La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

12/04/2023 | FRANCE | N°21/03494

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 12 avril 2023, 21/03494


MINUTE N° 200/2023

























Copie exécutoire à



- Me Dominique HARNIST



- Me Raphaël REINS





Le 12 avril 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 12 AVRIL 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/03494 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HUSN



Décision

déférée à la cour : 06 Juillet 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANTE :



La S.C.I. BURHANI, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]



représentée par Me Dominique HARNIST, avocat à la cour.





I...

MINUTE N° 200/2023

Copie exécutoire à

- Me Dominique HARNIST

- Me Raphaël REINS

Le 12 avril 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 12 AVRIL 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/03494 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HUSN

Décision déférée à la cour : 06 Juillet 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

La S.C.I. BURHANI, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Dominique HARNIST, avocat à la cour.

INTIMÉS :

Monsieur [I] [X]

Madame [J] [R]

demeurant tous les deux[Adresse 1]

représentés par Me Raphaël REINS, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 et 907 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 22 Février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, président de chambre

Madame Myriam DENORT, conseiller

Madame Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Dominique DONATH faisant fonction

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par acte sous seing privé en date du 12 juin 2020, la SCI Burhani s'est portée acquéreur d'un bien sis [Adresse 3], propriété des consorts [X] et [R], pour un montant de 227 053 euros outre les frais de l'acte de vente soit un total de 244 453 euros. Il était précisé dans l'acte que ce montant était payable grâce à une somme de 229 453 euros financée au moyen d'un crédit bancaire outre une somme de 15 000 euros au moyen de fonds personnels.

Les fonds personnels en question ont été séquestrés sur le compte du notaire ayant servi d'intermédiaire s'agissant de l'établissement du compromis, Maître [D] [M].

Une clause pénale était aussi stipulée dans l'acte prévoyant une indemnité de 22 750 euros en cas de non-réitération fautive. Il était stipulé une condition suspensive dans l'intérêt de la SCI emprunteuse puisque celle-ci indiquait avoir recours à un emprunt à hauteur de 229 453 euros, sur une durée maximale de remboursement de 15 ans avec un taux nominal d'intérêt maximal de 1,5% hors assurance.

Il était précisé que la SCI Burhani disposait d'un délai de huit semaines pour justifier de la réception d'une offre de crédit correspondant aux conditions contractuellement convenues, soit jusqu'au 3 août 2020.

Par courrier de leur conseil en date du 09 février 2021, Monsieur [I] [X] et Madame [J] [R] ont mis en demeure la SCI Burhani d'avoir à donner son accord quant à la libération à leur profit de la somme de 15 000 euros séquestrée en l'étude de Me [M] en indemnisation au titre de la clause pénale et à transmettre le solde des montants leur revenant à ce même titre, soit la somme de 7 500 euros, par chèque libellé à l'ordre de la Carpa.

Le 19 mars 2021 Monsieur [I] [X] et Madame [J] [R] ont assigné la SCI Burhani par devant le tribunal judiciaire de Strasbourg.

À l'issue d'une procédure lors de laquelle la SCI n'était pas représentée, par jugement rendu le 6 juillet 2021, le tribunal judiciaire de Strasbourg, après avoir constaté que la SCI Burhani ne justifiait pas avoir sollicité un crédit conformément à son engagement, a fait droit aux demandes des consorts [R] et [X] et a :

- condamné la SCI Burhani à leur verser une somme de 22 750 euros outre intérêts légaux ;

- ordonné le versement à M. [X] et Mme [R] de la somme de 15.000,00 euros versée par la SCI au titre du dépôt de garantie ;

- condamné la SCI Burhani à payer aux consorts [X] et [R] une somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La SCI Burhani a interjeté appel de ce jugement le 30 juillet 2021.

PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 3 mai 2022, la SCI Burhani demande à la cour de :

- la déclarer recevable en son appel,

En conséquence

- infirmer le jugement en toutes ses dispositions

Et statuant à nouveau

- débouter Monsieur [I] [X] et Madame [J] [R] de toutes leurs demandes, fins et prétentions.

À titre principal

- dire et juger que la clause pénale est inapplicable à la SCI en l'absence de défaillance dûment établie,

- en conséquence, débouter Monsieur [I] [X] et Madame [J] [R] de leur demande en paiement de la somme de 22 750 euros correspondant au montant de la clause pénale insérée dans le compromis de vente du 12 juin 2020,

À titre subsidiaire

- modérer la pénalité prévue dans la clause pénale en fixant son montant à la somme de 3000 euros,

En tout état de cause

- condamner solidairement Monsieur [I] [X] et Madame [J] [R] à payer à la SCI Burhani la somme de 1 500 euros au titre de la première instance et de 2 000 euros à hauteur d'appel au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamner solidairement Monsieur [I] [X] et Madame [J] [R] aux entiers dépens de première instance et d'appel.

