtiment D affecté à un usage social, et que la condamnation ne peut être prononcée de manière indistincte au profit des deux sociétés.
La demande de dommages et intérêts pour préjudice moral des intimées doit également être rejetée, en l'absence de preuve d'une faute de sa part, la société Bouygues immobilier réfutant les allégations de fraude des intimées et contestant les affirmations erronées de M. [S] sur lesquelles elles s'appuient, outre l'absence de démonstration d'un préjudice que le tribunal n'a pas caractérisé.
Elle réitère enfin sa demande de dommages et intérêts au titre des frais de vidange et d'évacuation de deux cuves de bitume découvertes dans le sous-sol des biens vendus sans que les venderesses ne l'en aient informée, ainsi que pour atteinte à sa réputation, l'introduction de la procédure en travestissant les faits, au mépris des accords conclus et en proférant des accusations non fondées à son encontre étant destinée à lui nuire.
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Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 7 juin 2022, les sociétés [G] Immobilière et Stevsky demandent à la cour de :
Sur l'appel principal :
- débouter l'appelante de l'intégralité de ses fins et conclusions,
Sur l'appel incident des intimées :
A titre principal,
- infirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 15 janvier 2021,
et statuant à nouveau,
- débouter la société Bouygues de l'intégralité de ses fins, moyens et prétentions,
- dire et juger que la clause de complément de prix est applicable en cas de permis de construire modificatif définitif ultérieur à l'acte de vente (permis de construire de construire n° PC 06748217V0343)
- condamner la SAS Bouygues immobilier au paiement du complément de prix à hauteur de 1 030 563, 60 euros HT, soit 1 236 676,32 euros TTC,
- condamner la SAS Bouygues immobilier au paiement de la somme de 100 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure particulièrement abusive et comportement déloyal dans la négociation, conclusion et exécution du contrat.
Subsidiairement,
- confirmer le jugement rendu par le tribunal judiciaire en date du 15 janvier 2021 en toutes ses dispositions.
En tout état de cause,
- condamner la société Bouygues immobilier aux entiers frais et dépens, y compris ceux de première instance et au paiement de la somme de 20 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile, outre ceux alloués en première instance.
Les intimées considèrent que le tribunal a parfaitement analysé les différents actes pour rechercher la commune intention des parties, et font leurs les motifs du jugement.
Elles reprochent une attitude dolosive à la société Bouygues immobilier. Elles soulignent que les promesses de vente envisageaient initialement une superficie constructible de l'ordre de 11 000 m² et prévoyaient une clause de complément de prix, qui a été modifiée unilatéralement par l'appelante, le paragraphe relatif à l'obtention d'un permis de construire ultérieur tendant à l'augmentation des surfaces constructibles qui avait été validé par les parties ayant été supprimé à son initiative dans les promesses du 4 décembre 2015, ce qui démontre la volonté de la société Bouygues immobilier de les tromper.
La clause initialement prévue ayant été rétablie dans sa version intégrale dans les avenants ultérieurs, auxquels renvoie expressément l'acte de vente, elle a donc vocation à s'appliquer, le prix principal étant celui résultant du permis de construire initial avant modification de la surface de plancher demandée par la société Bouygues immobilier postérieurement à la vente et le complément de prix étant dû en sus du prix initial.
Elles font valoir subsidiairement que :
- le prix de vente n'a pas été réglé sur la base d'un permis de construire définitif puisque la société Bouygues immobilier a déposé, en décembre 2019 une demande de permis modificatif, se rapportant au même permis de construire,
- la clause est dénuée de portée si elle tend au paiement du prix complémentaire par rapport au permis de construire présenté aux vendeurs, puisqu'il s'agit d'un complément par rapport au prix principal lequel est calculé par référence à la superficie constructible autorisée au jour de l'acte de vente, la clause doit donc nécessairement être interprétée au regard de la commune intention des parties exprimées dans le cadre des négociations pré-contractuelles,
- la limitation du complément de prix au jour de la réitération de la vente a un caractère léonin qui emporte nullité de la stipulation, la société Bouygues immobilier ayant en effet sciemment attendu la signature de l'acte de vente pour déposer une demande de permis
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modificatif augmentant les surfaces, il faut donc se placer au jour du dernier permis de construire obtenu pour apprécier le complément de prix,
- la manoeuvre dolosive implique une lésion sur le prix qui aurait amené les vendeurs à ne pas accepter les ventes,
- la société Bouygues immobilier n'a pas exécuté le contrat de bonne foi, de sorte que la clause ne peut que s'analyser à l'aune des échanges pré-contractuels et de la portée de la
clause rédigée dolosivement par la société Bouygues immobilier, à savoir qu'elle s'engageait à verser un prix complémentaire en sus du prix fixé au regard de la superficie initiale, puisqu'elle savait pertinemment qu'elle demanderait un permis modificatif,
- la quasi totalité des lots étant vendus, la société Bouygues immobilier a d'ores et déjà réalisé un bénéfice d'autant plus important qu'elle s'est abstenue de régler le complément de prix à hauteur de 1 200 000 euros.
