La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

23/03/2023 | FRANCE | N°22/02684

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 23 mars 2023, 22/02684


MINUTE N° 160/2023





























Copie exécutoire à



- Me Valérie SPIESER



- Me Christine BOUDET





Le 23 mars 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 23 Mars 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/02684 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H4DI

r>
Décision déférée à la cour : 30 Mai 2022 par le président du Tribunal judiciaire de SAVERNE.





APPELANTS et intimés sur incident :



Monsieur [F] [H]

Madame [N] [H]

demeurant ensemble [Adresse 4]



représentés par Me Valérie SPIESER, avocat à la cour.





IN...

MINUTE N° 160/2023

Copie exécutoire à

- Me Valérie SPIESER

- Me Christine BOUDET

Le 23 mars 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 23 Mars 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 22/02684 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H4DI

Décision déférée à la cour : 30 Mai 2022 par le président du Tribunal judiciaire de SAVERNE.

APPELANTS et intimés sur incident :

Monsieur [F] [H]

Madame [N] [H]

demeurant ensemble [Adresse 4]

représentés par Me Valérie SPIESER, avocat à la cour.

INTIMÉS et appelants sur incident :

Monsieur [I] [R]

Madame [K] [R]

demeurant ensemble [Adresse 3]

représentés par Me Christine BOUDET, avocat à la cour.

avocat plaidant : Me DUSS, avocat à Strasbourg.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 02 Février 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSÉ DU LITIGE

Monsieur [I] [R], propriétaire d'un ensemble immobilier qui comportait deux maisons d'habitation au [Adresse 3] et [Adresse 4], a fait procéder à une division parcellaire, puis a vendu aux époux [H] la maison située au [Adresse 4] sur la parcelle cadastrée n°[Cadastre 1], tout en conservant la maison située au numéro [Adresse 3] sur la parcelle cadastrée n° [Cadastre 2].

Les relations entre les consorts [R] et les consorts [H] se sont progressivement dégradées, pour en arriver à une situation contentieuse au sujet notamment du mur de soutènement qui se trouve à la frontière les deux propriétés.

Monsieur [G] [P], conciliateur de justice, est intervenu en vue de régler le différend qui opposait les voisins.

Par ce biais, les parties sont parvenues à un accord le 13 juillet 2020, signé devant le conciliateur de justice ; s'agissant de la question du mur de soutènement litigieux, le constat d'accord prévoyait ainsi :

« 1°) Les époux [H] s'engagent à remplacer le mur existant qui risque de s'effondrer en faisant réaliser un mur de soutènement dans les règles de l'art.

A toutes fins utiles il est rappelé que la réalisation d'un mur de soutènement ne souffre d'aucune improvisation et nécessite une étude sérieuse pour déterminer les poussées qui seront exercées sur l'ouvrage (poussée des terres, mais aussi poussée des eaux d'infiltration ; pour éviter ce dernier phénomène, la mise en place d'un drainage pourra être envisagée).

2°) M. [R] s'engage à procéder au démontage du hangar, en tout ou partie, pour permettre la démolition du mur défaillant et la construction du nouveau mur de soutènement. Par la suite, il pourra remonter le hangar (en veillant à ne pas prendre appui sur le mur).

3°) D'ores et déjà les époux [R] autorisent l'accès à la zone des travaux sur leur terrain selon parcours schématisé ci-après, à partir du chemin appelé "[Localité 5]" :

Ils accordent cette autorisation sans contrepartie financière.

Les époux [H] demanderont à l'entreprise intervenante de remettre le terrain en état en nivelant les éventuelles ornières qui auront pu être causées par le passage d'engins ou le dépôt de matériaux. Les époux [R] les dispensent de faire procéder à la re-végétalisation de la zone de travaux et de l'accès.

Un état des lieux sera dressé contradictoirement avant et après travaux, les 2 parties entendant ainsi marquer leur volonté à engager des relations normalisées.

4°) M. [H] précise les différentes étapes de l'opération :

' Il sera en mesure de s'en occuper à la fin de l'été,

' Il commencera par faire intervenir un géomètre pour assurer le relevé de la limite parcellaire,

' Il prendra ensuite contact avec des entreprises pour l'établissement de devis,

' Quand le choix de l'entreprise aura été fait, il communiquera à M. [R] la date fixée pour le démarrage des travaux ainsi que le délai estimatif de la durée du chantier.

Dans ces conditions les époux [H] s'engagent à achever l'opération (mur monté, zone de travaux débarrassée et nivelée) pour le Mercredi 30 juin 2021 au plus tard, sous astreinte de cinquante euros (50 Euros) par jour calendaire de retard au bénéfice des époux [R] ».

Ce constat d'accord a fait l'objet d'une « ordonnance de constatation » délivrée par le tribunal de Saverne le 2 septembre 2020.

Le 6 juillet 2021, les époux [R] ont fait dresser un constat d'huissier, lequel établit que les époux [H] n'ont pas réalisé les travaux sur le mur de soutènement objet du procès-verbal d'accord.

