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31/03/2023 | FRANCE | N°21/00536

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 31 mars 2023, 21/00536


MINUTE N° 177/2023





























Copie exécutoire à



- Me Julie HOHMATTER



- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY



- Me Joëlle LITOU-WOLFF



Le 31 mars 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 31 Mars 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00536

- N° Portalis DBVW-V-B7F-HPOX



Décision déférée à la cour : 26 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANT et intimé sur appel incident :



Monsieur [F] [C]

demeurant [Adresse 5] à [Localité 12]



représenté par Me Julie HOHMATTER, avocat...

MINUTE N° 177/2023

Copie exécutoire à

- Me Julie HOHMATTER

- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY

- Me Joëlle LITOU-WOLFF

Le 31 mars 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 31 Mars 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00536 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HPOX

Décision déférée à la cour : 26 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANT et intimé sur appel incident :

Monsieur [F] [C]

demeurant [Adresse 5] à [Localité 12]

représenté par Me Julie HOHMATTER, avocat à la cour.

INTIMÉ et appelant sur incident :

Monsieur [O] [C]

demeurant [Adresse 3] à [Localité 7]

représenté par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour.

INTIMÉS sur appel principal et incident :

Monsieur [R] [C]

demeurant [Adresse 1] à [Localité 6]

Monsieur [P] [C]

demeurant [Adresse 2] à [Localité 8]

Monsieur [Z] [C]

demeurant [Adresse 10] à [Localité 12]

représentés par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la cour

avocat plaidant : Me ZAIGER, avocat à Strasbourg

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 25 novembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, conseiller

Madame Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme Dominique DONATH faisant fonction

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 10 mars 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Sylvie SCHIRMANN, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

[V] [C] et [I] [B], qui étaient mariés sous le régime de la communauté de biens réduite aux acquêts, sont respectivement décédés le 6 janvier 2002 et le 14 août 2005, laissant pour leur succéder leurs cinq enfants, MM. [R], [P], [Z], [F] et [O] [C].

Le 8 janvier 2009, le tribunal d'instance de Haguenau a ordonné l'ouverture d'une procédure de partage judiciaire des successions d'[V] [C] et de [I] [B], et de la communauté de biens ayant existé entre les époux, et a désigné M. [J] [U], notaire, pour procéder aux opérations de partage.

Par ordonnance du 10 janvier 2011, le tribunal d'instance de Haguenau a désigné un expert afin d'évaluer les biens immobiliers, le cheptel vif et mort ayant dépendu de l'exploitation d'[V] [C] ainsi que l'indemnité d'occupation due par M. [F] [C].

M. [E] [A], expert judiciaire, a déposé un rapport daté du 27 septembre 2011.

À l'issue de neuf réunions de partage, Me [U] dressait, le 13 avril 2018, un procès-verbal de difficultés dans lequel il faisait état des difficultés suivantes :

- l'attribution préférentielle du corps de ferme et des terres agricoles souhaitées par [F] [C] ;

- les demandes de salaire différé tant de [F] que de [O] [C], à valider sur leur principe et sur leur valeur ;

- la qualification des avantages dont avait bénéficié [F] [C] concernant le cheptel vif et mort, et les terres agricoles dont il avait eu la jouissance gratuite du vivant de ses parents ;

- la qualification des mouvements de compte opérés par [F] [C] sur les comptes de ses parents ;

- la qualification des agissements de [F] [C] en recel successoral ;

- tous sujets de difficultés complémentaires.

Selon exploits du 20 février 2019, MM. [R], [P] et [Z] [C] ont fait assigner M. [F] [C], et ont appelé en intervention forcée M. [O] [C], devant le tribunal de grande instance de Strasbourg.

Par jugement contradictoire du 26 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Strasbourg a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, :

- débouté M. [O] [C] de sa demande d'attribution préférentielle s'agissant du corps de ferme sis [Adresse 5] à [Localité 11] ;

- ordonné la retenue du corps de ferme dans les comptes de partage, évalué par l'expert judiciaire en 2011 à 308 000 euros, valeur qu'il conviendra de réactualiser au jour du partage ;

- attribué le jardin section 2 n°[Cadastre 9], commune de [Localité 12], à MM. [R], [P], [Z] et [O] [C], à hauteur d'un quart indivis pour chacun, évalué par l'expert judiciaire en 2011 à 40 000 euros, valeur qu'il conviendra de réactualiser au jour du partage ;

- attribué le terrain sis section 13 n°[Cadastre 4], commune de [Localité 12], à MM. [R], [P], [Z] et [O] [C], à hauteur d'un quart indivis pour chacun, à la valeur du prix de l'are agricole au jour le plus proche du partage ;

- ordonné l'attribution aux copartageants, par tirage au sort, de l'ensemble des terres agricoles, sur la base des valeurs fixées par l'expert judiciaire et qu'il conviendra de réactualiser au jour du partage ;

- ordonné l'attribution du mobilier à M. [F] [C], pour une valeur forfaitaire de 16 803,28 euros ;

- ordonné le rapport de M. [F] [C] à la succession de l'ensemble des fonds retirés par lui des comptes bancaires des parents, par opération de retrait ou virement à son profit, ou émission de chèques au profit de son épouse, pour un total de 63 906,37 euros ;

