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30/03/2023 | FRANCE | N°21/02963

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 30 mars 2023, 21/02963


MINUTE N° 173/2023

























Copie exécutoire à



- Me Anne CROVISIER



- Me Katja MAKOWSKI





Le 30 mars 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 30 Mars 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02963 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HTVI



Décision déférée Ã

  la cour : 21 Mai 2021 par le tribunal judiciaire de SAVERNE





APPELANTE :



La S.A. SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE, représentée par son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 3] à [Localité 4]



représentée par Me Anne CROVISIER, avocat à la...

MINUTE N° 173/2023

Copie exécutoire à

- Me Anne CROVISIER

- Me Katja MAKOWSKI

Le 30 mars 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 30 Mars 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02963 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HTVI

Décision déférée à la cour : 21 Mai 2021 par le tribunal judiciaire de SAVERNE

APPELANTE :

La S.A. SWISSLIFE PREVOYANCE ET SANTE, représentée par son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 3] à [Localité 4]

représentée par Me Anne CROVISIER, avocat à la cour.

INTIMÉE :

Madame [F] [B] [N] épouse [D]

demeurant [Adresse 2] à [Localité 1]

représentée par Me Katja MAKOWSKI, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre, et Madame Nathalie HERY, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Par contrat du 29 novembre 2017 portant date d'effet du 30 novembre 2017, Madame [F] [B] [D] née [N] adhérait au contrat SwissLife Prévoyance Indépendant aux fins de garantie de maintien du chiffre d'affaire en cas d'arrêt de travail.

Madame [D] s'est prévalue d'un arrêt de travail à compter du 16 mars 2018, en raison d'une néoplasie mammaire (cancer). Cet arrêt de travail a fait l'objet de prolongations.

Par courrier du 10 septembre 2018, la société SwissLife indiquait à Madame [D] qu'elle refusait de mettre en 'uvre les garanties du contrat au motif qu'elle considérait que la maladie à l'origine de l'arrêt de travail était déjà présente et connue dans le délai d'attente de trois mois courant à partir de la signature du contrat, stipulé contractuellement.

Madame [D] contestant la décision de la compagnie a fait assigner devant le tribunal judiciaire de Saverne par acte d'huissier en date du 19 juin 2019 la société SwissLife, afin de la voir condamnée à garantir l'incapacité temporaire totale dont elle se prévaut pour la période du 16 mars 2018 au 27 octobre 2018, et de lui verser en conséquence la somme au principal de 17 850 euros, soit 13 500 euros pour la période du 16 mars 2018 au 31 juillet 2018, et de 4.350 euros pour la période du 1er août 2018 au 27 octobre 2018, outre intérêts au taux légal est une somme de 3 000 euros au titre du préjudice moral.

Par jugement du 21 mai 2021, le tribunal judiciaire de Saverne a condamné la société SwissLife, outre aux dépens, à payer à Madame [D] les sommes de :

- 17 850 euros, outre intérêts au taux légal au titre de la garantie maintien du chiffre d'affaires ;

- 3 000 euros de dommages et intérêts ;

- 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le premier juge a estimé que si la symptomatologie de la maladie dont souffrait madame [N] avait été détectée dès le mois d'août 2017, comme cela ressortait de l'expertise médicale réalisée par le Docteur [I], le diagnostic n'a été posé que le 13 mars 2018 lors de l'entretien réalisé avec le professeur [W], soit postérieurement au délai d'attente de trois mois.

Le tribunal a considéré alors que, étant donné qu'il n'était pas contesté par les parties que la maladie de madame [N] entre dans le champ contractuel, les moyens soutenus par la compagnie d'assurance ne pouvaient être retenus.

La compagnie d'assurance a fait appel de la décision le 9 juin 2021.

PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 juillet 2022, la société SwissLife demande à la cour de bien vouloir infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, et statuant à nouveau de débouter Madame [F] [B] [D] née [N] de ses demandes et de la condamner, outre aux dépens de première instance et d'appel, à lui verser une somme de 3000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

La partie appelante fait valoir dans un premier temps que les stipulations des conditions générales du contrat signé par l'assurée lui sont opposables dès lors qu'elle a apposé sa signature sous la mention dactylographiée selon laquelle elle reconnaissait avoir reçu un exemplaire des conditions générales. Il conviendrait donc de confirmer le jugement en ce qu'il a retenu que les dispositions du contrat sont opposables à Madame [F] [B] [D] née [N].