L'appelante estime dans un premier temps que son silence ne saurait caractériser une défaillance et être considéré comme un empêchement par ses soins de la réalisation de la condition suspensive, et ce d'autant plus qu'elle affirme être en mesure de justifier des diligences qu'elle a accomplies en vue de la réalisation de la condition suspensive à savoir l'obtention d'un contrat de prêt.

Elle renvoie la cour aux courriels successifs échangés avec son établissement bancaire, la société caisse d'épargne qui établirait la formulation de deux demandes de prêts successives :

' une première le 4 juillet 2020 portant sur un montant de 198 218 euros sur 180 mois avec un apport de 15 000 euros,

' une seconde le 23 juillet 2020 portant sur le même montant avec la même durée mais avec un apport de 50 000 euros.

La SCI fait aussi état du document de la banque attestant du refus de la demande de crédit formulé par elle.

Monsieur [I] [X] et Madame [J] [R] ne sauraient contester la réalité de ces démarches ; les conditions d'octroi du prêt stipulées aux termes du compromis de vente doivent être considérées comme des conditions « plafond » que la SCI ne pouvait dépasser, de sorte que les demandes de prêts formées par la SCI rempliraient parfaitement les conditions posées par le compromis.

A titre subsidiaire, la SCI sollicite la modération de la clause pénale et sa fixation à une somme de 3 000 euros au motif que les consorts [X]-[R] ne justifieraient à aucun moment de la nature de leur préjudice et notamment de la situation actuelle de l'immeuble, objet du compromis de vente.

Ils ne pourraient justifier d'un préjudice autre que celui correspondant à la durée d'immobilisation de l'immeuble entre le mois de juin 2020, date de signature du compromis, et le mois d'août 2020, date à laquelle le compromis est devenu caduc en l'absence de réalisation de la condition suspensive.

* * *

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 janvier 2022, Monsieur [I] [X] et Madame [J] [R] demandent à la cour de :

- déclarer l'appel irrecevable, en tous cas mal fondé,

- débouter l'appelante de l'ensemble de ses moyens, fins et prétentions,

- déclarer les demandes, fins et prétentions des concluants recevables et bien fondées,

Y faire droit et corrélativement :

- confirmer le jugement rendu le 6 juillet 2021 par le tribunal judiciaire de Strasbourg sous RG n°21/02031 en toutes ses dispositions,

- condamner la SCI Burhani aux entiers frais et dépens d'appel en application de l'article 696 du code de procédure civile ainsi qu'à payer aux consorts [X] et [R] une somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais irrépétibles à hauteur d'appel.

Les intimés rappellent que le compromis prévoyait que le prix de vente serait financé par un apport personnel de 15 000 euros - somme consignée auprès du notaire - et par un prêt bancaire à hauteur de 227 553 euros. L'acte prévoyait que la durée maximale de remboursement était de 15 ans avec un taux nominal d'intérêt maximum de 1,5 % l'an hors assurance.

La SCI aurait clairement engagé sa responsabilité contractuelle à l'égard des consorts [X]-[R] étant précisé que conformément à la jurisprudence de la Cour de cassation, le fait que le compromis de vente soit caduc en raison de l'écoulement du délai légal de six mois n'emporte pas la caducité de la clause pénale qui avait été stipulée.

Le premier juge a considéré à juste titre que le silence de la SCI, qui n'avait transmis aucune offre de prêt aux consorts [X]-[R], caractérise sa défaillance dans la réalisation de la condition suspensive.

S'agissant des documents que la SCI produit à hauteur d'appel, les intimés avancent que :

- l'attestation de la banque ne serait pas de nature à remettre en cause l'appréciation du premier juge quant à l'inexécution par la SCI appelante de son engagement ; ils attirent l'attention de la cour sur le fait que ce document fait mention d'une demande de crédit à hauteur d'une somme de 198 218 euros, somme manifestement insuffisante, le besoin de financement ayant été établi à 229 453 euros,

- le compromis mentionne expressément l'obligation pour la SCI de recourir à un ou plusieurs prêts ; au regard de l'insuffisance de la demande du premier prêt il aurait convenu de solliciter un prêt complémentaire,

- en tout état de cause, le document de la banque ne fait pas mention du taux d'intérêt à telle enseigne qu'il serait impossible de vérifier que cette caractéristique a bien été intégrée dans la demande faite à la banque,

- la SCI a adopté une attitude qu'ils qualifient de « coupable » dans la gestion de cette affaire car cette dernière n'a jamais pris soin d'informer les consorts [X]-[R] de l'évolution du dossier.

* * *

Par ordonnance du 4 octobre 2022, la présidente de chambre, chargée de la mise en état, a ordonné la clôture de la procédure et renvoyé l'affaire à l'audience du 22 février 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIVATION

1) Sur la demande de Monsieur [I] [X] et Madame [J] [R]

Il est constant que les parties ont soumis la réalisation de la vente à la condition suspensive de l'obtention d'un prêt d'un montant maximum de 229 453 euros, et que la SCI a formulé une demande de prêt en vue de l'acquisition de l'immeuble visée par le compromis de vente de juin 2020 auprès de son organisme bancaire à savoir la caisse d'épargne Europe.

