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24/03/2023 | FRANCE | N°20/02360

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 24 mars 2023, 20/02360


MINUTE N° 166/2023





























Copie exécutoire à :





- Me Julie HOHMATTER





- Me Valérie BISCHOFF

- [J]





Le 24 mars 2023





Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 24 MARS 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/0236

0 -

N° Portalis DBVW-V-B7E-HMEI



Décision déférée à la cour : 09 Juillet 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTS et INTIMÉS SUR APPEL INCIDENT :



Monsieur [C] [I]

Madame [G] [I]

demeurant tous les deux [Adresse 6]



représentés par Me Julie HOHMATTER, Avo...

MINUTE N° 166/2023

Copie exécutoire à :

- Me Julie HOHMATTER

- Me Valérie BISCHOFF

- [J]

Le 24 mars 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 24 MARS 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/02360 -

N° Portalis DBVW-V-B7E-HMEI

Décision déférée à la cour : 09 Juillet 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTS et INTIMÉS SUR APPEL INCIDENT :

Monsieur [C] [I]

Madame [G] [I]

demeurant tous les deux [Adresse 6]

représentés par Me Julie HOHMATTER, Avocat à la cour

INTIMÉS et APPELANTS SUR APPEL INCIDENT :

Le Syndicat de copropriété de l'immeuble [Adresse 10], pris en la personne de son syndic, le Cabinet IMMO M,

ayant siège social [Adresse 8]

sis [Adresse 7].

La S.A.R.L. AGENCE STRASBOURG IMMOBILIERE,

prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 5] à

[Localité 9]

représentés par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, Avocat à la cour

plaidant : Me Jean WEYL, Avocat au barreau de Strasbourg

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 1er Septembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Mme Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN.

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement, après prorogation du 10 novembre 2022, par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente, et Madame Sylvie SCHIRMANN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

2

FAITS ET PROCÉDURE

Les époux [C] et [G] [I] sont propriétaires des lots n°[Cadastre 1], [Cadastre 2] et [Cadastre 3] dans un ensemble immobilier soumis au régime de la copropriété, dénommé « [Adresse 10] », sis [Adresse 4], dont la société Agence Strasbourg Immobilière a été le syndic.

Par exploit signifié le 20 novembre 2015, les époux [I] ont saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg d'une demande d'annulation des résolutions n° 4 et 5 de l'assemblée générale des copropriétaires du 14 septembre 2015 portant sur l'approbation des comptes de l'exercice clos au 31 mars 2015, et donnant quitus au syndic pour sa gestion arrêtée à cette date, ainsi que d'une demande d'annulation du mandat de syndic conféré à l'Agence Strasbourg immobilière.

Par jugement du 9 juillet 2020, le tribunal judiciaire, après avoir déclaré recevables les demandes des époux [I], les a débouté de leurs demandes d'annulation de la résolution n°4 votée lors de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble "[Adresse 10]" le 14 septembre 2015, et d'annulation du mandat du syndic, ainsi que de leurs demandes de dommages et intérêts et au titre de l'article 700, a annulé la résolution n°5 votée lors de cette assemblée générale des copropriétaires, et a condamné solidairement les époux [I] aux entiers dépens de la procédure ainsi qu'à payer au syndicat des copropriétaires la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, rejetant toutes autres demandes.

Sur la demande d'annulation de la résolution n° 4 relative à l'approbation des comptes de l'exercice 2014-2015, le tribunal a retenu que :

- cette résolution avait été partiellement annulée par une assemblée générale ultérieure en ce qui concerne deux écritures comptables relatives l'une à la taxe foncière d'un emplacement de parking privatif, lot n°47, d'un montant de 48 euros, et l'autre à une facture de frais d'archivage d'un montant de 102,20 euros, et que les sommes correspondantes avaient été remboursées à la copropriété ce qui rendait la demande sans objet ;