Elles considèrent en effet que le complément de prix doit être calculé sur la totalité de la surface de plancher supplémentaire autorisée, soit sur 2 139 m² et s'établit donc à un montant total de 1 236 676,32 euros TTC.
Elles affirment que les permis de construire obtenus par la société Bouygues immobilier en 2020 ont eu pour objet de contourner des obligations légales et réglementaires afin
d'effectuer un profit plus important en intégrant « une dent creuse » qui ne devait pas être intégrée au permis de construire des intimées, pour ne pas avoir à respecter des limites de propriétés et permettre d'augmenter considérablement la surface constructible, en affectant, à son bon vouloir, les logements dits à accession privée et les logements sociaux. Elle estiment que cette volonté de profit par la modification du permis de construire, à leur insu, doit leur être déclarée inopposable, de sorte que les intimées sont bien fondées à solliciter le complément de prix sur la base du permis de construire visé dans l'acte tel que modifié. Subsidiairement, le calcul du premier juge qui tient compte de la densité de la construction, la hauteur de certains bâtiments ayant été relevée, peut être approuvé.
Au soutien de leur demande de dommages et intérêts, elles invoquent l'attitude dolosive de la société Bouygues immobilier, ses manoeuvres relatives à la pollution pour obtenir une diminution du prix, ainsi que ses manoeuvres procédurales dilatoires.
Enfin, elles approuvent les motifs du jugement qui a rejeté la demande reconventionnelle de la société Bouygues immobilier.
Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.
MOTIFS
A titre liminaire, il sera relevé que dès lors que les sociétés [G] Immobilière et Stevsky demandent l'infirmation du jugement, la cour est bien saisie de leur appel incident quand bien même ne précisent-elles pas les chefs du jugement qu'elles critiquent, cet appel incident portant sur les montants alloués ainsi que cela résulte des prétentions qu'elles présentent.
Sur la demande de complément de prix
Les trois derniers avenants aux promesses de vente liant les parties, en date du 29 mars 2018, comportent une clause ainsi libellée :
« Complément de prix pendant la durée de la promesse
Si le Permis de Construire modificatif ultérieur à celui déposé par le BENEFICIAIRE le 28 décembre 2017 et le 23 mars 2018 pour les pièces complémentaires, dont l'obtention devenu définitive autorise la réalisation de plus de 7 778 m² de surfaces de plancher, le
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BENEFICIAIRE s'engage à verser au PROMETTANT, le jour de la réitération des présentes par acte authentique, pour chaque mètre carré autorisé de SDP un complément de prix par m² de SDP dont le montant varie en fonction du type de logements, savoir :
- CINQ CENTS (500) euros HT net vendeur par m² de surfaces de plancher de logements en accession libre à la propriété.
- DEUX-CENT VINGT-DEUX (222) euros HT net vendeur par m² de surface de plancher de logements sociaux.
Par ailleurs, au cas où le BENEFICIAIRE déposerait ultérieurement un permis de construire modificatif à celui déposé par le BENEFICIAIRE le 28 décembre 2017 et le 23 mars 2018 pour les pièces complémentaires, dont l'obtention aurait pour effet une réaffectation du logement social en accession privée, le BENEFICIAIRE sera redevable d'un montant de CINQ CENTS (500) euros HT net vendeur par m² de surfaces de plancher de logements réaffectés.
