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30/03/2023 | FRANCE | N°21/02954

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 30 mars 2023, 21/02954


MINUTE N° 172/2023

























Copie exécutoire à



- la SELARL LEXAVOUE

COLMAR



- Me Joseph WETZEL





Le 30 mars 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 30 Mars 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02954 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HTUX



Décisi

on déférée à la cour : 04 Juin 2021 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE





APPELANT :



Monsieur [A] [H]

demeurant [Adresse 2] à [Localité 8]



représenté par la SELARL LEXAVOUE COLMAR, avocat à la cour.





INTIMÉ :



Monsieur [E] [K] [Y]

demeurant ...

MINUTE N° 172/2023

Copie exécutoire à

- la SELARL LEXAVOUE

COLMAR

- Me Joseph WETZEL

Le 30 mars 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 30 Mars 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02954 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HTUX

Décision déférée à la cour : 04 Juin 2021 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANT :

Monsieur [A] [H]

demeurant [Adresse 2] à [Localité 8]

représenté par la SELARL LEXAVOUE COLMAR, avocat à la cour.

INTIMÉ :

Monsieur [E] [K] [Y]

demeurant [Adresse 1] à [Localité 6]

représenté par Me Joseph WETZEL, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 09 Février 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre, et Madame Nathalie HERY, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Madame [I] [N] née [V], propriétaire d'un terrain situé à [Adresse 9], a fait procéder à une division parcellaire de celui-ci.

En date du 2 septembre 1998, elle a vendu la parcelle section [Cadastre 5] n° [Cadastre 4] au profit de Monsieur [A] [H] et son épouse.

Le 1er avril 1999, elle a cédé à Monsieur [E] [Y] la parcelle cadastrée commune de [Localité 8] section [Cadastre 5] n° [Cadastre 3], se trouvant au-dessus de celle précédemment vendue aux consorts [H].

Monsieur [Y] a par la suite décidé de vendre le terrain en question et a signé un compromis de vente - via l'agence immobilière construction location de [Localité 7] - le 1er mars 2019 avec Monsieur et Madame [D].

Par déclaration au greffe déposée au tribunal d'instance de Thann le 1er juillet 2019, Monsieur [E] [Y] sollicitait la condamnation de Monsieur [A] [H] à retirer la clôture qui empièterait sur sa parcelle [Cadastre 5] n°[Cadastre 3] sur une profondeur de 4 mètres et sur une longueur de 11 mètres.

Il expliquait dans sa demande, avoir été contacté en avril 2019 par Monsieur [D], futur acheteur, qui, après s'être rendu sur le terrain pour prendre des mesures en vue de pouvoir régulariser un permis de construire, avait constaté la présence d'un grillage neuf qui empiétait sur le terrain que Monsieur [Y] s'apprêtait à lui vendre.

Par jugement du 13 juillet 2020, la juridiction s'est déclarée incompétente au profit de la première chambre civile du tribunal de grande instance de Mulhouse.

Cette dernière, par un jugement du 4 juin 2021, a :

- dit que Monsieur [Y] avait un intérêt à agir en suppression de l'empiètement sur sa parcelle ;

- dit que Monsieur [A] [H] ne peut invoquer la prescription acquisitive d'une quote part de la parcelle de Monsieur [Y] ;

- déclaré recevable l'action pétitoire de Monsieur [Y] contre Monsieur [H] ;

- condamné Monsieur [H] à retirer la clôture qu'il a mise en place sur la parcelle cadastrée commune de [Localité 8] Section [Cadastre 5] n° [Cadastre 3] et, ce à compter du 15ème jour suivant la signification du jugement qui lui sera faite, sous astreinte de 150 euros par jour de retard ;

- condamné Monsieur [H] à payer à Monsieur [Y] la somme de 1.000 euros, à titre d'indemnisation en réparation du préjudice financier, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 4 juin 2021 ;

- rejeté la demande reconventionnelle de Monsieur [H] aux fins de condamnation de Monsieur [Y] à remettre en place le grillage sur limite conformément au plan établi par le cabinet de géomètres experts AGE ;

- condamné Monsieur [H] à payer à Monsieur [Y] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- rejeté la demande de Monsieur [H] au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné Monsieur [H] aux dépens ;

- rejeté le surplus de la demande relative aux dépens ;

- ordonné l'exécution provisoire du jugement en toutes ses dispositions.

Pour débouter Monsieur [H] de ses demandes, le tribunal judiciaire de Mulhouse a notamment considéré que ce dernier ne rapportait pas la preuve que la clôture querellée a été mise en place avant le 1er juillet 1989, de sorte qu'il ne pouvait pas être considéré comme possesseur de bonne foi de la parcelle litigieuse, et ce d'autant plus que le cours de la prescription ne pouvait avoir débuté tant que les parcelles Section [Cadastre 5] n° [Cadastre 3] et Section [Cadastre 5] n° [Cadastre 4] appartenaient à la même personne.