En revanche, la compagnie sollicite la réformation du jugement en ce qu'il n'aurait pas tiré les conséquences légales des stipulations contractuelles opposables à l'assurée. Elle estime ainsi que le cancer dont a souffert Madame [F] [B] [D] née [N] aurait été médicalement constaté durant le « délai d'attente » de 3 mois qui a commencé à courir à compter du jour de la signature du contrat, de sorte qu'il y aurait lieu d'écarter toute garantie.

L'appelante considère que la pathologie de Madame [F] [B] [D] née [N] aurait été constatée médicalement au cours du mois de janvier 2018 soit moins de deux mois après l'entrée en vigueur du contrat. Madame [F] [B] [D] née [N] avait consulté le professeur [W] dès le 4 décembre 2017, qui, à l'examen des dernières mammographies qui lui paraissaient difficiles à interpréter au motif que «il existe de multiples opacités à contours réguliers » a conseillé à Madame [F] [B] [D] née [N] de réaliser une I.R.M. mammaire qui allait être réalisée le 23 janvier 2018.

L'assureur estime que cette I.R.M. ne peut être considérée comme un examen préventif, et que le compte rendu rédigé le 1er février 2018 suite à cet examen permettait de caractériser la présence d'une masse qui avait fait l'objet d'un micro prélèvement par biopsie le 5 mars 2018 ; l'assureur estime qu'il « est donc manifeste que la première constatation médicale de la masse mamelonnaire centimétrique résulte bien de l'I.R.M. réalisée le 23 janvier 2018 ».

La compagnie d'assurances conteste la validité de la teneur du certificat rédigé par le docteur [E] le 6 décembre 2019 ' selon lequel il a annoncé le diagnostic de cancer à Madame [F] [B] [D] née [N] le 13 mars 2018 ' en ce sens qu'il serait dépourvu de toute portée, les affirmations retranscrites étant qualifiées d'inexactes.

Madame [F] [B] [D] née [N] ne saurait se prévaloir de stipulations de la notice d'information concernant une garantie autre (celui destiné à obtenir un « capital maladie grave ») et faire référence au terme de « diagnostic » utilisé uniquement dans le cadre de cette garantie optionnelle prévoyant le versement d'un capital décès, qui n'a pas été souscrite dans le cadre du contrat dont elle se prévaut.

Le jugement aurait de manière erronée fait référence au terme de « diagnostic » alors que les stipulations contractuelles liant les parties évoquent une « constatation médicale ».

Enfin, la société SwissLife estime qu'on ne peut déduire du fait qu'elle a accepté de garantir l'arrêt de travail de son assurée en 2020 suite à la mastectomie bilatérale pratiquée, pour en déduire qu'elle aurait dû indemniser les arrêts de travail litigieux ; elle précise que le carcinome lobulaire détecté ne portait que sur le sein droit de Madame [F] [B] [D] née [N] de sorte qu'elle soutient que la chirurgie préventive prescrite (consistant à procéder à l'ablation des deux seins) ne peut être considérée comme la conséquence d'une complication de ce carcinome.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 mai 2022, Madame [F] [B] [D] née [N] demande à la cour de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, de débouter la société SwissLife de ses fins et prétentions et de la condamner outre aux dépens exposés à hauteur d'appel, au paiement d'une somme de 4000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimée conteste la position de la compagnie d'assurances selon laquelle les examens préalables réalisés entre le mois de novembre 2017 et mars 2018 auraient permis de constater médicalement l'existence de la maladie dont elle souffrait. L'I.R.M. du 23 janvier 2018 n'aurait pas permis de poser le diagnostic ni de constater une altération de sa santé. Ce n'est qu'au retour de la biopsie que le diagnostic a pu être posé, soit plus de trois mois après la signature du contrat. Elle fait également référence au fait que suite à la mammographie et à l'I.R.M, aucune préconisation médicale d'examen histologique à pratiquer en urgence n'a été posée.

Elle ajoute que bien que le kyste constaté à l'I.R.M. ait donné lieu à une classification ACR4, cette classification ne permet pas à elle seule de retenir la présence d'un cancer, et ce d'autant plus qu'il résulte du compte rendu d'I.R.M. qu'il était simplement préconisé une « surveillance échographique à six mois ».

Elle estime donc que la preuve médicalement indiscutable du cancer ne pouvait résulter que de l'examen de l'échantillon prélevé lors de la biopsie du 5 mars 2018.