Ce versement interviendra à titre forfaitaire et définitif en complément du prix principal le jour de la signature de l'acte authentique. Il en sera de même en cas de dépôt de permis de construire ultérieur portant sur les mêmes parcelles tendant à l'augmentation de la surface constructible. »
L'acte de vente du 28 décembre 2018 conclu entre les sociétés [G] Immobilière et Stevsky et la société Bouygues immobilier comporte un paragraphe liminaire intitulé 'exposé' dans lequel il est fait référence en premier lieu aux promesses de vente des 4 décembre 2015 et 15 septembre 2016 et à leurs avenants, l'acte reprenant également les courriers et courriels échangés entre les parties dans le cadre de la levée de l'option, outre l'assignation délivrée à la société Bouygues immobilier par les sociétés [G] Immobilière et Stevsky par laquelle ces dernières contestaient la régularité de la levée de l'option, ainsi que la sommation délivrée par la société Bouygues immobilier aux vendeurs d'avoir à se présenter au rendez-vous de signature de l'acte de vente ; en deuxième lieu aux ventes consenties par les sociétés venderesses à l'Eurométropole de [Localité 5] ; en troisième lieu au projet de construction. Dans ce dernier paragraphe, il est notamment fait état de l'obtention par l'acquéreur d'un permis de construire, permis de démolir et valant division en propriété ou en jouissance, obtenu le 21 juin 2018, autorisant la construction de quatre immeubles d'habitation, 12 maisons individuelles et 12 garages pour une surface totale de planchers de 7 773 m², et il est précisé que le caractère définitif dudit permis de construire résulte d'un certificat de non recours des tiers et de non retrait délivré par la mairie de [6] le 27 septembre 2018 et d'une mention du 25 septembre 2018 apposée par le tribunal administratif de Strasbourg sur une copie de l'arrêté de permis de construire confirmant l'absence de recours à l'encontre dudit permis.
S'agissant du prix, l'acte du 28 décembre 2018 mentionne que la vente est consentie et acceptée moyennant le prix de 3 285 292 euros hors taxes, se répartissant à concurrence de 1 122 292 euros pour la société [G] Immobilière, soit 1 346 750,40 euros toutes taxes comprises, et à concurrence de 2 163 000 euros pour la SCI Stevsky, soit une somme totale à verser de 3 509 750,40 euros. Ce prix est stipulé payable à concurrence de 400 000 euros par imputation des indemnités d'immobilisation versées aux vendeurs, de 2 885 292 euros comptant, le solde correspondant au montant de la TVA étant payable dans un délai de quinze jours.
Ces modalités de paiement du prix sont différentes de celles prévues dans les derniers avenants aux promesses de vente qui stipulaient un paiement comptant à hauteur de 60% du prix, le solde étant payable dans un délai de 16 mois avec intérêts.
L'acte de vente ne comporte par ailleurs aucune clause relative à un complément de prix.
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Contrairement à ce qu'a retenu le tribunal, la mention figurant à la fin de la partie 'exposé' selon laquelle 'les parties déclarent que le présent exposé forme partie intégrante de la vente constatée ci-après', n'implique pas que la clause de complément de prix telle que figurant dans les derniers avenants aux promesses de vente, qui sont seuls à prendre en considération, aurait également vocation à s'appliquer après la signature de l'acte authentique, en cas de permis modificatif obtenu après cette date. En effet, l'acte de vente ne prévoit aucun complément de prix, ni le maintien en vigueur des clauses de complément de prix figurant dans les promesses de vente, alors qu'il résulte tant de leur intitulé que de leur contenu qu'elles n'ont vocation à s'appliquer que pendant la durée de la promesse, le versement du complément de prix devant intervenir à titre forfaitaire et définitif, en complément du prix principal, le jour de la signature de l'acte authentique.
Il sera en outre relevé d'une part que lesdites clauses de complément de prix qui envisagent une modification du permis de construire portant soit sur l'augmentation de la surface constructible, soit sur le changement d'affectation des surfaces, pendant la durée de validité des promesses ne sont pas inutiles, comme soutenu par les intimées, au regard de cette durée et du caractère évolutif du projet, et d'autre part que la dernière phrase de la clause ci-dessus rappelée selon laquelle ' Il en sera de même en cas de dépôt de permis de construire ultérieur portant sur les mêmes parcelles tendant à l'augmentation de la surface constructible. », renvoie de toute évidence à la première des deux hypothèses précédemment visées dans lesquelles est prévu un complément de prix.
Le fait que la clause de complément de prix ait été stipulée, dans chacun des avenants successifs, comme étant valable pendant la durée de validité de la promesse n'est pas de nature à lui conférer un caractère léonin, les parties conservant la possibilité d'insérer une clause de complément de prix dans l'acte de vente définitif ce qu'elles n'ont pas fait.