Monsieur [A] [H] a interjeté appel de ce jugement le 11 juin 2021, en toutes ses dispositions.

PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 11 août 2021, Monsieur [A] [H] demande à la cour de bien vouloir :

- infirmer le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse du 4 juin 2021 en toutes ses dispositions,

- le déclarer recevable et bien-fondé en l'ensemble des ses fins, moyens et conclusions,

- juger que Monsieur [A] [H] a acquis par usucapion la parcelle litigieuse reproduite sur le plan par le cabinet de géomètres experts AGE ;

- enjoindre à Monsieur [E] [Y] de remettre en place le grillage sur la limite conformément au plan établi par le cabinet de géomètres experts AGE, et ce sous astreinte de 150 euros par jour de retard à compter du huitième jour de la signification de l'arrêt à intervenir ;

- débouter Monsieur [E] [Y] de l'ensemble de ses fins moyens et conclusions,

- condamner Monsieur [E] [Y] à payer à Monsieur [A] [H] la somme de 2500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner Monsieur [E] [Y] aux entiers frais et dépens des deux instances.

Au soutien de son appel, Monsieur [A] [H] fait valoir que la venderesse, Madame [N], atteste avoir posé le grillage litigieux 4 m au-delà de la limite cadastrale, en 1984, donc il y a plus de 30 ans.

Il ajoute que le terrain aurait été vendu par Madame [I] [N] à son profit en 1998 avec cette limite séparative constituée par ce grillage, de sorte qu'il bénéficierait de la prescription acquisitive portant sur la bande de terrain querellée.

L'intimé ne saurait alors se plaindre d'un prétendu empiètement, à partir du moment où l'appelant rappelle qu'il estime bénéficier d'une prescription acquisitive sur ce terrain, de nombreux témoins venant attester de l'existence et de la persistance dans le temps de cette clôture. Son occupation dudit terrain aurait toujours été visible notamment parce qu'il l'a entretenu et investi par la plantation de parterres de fleurs et autres arbustes d'ornement.

En 2019, l'appelant affirme ne pas avoir posé un nouveau grillage comme soutenu par l'intimé, mais avoir simplement procédé au remplacement de l'ancienne clôture qui menaçait ruine.

Il ajoute que la possession du terrain aurait toujours été paisible, publique et non équivoque dès lors que tous les voisins considéraient cette parcelle comme ayant appartenu par le passé à Madame [N] puis à l'appelant.

Dans ces conditions il y aurait lieu d'infirmer la décision et de condamner Monsieur [Y] à remettre en place le grillage conformément au plan produit par l'appelant aux débats.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 octobre 2021, Monsieur [Y] demande à la cour de :

- confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions,

- débouter Monsieur [H] de toutes ses prétentions,

- condamner Monsieur [H], outre aux dépens, à lui payer la somme de 3500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [Y] estime qu'il est en droit d'obtenir la dépose de l'ouvrage irrégulièrement construit sur son fonds, l'empiètement litigieux ayant été dûment constaté par Monsieur [R] [L], géomètre expert, en date du 18 septembre 2019, qui attestait de l'existence d'un empiètement sur la propriété de l'intimé de 41 m² et de la disparition de bornes.

L'intimé explique ne pas comprendre comment Monsieur [H] se permet d'exciper de l'usucapion du terrain, alors qu'il n'a acquis celui-ci que le 2 septembre 1998, soit il y a 22 ans, et que le délai nécessaire à l'acquisition requis par l'article 2272 du code civil est de 30 ans.

En tout état de cause, Monsieur [Y] conteste l'existence d'une possession du terrain visible, paisible et univoque, indiquant produire des attestations ' rédigées par l'agent immobilier en charge de la vente du terrain en 2019 et de la personne s'en étant portée acquéreur ' qui démontrent qu'en 2019 la clôture litigieuse n'était pas présente sur le terrain. Il estime d'autre part que la présence de fleurs et d'aménagements végétaux ne saurait constituer une marque d'occupation du terrain.

Monsieur [Y] estime alors que le tribunal de première instance a, à juste titre, fondé sa décision, d'une part en se référant au procès-verbal de bornage établi le 3 juin 1998 et certifié par le service cadastral de la ville de [Localité 8] qui fixait les limites des deux parcelles dont l'examen démontre qu'un empiétement a eu lieu, et d'autre part en considérant que les deux parcelles appartenant initialement au même propriétaire aucune prescription acquisitive ne pouvait courir avant la vente de la première parcelle à M. [H].

Enfin, il termine en affirmant que les deux seuls éléments nouveaux apportés par Monsieur [H] à hauteur de cour, à savoir une attestation de Madame [J] [N] et de Monsieur [W] [S], qui font état du fait que la clôture installée en 2019 venait remplacer une précédente clôture, ne sont pas de nature à prouver quoi que ce soit, ces écrits n'apportant aucun élément d'information sur l'emplacement exact de la clôture.