Cette dernière a établi une attestation de refus de prêt datée du 9 octobre 2020 selon laquelle elle certifie que la SCI « a sollicité notre établissement en date du 21 juillet 2020 en vue de l'octroi d'un prêt immobilier d'un montant de 198 218 euros (') en vue de l'acquisition d'une maison sise [Adresse 3].

Notre établissement n'a pas eu convenance à réserver une suite favorable à cette demande ».

La société appelante produit en outre en ses annexes 4 et 5 les mails qu'elle a échangés avec la caisse d'épargne. Leur examen démontre que :

' le 11 juillet 2020 la caisse d'épargne demandait à la SCI des pièces complémentaires en lien avec une demande de prêt de financement sur 180 mois avec un apport de 15 000 euros, sans qu'elle ne précisât le montant des besoins financiers,

' le 23 juillet 2020, l'agence bancaire faisait état de « la nouvelle proposition sur 180 mois avec apport de 50 K euros ».

Force est de constater en premier lieu qu'aucune de ces trois pièces ne permet de connaître quelles ont été les conditions du prêt sollicité par la SCI, en sachant que le compromis stipulait que ce dernier devait porter sur une somme maximale de 227 553 euros, être accordé sur 180 mois et avec un taux d'intérêt maximum hors assurance de 1,5 % l'an.

En l'absence de précision sur les caractéristiques du prêt, la SCI ne démontre pas avoir été de bonne foi au moment où elle a demandé un prêt à la caisse d'épargne.

En deuxième lieu, la lecture du message de l'agence bancaire du 23 juillet 2020 laisse à penser qu'elle était prête à accorder son concours bancaire sans quoi son représentant n'aurait pas évoqué une « nouvelle proposition sur 180 mois avec apport de 50 K euros ».

En troisième lieu, la cour remarque que la SCI n'a pas joint aux deux messages qui lui ont été adressés par la banque les 11 et 23 juillet 2020, ses propres messages dont la teneur aurait permis de révéler les conditions de prêt qu'elle voulait voir appliquées et la sincérité de sa démarche auprès de la banque.

Enfin, en quatrième lieu, il appartenait à la SCI de s'adresser à d'autres agences bancaires pour solliciter le prêt, étant observé que la condition suspensive ne limitait pas son engagement à une demande de prêt à un seul établissement bancaire.

En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision de première instance en ce qu'elle a considéré que la SCI n'a pas satisfait aux obligations qui lui étaient imposées, en particulier en n'ayant pas accompli les diligences qui lui incombaient auprès d'organismes bancaires pour tenter de réaliser la condition suspensive portant sur le financement et qu'elle a ainsi empêché l'accomplissement de la vente.

2) sur l'application de la clause pénale et la demande de révision

L'article 1231'5 du code civil prévoit que « lorsque le contrat stipule que celui qui manquera de l'exécuter paiera une certaine somme à titre de dommages-intérêts, il ne peut être alloué à l'autre partie une somme plus forte ni moindre. Néanmoins, le juge peut, même d'office, modérer ou augmenter la pénalité ainsi convenue si elle est manifestement excessive ou dérisoire ».

En l'espèce c'est une somme de 22 755 euros qui est réclamée en exécution de la clause pénale stipulée en page 7 du compromis de vente.

Au regard du montant du prix de vente de la maison de 225 533 euros, le montant de la clause pénale, soit un peu plus de 10%, ne présente en soi, pas un caractère manifestement excessif ou dérisoire.

La SCI qui sollicite sa réduction, ne fait qu'évoquer l'absence de préjudice subi par Monsieur [I] [X] et Madame [J] [R], sans apporter aucune explication utile sur le caractère manifestement excessif de la clause qu'elle invoque.

Par conséquent il n'y a pas lieu de réduire le montant de cette clause pénale, et les modalités pratiques de la décision de première instance seront intégralement confirmées.

3) Sur les demandes accessoires

Le jugement de première instance statuant sur la question des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile, sera confirmé.

La SCI, partie succombante au sens de l'article 696 du code de procédure civile, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel et à verser à Monsieur [I] [X] et Madame [J] [R] une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'ils ont exposés dans le cadre de la procédure d'appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de la SCI tendant à être indemnisée de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après en avoir délibéré, publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile :

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 6 juillet 2021,

Et y ajoutant

CONDAMNE la SCI Burhani aux dépens de la procédure d'appel,

CONDAMNE la SCI Burhani à verser à Monsieur [I] [X] et Madame [J] [R] une somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre des frais irrépétibles qu'ils ont engagés à hauteur d'appel,

REJETTE la demande de la SCI Burhani fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/03494
Date de la décision : 12/04/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-04-12;21.03494 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award