Elle conteste la position adoptée par la société appelante selon laquelle il y aurait lieu de distinguer « diagnostic » et « constatation médicale » selon que l'on se situe en situation de garantie capitale décès, ou garantie de maintien de salaire.

En tout état de cause, à son sens, les examens préventifs qu'elle a subis ne sauraient servir de fondement à l'exclusion de garantie, et ce d'autant plus que le rapport d'expertise médicale rédigée par le Docteur [I] ' médecin-conseil de l'assureur - fixe la date de diagnostic au mois de mars 2018, ce que confirme le médecin traitant, le Docteur [E], dans son attestation.

En outre la compagnie d'assurances ne saurait valablement isoler l'intervention chirurgicale consistant en une mastectomie bilatérale préventive pour laquelle elle a été hospitalisée du 18 au 21 août 2020, de la découverte du cancer deux ans plus tôt. Cette ablation des deux seins était réalisée à titre préventif, elle doit être replacée dans le contexte pathologique antérieur et au regard des antécédents familiaux, de sorte qu'en acceptant d'indemniser l'arrêt de travail de 2020 en lien avec cette mastectomie, la compagnie admettrait implicitement qu'elle aurait dû garantir les arrêts de 2018.

* * *

Par ordonnance du 4 octobre 2022, la Présidente de chambre, chargée de la mise en état, a ordonné la clôture de la procédure et renvoyé l'affaire à l'audience du 2 février 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIVATION

1) sur le cadre contractuel

Madame [F] [B] [D] née [N] a demandé son adhésion à un contrat dénommé « SwissLife prévoyance indépendants » le 29 novembre 2017 qui lui garantissait le maintien de revenus avec d'une part la promesse de versement d'indemnités journalières de 3000 euros par mois et d'autre part d'une rente d'invalidité de 2711 euros par mois.

Elle reconnaît avoir réceptionné une notice d'information, qui présente dans sa première partie intitulée «Lexique » (page 9) la définition du « délai d'attente » à savoir, la période durant laquelle les garanties ne sont pas encore en vigueur.

Il est précisé en effet que tout événement survenant durant ce délai d'attente ainsi que ses suites et conséquences, n'est pas garanti pendant toute la durée de l'adhésion ; sous le point 3.1.4 il est stipulé que les garanties s'exercent sur les conséquences notamment « des maladies dont la première constatation médicale est postérieure à la prise d'effet de l'adhésion et pour les garanties maintien de revenus (indemnités journalières, rente invalidité) et remboursement des frais généraux, après expiration d'un délai d'attente défini ci-dessous ».

S'agissant de la durée du délai d'attente, il est de trois mois pour les maladies ne présentant pas de caractère psychologique ou psychiatrique, à l'exception des maladies infectieuses telles que grippes, angine, coqueluche, varicelle, rubéole, oreillons'.

Les parties ont de part et d'autre longuement conclu sur les conditions dans lesquelles Madame [F] [B] [D] née [N] a signé le contrat de prévoyance de la société SwissLife et ses annexes.

Cependant, le cadre général d'application des garanties' à savoir l'existence d'un délai d'attente de trois mois à compter du départ de la convention, le fait que « tout événement survenu pendant le délai d'attente, ainsi que ses suites et conséquences, ne sera jamais garanti » au sens des dispositions prévues en page 17 des conditions générales ' ne fait pas l'objet de contestations.

En revanche, les parties s'affrontent quant à la définition de « la première constatation médicale » qui est mentionnée dans le point 3.1.4 des conditions générales.

La compagnie d'assurances reproche au premier juge et à l'intimée d'avoir assimilé cette définition au terme « diagnostic » présent dans les conditions générales de la police d'assurance, mais dans un autre chapitre (celui de la garantie « capital'décès ») que celui consacré aux garanties souscrites.

2) sur les conditions de mise en 'uvre des garanties

La compagnie d'assurances estime que la pathologie dont se prévaut Madame [F] [B] [D] née [N] a fait l'objet d'une première « constatation médicale » au cours du délai d'attente et plus précisément en janvier 2018 au moment où un I.R.M. a été réalisé.

Dans un premier temps il est nécessaire de définir ce qu'est « une constatation médicale ».

S'agissant d'un vocabulaire choisi par la société d'assurance, il convient de vérifier si cette expression est définie dans les conditions générales.

