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31/03/2023 | FRANCE | N°20/03368

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 31 mars 2023, 20/03368


MINUTE N° 178/2023

























Copie exécutoire à



- Me Joëlle LITOU-WOLFF



- Me Christine BOUDET



- Me Dominique HARNIST





Le 31 mars 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 31 mars 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/03368 - N° Portalis DBVW-V-B

7E-HNZ5



Décision déférée à la cour : 15 Octobre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANTE :



La S.A.R.L. FRANCHE AUTOMOBILE BESANCON

ayant son siège social [Adresse 4] à [Localité 5]



représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à...

MINUTE N° 178/2023

Copie exécutoire à

- Me Joëlle LITOU-WOLFF

- Me Christine BOUDET

- Me Dominique HARNIST

Le 31 mars 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 31 mars 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/03368 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HNZ5

Décision déférée à la cour : 15 Octobre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

La S.A.R.L. FRANCHE AUTOMOBILE BESANCON

ayant son siège social [Adresse 4] à [Localité 5]

représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la cour.

INTIMÉS :

Monsieur [I] [J]

demeurant PSIG, [Adresse 2] à [Localité 3]

représenté par Me Dominique HARNIST, avocat à la cour

APPELÉE EN INTERVENTION FORCÉE :

La S.A.R.L. BNP PARIBAS PERSONAL FINANCE

ayant son siège social [Adresse 1]

(irrecevabilité de l'appel en intervention forcée prononcée le 13/10/21)

représentée par Me Christine BOUDET, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre, et Madame Myriam DENORT, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique DONATH faisant fonction

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 27 janvier 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS et PROCÉDURE

Suite à un bon de commande signé en novembre 2017, M. [I] [J] a acquis auprès de la SAS Vesoul Automobile un véhicule de marque Jeep Compass mis en circulation le 26 septembre 2017, selon un certificat de cession de ce véhicule du 9 janvier 2018, pour un prix de 28 990 euros, avec reprise par cette dernière de son véhicule Renault Clio pour une valeur de 4 000 euros, le solde étant réglé à l'aide d'un prêt contracté auprès de Cetelem (BNP Paribas Personal Finance).

Le même jour que le certificat de cession du véhicule Jeep, une convention d'essai du dit véhicule a également été signée par M. [J], pour une durée courant de ce 9 janvier 2018 jusqu'au 29 janvier 2018.

La société Vesoul Automobile a été placée en redressement judiciaire par un jugement du tribunal de commerce de Vesoul du 17 juillet 2018, converti en liquidation judiciaire par jugement du 18 décembre 2018.

Soutenant n'avoir jamais reçu le certificat d'immatriculation malgré relances, tant auprès de la société Vesoul Automobiles que de la société Franche Automobile Besançon, M. [J] a, le 6 février 2019, assigné cette dernière devant le tribunal d'instance de Lure, afin d'obtenir sa condamnation à lui remettre l'intégralité des documents administratifs concernant le véhicule Jeep litigieux sous astreinte, ainsi qu'à lui verser les sommes de 33 023,88 euros au titre de ses préjudices matériels et moral, 2 000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive et 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Par jugement du 3 juillet 2019, le tribunal d'instance de Lure s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Strasbourg et, par jugement du 15 octobre 2020, ce tribunal, devenu le tribunal judiciaire de Strasbourg a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- dit et jugé que la vente passée entre M. [J] et la société Vesoul Automobiles et la SARL Franche Automobile Besançon, portant sur le véhicule Jeep Compass était parfaite, en ce que la société Vesoul Automobile était le mandataire de la SARL Franche Automobile Besançon ;

- condamné la SARL Franche Automobile Besançon à remettre à M. [J] l'intégralité des documents administratifs concernant le véhicule litigieux, et ce sous astreinte de 100 euros par jour de retard, passé un délai de 7 jours commençant au jour de la notification du jugement, et ce pendant une durée de 8 mois,

- jugé qu'il se réservait la compétence pour liquider l'astreinte ;

