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23/03/2023 | FRANCE | N°21/00290

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 23 mars 2023, 21/00290


MINUTE N° 168/2023

























Copie exécutoire à :



- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY



- Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ





Le 23 mars 2023





Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 23 MARS 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00290 -

N° Portalis DB

VW-V-B7F-HPBA



Décision déférée à la cour : 10 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTES et INTIMÉES SUR APPEL INCIDENT :



La S.A.R.L. KP, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 9] à

[Lo...

MINUTE N° 168/2023

Copie exécutoire à :

- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY

- Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ

Le 23 mars 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 23 MARS 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00290 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HPBA

Décision déférée à la cour : 10 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTES et INTIMÉES SUR APPEL INCIDENT :

La S.A.R.L. KP, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 9] à

[Localité 10]

La S.A.R.L. VANLOCATION anciennement dénommée

SARL HOME TRANSACTION, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

représentées par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, Avocat à la cour

plaidant : Me GALLET, Avocat au barreau de Strasbourg

INTIMÉE et APPELANTE SUR APPEL INCIDENT :

Madame [E] [H]

demeurant [Adresse 3]

représentée par Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ, Avocat à la cour

plaidant : Me MARTY, Avocat au barreau de Strasbourg

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Décembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre, et Madame Nathalie HERY, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, Président, et Madame Sylvie SCHIRMANN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

* * * * *

FAITS ET PROCÉDURE

La SARL Home Transaction et la SARL KP sont propriétaires d'un terrain à bâtir sis [Adresse 4].

Le 19 octobre 2016, elles ont signé un compromis de vente avec Mme [E] [H] concernant le bien susvisé.

Le 6 février 2017, cette dernière a adressé à la SARL Home Transaction et à la SARL KP un courrier aux termes duquel elle indiquait qu'elle considérait le compromis de vente comme caduc puisqu'il lui était impossible de construire sur le terrain litigieux.

Par acte d'huissier du 18 août 2017, la SARL Home Transaction et la SARL KP ont assigné Mme [E] [H] devant le tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins notamment de la voir condamner à signer l'acte authentique de vente.

Par jugement du 10 novembre 2021, le tribunal judiciaire remplaçant le tribunal de grande instance a :

constaté que le compromis signé par les parties le 19 octobre 2016 était caduc ;

condamné la SARL Home Transaction et la SARL KP à payer à Mme [E] [H] la somme de 1 500 euros au titre de son préjudice matériel ;

condamné la SARL Home Transaction et la SARL KP à payer à Mme [E] [H] la somme de 800 euros au titre de son préjudice moral ;

ordonné l'exécution provisoire ;

condamné la SARL Home Transaction et la SARL KP à payer à Mme [E] [H] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

condamné la SARL Home Transaction et la SARL KP aux dépens de la procédure;

débouté les parties de leur demande pour le surplus.

A titre liminaire, le tribunal a relevé que la SARL Home Transaction et la SARL KP ne sollicitaient plus la condamnation de Mme [E] [H] à conclure la vente litigieuse.

Sur la demande principale, le tribunal a rappelé les dispositions de l'article 1103 du code civil qui dispose que les contrats légalement formés tiennent lieu de loi à ceux qui les ont faits.

Il a évoqué que le terrain litigieux était nu, constructible et enclavé, de sorte que se posait la question de son accessibilité.

Il a précisé que le compromis de vente signé par les parties indiquait que devait être régularisé entre les parties un acte rectificatif de servitude préalablement à la régularisation de l'acte authentique et que le projet d'acte recti'catif de servitude annexé au compromis de vente prévoyait que, pendant les travaux, l'accès aux parcelles litigieuses devait se faire par le chemin d'exploitation et la servitude de passage sur les fonds appartenant à M. [Z] et à la SARL KP ne devait être effective qu'au terme des opérations de construction.

Il a ensuite fait état de l'existence d'une attestation du 12 janvier 2017 établie par le maire et président de l'association foncière de [Localité 11], propriétaire du chemin d'exploitation certifiant que le chemin litigieux non carrossable était soumis à une stricte autorisation en matière d'utilisation, en interdisant ainsi toute utilisation récurrente par tout véhicule automobile ou camion et, a fortiori, tout usage pour accéder aux propriétés privées adjacentes.