- le règlement de copropriété prévoyait que la consommation d'eau afférente aux parties communes générales était une charge commune générale, et que les consommations des lots privatifs devaient être réparties en fonction de l'indication des compteurs, que rien n'étant prévu en cas de carence des copropriétaires dans la communication des relevés des compteurs le fait pour le syndic d'imputer à ces copropriétaires une consommation forfaitaire sur la base de celle de l'année précédente augmentée du prix de l'eau ne pouvait lui être reproché, le fait que de nouveaux compteurs pouvant être relevés à distance aient été ultérieurement installés ne permettant pas d'établir une irrégularité comptable pour l'exercice concerné, outre qu'aucun abus de majorité n'était démontré ;

- aucune irrégularité comptable n'était démontrée s'agissant du report des remboursements de la consommation électrique privative d'un copropriétaire pour son garage, puisque le relevé général des dépenses de la copropriété mentionnait en produit 'quote part électricité garage'.

Sur la demande d'annulation du mandat du syndic, le tribunal a considéré que la demande était recevable quand bien même la désignation du syndic avait-elle été faite lors d'une autre assemblée générale que celle contestée car il existait un lien suffisant avec le litige. Au fond, le premier juge a retenu que :

- si la société Agence Strasbourg immobilière qui avait été désignée syndic par l'assemblée générale du 31 mars 2014 devait, en application de l'article 18 II de la loi de 1965 modifiée, ouvrir un compte bancaire ou postal séparé avant le 1er juillet 2014, le syndic avait toutefois été dispensé par la même assemblée générale de l'ouverture d'un tel compte pour la durée de son mandat, soit jusqu'au 30 septembre 2016,

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- l'assemblée générale du 22 septembre 2014 avait à nouveau dispensé le syndic de cette ouverture mais seulement jusqu'au 31 décembre 2014, de sorte qu'un compte séparé devait être ouvert avant le 1er janvier 2015,

- la preuve devait en être rapportée par écrit, le cas échéant par un commencement de preuve par écrit complété par d'autres éléments, ce qui était le cas en l'espèce au vu d'un courrier du 18 décembre 2014 par lequel la société Agence Strasbourg immobilière avait informé les copropriétaires de l'ouverture d'un compte séparé auprès de la banque BNP Paribas à compter du 1er janvier 2015, avec les coordonnées de ce compte, corroboré par deux attestations de la banque,

- les pièces produites par les époux [I], qui pour certaines se rapportaient à la période pendant laquelle le syndic était dispensé de l'ouverture d'un compte séparé, n'établissaient pas le contraire.

Sur la demande d'annulation de la résolution n°5 - quitus donné au syndic -, le tribunal a retenu une faute de gestion consistant pour le syndic à avoir réglé la taxe foncière du lot n°47 afférent à un parking privatif, faute reconnue puisqu'il avait proposé à une assemblée générale ultérieure l'annulation de cette écriture comptable, alors qu'il aurait dû contester l'avis d'imposition qui lui avait été adressé pour ce lot, peu important que la SCI propriétaire soit liquidée. Le tribunal a considéré que cette faute de gestion était nécessairement constitutive d'un abus de majorité en ce qu'elle favorisait le copropriétaire du parking au détriment des autres, sans aucun gain pour eux. Il en était de même s'agissant du paiement de la facture d'archivage imputée à tort à la copropriété en l'absence de décision de l'assemblée générale l'autorisant. Le tribunal a donc considéré que la résolution critiquée devait être annulée, quitus ne pouvant être donné au syndic pour sa gestion.

Les époux [I] ont interjeté appel de ce jugement, le 18 août 2020, en ce qu'il les a débouté de certaines de leurs demandes, ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 1er février 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 avril 2021, les époux [I] demandent l'infirmation des chefs du jugement visés dans la déclaration d'appel, et que la cour, statuant à nouveau :

- annule la résolution n° 4 de l'assemblée générale du 14 septembre 2015,

- dise et juge que la SAS Agence Strasbourg Immobilière n'a pas procédé à l'ouverture d'un compte bancaire séparé au nom du syndicat des copropriétaires.