- condamné la SARL Franche Automobile Besançon à payer M. [J] la somme de 17 860 euros au titre des préjudices subis, augmentée des intérêts à taux légal à compter du 15 octobre 2020 ;

- condamné la SARL Franche Automobile Besançon à payer à M. [J] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de l'instance

Le tribunal, au visa de l'article 1156 du code civil relatif au mandat apparent, a relevé que, dès le mois de novembre 2017, M. [J] était en relation exclusive avec la société Vesoul Automobiles pour l'acquisition du véhicule Jeep Compass. Il lui a cédé pour reprise son véhicule en décembre 2017 pour 4 000 euros, puis a acquis auprès de cette même société le véhicule Jeep le 9 janvier 2018, tout en contractant avec cette dernière un contrat d'essai.

Il a rappelé que M. [J], en sa qualité de consommateur néophyte face à deux professionnelles, ne pouvait subodorer que la société Vesoul Automobile n'était pas propriétaire du véhicule, alors que tous les documents contractuels étaient passés avec cette société, et non avec la SARL Franche Automobile Besançon. L'ajout manuel du nom de cette dernière, sur le contrat d'essai, ne permettait pas à l'acquéreur de supposer que la société Vesoul Automobiles n'était pas la réelle propriétaire ou qu'elle ne disposait pas d'un mandat régulier pour agir.

De plus, lorsque M. [J] a contracté son prêt bancaire pour financer en partie l'acquisition du véhicule auprès de la BNP Paribas Personal Finance, la société Vesoul Automobiles avait été présentée comme le vendeur, donc comme le propriétaire du bien.

Le tribunal a donc conclu que M. [J] pouvait estimer que la société Vesoul Automobiles était, soit la propriétaire du véhicule, soit la mandataire de la société Franche Automobile Besançon, de sorte que la vente était parfaite et que cette dernière devrait transférer l'ensemble des documents afférents à la situation administrative de cette voiture.

Concernant les demandes de dommages et intérêts, le premier juge a considéré que l'inertie de la société Franche Automobile Besançon à transmettre à M. [J] les documents administratifs nécessaires pour l'utilisation normale du véhicule, en dépit des relances qu'il lui avait adressées, avait causé à ce dernier un préjudice certain, le contraignant à immobiliser son véhicule Jeep.

Le tribunal, au regard de l'immobilisation du véhicule pendant près de deux ans et demi, a estimé qu'il y avait lieu d'octroyer au demandeur, en réparation de ses divers préjudices, les sommes de :

- 13 860 euros au titre de la perte de jouissance,

- 500 euros au titre des frais de remise en route après cette longue immobilisation,

- 2 000 euros au titre du préjudice moral issu de l'amertume profonde générée pour le consommateur devant rembourser son prêt sans pouvoir jouir de son bien, en raison d'un problème juridique entre professionnels trouvant sa source dans ce que la société Vesoul Automobiles n'avait pas honoré son mandat à l'égard de la SARL Franche Automobile Besançon,

-1 500 euros au titre de la résistance abusive de la SARL Franche Automobile qui, bien que professionnelle, a persisté dans sa position alors qu'elle savait que M. [J] avait payé le véhicule,

le tout représentant un montant total de 17 860 euros.

La SARL Franche Automobile Besançon a interjeté appel de ce jugement, en toutes ses dispositions, le 13 novembre 2020.

Par conclusions du 15 février 2021 signifiées par acte du 5 mars 2021, la société Franche Automobile Besançon a appelé en intervention forcée la société BNP Paribas Personal Finance.

Cependant, par ordonnance du 13 octobre 2021, le conseiller chargé de la mise en état a notamment déclaré irrecevable cet appel en intervention forcée, qui avait pour objet, en cas de rejet de son appel en ce qu'il tendait à la restitution du véhicule et à l'indemnisation de sa dépréciation, d'obtenir la condamnation de la banque au versement du montant du « prix de l'emprunt ». Il a en effet retenu, sur le fondement de l'article 555 du code de procédure civile, que l'appelante avait eu connaissance dès la première instance de l'emprunt contracté par M. [J] pour l'acquisition du véhicule et qu'elle ne justifiait d'aucune évolution du litige impliquant cette mise en cause.