- dit et jugé que M. [F] [C] ne pourra prétendre à aucune part dans le partage de cette somme de 63 906,37 euros ;

- ordonné le rapport de M. [F] [C] à la succession des dons et donations indirectes concernant les terres agricoles, pour un total de 40 247 euros ;

- condamné M. [F] [C] à payer à la succession une indemnité d'occupation relative au corps de ferme, depuis le décès de [I] [B], épouse [C], indemnité qui sera calculée par le notaire chargé du partage sur la base d'une valeur locative d'occupation annuelle de 6 880 euros de 2005 à 2011 et de 9 680 euros à partir de 2011 ;

- condamné M. [F] [C] à payer à la succession une indemnité d'occupation relative aux terres agricoles, depuis le décès de [I] [B], épouse [C], indemnité qui sera calculée par le notaire chargé du partage sur la base de la valeur moyenne locative des terres agricoles, soit 130 euros l'hectare/an ;

- dit que les sommes dues par M. [F] [C] seront à parfaire au jour de la clôture des opérations de comptes, liquidation et partage ;

- débouté MM. [F] et [O] [C] de leurs demandes de créance de salaire différé ;

- renvoyé la procédure devant Maître [U], notaire à [Localité 13], afin de poursuivre les opérations de comptes, liquidation et partage ;

- condamné M. [F] [C] à payer à MM. [R], [P], [Z] [C] la somme de 5 000 euros et à M. [O] [C] la somme de 1 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- débouté les parties de leurs demandes pour le surplus.

M. [F] [C] a interjeté appel de ce jugement, le 14 janvier 2021, en toutes ses dispositions, sauf en ce qu'il a débouté M. [O] [C] de ses demandes d'attribution préférentielle du corps de ferme et de créance de salaire différé.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 7 juin 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 octobre 2021, M. [F] [C] demande à la cour d'infirmer le jugement, sauf en ce qu'il a débouté M. [O] [C] de ses demandes d'attribution préférentielle du corps de ferme et de créance de salaire différé, et statuant à nouveau :

- de lui attribuer à titre préférentiel l'ensemble des terres agricoles ;

- d'ordonner la retenue du corps de ferme dans les comptes de partage à la somme de 320 000 euros ;

- d'ordonner que l'évaluation du jardin section 2 n°[Cadastre 9], commune de [Localité 12] soit fixée à 50 000 euros, l'are étant fixé actuellement à 24 000 euros sur ladite commune ;

- d'ordonner la fixation du prix à 200 euros l'are concernant le terrain sis section 13 n°[Cadastre 4], commune de [Localité 12] ;

- de dire et juger que l'appelant a droit à une créance de salaire différé dans le cadre de la succession de feu [V] [C] à hauteur de 113 706 euros ;

- de condamner MM. [R], [P], [Z] et [O] [C] à rembourser à l'appelant les taxes foncières des terrains agricoles que ce dernier a avancées et dont le montant sera à parfaire au jour de la clôture des opérations de comptes, liquidation et partage ;

- de débouter MM. [R], [P], [Z] et [O] [C] de toutes leurs fins, moyens et conclusions, et pour le dernier de son appel incident ;

- de condamner MM. [R], [P] et [Z] [C] à lui payer la somme de 5 000 euros, ainsi que M. [O] [C] à lui payer la somme de 2 000 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ; en outre, de leur faire supporter les entiers dépens des procédures de première instance et d'appel.

M. [F] [C] sollicite désormais l'attribution préférentielle des terres agricoles, au motif qu'il est propriétaire voisin desdites terres agricoles. Il conteste la valeur retenue pour le corps de ferme, le jardin de [Localité 12] qui est constructible, et le terrain sis dans cette commune. Il précise par ailleurs qu'il ne demande pas l'attribution du mobilier qui au surplus n'a aucune valeur et n'a pas fait l'objet d'un inventaire.

L'appelant estime être fondé à demander l'attribution d'une créance de salaire différé et sollicite de la cour qu'elle infirme le jugement en ce qu'il l'a débouté d'une telle demande. À ce titre, il soutient avoir participé, sans percevoir un quelconque salaire ni être associé aux bénéfices, à l'exploitation familiale du 1er janvier 1974 jusqu'au 31 décembre 1982, ainsi qu'il en justifie par son affiliation à la Mutuelle sociale agricole comme aide familial, puis comme chef d'exploitation à partir de 1983, et par des attestations de voisins. Il indique avoir travaillé sur l'exploitation familiale pendant 31 ans jusqu'au décès de ses parents, respectivement en 2002 et 2005.

Concernant les retraits bancaires ou mouvements de fonds à son profit ou à celui de son épouse Mme [G] [L], il indique qu'il n'a pas été en mesure de verser à la procédure de première instance, en raison d'une clôture prématurée de celle-ci et d'un rejet de sa demande de révocation de l'ordonnance de clôture, les mandats dont il disposait sur les comptes de [I] [B], veuve [C], et qu'il en justifie par un courrier de la Caisse de crédit agricole Alsace Vosges du 12 mars 2013.