- prononce la nullité du mandat de syndic conféré à la SAS Agence Strasbourg Immobilière par l'assemblée générale des copropriétaires au 1er janvier 2015 ;

- confirme le jugement du 9 juillet 2020 n° RG 15/06183 en ce qu'il a annulé la résolution n°5 de l'assemblée générale de la copropriété « [Adresse 10] » du 14 Septembre 2015 ;

- déboute la SAS Agence Strasbourg Immobilière et le syndicat des copropriétaires de l'immeuble « [Adresse 10] » de l'intégralité de leurs demandes, fins et conclusions ainsi que de leur appel incident ;

en tout état de cause,

- condamne la SAS Agence Strasbourg Immobilière au paiement d'une somme de 1 000 euros aux appelants à titre de dommages et intérêts en réparation de leur préjudice,

- condamne la SAS Agence Strasbourg Immobilière au paiement d'une somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de la procédure, y compris ceux de l'exécution éventuelle du 'jugement' à intervenir, honoraires d'huissier inclus.

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Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 17 mai 2021, le syndicat des copropriétaires et la société Agence Strasbourg immobilière demandent à la cour de rejeter l'appel des époux [I], de les débouter de leurs fins, moyens et conclusions, et de les condamner 'solidairement in solidum' au paiement d'une somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et sur appel incident, d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a annulé la résolution n° 5 votée lors de l'assemblée générale des copropriétaires de l'immeuble [Adresse 10] le l4 septembre 2015, et statuant à nouveau, de déclarer l'action des époux [I] irrecevable, à tout le moins mal fondée, les en débouter ainsi que de l'intégralité de leurs fins, moyens et conclusions, et de les condamner 'solidairement in solidum' aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel ainsi qu'au paiement d'une indemnité de 2 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

1- Sur la demande d'annulation de la résolution n°4

Il appartient aux époux [I] qui demandent l'annulation de la résolution ayant approuvé les comptes de l'exercice 2014-2015 de démontrer leur irrégularité.

1-1 sur l'imputation de la taxe foncière du lot n°47

Les appelants invoquent l'imputation irrégulière de la taxe foncière 2014 du lot n°47 qui est un lot privatif à la différence des autres parkings qui ont été intégrés aux parties communes, soulignant que le budget prévisionnel de l'exercice 2016-2017 a intégré cette dépense, et que ce n'est qu'en mars 2017 que cette somme a été portée au débit du compte de la SCI Imotec copropriétaire, à laquelle appartient ce lot, alors que la même écriture avait été portée au crédit du relevé général des dépenses de la copropriété de l'année précédente, de sorte que les équilibres comptables des exercices 2015-2016 et 2016-2017 n'ont pas été respectés et que les assemblées générales n'ont pu approuver les comptes en étant pleinement informées.

Ils considèrent qu'en réalité il n'y a pas eu de remboursement puisque le dégrèvement n'a pas été obtenu pour cet exercice, la demande ayant été formulée au-delà du délai de réclamation, outre que la SCI Imotec ne paie pas ses charges. Ils estiment que la prise en charge par la copropriété de la taxe foncière afférente à ce lot est de nature à favoriser les époux [W] qui sont majoritaires dans la copropriété à travers différentes sociétés, M. [W] étant le gérant de la SCI Imotec propriétaire du lot n°47, le syndicat des copropriétaires ne pouvant prétendre être devenu propriétaire de ce lot par usucapion en l'absence notamment de juste titre permettant une prescription abrégée.

Les intimés opposent que :

- le syndicat des copropriétaires ayant reçu un avis d'imposition pour le lot n°47 devait le payer,

- la SCI Imotec n'existe plus, puisqu'elle est liquidée et radiée du Registre du commerce et des sociétés, de sorte qu'elle ne peut plus être propriétaire ni céder un bien,

- le syndicat des copropriétaires qui a l'usage de ce lot est le seul à pouvoir revêtir la qualité de propriétaire et peut se prévaloir de l'usucapion, notamment du fait du paiement de la taxe foncière,

- aucun des associés, et notamment pas M. [W], n'ont exprimé l'intention de revendiquer la propriété de ce lot,

- il n'y a pas d'abus de majorité puisque la SCI Imotec n'existe plus,

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- pour éviter toute polémique l'assemblée générale du 11 juillet 2016 a voté l'annulation partielle de la résolution n°4 sur ce point et une demande de dégrèvement a été présentée,

- le fait que la somme ait été créditée sur le compte de la copropriété régularise la situation comptable de la copropriété, nonobstant le fait que le compte de la SCI a été débité ultérieurement.