Par jugement du 19 mai 2022, le tribunal judiciaire de Strasbourg a prononcé la liquidation de l'astreinte prononcée par le jugement entrepris et condamné à ce titre la société Franche Automobile Besançon à payer la somme de 3 900 euros à M. [J], outre les dépens et la somme de 1 800 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 04 octobre 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 5 septembre 2022, la société Franche Automobile Besançon demande à la cour de dire l'appel bien fondé, d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et, statuant à nouveau, de :

- dire que le tribunal a statué ultra petita lorsqu'il a jugé « la vente parfaite, en ce que la société Vesoul Automobile était le mandataire de la SARL Franche Automobile Besançon », alors qu'il n'était pas saisi de cette demande et que la société Vesoul Automobile n'avait pas été attraite en la cause par M. [J],

- juger qu'aucun contrat de vente n'a été valablement conclu entre elle-même et M. [J], et dire que lui est inopposable le contrat conclu entre la société Vesoul Automobile et l'intimé,

- débouter M. [J] de l'intégralité de ses prétentions,

- le condamner, d'une part à lui restituer le véhicule dans les 8 jours de la signification de l'arrêt et sous astreinte de 500 euros par jour ensuite, et d'autre part à lui payer le montant correspondant à la dépréciation de la valeur du véhicule, soit la somme, à parfaire, de 12 900 euros arrêtée en l'état à la date du 15 janvier 2020,

A titre subsidiaire, si la cour estimait néanmoins devoir dire la vente parfaite dans les rapports entre elle et M. [J], l'appelante lui demande d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a assorti d'une astreinte la remise de la carte grise et l'a condamnée à payer à M. [J] la somme de 17 860 euros au titre des préjudices subis, ainsi que la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et statuant à nouveau, de :

- débouter M. [J], tant de ses demandes d'astreinte et de réparation de préjudice, que de celles portant sur les frais répétibles et irrépétibles de la procédure,

- à tout le moins, réduire les montants alloués au titre des préjudices allégués par M. [J],

- débouter M. [J] de sa demande de dommages et intérêts formée à hauteur d'appel au titre de la réparation du préjudice causé par les attaques répétées sur sa qualité de gendarme,

- de condamner l'intimé à lui payer une indemnité de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Au soutien de sa demande de restitution du véhicule, elle fait valoir que celui-ci était sa propriété, ce que M. [J] n'a jamais ignoré, n'ayant jamais conclu de contrat de vente avec la société Vesoul Automobile ; mais elle ajoute que le prix dudit véhicule ne lui a jamais été réglé.

M. [J] affirmant qu'il ne se serait pas vu remettre le certificat d'immatriculation du véhicule, la société Franche Automobile Besançon s'étonne de la passivité de ce dernier, qui ne justifie d'aucune démarche pour l'obtenir durant les six premiers mois ayant suivi la vente auprès de la société Vesoul Automobiles, ni d'aucune saisine d'une juridiction pour débloquer la situation alléguée. Il n'a envoyé à la société Vesoul Automobiles qu'un seul courrier, daté du 19 juillet 2018, sollicitant certes la délivrance de la carte grise, mais sans préciser qu'il aurait été empêché de circuler, et, de plus, après réception de son courrier de sommation et après le placement en redressement judiciaire de la société Vesoul Automobiles. Il n'a d'ailleurs jamais déclaré de créance et n'a effectué aucune démarche dans le cadre de la procédure collective de cette dernière.

Il n'a non plus jamais indiqué le kilométrage du véhicule ainsi que le lieu où il était immobilisé, alors que l'assurance dont il justifie offre des garanties élevées, incohérentes avec l'immobilisation alléguée de ce véhicule, ce qui permet de supposer qu'il a en réalité la pleine jouissance de celui-ci.