Il nie avoir prélevé une somme de 23 635,32 euros, qui a été débitée puis recréditée sur ledit compte, le même jour, soit le 25 juin 2002, ce mouvement ayant été opéré par la banque dans le cadre d'un placement. Par ailleurs, les chèques émis au profit de son épouse correspondent au versement d'un salaire pour les prestations de ménage, de soins et de repas qu'elle réalisait pour feue [I] [C]. L'appelant précise que son épouse était d'ailleurs dûment déclarée auprès de l'Abrapa, à l'antenne d'[Localité 13], et que sa mère bénéficiait de l'APA (allocation personnalisée d'autonomie). Pour le surplus, les retraits correspondent aux frais engagés pour pourvoir aux besoins de sa mère devenue totalement grabataire.

L'appelant soutient n'avoir jamais caché la situation à ses frères qui font preuve d'animosité à son égard et réfute tout recel successoral, soulignant avoir réalisé de nombreux travaux de réfection et d'amélioration dans le corps de ferme qu'il a entretenu, et avoir réglé les taxes foncières et assurances.

L'appelant fait valoir qu'il a réglé depuis 1983 tous les frais relatifs à l'exploitation agricole, et que les terres agricoles ne lui ont pas été données, ce qui commande selon lui l'infirmation du jugement en ce qu'il a ordonné le rapport à la succession des dons et donations indirectes concernant les terres agricoles à hauteur de 40 247 euros.

Il conteste le principe et le montant de l'indemnité d'occupation du corps de ferme et des terres agricoles mises à sa charge, faisant valoir qu'il acquitte les taxes foncières et assurances.

Enfin, l'appelant sollicite de la cour qu'elle déboute son frère [O] [C] de sa demande de créance de salaire différé, car ce dernier n'a jamais travaillé au sein de l'exploitation agricole familiale comme il le prétend. Les attestations des témoins qu'il produit démontrant que seul M. [F] [C] a travaillé au sein de celle-ci.

*

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 13 octobre 2021, MM. [R] [C], [P] [C] et [Z] [C] concluent au rejet des appels principal et incident, et à la confirmation du jugement entrepris. Ils demandent à la cour :

* Sur l'appel principal de M. [F] [C],

- de le dire mal fondé et le rejeter ;

- de débouter l'appelant de ses fins, moyens et prétentions, y compris celles articulées à hauteur de cour ;

- de confirmer le jugement entrepris ;

- de condamner M. [F] [C] à leur payer la somme de 2 000 euros, chacun, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel et de lui faire supporter les dépens de la procédure.

* Sur l'appel incident et provoqué de M. [O] [C],

- de dire que la cour n'est pas saisie de sa demande de « prise d'acte » de l'attribution du corps de ferme, ni de celle visant à « dire et voir juger » que M. [O] [C] bénéficie d'une créance de salaire différé justifiant une « compensation » de 15 ares supplémentaires sur la parcelle section 13 n°[Cadastre 4], commune de [Localité 12] venant s'ajouter à sa part d'un quart sur ce terrain ; ces demandes ne constituant pas des prétentions utiles sur laquelle la cour peut statuer ;

- de dire en tout état de cause et pour le surplus mal fondées ses demandes ;

- de l'en débouter ;

- de le condamner aux frais.

En substance, ils demandent la confirmation en tous points du jugement entrepris dont ils approuvent les motifs. Ils estiment que MM. [F] [C] et [O] [C] sont mal fondés en toutes leurs demandes et que celles-ci ne sont justifiées par aucun élément probatoire.

Sur la demande de salaire différé de M. [F] [C], ils soutiennent qu'il ne démontre pas n'avoir perçu aucune rémunération ou contrepartie à son activité sur l'exploitation, alors qu'il était nourri, logé, blanchi gratuitement par leurs parents. Au surplus, une éventuelle créance ne relèverait que de la seule succession de leur père, ce dernier ayant été l'unique exploitant agricole ; en outre, selon l'article L.321-13 du code rural, la créance est limitée aux forces de la succession existant au décès, en l'occurrence celle d'[V] [C], dont la consistance ne permettait pas le règlement d'une telle créance, de sorte que la demande devra être rejetée.

Sur les prélèvements sur les comptes bancaires, ils font valoir que M. [F] [C] n'a jamais fait état de procuration sur le compte de sa mère devant le notaire, et qu'il lui appartient de rendre compte de l'usage des fonds retirés, à défaut il conviendra de considérer qu'il s'agit de dons manuels et d'appliquer la sanction du recel successoral.

Ils s'opposent à la demande en paiement des taxes foncières afférentes aux terres agricoles formulée par M. [F] [C], au motif qu'il a seul encaissé les fermages de ces terres, plutôt que de les verser à l'indivision.

Sur l'appel incident formé par M. [O] [C], ils soulignent, à supposer que la cour considère être saisie de telles demandes, qu'il ne remplit pas les conditions pour bénéficier d'une attribution préférentielle du corps de ferme, et ne rapporte pas la preuve d'une participation directe et effective aux travaux de l'exploitation agricole lui permettant de bénéficier d'une créance de salaire différé.