Sur ce :

La cour constate, à l'examen des pièces produites, et notamment de l'acte rectificatif de l'état descriptif de division du 27 juillet 2000, qu'il n'est pas contestable que le lot n°47 est un lot privatif, de sorte que la taxe foncière afférente à ce lot ne devait pas être supportée par la copropriété, quelle que soit la situation juridique de la SCI Imotec, propriétaire de ce lot, le syndicat des copropriétaires ne démontrant ni l'intégration de ce lot dans les parties communes à la différence d'autres emplacements de stationnement, ni en être devenu propriétaire par voie d'usucapion.

Toutefois, comme l'a relevé le tribunal, il n'est pas contesté que l'annulation de cette écriture comptable a été soumise à l'assemblée générale du 11 juillet 2016 qui l'a approuvée (résolution n°5) et a, à nouveau, approuvé les comptes de l'exercice du 1er avril 2014 au 31 mars 2015, après retrait des écritures comptables litigieuses, (résolution n°6), de sorte qu'en l'absence d'annulation des décisions prises lors de cette assemblée générale, la contestation sur ce point est devenue sans objet.

L'absence de dégrèvement est par ailleurs sans emport puisque les écritures comptables ont été régularisées et la dépense indue imputée au compte du propriétaire du lot n°47 en mars 2017. Il sera enfin observé que l'annulation de la résolution approuvant le budget prévisionnel intégrant cette dépense n'est pas demandée.

Le jugement doit donc être approuvé en ce qu'il a écarté cette contestation.

1-2 sur la répartition des consommations d'eau communes et privatives

Les appelants font valoir en premier lieu, s'agissant de la répartition des consommations communes d'eau froide, qu'il existe deux compteurs pour les quatre bâtiments, de sorte que la consommation d'eau doit être répartie, à l'instar des charges communes d'électricité, entre les copropriétaires concernés des bâtiments A-17 et B-19, d'une part, et C-21 et D-23, d'autre part, alors que la répartition est faite entre tous les copropriétaires sur la base des tantièmes généraux, en méconnaissance du règlement de copropriété qui prévoit une répartition entre les copropriétaires concernés selon les tantièmes de chaque groupe de parties spéciales. Ils soutiennent que le tribunal ne s'est manifestement pas appuyé sur la version la plus récente du règlement de copropriété, outre que la rédaction du règlement de copropriété est imprécise et ne correspond plus à l'état descriptif de division, alors qu'il y a deux groupes de bâtiments A et B, C et D qui ont des contrats distincts. Ils en déduisent que la répartition des charges communes est inégalitaire, et injustifiée en violation de l'article 10 de la loi du 10 juillet 1965.

En second lieu, ils reprochent au syndic d'avoir appliqué des 'forfaits' pour la répartition des consommations d'eau privatives de certains lots sans y être autorisé par une décision de l'assemblée générale des copropriétaires, et invoquent une rupture d'égalité entre les copropriétaires. Ils relèvent que l'assemblée générale a, ultérieurement, opté pour une prestation de télé-relevé à distance, ce qui a conduit à une diminution importante des charges imputées au titre de la consommation commune.

Enfin, les erreurs ne peuvent pas être régularisées d'un exercice à l'autre puisque la validation des comptes cristallise définitivement ces erreurs pour chaque exercice, et qu'il n'existe aucune fongibilité entre les différents exercices budgétaires clos.