Les époux [R] ont saisi le juge des référés de Saverne de sorte que par ordonnance du 30 mai 2022, ce dernier a condamné les époux [H] à réaliser à leurs frais les travaux de remise en état du mur séparatif, dans les termes du constat d'accord du 13 juillet 2020, dans un délai de 6 mois et sous astreinte de 50 Euros par jour de retard au-delà, et à regler les dépens.

Le juge des référés a en revanche rejeté la demande d'octroi d'une provision présentée par les époux [R] sur la base de l'astreinte déjà fixée dans le constat d'accord et la demande de désignation d'un expert géomètre formée par le consorts [H].

Le magistrat a rappelé que l'article 835 du code de procédure civile l'autorisait - même en présence d'une contestation sérieuse - à prescrire les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent pour prévenir un dommage imminent ou faire cesser un trouble manifestement illicite.

Il a considéré que la demande des défendeurs en désignation d'un expert géomètre ne relevait pas de sa compétence, en ajoutant qu'en tout état de cause les constats d'huissier produits en défense n'étaient pas de nature à remettre en cause « la propriété non démentie du mur » au profit des consorts [H].

S'il a estimé que le mur, vétuste et ancien, ne présentait aucun péril imminent, étant situé au fond d'un terrain non entretenu, en revanche il a jugé que le constat signé le 13 juillet 2020 revêtait un caractère obligatoire, de sorte que la carence des consorts [H] à exécuter leur engagement, caractérisait un trouble manifestement illicite justifiant leur condamnation à réaliser des travaux de reprise.

Monsieur [F] [H] et Madame [N] [H] ont interjeté appel le 11 juillet 2022.

PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 septembre 2022, Monsieur [F] [H] et Madame [N] [H] demandent à la cour de :

Infirmer l'ordonnance entreprise en tant qu'elle :

* les a condamnés à réaliser à leurs frais les travaux de remise en état du mur séparatif de leur propriété [Adresse 4] dans les termes du constat d'accord du 13 juillet 2020 dans un délai de 6 mois à compter de la signification de la présente ordonnance et sous astreinte provisoire de 50 euros par jour de retard prenant effet à l'issue de ce délai de 6 mois ;

* a rejeté la demande de désignation d'un expert ,

* a condamné Monsieur et Madame [H] aux entiers dépens

Statuant à nouveau,

Débouter les consorts [R] de l'intégralité de leurs 'ns et conclusions

Subsidiairement reporter le point de départ de l'astreinte à compter d'un délai de 6 mois à compter de la signification de l'arrêt à intervenir et REDUIRE le montant de l'astreinte.

Déclarer les époux [R] mal fondés en leur appel incident.

Le rejeter et les débouter de l'intégralité de leurs 'ns et conclusions.

Les condamner aux entiers dépens des deux instances et à leur payer la somme de 2.500,00 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Les appelants considèrent que l'accord qui a été signé par eux n'aurait eu de sens que si les limites des deux propriétés avaient été matérialisées et définies. Or il existerait sur ce point un doute que le premier juge n'aurait pas dû écarter. Les appelants estiment que, de par l'existence de ce doute portant sur la délimitation des propriétés respectives, ils peuvent légitimement soutenir avoir signé par erreur le procès-verbal d'accord, qui peut être annulé pour cette raison.

Le juge ' après avoir considéré que le mur litigieux ne présentait pas un péril imminent ' n'aurait d'autre part pas pu justifier l'utilisation de l'article 835 du code de procédure civile en faisant référence à l'accord signé le 13 juillet, susceptible d'être annulé.

En tout état de cause, le point de départ de l'astreinte, dans le cas où la décision serait confirmée, devrait être reporté.

Enfin les appelants contestent le bien-fondé de l'appel incident formulé par les consorts [R] ; il y aurait lieu de tenir compte du délai de six mois ordonné par le juge des référés.

* * *

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 9 septembre 2022, Monsieur [I] [R] et Madame [K] [R] demandent à la cour de :

Confirmer la décision du juge des référés du tribunal judiciaire de Saverne en date du 30 mai 2022 en ce qu'elle condamne Monsieur [F] [H] et Madame [N] [H] à réaliser à leurs frais les travaux de remise en état du mur séparatif de leur propriété, et ce dans un délai de 6 mois courant à compter de la signification de la décision de première instance et sous astreinte de 50 Euros par jour de retard à l'issue de ce délai ;

Infirmer la décision du juge des référés du Tribunal judiciaire de Saverne en date du 30 mai 2022 en ce qu'elle a rejeté la demande de provision formulée par Monsieur [I] [R] et Madame [K] [R];

Statuant à nouveau,

Condamner solidairement Monsieur [F] [H] et Madame [N] [H] à leur payer une somme de 6000 Euros à titre de provision ;

Condamner Monsieur [F] [H] et Madame [N] [H] à leur verser la somme de 2.000 euros en application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ;

Condamner Monsieur [F] [H] et Madame [N] [H] aux entiers frais et dépens de l'instance.