*

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 juillet 2021, M. [O] [C] demande à la cour :

- de déclarer l'appel de M. [F] [C] mal fondé et le rejeter,

- de dire et juger ses demandes comme nouvelles, en conséquence leur opposer la sanction d'une fin de non-recevoir,

- de confirmer le jugement dans les limites de l'appel incident ;

sur appel incident,

- d'infirmer le jugement sur la valeur du corps de ferme et du jardin, sur le rejet de sa demande d'attribution préférentielle du corps de ferme et de sa demande de salaire différé,

et statuant à nouveau :

- d'ordonner la retenue du corps de ferme dans les comptes de partage à la valeur qui résultera de l'estimation décidée par les parties selon procès-verbal de partage judiciaire du 19 mai 2021,

- d'ordonner l'attribution du jardin section 2 n° [Cadastre 9] à MM. [R], [P], [Z] et [O] [C] à hauteur d'un quart indivis chacun, à la valeur qui résultera de l'estimation décidée par les parties selon procès verbal de partage judiciaire du 19 mai 2021,

- de prendre acte de sa demande d'attribution préférentielle du corps de ferme, et du fait qu'il précisera ultérieurement s'il maintient ou non cette demande en fonction de l'évaluation dudit bien,

- de dire et juger que M. [O] [C] bénéficie d'une créance de salaire différé qui correspondra, en compensation, à 15 ares supplémentaires sur la parcelle section 13 n° [Cadastre 4] commune de [Localité 12], venant s'ajouter à sa part d'un quart du terrain,

- de condamner M. [F] [C] aux entiers frais et dépens, ainsi qu'à la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Il indique que M. [F] [C] forme des demandes nouvelles en appel concernant une créance de salaire différé, l'attribution préférentielle des terres agricoles, la retenue du corps de ferme dans les comptes de partage à la somme de 320 000 euros, l'évaluation du jardin à 50 000 euros, la fixation du prix de 200 euros l'are concernant le terrain, et le remboursement des taxes foncières par ses frères qui, comme telles, sont irrecevables.

M. [O] [C] sollicite quant à lui de la cour qu'elle ordonne la retenue du corps de ferme et du jardin dans les comptes de partage à la valeur qui résulte de l'estimation décidée par les parties selon le procès-verbal de partage judiciaire du 19 mai 2021.

Il demande également à se voir reconnaître l'attribution préférentielle du corps de ferme, et sollicite une créance de salaire différé, sa profession d'enseignant lui ayant permis de participer à l'exploitation agricole pendant les vacances scolaires. Il entend à ce titre obtenir 15 ares supplémentaire sur la parcelle section 13 n° [Cadastre 4] commune de [Localité 12], en sus du quart indivis du terrain.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de constater qu'eu égard à la date d'ouverture des successions d'[V] [C] et de [I] [B], veuve [C], sont applicables les dispositions antérieures à la loi n°2006-728 du 23 juin 2006, entrée en vigueur le 1er janvier 2007.

1. Sur la recevabilité des demandes de M. [F] [C]

Pour conclure à l'irrecevabilité des demandes formées en appel par M. [F] [C] concernant une créance de salaire différé, l'attribution préférentielle des terres agricoles, l'évaluation du corps de ferme, du jardin et du terrain de [Localité 12], ainsi que le remboursement des taxes foncières par ses frères, comme étant nouvelles, M. [O] [C] fait valoir que, aux termes de ses dernières écritures prises devant le tribunal judiciaire, l'appelant demandait qu'il lui soit donné acte de ce qu'il ne sollicitait plus l'attribution de quelque bien que ce soit en nature, et en conséquence, de dire et juger que les biens à partager seront attribués en nature aux copartageants en indivision ou à l'un d'entre eux, et de lui réserver ses conclusions sur toute autre demande, notamment quant au salaire différé et aux travaux qu'il a financés pour le corps de ferme.

Il convient de rappeler qu'en matière de partage, les parties étant respectivement demanderesses et défenderesses quant à l'établissement de l'actif et du passif, toute demande doit être considérée comme une défense à une prétention adverse. Les demandes formées à hauteur de cour par M. [F] [C] sont donc recevables, quand bien même n'auraient-elles pas été formulées en première instance, l'appelant ayant notamment demandé que lui soit réservé le droit de conclure sur certains points.

2. Sur les biens immobiliers,

2.1. sur les demandes relatives au corps de ferme, sis [Adresse 5] à [Localité 12], section 1 n°67

Le tribunal a considéré qu'à défaut pour M. [O] [C] d'avoir précisé si sa demande d'attribution préférentielle du corps de ferme était fondée sur l'article 831 ou sur l'article 831-2 du code civil, cette demande était nécessairement fondée sur le premier de ces textes puisque M. [O] [C] n'avait jamais prétendu vivre avec ses parents au moment de leur décès. Pour le débouter de sa demande, le premier juge a constaté, à la lecture de l'expertise judiciaire, que rien ne permettait d'affirmer que la consistance de ces parcelles et leur destination constituaient encore aujourd'hui une entreprise ou une partie d'entreprise agricole, ni que M. [O] [C] y participait ou y avait participé.

La cour constate que si M. [O] [C] demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté sa demande d'attribution préférentielle du corps de ferme sis [Adresse 5] à [Localité 12], il ne développe toutefois aucun moyen au soutien de cette demande, et ne formule aucune prétention à ce titre, comme le soulignent justement MM. [R] [C], [P] [C] et [Z] [C], puisqu'il demande seulement à la cour de ' prendre acte  de sa demande d'attribution du corps de ferme et de ce qu'il précisera ultérieurement si il la maintient ou non selon la décision sur la réévaluation du bien.