L'appelante souligne une « inertie atypique » pour un consommateur exerçant la profession de gendarme, qui ne peut qu'avoir une bonne connaissance des documents administratifs établissant la propriété d'un véhicule. Elle lui reproche d'avoir contribué à son propre préjudice mais aussi à celui qu'elle subit, et de former une demande de dommages et intérêts au titre de la mention de sa profession dans les présentes écritures, soutenant que cette demande est infondée.

Elle fait également valoir que M. [J] n'a pas fait annuler le contrat de vente pour se libérer de la charge du prêt Cetelem et obtenir à ce titre restitution des montants déjà versés. Peut-être a-t-il profité à son détriment d'un effet d'aubaine.

L'appelante souligne que, propriétaire du véhicule, elle n'a signé aucun contrat avec M. [J], détenteur de celui-ci, qui fonde cependant son action sur l'article 1231-1 du code civil, produisant des certificats de cession qui ne traduisent que les rapports entretenus avec la société Vesoul Automobiles, et réclamant l'application de la théorie du mandat apparent sans démontrer l'existence d'un mandataire apparent. La signature avec Vesoul Automobiles des actes de cession de son véhicule et d'achat du véhicule Jeep Compass ne traduit qu'une confusion dans la qualité des parties, où elle ne porte aucune responsabilité.

Elle soutient que l'intimé n'a pu se méprendre sur sa qualité, notamment en raison du contrat d'essai du véhicule convoité qui mentionnait qu'elle était bien l'établissement prêteur du véhicule. De plus, le tribunal a statué ultra petita en jugeant que la société Vesoul Automobiles était sa mandataire, alors qu'il lui était seulement demandé de dire la vente parfaite entre les parties et le prix réglé.

Subsidiairement, l'appelante sollicite que la cour, si elle devait qualifier un contrat de vente valable entre les parties, réforme le jugement quant aux prétendus préjudices subis par M. [J] ou, à tout le moins, les réduise, aucune faute ne lui étant imputable.

Elle conteste la somme de 13 860 euros retenue par le tribunal au titre du préjudice de jouissance, alors qu'aucun élément ne démontre la privation du véhicule invoquée dans son principe, dans son ampleur et dans son montant. M. [J] étant gendarme, il n'a pas usage de son véhicule pendant ses jours de services, alors que le montant comptabilisé est de 693 jours à 20 euros. Elle conteste également les frais de « remise en route » du véhicule, à défaut de justificatif, et le préjudice moral, rappelant que la société Vesoul Automobiles n'a pas été appelée en la cause et qu'elle-même a été « spoliée » du prix de vente.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 1er avril 2022, M. [I] [J] conclut au rejet de l'appel principal, et demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter l'appelante de l'intégralité de ses demandes, de la condamner au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de la résistance abusive dont elle fait preuve depuis le jugement de première instance et de la somme de 1 000 euros au titre de la réparation du préjudice causé par les attaques répétées sur sa qualité de gendarme, outre la somme de 4 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les entiers dépens.

Il fait valoir, sur le caractère parfait de la vente constaté par le premier juge, que le véhicule a été acquis régulièrement et le prix intégralement réglé entre les mains de la société Vesoul Automobiles, la société Franche Automobile Besançon reconnaissant dans un courrier du 18 juillet 2018 avoir mandaté cette première pour vendre ledit véhicule à M. [J], ce qu'elle conteste désormais ; de plus, le contrat d'essai du véhicule comporte expressément le cachet « Vesoul Automobile » illustrant qu'il ne pouvait savoir réellement qui était le propriétaire du véhicule.

M. [J] reprend le raisonnement du premier juge selon lequel il ressort des pièces, notamment des conventions d'essai et de cession, qu'il n'a eu qu'un seul interlocuteur, à savoir la société Vesoul Automobile qui apparaissait comme étant le vendeur. L'ajout du nom de la société Franche Automobile Besançon sur le contrat d'essai ne suffisait ni à établir la nature des relations commerciales entre les deux sociétés, ni à éclairer le consommateur qu'il était sur le propriétaire réel du véhicule.