Les intimés estiment que c'est à juste titre que le juge des référés a constaté l'existence d'un trouble manifestement illicite généré par la carence de Monsieur [F] [H] et Madame [N] [H] à respecter les termes de l'accord, alors que les limites des propriétés ont été identifiées par toutes les parties suites à l'intervention d'un géomètre expert en novembre 2015. L'action en bornage réclamée en première instance par Monsieur [F] [H] et Madame [N] [H] ne serait nullement utile, s'agissant en outre d'une question de fond qui ne relèverait pas de la compétence du juge des référés mais de celle du juge des contentieux de la protection.

Concernant la demande de report du point de départ de l'astreinte, elle reviendrait, selon les intimés, à remettre en cause l'exécution provisoire de l'ordonnance de référé entreprise. S'ils avaient souhaité la remettre en cause, il aurait convenu, en application des dispositions de l'article 514'3 du code de procédure civile, de saisir la première présidente de la cour d'appel d'une demande de suspension de l'exécution provisoire.

Les intimés forment un appel incident, estimant que le premier juge s'est contredit ; à partir du moment où celui-ci a considéré que le constat d'accord avait un caractère obligatoire pour les époux [H], il ne pourrait refuser d'accorder la demande de provision visant à liquider l'astreinte, en l'absence de toute contestation sérieuse opposable par les époux [H].

* * *

Par ordonnance du 29 août 2022, la présidente de chambre a fixé l'affaire à l'audience de plaidoirie du 2 février 2023 sur le fondement de l'article 905 du code de procédure civile.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIFS

Aux termes de l'article 835 du Code de procédure civile, le président du tribunal judiciaire ou le juge des contentieux de la protection dans les limites de sa compétence peuvent toujours, même en présence d'une contestation sérieuse, prescrire en référé les mesures conservatoires ou de remise en état qui s'imposent, soit pour prévenir un dommage imminent, soit pour faire cesser un trouble manifestement illicite. Dans les cas où l'existence de l'obligation n'est pas sérieusement contestable, ils peuvent accorder une provision au créancier, ou ordonner l'exécution de l'obligation même s'il s'agit d'une obligation de faire.

Au terme du constat d'accord signé par les parties le 13 juillet 2020, il était indiqué « Après lecture de cet accord, les parties déclarent en approuver les termes, paraphent chaque page et le signent avec le conciliateur de justice. (') En application des dispositions de l'article 1541 du code de procédure civile, elles demandent au juge l'homologation du présent constat. »

La jurisprudence estime qu'à partir du moment où une partie donne son accord pour qu'un procès-verbal d'accord soit homologué, elle ne peut revenir sur sa décision. Dans un arrêt de rejet de pourvoi du 17 novembre 2021, la première chambre civile de la Cour de cassation a ainsi confirmé une décision condamnant à une amende civile une société qui avait refusé l'homologation d'un tel accord, alors que celle-ci avait fait état expressément dans le procès-verbal de ce qu'elle ne s'opposait pas à la saisine par l'une des parties du juge pour homologation.

Si les consorts [H] ne peuvent alors s'opposer à la saisine du juge pour homologation de l'accord, force est de constater cependant qu'au cas d'espèce la saisine du juge d'instance n'a pas été réalisée sur le fondement de l'article 1541 du code de procédure civile qui prévoit la possibilité de déposer une « demande tendant à l'homologation de l'accord issu de la conciliation » mais exclusivement sur le fondement de l'article 1540 qui prévoit que « un exemplaire du constat est remis à chaque intéressé. Le conciliateur de justice procède également, sans délai, au dépôt d'un exemplaire au greffe du tribunal judiciaire ».

Par conséquent, la cour ne peut que constater que le procès-verbal de conciliation du 13 juillet 2020 n'a jamais été homologué, de sorte qu'il ne dispose pas de la force exécutoire.

Le premier juge ne pouvait dès lors considérer que l'obligation de réaliser des travaux sur le mur à la charge des époux [H], n'était pas sérieusement contestable au sens des dispositions de l'article 835 du code de procédure civile, tant que le procès-verbal d'accord le consignant n'était pas dument homologué.

La décision de première instance sera infirmée en toutes ses dispositions, les époux [R] devant être déboutés de leur appel incident portant sur la demande d'attribution d'une provision à la charge des appelants.

Les intimés, succombant, seront condamnés aux dépens des deux instances. En revanche il est équitable de ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au cas d'espèce.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

INFIRME en toutes ses dispositions la décision du juge des référés du tribunal judiciaire de Saverne en date du 30 mai 2022,

Statuant de nouveau et y ajoutant

REJETTE la demande de Monsieur [I] [R] et Madame [K] [R] portant sur la demande de provision,

DIT n'y avoir lieu à application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile,

CONDAMNE Monsieur [I] [R] et Madame [K] [R] aux entiers frais et dépens des procédures de première instance et d'appel.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 22/02684
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;22.02684 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award