Le jugement ne peut donc qu'être confirmé en ce qu'il a rejeté sa demande sur ce point.

S'agissant de la valeur du corps de ferme, le tribunal a retenu l'évaluation de l'expert judiciaire en 2011 ayant fixé cette valeur à 308 000 euros, en précisant qu'elle sera à réactualiser au jour du partage.

Comme le relèvent MM. [R] [C], [P] [C] et [Z] [C], la circonstance que, postérieurement au jugement, lors de la réunion de partage du 19 mai 2021, les parties sont convenues de faire procéder à une nouvelle évaluation du bien par voie d'expertise est sans emport puisque cette possibilité avait été expressément prévue par le tribunal qui a précisé que la valeur du corps de ferme était à réactualiser au jour du partage.

M. [F] [C] sollicite que cette valeur soit fixée à 320 000 euros sans développer aucun moyen au soutien de cette demande ni s'appuyer sur le moindre justificatif.

Le jugement sera donc confirmé de ce chef.

2.2. sur le jardin, sis commune de [Localité 12], section 2 n°[Cadastre 9]

Le premier juge a constaté l'accord des copartageants pour l'attribution du jardin à MM. [R] [C], [P] [C], [Z] [C] et [O] [C], à raison d'un quart indivis chacun, et l'a évalué à 40 000 euros, conformément à l'évaluation de l'expert à réactualiser au jour du partage.

M. [F] [C] demande que la valeur de ce jardin soit fixée à 50 000 euros en tenant compte du fait qu'il est constructible et que le prix de l'are est actuellement fixé à 24 000 euros dans la commune.

Le jugement doit être confirmé sur ce point, dès lors que les parties s'étaient accordées sur la valeur de 40 000 euros, lors de la réunion de partage du 9 mars 2018. Comme précédemment il sera relevé que la circonstance que, postérieurement au jugement, lors de la réunion de partage du 19 mai 2021, les parties sont convenues de faire procéder à une nouvelle évaluation du bien par voie d'expertise, est sans emport puisque cette possibilité avait été expressément prévue par le tribunal.

2.3 sur le terrain, sis commune de [Localité 12], section 13 n°[Cadastre 4], dite « [Localité 14] »

Le premier juge a constaté que ce terrain n'avait pas été classé en zone constructible du plan local d'urbanisme de la commune de [Localité 12], et qu'il conservait donc sa destination agricole. Dès lors, constatant que les copartageants s'accordaient pour une attribution de ce terrain à MM. [R] [C], [P] [C], [Z] [C] et [O] [C], à raison d'un quart indivis chacun, le tribunal leur a attribué le terrain, selon la valeur de l'are agricole au jour le plus proche du partage.

M. [F] [C] demande que la valeur de ce terrain soit fixée à 200 euros l'are. Cette demande n'étant pas étayée par le moindre élément de preuve, ne peut être accueillie, et le jugement sera confirmé sur ce point.

2.4. sur les terres agricoles

Le premier juge ayant constaté qu'aucun des copartageant n'était exploitant agricole, de sorte qu'aucun ne pouvait se prévaloir d'une attribution préférentielle, a ordonné, au visa de l'article 826 du code civil, l'attribution de ces terres aux copartageants, par tirage au sort, sur la base de l'estimation de l'expert judiciaire, à réactualiser au jour du partage.

A hauteur de cour, M. [F] [C] demande l'attribution préférentielle de ces terres agricoles au seul motif qu'il est propriétaire voisin, sans démontrer qu'il remplit les conditions posées par l'article 832, ancien du code civil, alors qu'il n'est pas contesté qu'il n'est plus exploitant agricole ayant pris sa retraite.

Sa demande ne peut être accueillie et le jugement sera donc confirmé de ce chef.

3. Sur les biens mobiliers

Le tribunal a accueilli la demande de MM. [R] [C], [P] [C] et [Z] [C] d'attribution du mobilier dépendant des deux successions à M. [F] [C] pour une valeur forfaitaire de 16 803,28 euros, correspondant au total des montants forfaitaires figurant dans les déclarations de succession de [I] [B] et [V] [C].

Toutefois, M. [F] [C] n'ayant formé aucune demande d'attribution du mobilier, ayant au contraire demandé au tribunal de lui donner acte de ce qu'il ne sollicitait plus l'attribution de quelque bien que ce soit en nature, le jugement doit être infirmé de ce chef et MM. [R] [C], [P] [C] et [Z] [C] doivent être déboutés de leur demande d'attribution du mobilier à leur frère, le mobilier ne pouvant en effet lui être attribué sans demande de sa part au seul motif qu'il habite le corps de ferme dont il n'a pas demandé l'attribution préférentielle. Dans ces conditions, le mobilier devra faire l'objet d'un partage en nature conformément à l'article 831, ancien du code civil.