La lecture du « lexique » présent au début du document intitulé « conditions générales » ne permet pas d'y découvrir de définition de ces termes ; on notera au passage que n'y figure pas non plus la définition du substantif « diagnostic ».

Quant à la lecture du chapitre 3 consacré aux garanties qui font l'objet du contrat litigieux, et plus précisément le point 3.3 dédié aux garanties « revenus de remplacement » sur lesquelles porte le contrat passé entre les parties en présence, elle ne permet pas davantage de découvrir de définition de cette expression.

À défaut de définition conventionnelle de l'expression « constatations médicales », il y aura lieu de faire référence au sens commun.

Selon le dictionnaire Larousse, « constater » se définit par « remarquer objectivement quelque chose, l'enregistrer comme vrai, réel ».

Une constatation médicale nécessite alors une connaissance du phénomène sur lequel l'attention se porte, sans quoi l'observation ne pourrait être « objective ».

La cour constate alors que cette définition est très proche de celle du terme « diagnostic », qui est défini par ce même dictionnaire Larousse comme étant « l'identification d'une maladie à partir de ces symptômes ; par extension, analyse des causes d'une situation, jugement porté sur elle ».

En tenant compte de la définition de l'expression de « constatation médicale », il y a lieu de retracer le suivi médical dont a bénéficié Madame [F] [B] [D] née [N] entre le mois de novembre 2017 et mars 2018.

Le contexte sanitaire de Madame [F] [B] [D] née [N] doit être rappelé. Comme l'indique le professeur [W] dans son courrier adressé au docteur [E] le 2 janvier 2018 (annexe 7), Madame [F] [B] [D] née [N] est une patiente présentant des antécédents familiaux avec survenue d'un cancer du sein chez sa mère à l'âge de 43 ans, suivi d'un deuxième cancer 10 ans plus tard, avec le décès de cette dernière à l'âge de 75 ans suite à une évolution métastatique pleurale. Il ressort des documents médicaux produits que Madame [F] [B] [D] née [N] était suivie régulièrement sur le plan sénologique depuis des années puisqu'il est fait état de contrôles réalisés en 2011, 2014.

C'est dans le cadre de ce suivi préventif, que son médecin généraliste le docteur [E] a adressé Madame [F] [B] [D] née [N] à un spécialiste, le professeur [W]. Ce dernier analysait la dernière échographie et expliquait dans le courrier qu'il adressait au docteur [E] daté du 2 janvier 2018 que « les dernières mammographies » réalisées lors du dernier trimestre 2017 « sont assez difficiles à interpréter car il existe de multiples opacités à contours réguliers ('). L'échographie mammaire a retrouvé de nombreux kystes bilatéraux dont le plus grand mesure 4 cm de diamètre. »

Au moment où le professeur [W] rédigeait ce courrier, il n'était clairement pas établi dans son esprit que Madame [F] [B] [D] née [N] souffrait d'un cancer sans quoi il n'aurait pas « conseillé à la patiente de changer de contraception par Miréna pour un stérilet non hormonal », ce qui démontre que la présence de ces kystes pouvait avoir une origine non cancéreuse.

Le professeur [W] préconisait la réalisation d'un I.R.M. mammaire «afin de vérifier l'absence de lésion pathologique intra ou peri kystique », en terminant son courrier en indiquant qu'il ne manquerait pas de tenir informer le médecin généraliste des résultats de l'I.R.M. mammaire et de la conduite à tenir ultérieurement.

Madame [F] [B] [D] née [N] a réalisé l'I.R.M. mammaire à l'hôpital de [5] le 23 janvier 2018, examen qui donnait lieu à la rédaction d'un rapport daté du 1er février 2018 (annexe 8). Le rapport faisait état de la présence d'un « État kystique multiple bilatéral avec un kyste d'aspect inflammatoire ('). Classification ACR3 : surveillance échographique à six mois. Masse mamelonnaire centimétrique rehaussée par le contraste à droite, sur mamelon légèrement invaginé. ACR 4 : à corréler aux données histologiques ».

Il était ajouté de manière manuscrite au bas de ce rapport qu'un contrôle était prévu pour le 2 mars 2018 à 14 heures.

La compagnie d'assurances suggère que le classement de la masse mamelonnaire en ACR 4 induirait nécessairement la présence d'un cancer. Cependant les documents d'information médicale produits aux débats infirment cette assertion ; si le classement en ACR 5 signifie la présence d'un cancer, le classement en ACR 4 est réservé pour les situations devant faire l'objet de vérifications plus approfondies et n'emporte pas la certitude de la présence d'un cancer.