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Le syndicat des copropriétaires et la société Agence Strasbourg immobilier opposent tout d'abord que le règlement de copropriété ne prévoit pas de parties communes spéciales pour les charges d'eau, que les quatre catégories de parties communes spéciales se rapportent à chacun des quatre immeubles, et non à un groupe de deux immeubles, et que la répartition par bâtiment de la consommation d'eau froide des parties communes n'est pas possible en l'absence de compteur divisionnaire par immeuble. En ce qui concerne les charges d'électricité, il y a un abonnement par bâtiment.

Les intimés soutiennent ensuite qu'il n'y a pas eu d'imputation des consommations privatives au forfait mais en fonction des relevés individuels, et que lorsque le syndic ne dispose pas d'un relevé individuel il procède, dans un premier temps, à une imputation sur la base des consommations précédemment relevées avec une augmentation en fonction du prix de l'eau, ce qui est régularisé dans un second temps sur les exercices suivants par l'imputation de la consommation réelle. Ils considèrent que cette méthode n'est pas contraire au règlement de copropriété et n'est pas non plus défavorable aux époux [I], ajoutant que la répartition des charges ne peut être faite sur la base d'une esquisse qui est purement descriptive et destinée au cadastre, et que seul le règlement de copropriété la fixe.

Ils soutiennent enfin que le refus d'inscrire à l'ordre du jour la proposition de M. [I] de mise en place d'une procédure de relevé par le conseil syndical dans tous les lots était justifié non seulement car la mission de relever les compteurs ne pouvait être dévolue au conseil syndical mais aussi car cela était difficilement praticable.

Le syndicat des copropriétaires souligne enfin, qu'en tout état de cause, il s'agit d'un problème de répartition au niveau des décomptes individuels mais pas d'approbation du compte général de la copropriété car il n'est pas démontré que les comptes seraient faux. Le refus d'inscription du projet de résolution qui n'était pas de nature à influer sur le vote des résolutions soumises à l'assemblée générale ne pouvant justifier leur annulation.

Sur ce :

Selon le règlement de copropriété du 22 décembre 1994 (annexes 17 des appelants et 1 des intimés) qui n'a pas subi de modification sur ce point, les charges communes comprennent notamment les frais de consommation d'eau, d'électricité, de chauffage et autres des parties communes à l'ensemble des copropriétaires de l'immeuble.

Il est stipulé que les charges relatives à la conservation, à l'entretien et à l'administration des parties générales sont réparties entre les copropriétaires au prorata de leurs tantièmes de copropriété, et que les charges concernant les groupes des parties communes spéciales sont réparties uniquement entre les copropriétaires de ces groupes également au prorata de leurs tantièmes de copropriété respectifs.

Si le règlement de copropriété prévoit des PC2 et des PC3 correspondant respectivement au gros oeuvre et espaces communs (cage d'escalier, paliers, locaux poubelles et vélos...) des bâtiments A et B, et si l'acte complémentaire modificatif du 28 juin 1995 institue des parties communes spéciales PC 4 et PC 5 correspondant au gros oeuvre, ainsi qu'aux espaces et locaux communs des bâtiments C et D, aucune modification n'a été apportée à la répartition des charges communes. Aucune répartition par groupe de deux immeubles n'a par ailleurs été prévue.

Par voie de conséquence, et en l'absence de compteur divisionnaire par bâtiment, la répartition des consommations d'eau froide des communs doit se faire sur la base des tantièmes de copropriété, conformément au règlement de copropriété qui ne prévoit pas une imputation différenciée par bâtiment. La comparaison opérée avec les charges d'électricité est inopérante puisqu'il n'est pas contesté que chaque bâtiment dispose d'un compteur distinct.

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S'agissant des consommations d'eau individuelles, le règlement de copropriété prévoit que chacun des copropriétaire acquitte ses propres frais de consommation d'électricité et autres fournitures selon indications des compteurs. Aucune procédure n'est toutefois prévue en cas d'absence de communication par un copropriétaire de son relevé individuel.