4. Sur les créances de salaires différés,

Le tribunal, a rappelé à juste titre que le bénéficiaire d'une créance de salaire différé exerce son droit de créance après le décès de l'exploitant et au cours du règlement de la succession de celui-ci, et que la créance qui devient exigible au décès de l'exploitant est régie par le droit en vigueur à cette date. Le tribunal a retenu à bon droit qu'en l'espèce, les créances invoquées étaient nées au jour de l'ouverture de la succession d'[V] [C], et qu'elles étaient soumises aux dispositions de la loi n° 80-502 du 4 juillet 1980, et des articles L. 321-13 à L. 321-21 du code rural et de la pêche maritime, dans leur version en vigueur à cette date.

Les intimés font en effet valoir à juste titre que les créances de salaire différé ne peuvent être revendiquées que dans la succession d'[V] [C] qui avait seul la qualité d'exploitant agricole, ce qui n'est pas contesté.

4.1. sur la demande de M. [F] [C]

Pour demander l'infirmation du jugement qui a rejeté sa demande en l'absence d'élément de preuve en justifiant le bien fondé, M. [F] [C] affirme avoir participé, sans percevoir un quelconque salaire ni être associé aux bénéfices, à l'exploitation familiale du 1er janvier 1974 jusqu'au 31 décembre 1982, et avoir été immatriculé à la Mutualité sociale agricole (MSA) en tant qu'aide familial, puis de chef d'exploitation à partir de 1983.

Il appartient à l'appelant, conformément à l'article L.321-13 du code rural et de la pêche maritime, de rapporter la double preuve d'une participation directe et effective à l'exploitation agricole, et de l'absence de rémunération en contrepartie de sa collaboration, ou d'association aux bénéfices et aux pertes de l'exploitation.

Il ressort du relevé de carrière de M. [F] [C] et des attestations de la MSA en date du 31 janvier 2002 et du 5 janvier 2006 que l'appelant a été affilié en qualité d'aide familial chez son père du 1er janvier 1974 au 31 décembre 1982 puis en qualité de chef d'exploitation à partir du 1er janvier 1983.

Si M. [F] [C] justifie par plusieurs attestations qu'il a effectivement participé aux travaux de l'exploitation agricole familiale, en revanche, comme le soulignent à bon droit les intimés, il ne produit aucun élément démontrant qu'il n'a perçu aucune rémunération, et n'a pas été associé aux bénéfices et aux pertes de l'exploitation. Les attestations produites ne comportent en effet aucune indication sur ce point, et M. [F] [C] ne produit pas le moindre élément de preuve en ce sens, tel que ses déclarations de revenus et avis d'imposition pour la période considérée, outre qu'il n'est pas contesté qu'il vivait au foyer de ses parents et était ainsi notamment logé, nourri et blanchi gratuitement.

Faute de rapporter la preuve d'une absence de contrepartie à sa participation aux travaux de l'exploitation familiale, M. [F] [C] ne peut qu'être débouté de sa demande et le jugement confirmé de ce chef.

4.2. sur la demande de M. [O] [C]

M. [O] [C] sollicite l'infirmation du jugement qui a rejeté sa demande à ce titre en l'absence d'élément de preuve en faveur de l'existence d'une créance de salaire différé. Il demande que la cour dise et juge qu'il bénéfice d'une créance de salaire différé, formulation qui implique, à tout le moins, que la cour se prononce sur le principe même de cette créance. Il n'en justifie toutefois pas plus qu'en première instance.

Il produit en effet une attestation émanant de Mme [W] [N] qui déclare que, depuis 1986, M. [O] [C] se rendait hebdomadairement à la ferme familiale pour aider ses parents et son frère [F], et qu'étant enseignant, il consacrait son temps libre et ses vacances pour aider aux travaux de la ferme, ainsi qu'une seconde attestation manifestement incomplète et ne mentionnant pas l'identité de son auteur qui ne peut être retenue. La seule attestation de Mme [N] est insuffisante à établir une participation effective, et non pas seulement occasionnelle de M. [O] [C] aux travaux de la ferme, et l'absence de toute rémunération ou contrepartie.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.

5. Sur le rapport des donations consenties à M. [F] [C],

5.1. sur les retraits bancaires ou mouvements de fonds au profit de M. [F] [C] ou de son épouse

Le tribunal a constaté, à l'examen des pièces produites par les demandeurs, que M. [F] [C] avait effectué de nombreuses opérations de retraits et virements à son profit, ainsi que des émissions de chèques au profit de son épouse, depuis les comptes de sa mère ouverts dans les livres du Crédit agricole pour un montant total de 63 906,37 euros, et que ces mouvements n'avaient été découverts par ses cohéritiers que postérieurement à l'ouverture de la succession.

Le premier juge, à défaut d'une quelconque justification rapportée par M. [F] [C] quant à l'utilisation des fonds retirés sur les comptes bancaires de ses parents, ou à l'existence d'un mandat, a qualifié ces mouvements de fonds de dons manuels au profit de M. [F] [C] devant être rapportés à la succession. Il a considéré que la dissimulation des ces retraits et mouvements de fonds démontrait sa volonté de fausser en toute conscience les opérations de partage et ainsi de tronquer son égalité, au détriment de ses frères, ce qui justifiait l'application de la sanction du recel successoral

A hauteur de cour, M. [F] [C] justifie de la procuration donnée par feu [V] [C] le 16 mars 2001 sur le compte qu'il possédait avec son épouse dans les livres du Crédit agricole, et par une attestation de cette banque que le bénéfice de cette procuration a été maintenu sur le compte de [I] [B], veuve [C] jusqu'à son décès.