Le tribunal a donc constaté que Mme [E] [H] s'était trouvée confrontée à la question de l'acheminement des matériaux et engins de chantier sur les parcelles litigieuses, le surcoût pour acheminer les matériaux étant important, celle-ci n'étant pas en mesure de l'assumer.

Le tribunal s'est ensuite attaché à l'analyse des conditions suspensives du compromis de vente en cause prévoyant que les titres de propriété antérieurs, les pièces d'urbanisme ou autres, ne relèvent pas de servitudes, de charges, ni de vices non révélés aux présentes et pouvant grever l'immeuble et en diminuer sensiblement la valeur ou le rendre impropre à la destination que l'acquéreur déclare être un terrain à bâtir.

Il a constaté que l'impossibilité d'accéder aux parcelles litigieuses en faisant usage du chemin d'exploitation de l'association foncière de [Localité 11] tel que prévu par le compromis de vente, s'il ne rendait pas, de facto, l'immeuble impropre à sa destination, avait pour effet d'en diminuer sensiblement la valeur au regard du surcoût généré pour acheminer les matériaux.

Il en a déduit que la condition suspensive ne pouvait être considérée comme réalisée sans qu'aucune faute soit imputable, à ce titre, à Mme [E] [H], le vendeur devant s'assurer que cette dernière avait la possibilité d'accéder à sa parcelle pendant le chantier via le chemin d'exploitation, ce qui rendait caduc le compromis de vente signé par les parties le 19 octobre 2018 ; en l'absence de faute de Mme [E] [H], les demanderesses ont été déboutées de leurs demandes tant au titre de la clause pénale que du préjudice subi.

Considération prise de la caducité du compromis de vente, le tribunal n'a pas statué sur la demande de nullité pour dol.

Le tribunal a retenu la négligence fautive de la SARL KP et de la SARL Home Transaction, professionnels de l'immobilier, pour ne pas avoir vérifié si l'accès aux parcelles vendues pendant les opérations de construction était assuré et d'avoir indiqué à tort que cet accès se ferait via le chemin d'exploitation et a fait droit à la demande d'indemnisation de Mme [H] à hauteur de 1 500 euros pour son préjudice matériel et de 800 euros pour son préjudice moral.

La SARL KP et la SARL Vanlocation venant aux droits de la société Home Transaction ont formé appel à l'encontre de ce jugement par voie électronique le 28 décembre 2020.

L'instruction de l'affaire a été clôturée le 5 juillet 2022.

PRETENTIONS ET MOYENS DES PARTIES

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 4 mai 2022, les sociétés KP et Vanlocation demandent à la cour de :

à titre principal :

rejeter l'appel incident de Mme [H] ;

faisant droit au seul appel principal :

- infirmer le jugement du 10 novembre 2020 du tribunal judiciaire de Strasbourg

en ce qu'il refuse de faire droit aux demandes formées par les sociétés KP et Home Transaction et en ce qu'il fait droit aux demandes formulées par Mme [E] [H] sur le préjudice matériel, le préjudice moral, l'indemnité d'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

statuant à nouveau :

constater le non-respect par Mme [H] de ses obligations contractuelles acceptées dans le compromis de vente du 19 octobre 2016 entre les vendeurs, les sociétés KP et Immo Transaction et elle ;

constater les droits pour les demandeurs de demander réparation de leurs préjudices subis du fait des carences et manquements de la défenderesse ;

condamner Mme [H] au paiement des sommes suivantes visées et convenues dans le compromis de vente du 19 octobre 2016 entre les vendeurs sociétés KP et Immo Transaction et l'acquéreur Mme [H] :

* 12 500 euros au titre de la clause pénale

* 20 000 euros au titre de la perte de valeur du terrain

* 5 000 euros au titre de la résistance abusive

* 125 euros au titre de la clause de frais ;

condamner Mme [H] au paiement en sus de la somme de 5 000 euros au titre de la résistance abusive créée par un tel litige ;

dire et juger que les sommes porteront intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir, les intérêts portant eux-mêmes intérêts au même taux ;

débouter Mme [E] [H] de toutes ses demandes, 'ns, moyens et prétentions ;

condamner Mme [E] [H] à verser à la société KP et la société Home Transaction la somme de 3 000 euros chacune en application de l'article 700 du code de procédure civile , solidairement ou in solidum ;

condamner Mme [E] [H] à prendre en charge les entiers dépens exposés à hauteur de première instance et à hauteur d'appel ;