L'intimé souligne que devant les difficultés financières de son mandataire en redressement judiciaire, l'appelante aurait préféré se retourner contre lui, en le privant de la possibilité d'utiliser le véhicule, à défaut de carte grise.

Concernant le mandat apparent, l'intimé dénonce la mauvaise foi de la société Franche Automobile Besançon qui a déposé une plainte pour escroquerie dans laquelle elle indique avoir été informée de la vente et avoir « depuis 6 mois (...) sommé [son mandataire] de [lui] régler le véhicule », la plainte précisant qu'elle avait acheminé le véhicule à la société Vesoul pour que celle-ci le fasse essayer, ce qui illustre pour l'intimé les rapports entre les deux sociétés.

De plus, il observe que la société Franche Automobile Besançon a déclaré une créance dans le cadre de la procédure de liquidation judiciaire de la société Vesoul Automobile, qui a pour libellé « Jeep Compass [J] [I] », cette pièce illustrant selon lui les relations contractuelles ou de représentation entre les deux sociétés.

L'intimé soutient que l'appelante était donc informée de la perception du prix de la vente par son mandataire, Vesoul Automobile, qui devait lui en restituer le produit selon de tierces conventions inconnues de la cour et de la procédure ; du reste, il ne lui incombe pas de supporter ces rapports contractuels entre professionnels. Il n'a fait que s'acquitter du prix de vente entre les mains de la société Vesoul Automobile, mandataire apparent de l'appelante.

M. [J] souligne que ce n'est que sous la menace de l'astreinte, puis de l'éventualité de voir soulever l'irrecevabilité de l'appel, que l'appelante a daigné lui remettre l'ensemble des documents administratifs afférents au véhicule.

Sur les préjudices subis, l'intimé précise que le refus, par l'appelante, de délivrer les documents l'a contraint à ne plus avoir eu de véhicule utilisable entre le 9 janvier 2018 et la date de restitution.

Il invoque diverses fautes de l'appelante, consistant en la résistance opposée face à l'évidence de la vente, mais aussi en la tentative de reporter sur lui les difficultés rencontrées par son mandataire apparent, Vesoul Automobile, et en de multiples procédés dilatoires.

Il détaille comme suit ses préjudices :

- préjudice découlant du remboursement du prêt automobile, soit la somme de 11 266,32 euros correspondant aux 23 échéances mensuelles de remboursement du prêt de 489,84 euros par mois, durant la période de rétention de ses documents administratifs,

- préjudice relatif au paiement d'une assurance pour automobile immobile, soit la somme de 1 397,56 correspondant au montant mensuel de l'assurance de 60,76 euros multiplié par le nombre de mois de privation du véhicule, soit par-là une confirmation du jugement entrepris,

- préjudice relatif à la perte de jouissance du véhicule, soit la somme de 13 860 euros retenue par le premier juge,

- préjudice découlant des attaques répétées tout au long des écritures de l'appelante sur sa qualité de gendarme, soit la somme de 1 000 euros,

- préjudice subi au titre de la résistance abusive, au titre duquel il sollicite la confirmation du jugement déféré qui lui a alloué la somme de 1 500 euros.

Enfin, l'intimé forme une demande supplémentaire de dommages et intérêts pour résistance abusive au titre du procédé qu'il qualifie de dilatoire de l'appelante consistant à assigner en intervention forcée la banque ayant accordé le prêt, en soutenant que celle-ci aurait fait preuve de négligence en lui accordant le prêt sans vérifier la qualité du vendeur.