Il convient de rappeler que s'il appartient à M. [F] [C] de justifier de l'emploi des fonds qu'il a prélevés au moyen de cette procuration, il appartient cependant au préalable aux consorts [C] d'établir que les opérations litigieuses ont été effectuées par M. [F] [C] au moyen de ladite procuration.

S'agissant du virement d'une somme de 24 000 euros, l'appelant conteste en avoir bénéficié et indique qu'il s'agit d'un mouvement opéré le 25 juin 2002 par la banque dans le cadre d'un placement, la banque ayant débité puis re-crédité le compte des époux [C]. La cour constate en effet, qu'à cette date, le compte a été successivement crédité de la somme de 23 635,32 euros, puis débité de celle de 24 000 euros, sans que le bénéficiaire du virement soit indiqué, de sorte qu'il n'est pas justifié que l'appelant, qui le conteste, en aurait bénéficié, [I] [B], veuve [C], disposant de plusieurs comptes. Il n'y a donc pas lieu à condamnation de l'appelant à rapporter ce montant à la succession.

S'agissant des retraits en espèces, M. [F] [C] ne conteste pas en être l'auteur. Après avoir prétendu tout au long des débats chez le notaire, que ces fonds avaient servi à financer des travaux réalisés dans le corps de ferme, il prétend désormais à hauteur de cour qu'ils étaient destinés à faire face aux besoins de sa mère qui était grabataire et dont il était le seul à s'occuper. Il ne

fournit toutefois aucun élément de preuve à cet égard. Il sera au surplus relevé que ces retraits qui totalisent 3 825 euros sur une période de trois mois en 2002, 21 000 euros en 2003, 7 200 euros en 2004 et 4 700 euros de janvier à juillet 2005, excédent manifestement les besoins de [I] [B], qui réglait par ailleurs ses dépenses au moyen de chèques ou de prélèvements.

En l'absence de tout élément de preuve quant à l'affectation des sommes retirées par M. [F] [C], celui-ci devra les rapporter à la succession, soit un montant total de 36 725 euros auquel s'ajoutent deux virements réalisés à destination du compte de l'appelant, le 7 mai 2004 pour un montant de 2 000 euros, et le 30 mars 2005 pour un montant de 1 181,77 euros, soit un montant total de 39 906,77 euros.

S'agissant des chèques émis au nom de Mme [G] [L], compagne puis épouse de M. [F] [C], l'appelant justifie par la production des bulletins de salaires de cette dernière, qu'ils correspondent effectivement au paiement de salaires pour son activité d'aide à domicile de feue [I] [B], à l'exception d'un chèque émis le 9 novembre 2004 pour un montant de 652 euros, mais qui est libellé à l'ordre du Trésor public.

Il n'y a donc pas lieu à rapport du montant de ces chèques.

Le jugement sera donc infirmé en tant qu'il a ordonné le rapport par M. [F] [C] à la succession de l'ensemble des fonds retirés par lui des comptes bancaires des parents, par opérations de retrait ou virement à son profit, ou émission de chèques au profit de son épouse, pour un total de 63 906,37 euros, le montant des sommes à rapporter à la succession devant être limité à  39 906,77 euros.

Le jugement sera également infirmé en tant qu'il a fait application de la sanction du recel successoral, en l'absence de preuve d'une dissimulation volontaire par M. [F] [C] des prélèvements dont s'agit qui apparaissaient sur les relevés de comptes bancaires de la défunte, l'appelant ayant en outre fait état devant le notaire de la procuration dont il bénéficiait sur le compte de sa mère, quand bien même ses explications sur l'emploi des fonds ont-elles été fluctuantes, ce qui ne peut suffire à caractériser une dissimulation volontaire en vue de rompre l'égalité du partage. Le fait que M. [F] [C] a réalisé des travaux dans l'immeuble est enfin indifférent à cet égard.

5.2. sur la mise à disposition du fonds agricole

Le premier juge a constaté qu'il ressortait des procès-verbaux dressés par M. [U], notaire, qu'au décès de feu [V] [C], M. [F] [C] avait pris sa succession dans l'exploitation agricole et avait pu bénéficier à ce titre du cheptel vif, mort et des terres à usage agricole. Le tribunal a estimé qu'il s'agissait d'une donation indirecte qui devait être rapportée aux autres cohéritiers aux termes de l'article 843 du code civil, ajoutant que si les dons de cheptel étaient définitifs, la mise à disposition gratuite des terres avait par contre cessé avec le décès de [I] [B], veuve [C], en 2005.

Le tribunal a ainsi retenu que les donations dont avait bénéficié M. [F] [C] s'élevaient à 8 954 euros, s'agissant du cheptel mort, à 19 000 euros, s'agissant du cheptel vif, et à 37 525,18 euros, s'agissant de la mise à disposition gratuite des terres agricoles, soit un montant total de 40 247 euros qu'il devait rapporter à la succession.