à titre subsidiaire, si par impossible la cour devait estimer que l'absence de réalisation des conditions suspensives n'était pas de la faute de Mme [H] :

déclarer que la société KP et Home Transaction sont recevables et bien fondées en leurs appels principaux ;

y faisant droit :

infirmer le jugement du 10 novembre 2020 du tribunal judiciaire de Strasbourg en ce qu'il fait droit aux demandes formulées par Mme [E] [H] sur le préjudice matériel, le préjudice moral, l'indemnité d'article 700 du code de procédure civile et les dépens ;

statuant à nouveau :

dire et juger que la société KP et la société Home Transaction n'ont pas commis de négligence fautive ;

dire et juger que la société KP et la société Home Transaction n'ont pas commis de dol, de manoeuvres dolosives ou de défaut de conseils vis à vis de Mme [H] ;

débouter Mme [E] [H] de toutes demandes de condamnations prises contre la société KP et la société Home Transaction ;

à tout le moins, réduire conséquemment les montants alloués ;

laisser à la charge de chaque partie ses frais répétibles et irrépétibles ;

partager par moitié entre les parties, Mme [E] [H] d'un côté, les sociétés KP et Home Transaction d'un autre côté, les entiers dépens exposés à hauteur de première instance et à hauteur d'appel ;

en tous les cas :

débouter toute partie de tous les fins, moyens et prétentions développés à l'encontre de la société KP et de la société Home Transaction ;

condamner tout succombant à payer à la société KP et à la société Home Transaction la somme respective de 3 000 euros au titre de l'article 700 code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Les appelantes exposent que, constatant le refus réitéré de Mme [H], elles ont abandonné la passation forcée de l'acte de vente au profit de l'application de la clause pénale, l'article 42 de la loi du 1er juin 1924 prévoyant qu'à défaut d'acte authentique ou de demande en justice, l'acte sous seing privé translatif de propriété immobilière est réputé caduc.

Elles renvoient au libellé de la clause pénale en page 8 du compromis de vente.

Elles font état de ce que les conditions d'accessibilité avaient été confirmées dans son projet d'acte communiqué préalablement à la signature du compromis de vente par le notaire de l'acquéreur qui a instrumentalisé une attestation de l'association propriétaire du chemin d'exploitation acheminant les matériaux et a refusé ensuite toute solution alternative d'acheminement pour définitivement empêcher la réalisation de la condition suspensive relative à l'absence d'apparition d'un défaut caché d'accessibilité, de sorte que la mise en jeu de la responsabilité civile de l'acquéreur doit être actionnée et leur demande indemnitaire accordée.

Elles précisent que c'est le notaire de Mme [H] qui était en charge de la rédaction du compromis de vente et de l'acte de régularisation des servitudes, dans lequel il confirmait le droit de recourir au chemin d'exploitation pour réaliser les travaux, une telle mention impliquant une vérification préalable.

Elles ajoutent que, contrairement à ce qui fut compris par le tribunal de première instance, les vendeurs n'interdisaient le recours à la voie d'accès habituelle des maisons que pour les gros tonnages de plus de dix tonnes, de sorte qu'il existait deux voies possibles, la voie des tonnages modérés ne pouvant être considérée comme un surcoût dès lors qu'il représentait 1,5% de plus-value.

Elles soulignent que sur la période 2000/2021, la superposition des données cadastrales permet de démontrer que la situation de Mme [H] n'était pas la première car en comparant la carte IGN actuelle et celle de la période 2000/2005, près de six maisons se sont construites dont quatre sont dans une situation identique à celle de Mme [H] dotée d'un accès soit par une voie ne pouvant supporter de lourds tonnages soit par le chemin d'exploitation nord.