La ventilation opérée par le syndic ayant consisté à pallier la carence des copropriétaires en leur imputant, non pas un forfait, bien que le terme soit utilisé par le syndic, mais une consommation évaluée sur la base de leur consommation antérieure, n'apparaît pas critiquable, et ne suffit pas pour considérer que les comptes seraient erronés, les montants payés en plus ou en moins faisant en tout état de cause l'objet de régularisations ultérieures lors de la communication des relevés. Il n'est en outre pas démontré que cette méthode aurait conduit à faire supporter des charges indues aux copropriétaires ayant satisfait à l'obligation de communication de leur relevé individuel.

Le jugement sera donc approuvé en tant qu'il n'a pas retenu d'irrégularité à ce titre.

1-3 sur les autres irrégularités alléguées

Les époux [I] font valoir d'une part qu'une facture correspondant à des frais de conservation et de gestion d'archives dormantes par une société externe a été incluse dans le poste « charges communes générales ' frais administratif & AG  en l'absence de décision de l'assemblée générale l'autorisant, en violation de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, et d'autre part, qu'un propriétaire du bâtiment n° 23 a modifié le réseau électrique commun afin d'alimenter son garage privatif, sans autorisation de l'assemblée générale, et que si la société Agence Strasbourg immobilier a procédé à la régularisation des consommations privatives du copropriétaire concerné, le produit comptable concerné n'apparaissait pas dans les pièces comptables transmises lors de la convocation de l'assemblée générale, qui n'étaient pas identiques à celles soumises au tribunal, le compte-rendu de gestion du syndic, et celui du conseil syndical, dont le copropriétaire concerné faisait partie, ne faisant nullement état de ce remboursement.

Le syndicat des copropriétaires et la société Agence Strasbourg immobilier font valoir que :

- l'erreur d'imputation de la facture d'archivage a été rectifiée,

- le remboursement de la quote-part d'électricité du lot n°23 figure expressément au crédit du sous-compte électricité des charges du bâtiment D, le relevé joint à la convocation n'étant qu'une version simplifiée du relevé général.

Sur ce :

Comme cela a été relevé précédemment l'écriture comptable correspondant à l'imputation de la facture d'archivage a été annulée par l'assemblée générale du 11 juillet 2015 qui a validé les comptes ainsi rectifiés, de sorte que la contestation est sans objet.

De même, la quote-part de la consommation d'électricité correspondant au garage privatif imputée au propriétaire de ce lot, d'un montant de 37,74 euros, a été inscrite en produit dans le relevé général des dépenses du bâtiment 23. Si ce produit n'apparaît pas explicitement dans le relevé simplifié joint à la convocation à l'assemblée générale, ce relevé n'est pas pour autant erroné puisqu'il y est fait mention d'un montant à répartir au titre de l'électricité du bâtiment 23 de 604,45 euros lequel tient compte de la déduction de la somme de 37,74 euros, de sorte qu'aucune irrégularité des comptes n'est établie, le fait que la modification de l'installation et le branchement d'un lot privatif sur l'installation commune soient irréguliers étant sans emport à cet égard.

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Il résulte de l'ensemble de ce qui précède que les contestations des époux [I] ne sont pas fondées. En outre, les comptes de l'exercice 2014-2015, rectifiés après annulation de deux écritures, ayant été approuvés par l'assemblée générale du 11 juillet 2016, le jugement doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'annulation de la résolution n° 4 de l'assemblée générale du 14 septembre 2015.

2- Sur l'ouverture d'un compte séparé et la nullité du mandat du syndic

Les époux [I] soutiennent qu'aucun compte bancaire séparé n'a été ouvert au nom du syndicat durant la gestion de la société Agence Strasbourg Immobilière, malgré les affirmations de cette dernière dans son courrier daté du 18 décembre 2014, et s'appuient sur les relevés d'identité bancaire transmis par la société du 6 juin 2014 au 9 janvier 2015, et sur l'intitulé des chèques, outre le fait que le syndic n'a jamais présenté de convention d'ouverture de compte séparé, mais seulement deux attestations de 'non fusion' datées du 25 avril et 27 juin 2017 qui ne suffisent pas à démontrer qu'un compte séparé a été ouvert au nom du syndicat des copropriétaire, alors qu'il existe des différences entre les intitulés du titulaire du compte dans ces documents et sur les relevés bancaires transmis antérieurement, le conseil syndical n'ayant pu obtenir la justification de l'existence d'un compte séparé.