Par des conclusions transmises par voie électronique le 2 juin 2021, la SA BNP Paribas Personal Finance a sollicité que la cour déclare irrecevable l'appel en intervention formé par la société Franche Automobile Besançon à son encontre et en tout état de cause qu'elle la déboute de l'ensemble de ses conclusions, mais aussi qu'elle la condamne aux entiers frais et dépens et à lui payer la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Ces conclusions ont cependant été déposées avant l'ordonnance du magistrat chargé de la mise en état du 13 octobre 2021, qui a notamment déclaré irrecevable l'appel en intervention forcée dirigé à son encontre, de sorte que la cour n'en est plus saisie.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

MOTIFS

I ' Sur les demandes réciproques des parties portant sur le véhicule et sur les documents administratifs y afférents

En préalable, si elle reproche au tribunal d'avoir statué ultra petita en disant et jugeant que la vente passée entre M. [J] et la société Vesoul Automobile et la SARL Franche Automobile Besançon, portant sur le véhicule Jeep Compass, était parfaite, en ce que la société Vesoul Automobile était le mandataire de la SARL Franche Automobile Besançon, l'appelante n'en tire aucune conséquence dans le dispositif de ses écritures, puisqu'elle ne demande pas l'annulation du jugement.

Sur le caractère parfait de la vente conclue entre la société Vesoul Automobiles et M. [J], il doit être constaté en premier lieu que les parties produisent deux bons de commande différents, bien que comportant le même n°VD101275, les signatures du client y figurant, datées respectivement du 21 novembre 2017 et du 29 novembre 2017, étant variables de l'un à l'autre. De plus, si celui produit par l'appelante comporte son cachet sur sa signature, près de celle de l'acquéreur, il en va différemment de celui produit par M. [J], qui ne comporte que sa signature.

De plus, celui produit par l'appelante comporte également, en première page, dans l'encadrement réservé au cachet du vendeur, celui de la société Vesoul Automobiles. Tous deux mentionnent également, en première page, le nom de [M] [P] en bas de l'encadrement réservé au vendeur. Ce nom figurant, sur le bon de commande en la possession de la société Franche Automobile Besançon, immédiatement sous le cachet de la société Vesoul Automobiles, il apparaît donc comme étant un représentant de cette dernière, alors qu'un courriel adressé par la société Franche Automobile Besançon démontre qu'il est un représentant de celle-ci.

Par ailleurs, le certificat de cession du véhicule Jeep litigieux a été établi au nom de la société Vesoul Automobiles en qualité de vendeur et, d'après le certificat de cession du véhicule Renault Clio de M. [J], c'est cette dernière qui a opéré la reprise de ce véhicule. C'est aussi son cachet qui figure sur la convention d'essai du véhicule Jeep signée le 9 janvier 2018 par son bénéficiaire seul, la mention manuscrite « FRANCHE AUTOMOBILE » ajoutée au-dessus de ce cachet n'ayant pu être significative pour lui.

Alors qu'il est constant que M. [J] n'a eu pour seul interlocuteur que la société Vesoul Automobiles, il résulte des documents évoqués ci-dessus et notamment du certificat de cession du véhicule Jeep Compass, mais aussi des documents relatifs au prêt souscrit pour l'acquisition de celui-ci auprès de la société BNP Paribas Personal Finance, que la société Vesoul Automobiles s'est présentée comme le vendeur et propriétaire du dit véhicule. C'est d'ailleurs à elle que M. [J] s'est adressé le 19 juillet 2018 pour réclamer le certificat d'immatriculation du véhicule, en la menaçant d'une action en justice et d'une demande de dommages et intérêts. De même, dans sa réponse à la mise en demeure de restituer le véhicule de la société Franche Automobile Besançon du 18 juillet 2018, il conteste, par l'intermédiaire de son conseil, la qualité de propriétaire du véhicule de cette dernière, ainsi que tout lien contractuel avec elle, affirmant n'avoir contracté qu'avec la société Vesoul Automobiles.

Il apparaît donc que l'intimé a conclu de bonne foi avec la société Vesoul Automobiles, qui s'est présentée auprès de lui comme étant le propriétaire du véhicule objet de la vente, et dont il est apparu ultérieurement qu'elle n'était que le mandataire de la société Franche Automobile Besançon, ce que cette dernière a reconnu dans sa plainte pénale déposée contre elle le 18 juillet 2018 pour ne pas lui avoir transmis le prix du dit véhicule reçu de l'acquéreur.