Les sociétés appelantes contestent l'analyse faite par le jugement entrepris de l'attestation établie par l'Association foncière laquelle ne respecte pas les conditions légales et par le courriel du 29 mars 2017 de la même Association qui s'inscrit dans un flux d'échanges de courriels lesquels ne sont pas produits pour retenir une entrave d'accessibilité alors que cette association ne peut empêcher l'usage du chemin en cause pour les riverains exploitant les parcelles attenantes, étant précisé que la société Magic House y a son siège et est en droit d'exploiter son activité au travers de ce chemin, l'attestation et le courriel ne faisant que reprendre le cadre juridique afférant aux chemins d'exploitation.

Les sociétés appelantes exposent que Mme [H] a refusé les solutions alternatives proposées, bien que le surcoût soit, rapporté à la valeur du terrain, mineur et même infime et qu'aucun élément n'a pu empêcher la réalisation de la condition suspensive d'apparition de désordres inconnus à lourd impact 'nancier.

Considérant que l'empêchement de Mme [H] de régulariser l'acte authentique n'est résulté que d'une succession d'incompréhensions ou d'interprétations du tribunal, le jugement de première instance doit être annulé, la cour étant invitée à faire usage de son pouvoir d'évocation.

Les sociétés appelantes font observer que le terrain, objet du compromis de vente , est constructible, que le chemin d'exploitation n'a pas changé de statut, de composition ou d'usage c'est-à-dire qu'il peut être utilisé à titre exceptionnel, pour ces seuls travaux, avec précaution, et qu'il n'y a donc aucun dol relatif à la non-constructibilité du terrain, aucune man'uvre dolosive relative à la signature du compromis de vente puisque Mme [H] avait toute liberté de faire venir tout constructeur, d'ores et déjà contracté un contrat d'avant-projet avant la signature du compromis de vente, lequel contrat d'avant-projet était déjà exécuté, s'était manifestement entendue pour un permis de construire qu'elle a fait sous deux versions et était assistée de son propre notaire, lequel a relu et corrigé le compromis de vente et le projet d'acte recti'catif de servitude qui identi'ait les conditions d'approvisionnement du chantier.

Elles ajoutent qu'elles n'ont pas failli dans leur obligation de conseil puisqu'elles n'ont caché aucune réalité.

Les sociétés appelantes entendent obtenir l'indemnisation des préjudices résultant de la rupture brutale et abusive des pourparlers, en se prévalant des dispositions de l'article 1134 du code civil devenu articles 1103, 1193 et 1104 du code civil, la rupture de négociations entraînant la mise en 'uvre de la responsabilité délictuelle, lorsqu'elle est intervenue dans des conditions qui font ressortir la mauvaise foi ou la volonté de nuire de l'auteur de la rupture tel qu'en l'espèce, puisque le 6 février 2017 Mme [H] a déclaré qu'il lui serait impossible de construire sa maison alors qu'il a été démontré que le terrain était constructible.

Elles ajoutent que Mme [H] s'est montrée imprudente, négligente et de mauvaise foi en ne justifiant d'aucune démarche pour lever les conditions suspensives à savoir obtention du permis de construire purgé de tout recours et retrait et obtention d'un 'nancement.

Elles évaluent leur préjudice aux sommes de :

12 500 euros correspondant à la clause pénale et précisent qu'il y a bien eu un procès-verbal de carence puisque le notaire, par lettre adressée en date du 29 juin 2017 à Mme [H] qui n'a pas donné suite a convoqué les parties pour la régularisation de l'acte authentique en son étude, que la clause pénale n'est pas nulle car il n'y a pas eu de dol,

125 euros pour frais notariés,

20 000 euros pour perte de chance,

5 000 euros pour préjudice moral.

Les sociétés appelantes contestent les préjudices alloués à Mme [H] puisqu'elle ne justifie pas s'être acquittée de la somme de 1 500 euros qu'elle réclame, le choix de souscrire le contrat étant réfléchi et qu'elle n'a subi aucun préjudice moral.

Les sociétés appelantes s'opposent à la nullité du compromis de vente car il n'y a pas eu de dol du fait que le terrain à construire n'est pas enclavé ni juridiquement ni factuellement et que la réalisation des travaux était possible par le chemin d'exploitation comme l'avaient fait par le passé les autres propriétaires des parcelles voisines.