Le syndicat des copropriétaires et la société Agence Strasbourg Immobilière contestent la recevabilité de cette demande pour absence de lien suffisant avec le litige relatif à la validité des résolutions votées lors de l'assemblée générale du 14 septembre 2015. Au fond, les intimés opposent qu'il est suffisamment justifié de l'ouverture d'un compte séparé par la production de la demande d'ouverture de compte et par les attestations de la banque comportant les références dudit compte, aucune des pièces produites en appel dont certaines sont antérieure à janvier 2015 ne prouvant le contraire, outre qu'il est logique que le nom du syndic qui représente la copropriété figure sur le chéquier du syndicat des copropriétaires.

Sur ce :

Le syndicat des copropriétaires n'ayant pas formé appel incident du chef du jugement ayant déclaré recevable la demande des époux [I] à ce titre, la cour n'a pas à examiner la fin de non-recevoir développée par les intimés dans les motifs de leurs conclusions.

Il appartient à la société Agence Strasbourg Immobilière de démontrer l'ouverture d'un compte séparé. Aucune convention d'ouverture d'un compte séparé n'a été produite par cette dernière ni lors de lors de l'assemblée générale du 26 septembre 2017 malgré la demande des copropriétaires, ni en cours de procédure. Toutefois, comme l'a retenu le tribunal, la preuve de l'existence d'une telle convention peut être rapportée au moyen d'un commencement de preuve par écrit complété par des éléments extrinsèques. A cet égard, l'intimée produit le courrier du 2 avril 2004 par lequel, suite à sa désignation en qualité de syndic, elle a demandé à la banque BNP Paribas d'ouvrir un compte au nom de la copropriété [Adresse 10], ainsi qu'une attestation de cette banque du 13 février 2015 indiquant que la copropriété est titulaire en ses livres d'un compte séparé dont elle indique la référence client et le numéro IBAN, et une attestation du 27 juin 2017 de cette banque indiquant que ledit compte ne peut fusionner avec aucun autre compte que la société Agence Strasbourg Immobilière pourrait avoir dans ses livres. En outre, par un courrier du 18 décembre 2014 la société Agence Strasbourg Immobilière informait les copropriétaires de l'ouverture d'un compte séparé qui conservait le même numéro que le précédent.

Ces éléments sont suffisants pour établir l'ouverture par la société Agence Strasbourg Immobilière d'un compte séparé au nom de la copropriété, les époux [I] ne démontrant pas qu'il s'agirait en réalité d'un sous-compte comme ils l'affirment. Cela ne peut en effet être déduit du fait que le nom et l'adresse du syndic qui représente le syndicat

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des copropriétaires soient indiqués sur les relevés d'identité bancaires, ou sur un chéquier, étant observé à cet égard que le relevé d'identité bancaire afférent au compte ouvert au nom du syndicat des copropriétaires par le nouveau syndic, la société Immo M, comporte, de la même manière, le nom et l'adresse du syndic et non pas l'adresse du syndicat (annexe 51 des appelants).