* * *

Par ordonnance du 4 octobre 2022, la présidente de chambre, chargée de la mise en état, a ordonné la clôture de la procédure et renvoyé l'affaire à l'audience du 9 février 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIVATION

L'article 2258 du Code civil pose le principe suivant lequel « la prescription acquisitive est un moyen d'acquérir un bien ou un droit par l'effet de la possession sans que celui qui l'allègue soit obligé d'en rapporter un titre ou qu'on puisse lui opposer l'exception déduite de la mauvaise foi ».

En matière immobilière, le délai de prescription requis pour acquérir la propriété et de 30 ans lorsque celui qui réclame cette acquisition ne dispose pas d'un juste titre (article 2272 du code civil).

Il est constant que la famille [N] possédait un terrain situé à [Adresse 9], qui a fait l'objet d'une division en plusieurs parcelles, matérialisée par un procès-verbal de bornage établi par Monsieur [R] [L], géomètre expert, le 3 juin 1998 suivi d'une certification par le service du cadastre le 12 juin de cette même année.

Madame [I] [N] a, par la suite, cédé des parcelles issues de cette division, notamment au profit de Monsieur [H] le 2 septembre 1998 (Section [Cadastre 5] n° [Cadastre 4]) et de Monsieur [Y] le 1er avril 1999 (Section [Cadastre 5] n° [Cadastre 3]).

Si la cour connaît la teneur de l'acte de vente passé au profit de Monsieur [Y] - portant sur un ensemble de terrains d'une superficie de 17,37 ares réunissant deux sous parcelles - grâce à la lecture de la copie de l'acte de vente produite par l'intimé, en revanche elle ignore les termes de l'acte de vente passé au profit de l'appelant qui n'a pas souhaité transmettre de copie intégrale de l'acte notarié passé devant Maître [X] le 2 septembre 1998, se contentant de produire seulement la première page qui ne permet pas de connaître la consistance totale de la parcelle cédée.

Il n'est pas contesté que Monsieur [H], qui réclame l'usucapion de ce terrain, ne dispose pas d'un juste titre au sens de l'article 2272 du code civil, puisque ce cas de figure suppose un transfert de propriété consenti par celui qui n'en est pas le véritable propriétaire.

Par conséquent M. [H] doit rapporter la preuve de ce qu'il a occupé de manière paisible, non équivoque, et publiquement, le terrain pendant 30 années.

Or, force est de constater qu'il n'occupe le terrain que depuis 1998, soit moins de 30 ans.

D'autre part, comme l'a fort justement écrit le premier juge, avant le procès-verbal de bornage établi par le géomètre expert le 3 juin 1998, il ne pouvait y avoir de prescription trentenaire acquisitive sur ce terrain dès lors que les parcelles section [Cadastre 5] numéro [Cadastre 3] et [Cadastre 4] appartenaient à une seule et même personne, à savoir [I] [N].

Il en résulte que le débat de savoir depuis quand le grillage litigieux était en place (1984 ou plus tard) ne présente aucun intérêt.

Dans ces conditions la fin de non-recevoir en lien avec la prescription acquisitive, soutenue par l'appelant, sera rejetée, l'action de Monsieur [Y] étant déclarée recevable.

La réalité de l'empiétement sur la parcelle de l'intimé du fait de la clôture mise en place par Monsieur [H] n'est pas contestée.

Le premier juge a alors à juste titre condamné Monsieur [H] à retirer cette clôture pour libérer la parcelle section [Cadastre 5] numéro [Cadastre 3] de son empiétement et ce sous astreinte.

Le jugement devra être confirmé, tant en ce qu'il a condamné Monsieur [H] à mettre un terme à son emprise, qu'en ce qu'il l'a condamné à indemniser le propriétaire de cette parcelle en lui versant un montant de 1 000 euros à titre de dommages et intérêts.

La décision sera également confirmée en ses dispositions portant sur le sort réservé par le tribunal à la demande reconventionnelle de Monsieur [H] et sur les demandes accessoires portant sur la question des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile.

Monsieur [A] [H], partie succombante au sens de l'article 696 code de procédure civile, sera condamné aux dépens de la procédure d'appel et à verser à Monsieur [E] [Y] une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés dans le cadre de la procédure d'appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de Monsieur [H] tendant à être indemnisé de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Mulhouse le 4 juin 2021 dans le litige opposant Monsieur [A] [H] à Monsieur [E] [Y],

Et y ajoutant

CONDAMNE Monsieur [A] [H] aux dépens de la procédure d'appel,

CONDAMNE Monsieur [A] [H] à verser à Monsieur [E] [Y] une somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre des frais irrépétibles qu'il a engagés à hauteur d'appel,

REJETTE la demande de Monsieur [A] [H] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/02954
Date de la décision : 30/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-30;21.02954 ?
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