Ainsi, comme le fait valoir à juste titre l'appelante, les stipulations de l'acte de vente étant claires et dépourvues d'ambiguïté, il n'y a pas lieu de procéder à une interprétation de cet acte et donc de rechercher la commune intention des parties.
Par voie de conséquence, dès lors que la clause de complément de prix n'a pas vocation à s'appliquer en cas d'obtention d'un permis de construire modificatif obtenu postérieurement à l'acte de vente, et qu'il ressort des énonciations même de l'acte de vente que le permis de construire obtenu le 21 juin 2018 est définitif et n'autorise pas la réalisation d'une surface de plancher supérieure à 7 778 m², il n'y a pas lieu à complément de prix.
Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a alloué une somme de 470 518,94 euros TTC aux sociétés [G] Immobilière et Stevsky, qui seront déboutées de leur demande à ce titre.
Sur la demande de dommages et intérêts des sociétés [G] Immobilière et Stevsky
Au soutien de leur demande de dommages et intérêts, les sociétés [G] Immobilière et Stevsky invoquent des manoeuvres dolosives de la société Bouygues immobilier ayant consisté à 'produire un acte qui ne correspond pas à celui validé entre le service juridique de Bouygues et le conseil des demanderesses'.
Cette demande n'apparaît pas fondée dès lors que la manoeuvre alléguée est antérieure à la signature des deux promesses de vente du 4 décembre 2015, dans lesquelles la mention ' Il en sera de même en cas de dépôt de permis de construire ultérieur portant sur les mêmes parcelles tendant à l'augmentation de la surface constructible. » n'apparaît pas, cette mention ayant par contre été insérée dans les avenants postérieurs, et notamment dans ceux du 29 mars 2018.
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Par ailleurs, la durée de validité des promesses de vente ayant été prolongée à plusieurs reprises, les négociations entre les parties ayant en effet duré plus de trois années, et ayant également conduit, lors de la signature des différents avenants, à des modifications concernant le prix, ses modalités de paiement et les conditions suspensives, au regard notamment de l'état de pollution du terrain, il ne peut être soutenu que cette manoeuvre dolosive aurait conduit les intimées à accepter un prix lésionnaire, ce qu'au demeurant elles ne démontrent pas, pas plus qu'elles ne caractérisent une contrainte exercée sur elles par la société Bouygues immobilier pour obtenir un avantage manifestement excessif.
Il n'est pas non plus démontré que la société Bouygues immobilier aurait dissimulé aux intimées une quelconque information dont celles-ci n'auraient pas disposé. Il sera en effet observé à cet égard, que les intimées n'ignoraient pas l'intérêt porté par l'appelante aux terrains appartenant aux consorts [U] constituant ce que le tribunal a qualifié de 'dent creuse' au sein du périmètre de l'opération, et pour lesquels une première promesse de vente avait été signée le 8 juin 2018. M. [Y], dirigeant des deux sociétés intimées, reconnaît notamment avoir été en relation avec Mme [M], propriétaire desdits terrains, et l'hypothèse d'une pollution accidentelle de ces terrains susceptible de provenir des parcelles appartenant aux intimées avait été évoquée au cours des négociations, ainsi que cela ressort d'un courrier de l'appelante du 23 novembre 2018 dans lequel elle fait état de son projet d'acquisition desdites parcelles.
Dans ces conditions, il n'est nullement démontré que, comme l'affirme le tribunal, la société Bouygues immobilier a tenté de ne pas respecter son engagement, alors que bien que les sociétés [G] Immobilière et Stevsky aient connaissance de l'intention de la société Bouygues immobilier d'acquérir les terrains appartenant aux consorts [W] afin d'élargir le périmètre de son projet et d'augmenter la surface constructible, aucun mécanisme de complément prix n'a été stipulé dans l'acte de vente, seules les modalités de paiement du prix ayant en effet été modifiées à la demande des intimées, outre la constitution d'un séquestre. Il sera par ailleurs observé que la cession des terrains appartenant aux consorts [W] n'est intervenue que près de deux ans plus tard, le 7 décembre 2020, et que les permis de construire modificatifs ont été successivement obtenus le 4 février 2020 puis le 5 août 2020, le fait que la hauteur de certains bâtiments ait également été modifiée étant sans emport au vu de ce qui précède.