Sont tout aussi inopérants les arguments tirés de l'utilisation par la banque, dans une attestation du 25 avril 2017, de l'acronyme 'SDC' suivi de la mention '[Adresse 10]', qui serait, selon les appelants, susceptible de désigner aussi bien le 'syndic de copropriété', que le 'syndicat des copropriétaires', ou l'absence de l'adjectif 'séparé' dans l'attestation de 'non fusion' du 27 juin 2017, ou encore le refus opposé par la banque à une demande d'information émanant d'une copropriétaire en se prévalant du secret professionnel. Le fait que le numéro ICS (identifiant créancier Sepa) figurant sur un mandat de prélèvement joint à un courrier du 3 juin 2014 soit celui de la société Agence Strasbourg Immobilière, alors qu'à cette date celle-ci était dispensée de l'ouverture d'un compte séparé, est sans emport. Sur ce dernier point, les courriels échangés entre le nouveau syndic et la conseillère chargée de clientèle du Crédit Mutuel ne permettent pas de déterminer précisément à quelle date un nouvel identifiant a été attribué à la copropriété, et il n'est pas non plus établi que la société Agence Strasbourg Immobilière aurait continué à prélever des appels de fonds qui auraient alimentés son propre compte comme l'affirment les appelants.

Enfin, le fait que la banque BNP Paribas ait décidé de clôturer le compte suite au changement de syndic ne peut être imputé à la société Agence Strasbourg Immobilière, ni caractériser une volonté de cette dernière de nuire au syndicat des copropriétaires.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a rejeté la demande tendant à voir constater l'absence d'ouverture par la société Agence Strasbourg Immobilière d'un compte séparé, et la demande subséquente en nullité de son mandat de syndic.

3 - Sur la résolution n° 5

Au soutien de leur appel incident, le syndicat des copropriétaires et la société Agence Strasbourg Immobilière font valoir que le syndic n'avait commis aucune faute de gestion en lien de causalité avec un préjudice puisque les montants contestés ont fait l'objet d'une régularisation comme l'a retenu le tribunal. Ils soutiennent en outre que le tribunal ne pouvait pas dire que la faute de gestion était constitutive d'un abus de majorité, cette notion n'ayant pas lieu d'être à ce stade et ne pouvant fonder l'annulation de la résolution.

Les époux [I] demandent la confirmation du jugement sur ce point.

Sur ce :

Le quitus consiste pour les copropriétaires à approuver la gestion du syndic au titre d'un exercice donné. C'est en effet à tort que le tribunal a considéré que les fautes de gestion commises caractérisaient un abus de majorité, qui ne peut concerner que le vote d'un ou de plusieurs copropriétaires, alors que le syndic, qui n'est pas membre du syndicat, ne prend pas part aux votes.

En revanche, il est établi que la société Agence Strasbourg Immobilière avait procédé à des imputations de charges irrégulières en faisant supporter aux copropriétaires des frais d'archivage sans décision de l'assemblée générale, ainsi que la taxe foncière d'un lot privatif, étant observé sur ce dernier point que la société Agence Strasbourg Immobilière avait expressément demandé à l'administration fiscale, par un courrier du 1er octobre 2014, de lui adresser les taxes foncières de la SCI Imotec pour règlement.

10

Ces manquements caractérisant des fautes de gestion, le jugement entrepris sera donc confirmé en ce qu'il a annulé la résolution n°5 par laquelle quitus a été donné au syndic, la régularisation intervenue dans le cadre d'une assemblée générale ultérieure étant sans emport à cet égard.

4- Sur la demandes de dommages et intérêts des époux [I]

Le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a considéré que les époux [I] ne rapportaient pas la preuve d'un préjudice découlant des imputations erronées au regard du caractère minime de ces imputations, qu i représentent pour eux un montant total de 6,78 euros, et de leur régularisation ultérieure.

5- Sur les dépens et les frais exclus des dépens

Le jugement étant confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et frais exclus des dépens.

Les époux [I] qui succombent à titre principal supporteront la charge des dépens d'appel et seront déboutés de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera en revanche alloué au syndicat des copropriétaires et à la société Agence Strasbourg Immobilière, ensemble, la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME, dans les limites de l'appel, le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 9 juillet 2020 ;

Y ajoutant,

DEBOUTE les époux [I] de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE les époux [C] et [G] [I] in solidum aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer au syndicat des copropriétaires de l'ensemble immobilier '[Adresse 10]' et à la SAS Agence Strasbourg Immobilière, ensemble, une somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/02360
Date de la décision : 24/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-24;20.02360 ?
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