De plus, tant dans sa mise en demeure que dans sa plainte pénale, la société Franche Automobile Besançon considère manifestement M. [J] comme étant son client, ce qui ne fait que confirmer l'existence d'un mandat consenti par elle à la société Vesoul Automobiles.

Ainsi, dans la mesure où l'appelante était le propriétaire du véhicule litigieux, il convient de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a dit que la vente du dit véhicule était parfaite, tout en le rectifiant en ce que cette vente a été conclue entre la société Franche Automobile Besançon et M. [J] par l'intermédiaire de la société Vesoul Automobiles.

En conséquence, le jugement déféré doit également être confirmé en ce qu'il a condamné, sous astreinte, la SARL Franche Automobile Besançon à remettre à M. [J] l'intégralité des documents administratifs concernant le véhicule litigieux.

Dès lors que M. [J] a payé de bonne foi le prix du dit véhicule entre les mains de la société Vesoul Automobiles, il n'y a pas lieu de le condamner à le restituer à la société Franche Automobile Besançon, et à lui régler un montant correspondant à la dépréciation de la valeur du véhicule. Il convient donc d'ajouter au jugement déféré en rejetant ces demandes, dans la mesure où le tribunal n'a pas statué sur celles-ci, bien qu'en ayant été saisi.

II ' Sur les demandes de dommages et intérêts de M. [J]

Sur les demandes d'indemnisation de M. [J], il doit être observé en premier lieu que, si ce dernier inclut dans le calcul détaillé de ses préjudices figurant dans les motifs de ses conclusions, un montant de 11 266,32 euros au titre du remboursement du prêt automobile durant la période de rétention des documents administratifs du véhicule par la société Franche Automobile Besançon, il sollicite la confirmation du jugement déféré qui ne lui a alloué aucun montant au titre de ce poste de préjudice, la seule demande complémentaire qu'il formule portant sur un préjudice moral. Dès lors, la cour n'est saisie d'aucune demande de dommages et intérêts relative au remboursement de ce prêt. Il en est de même de sa demande d'indemnisation portant sur les cotisations d'assurance du véhicule réglées pendant la période durant laquelle il affirme que le véhicule a été immobilisé.

Sur la demande relative au préjudice de jouissance, force est de constater que, malgré les contestations de ce poste de préjudice émises par la société Franche Automobile Besançon, M. [J] ne rapporte aucune preuve de ce qu'il n'a pas fait usage du véhicule litigieux pendant la période durant laquelle il ne disposait pas du certificat d'immatriculation y afférent. Or, la charge de la preuve de l'existence de ce préjudice lui incombe. Au surplus, il peut être constaté que l'intimé n'a réclamé ce certificat d'immatriculation que six mois après l'acquisition du véhicule en cause et sans évoquer alors l'impossibilité d'en faire usage, et il n'a pris l'initiative de la procédure que plus d'un an après l'achat du dit véhicule.

En conséquence, à défaut de preuve du préjudice invoqué à ce titre, le jugement déféré sera infirmé en ce qu'il a condamné la société Franche Automobile Besançon à une indemnisation de celui-ci et cette demande de M. [J] sera rejetée.

Il en sera de même de celle portant sur les frais de remise en route du dit véhicule, dont il n'est pas plus justifié que de son immobilisation, ainsi que celle présentée en réparation du préjudice moral résultant de cette immobilisation et de la déconvenue qui en serait résultée, la preuve d'un tel préjudice n'étant pas rapportée dans la mesure où l'immobilisation du véhicule n'est pas démontrée.

En revanche, s'agissant de la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive, il convient de souligner que la société Franche Automobile Besançon, dans sa plainte pénale du 18 juillet 2018, avait admis que la société Vesoul Automobiles était son intermédiaire et qu'elle avait, en cette qualité, livré le véhicule en cause à M. [J] et avait encaissé l'argent de la société Cetelem, avant de lui contester cette même qualité dans le cadre de l'instance devant le tribunal et en appel et de remettre en cause la réalité de la vente du dit véhicule à l'intimé.