Il n'est pas non plus démontré qu'en contestant la saisie attribution pratiquée par les intimées et en sollicitant l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement, la société Bouygues immobilier ait usé de manoeuvres procédurales dilatoires.
La demande de dommages et intérêts doit donc être rejetée et le jugement infirmé en ce qu'il a accueilli partiellement la demande.
Sur la demande reconventionnelle relative à la pollution
La société Bouygues immobilier fait valoir qu'en cours d'exécution des travaux, elle a découvert des cuves pleines de bitume dans le sous-sol des biens vendus par les intimées, dont l'existence n'avait pas été portée à sa connaissance. A l'appui de sa demande, elle produit une photographie, un ordre de service du 25 novembre 2019 pour l'enlèvement de deux cuves bitumes, et un devis non daté. Aucune précision n'est toutefois apportée quant à la localisation exacte de ces cuves.
Or, il ressort de l'acte de vente que la société Bouygues immobilier avait parfaitement connaissance des activités précédemment exercées sur le site, notamment de l'exploitation par une société ETM jusqu'en 1982 d'un poste d'enrobage à chaud de gravillons/bitume, puis d'une activité de dépannage, entretien automobile, et de fourrière, et enfin d'une activité de contrôle technique et d'entretien de véhicules.
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Par ailleurs, suite à trois études sur la pollution du sol, la société Bouygues immobilier a accepté de renoncer aux conditions suspensives prévues à cet égard, après avoir négocié une diminution du prix.
En dernier lieu, elle a fait insérer dans l'acte de vente une convention de séquestre portant sur un montant de 90 000 euros destiné à garantir le coût des travaux de dépollution en cas de découverte d'une nouvelle pollution survenue entre le 26 octobre 2017 et l'acte de vente, une nouvelle étude de sol devant être effectuée dans un délai de trois mois par l'acquéreur.
Il est constant qu'après réalisation de cette étude, l'appelante a consenti à la levée du séquestre.
En l'état de ces constatations, alors que les pièces produites à l'appui de la demande sont totalement imprécises, la preuve n'est pas suffisamment rapportée de la découverte fortuite de cuves dont la présence n'aurait pas été révélée par les vendeurs, et par les investigations antérieures, étant observé que dans ses rapports des 18 septembre et 25 octobre 2017, la société ICF évoquait la présence d'une cuve de fioul et d'une cuve de bitume de l'entreprise ETM au nord du site.
Aucun manquement des sociétés [G] Immobilière et Stevsky à leur obligation d'information n'étant démontré, le jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la société Bouygues immobilier sur ce point.
Sur la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive
La demandes des sociétés [G] Immobilière et Stevsky ayant été accueillie en première instance, il est manifeste que celles-ci ont pu se méprendre sur leurs droits ce qui exclut tout abus de procédure.
Il n'est par ailleurs pas démontré qu'elles aient été animées d'une intention de nuire à la société Bouygues immobilier. Le jugement sera donc confirmé en tant qu'il a débouté cette dernière de sa demande de dommages et intérêts.
Sur les dépens et frais exclus des dépens
En considération de la solution du litige, le jugement sera infirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles.
Les dépens de première instance et d'appel seront supportés par les sociétés [G] Immobilière et Stevsky, in solidum, qui seront déboutées de leurs demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Il sera par contre alloué, sur ce fondement, à la société Bouygues immobilier une somme de 10 000 euros pour les deux instances.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,
INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 15 janvier 2021, sauf en ce qu'il rejette les demandes reconventionnelles de la société Bouygues immobilier;
CONFIRME le jugement entrepris dans cette limite ;
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Statuant à nouveau pour le surplus et ajoutant au jugement,
DEBOUTE les sociétés [G] Immobilière et Stevsky de leur demandes de complément de prix et de dommages et intérêts ;
RAPPELLE que l'arrêt vaut titre de restitution de toutes sommes payées en exécution du jugement déféré et que ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter de la signification de l'arrêt ;
DEBOUTE les sociétés [G] Immobilière et Stevsky de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;
CONDAMNE la SAS [G] Immobilière et la SCI Stevsky, in solidum, aux entiers dépens de première instance et d'appel ainsi qu'à payer à la SA Bouygues immobilier la somme de 10 000 € (dix mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Le greffier, La présidente,