M. [F] [C] demande l'infirmation du jugement sur ce point au motif que les terres agricoles ne lui ont pas été données. Le premier juge n'a toutefois pas pris en considération une donation des terres agricoles mais a seulement considéré que l'avantage indirect dont a bénéficié l'appelant du fait de la mise à disposition gratuite des terres agricoles à son profit, qui n'est pas contestée, constituait une donation indirecte au sens du texte précité.

Le moyen soulevé n'est donc pas fondé. Pour le surplus, M. [F] [C] affirme avoir supporté depuis 1983 tous les frais et taxes afférents à ces terres mais sans en justifier, le jugement sera donc confirmé sur ce point. .

6. Sur les indemnités d'occupation et la demande reconventionnelle de M. [F] [C] au titre des taxes foncières et assurances acquittées pour les terres agricoles

Le tribunal, au visa de l'article 815-9 du code civil, a constaté que M. [F] [C] était redevable d'indemnités d'occupation à l'égard de l'indivision depuis le décès de [I] [B], veuve [C], soit le 14 août 2005, au titre de son occupation du corps de ferme et des terres agricoles.

M. [F] [C] conteste le principe et le montant de l'indemnité d'occupation pour le corps de ferme au motif qu'il n'a pas été tenu compte du fait qu'il prend en charge le paiement des taxes foncières et assurances. De la même manière, il oppose à la demande d'indemnité au titre de la jouissance des terres agricoles depuis le décès de sa mère le fait qu'il acquitte les taxes foncières.

Il convient de constater que M. [F] [C] ne conteste pas avoir, après le décès de [I] [B], continué à habiter dans le corps de ferme et à exploiter jusqu'à sa retraite les terres de l'exploitation familiale, dont il a toujours la jouissance exclusive.

Il est donc redevable d'une indemnité à ce titre en application de l'article 815-9, dernier alinéa du code civil, comme l'a retenu le tribunal, sauf à invoquer, le cas échéant, une créance au titre des frais qu'il justifierait avoir supportés pour le compte de l'indivision.

Le jugement sera donc confirmé en ce qu'il a mis à la charge de M. [F] [C] une indemnité d'occupation pour le corps de ferme et pour l'exploitation des terres agricoles dont il a fixé le montant par référence au conclusions de l'expert judiciaire, montant qui n'est pas contesté.

Il n'est pas sérieusement discuté que M. [F] [C] acquitte les taxes foncières pour les terres dépendant de la succession. Sa demande en remboursement desdites taxes acquittées au nom de l'indivision, sera donc accueillie, sous réserve de la production des justificatifs, sans que puisse lui être opposé le fait qu'il perçoive des fermages pour ces terres, comme le soutiennent ses frères qui ne demandent pas la restitution de ces fermages mais seulement le paiement d'une indemnité pour la jouissance exclusive des terres. Il n'y a toutefois pas lieu à condamnation de MM. [C] au remboursement des taxes avancées par M. [F] [C], mais seulement à constatation d'une créance de l'appelant sur l'indivision sucessorale.

7. Sur les dépens et frais exclus des dépens

Le jugement étant confirmé en l'essentiel de ses dispositions il le sera également en celles relatives aux dépens et frais irrépétibles.

En considération de la nature et de la solution du litige, il convient de laisser à chacune des parties la charge des dépens qu'elle a exposés en cause d'appel et de rejeter les demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

DECLARE recevables les demandes formées par M. [F] [C] à hauteur d'appel concernant une créance de salaire différé, l'attribution préférentielle des terres agricoles, l'évaluation du corps de ferme, du jardin et du terrain de [Localité 12], ainsi que le remboursement des taxes foncières par ses frères ;

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 26 novembre 2020, sauf en ce qu'il a :

- ordonné l'attribution du mobilier à M. [F] [C], pour une valeur forfaitaire de 16 803,28 euros

- ordonné le rapport de M. [F] [C] à la succession de l'ensemble des fonds retirés par lui des comptes bancaires des parents, par opération de retrait ou virement à son profit, ou émission de chèques au profit de son épouse, pour un total de 63 906,37 euros, 

- dit et jugé que M. [F] [C] ne pourra prétendre à aucune part dans le partage de cette somme de 63 906,37 euros ;

INFIRME le jugement de ces seuls chefs ;

Statuant à nouveau et ajoutant au jugement,

DEBOUTE MM. [R] [C], [P] [C] et [Z] [C] de leur demande d'attribution du mobilier à M. [F] [C] ;

DIT que le mobilier devra faire l'objet d'un partage en nature ;

DEBOUTE M. [F] [C] de sa demande d'attribution préférentielle des terres agricoles ;

ORDONNE le rapport à la succession de [I] [B], veuve [C], par M. [F] [C] de la somme de 39 906,77 euros (trente neuf mille neuf cent six euros soixante dix-sept centimes) au titre des sommes prélevées sur le compte de cette dernière ;

DIT n'y avoir lieu à application de la sanction du recel successoral ;

CONSTATE que M. [F] [C] a une créance sur l'indivision au titre des taxes foncières acquittées pour les terres agricoles depuis le décès de [I] [B], veuve [C], sous réserve de la production des justificatifs au notaire en charge de l'accommodement de la procédure de partage judiciaire ;

REJETTE les demandes respectives sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

CONDAMNE chacune des parties à supporter ses propres dépens d'appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/00536
Date de la décision : 31/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-31;21.00536 ?
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