Dès lors, la résistance de la société Franche Automobile Besançon à remettre le certificat d'immatriculation du dit véhicule à M. [J] ne peut qu'être qualifiée d'abusive et il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à régler à l'acquéreur la somme de 1 500 euros en réparation de ce préjudice.

Par ailleurs, sur les demandes de dommages et intérêts formées par M. [J] pour la première fois en appel, il convient de relever, s'agissant de sa demande en réparation du préjudice causé par ses attaques répétées portant sur sa qualité de gendarme, que les allusions de la société Franche Automobile Besançon à cette qualité qui est celle de l'intimé apparaissent totalement déplacées et déplaisantes. Néanmoins, elles ne présentent pas le caractère vexatoire que leur confère l'intimé, ces propos n'excédant pas les limites tolérables dans le cadre de la défense des intérêts de l'appelante dans la présente procédure. Dès lors, il convient de rejeter cette demande de dommages et intérêts qui n'apparaît pas fondée.

S'agissant de la demande de dommages et intérêts au titre du caractère dilatoire de l'assignation en intervention forcée de la société BNP Paribas Personal Finance à hauteur de cour, il convient d'observer que, dès le 13 octobre 2021, le conseiller chargé de la mise en état a déclaré irrecevable cet appel en intervention forcée, qui avait pour objet, en cas de rejet de son appel en ce qu'il tendait à la restitution du véhicule et à l'indemnisation de sa dépréciation, d'obtenir la condamnation de la banque au versement du montant du « prix de l'emprunt ».

Dès lors, au vu de l'objet de cet appel en intervention forcée et de cette décision qui y a rapidement mis fin, il n'est nullement démontré qu'il ait ralenti le cours de la procédure d'appel et M. [J] ne rapporte pas la preuve de ce qu'il ait pu lui causer un quelconque préjudice. Cette demande de dommages et intérêts doit donc également être rejetée comme n'étant pas fondée.

III - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant confirmé en sa disposition relative à la remise, par la société Franche Automobile Besançon à M. [J], des documents administratifs concernant le véhicule acquis par ce dernier auprès de la société Vesoul Automobiles, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens de première instance.

En revanche, la solution du litige en appel commande que chaque partie conserve la charge de ses propres dépens, mais aussi celle de ses frais exclus des dépens engagés en appel, ce dont il résulte que les demandes réciproques présentées à ce titre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile seront également rejetées.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME, dans les limites de l'appel, le jugement rendu entre les parties par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 15 octobre 2020, tel que rectifié ci-après, sauf en ce qu'il a condamné la SARL Franche Automobile Besançon à payer à M. [I] [J] la somme de 17 860,00 euros au titre des préjudices subis,

INFIRME le jugement entrepris de ce seul chef ;

RECTIFIE le dispositif du jugement en ce qu'il convient de dire que la vente conclue entre la société Franche Automobile Besançon et M. [I] [J], par l'intermédiaire de la société Vesoul Automobiles, est parfaite,

Statuant à nouveau du chef infirmé, et ajoutant au dit jugement,

REJETTE les demandes de la SARL Franche Automobile Besançon tendant à la condamnation de M. [I] [J] à lui restituer le véhicule dans les 8 jours de la signification de l'arrêt et sous astreinte ensuite, et à lui payer le montant correspondant à la dépréciation de la valeur du véhicule,

CONDAMNE la SARL Franche Automobile Besançon à payer à M. [I] [J] la somme de 1 500,00 (mille cinq cents) euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

REJETTE les autres demandes de dommages et intérêts de M. [I] [J],

CONDAMNE chaque partie à conserver la charge de ses propres dépens d'appel,

REJETTE les demandes réciproques des parties présentées sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exclus des dépens engagés en appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/03368
Date de la décision : 31/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-31;20.03368 ?
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