En conséquence, la mention « ACR 4 » dans le compte rendu du 1er février 2018 n'entraîne pas la preuve d'une « constatation médicale » de la présence d'un cancer.

C'est bien parce qu'il y avait un doute à la lecture de cet I.R.M. qu'un prélèvement, c'est-à-dire une biopsie, était réalisé le 5 mars 2018, soit plus de trois mois après l'entrée en vigueur du contrat.

Et ce n'est qu'au retour de l'analyse de ces prélèvements que la présence d'un « carcinome lobulaire infiltrant de grade 1 » (annexe 9) a été dûment constatée d'un point de vue médical.

Dans ces conditions, la date à laquelle le constat médical a été posé doit être fixée à celle où le professeur [W] écrivait au médecin traitant pour l'informer de la découverte de cette situation, soit le 14 mars 2018.

Le premier juge a donc parfaitement bien analysé la situation de fait et en droit en estimant que l'événement à l'origine de l'arrêt de travail de Madame [F] [B] [D] née [N] pour lequel elle souhaite la mise en 'uvre de la garantie, n'est pas intervenu pendant le délai d'attente de trois mois qui avaient débuté le 30 novembre 2017.

Il est à noter que l'expert [O] [I], qui a été désigné par l'assureur, a rendu deux rapport d'expertise datées du 4 juillet 2018, et que dans le second il a fixé la « date du diagnostic » au 2 mars 2018, sans qu'il n'ait estimé nécessaire de faire référence à une éventuelle date de « constatation médicale » du cancer.

Enfin, tant le médecin traitant dans son certificat du 6 décembre 2019 (annexe 22 de l'intimée) que le docteur [H] du service « unité d'imagerie de la femme » de l'hôpital de [5] à [Localité 6] (annexe 23), fixent la date du diagnostic de la maladie du sein dont a souffert Madame [F] [B] [D] née [N] à la date du retour des analyses des prélèvements effectués lors de la biopsie. Le responsable de l'unité, le docteur [H] précise que « le diagnostic d'une maladie du sein n'est posé qu'au terme de la sortie des résultats de prélèvements histologiques indiqués par le radiologue selon la cotation de l'American College of Radiology et en aucun cas sur l'interprétation d'une imagerie du sein (mammographies, échographie, IRM) ». 

3) Sur les indemnisations

Le premier juge a accordé à l'assurée d'une part une somme de 13 500 euros au titre de l'arrêt de travail à temps plein allant du 16 mars au 31 juillet 2018 (suite à la première intervention chirurgicale du 12 avril 2018) soit 4,5 mois à raison de 3 000 euros par mois, et d'autre part une somme de 4 350 euros au titre de l'arrêt de travail de prolongation à mi-temps écoulée entre le 1er août et le 27 octobre 2018.

La compagnie d'assurances ne conteste pas le lien de causalité entre ces arrêts et la découverte du cancer, de sorte qu'elle ne peut valablement refuser de prendre en charge les suites, et conséquences des complications découlant du carcinome lobulaire diagnostiqué chez Madame [F] [B] [D] née [N] et traitée.

Dans ce contexte il y aura lieu de confirmer intégralement la décision de première instance tant en ce qu'elle a accordé à l'assurée une somme de 17 850 euros au titre du maintien des revenus, qu'en ce qu'elle lui a alloué des dommages et intérêts pour le préjudice moral subi à hauteur de 3 000 euros du fait de l'absence d'indemnisation pendant de longs mois et de la nécessité de réclamer justice.

4) sur les demandes accessoires

Le jugement de première instance statuant sur la question des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile, sera confirmé.

La société SwissLife Prévoyance et Santé, partie succombante au sens de l'article 696 code de procédure civile, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel et à verser à Madame [F] [B] [D] née [N] une somme de 4 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a exposés dans le cadre de la procédure d'appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de la compagnie d'assurances tendant à être indemnisée de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saverne le 21 mai 2021 en toutes ses dispositions,

Et y ajoutant

CONDAMNE la société SwissLife Prévoyance et Santé aux dépens de la procédure d'appel,

CONDAMNE la société SwissLife Prévoyance et Santé à verser à Madame [F] [B] [D] née [N] une somme de 4000 euros (quatre mille euros) au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés à hauteur d'appel au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de la société SwissLife Prévoyance et Santé fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/02963
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;21.02963 ?
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