S'agissant des dommages et intérêts sollicités par Mme [H], elles font remarquer que les sommes ne sont pas dues du fait de l'absence de faute et de préjudice, puisque cette dernière a seule souhaité recourir à un notaire, a, par choix, procédé en amont à une étude de faisabilité pour, ensuite, ne pas exécuter le permis de construire et n'a subi aucun préjudice moral, considération prise de ce qu'elle a vécu chez ses parents avec son fils par choix à une époque où seul le compromis était signé, les attestations fournies n'étant pas probantes.

Aux termes de ses conclusions transmises par voie électronique le 15 mars 2022, Mme [H] demande à la cour de :

sur la demande principale :

rejeter l'appel des sociétés KP et Vanlocation ;

rejeter l'intégralité de leurs demandes ;

débouter les demanderesses de l'ensemble de leurs fins et conclusions ;

sur l'appel incident :

- infirmer la décision entreprise en tant qu'elle :

* n'a pas déclaré irrecevable la demande d'application de la clause pénale à défaut de mise en demeure préalable,

* n'a pas rejeté la demande tendant à l'application de la clause pénale en raison de la caducité et de la nullité du compromis de vente ;

* a rejeté sa demande d'indemnisation pour un montant de 485 euros au titre des frais notariés et 7 812 euros au titre des frais d'architecte,

* a évalué son préjudice moral à 800 euros ;

statuant à nouveau :

prononcer l'annulation du compromis de vente pour dol ;

condamner les sociétés KP et Vanlocation à lui payer une somme de 23 297 euros au titre du préjudice subi qui se détaille comme suit :

* 485 euros au titre des frais notariés,

* 7 812 euros au titre des frais d'architecte,

* 15 000 euros au titre du préjudice moral ;

- dire et juger que cette somme sera augmentée des intérêts au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir ;

- confirmer le jugement entrepris pour le surplus ;

- condamner les appelantes aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel ;

- les condamner à une somme de 10 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel.

Sur l'application de la condition suspensive de droit commun, Mme [H] expose que le chemin d'exploitation, propriété de l'association foncière de [Localité 11], est soumis à une stricte autorisation en matière d'utilisation, aucune utilisation récurrente par tout véhicule automobile ou camion et, a fortiori, aucun accès aux propriétés privées adjacentes n'étant envisageable par ce chemin, non carrossable, seuls ses riverains étant autorisés à l'emprunter, ce qui fait que le terrain objet du litige est un terrain enclavé qui n'a aucun accès sur le chemin d'exploitation, ce qui rendait nécessaire de passer sur les parcelles [Cadastre 7], [Cadastre 6] et [Cadastre 5] de M. [O] pendant les travaux.

Elle précise que le président de l'Association foncière de [Localité 11] lui a fait interdiction absolue d'utiliser ce chemin par mail du 29 mars 2017 alors que la construction d'une maison suppose de nombreuses allées et venues de camions.

Elle souligne qu'aujourd'hui, le bien en cause a été vendu à M. [C] qui a également acheté le terrain de M. [Z], ce terrain n'étant toujours pas construit, ce qui témoigne des réelles difficultés pour le rendre constructible.

Elle évoque le fait qu'après l'avoir autorisée à utiliser son terrain et le chemin d'exploitation, M. [O] est devenu, par la suite, moins catégorique sur l'accès par son terrain, et que M. [Z] s'était formellement opposé à tout passage sur son terrain par la [Adresse 12].

Elle en déduit que le terrain qu'elle voulait acquérir n'était pas constructible et évoque le surcoût important d'une autre solution possible nécessitant de recourir à un hélicoptère.

Elle considère que c'est donc à bon droit que le tribunal a jugé que la condition suspensive mentionnée page 5 du compromis de vente devait trouver à s'appliquer, aucune faute ne lui étant imputable.

S'agissant de la clause pénale et des dommages et intérêts, Mme [H] fait valoir que la première n'a pas vocation à s'appliquer à défaut de mise en demeure de conclure la vente et considération prise de la nullité du compromis de vente qu'elle demande, les conséquences de la nullité du compromis de vente ne s'apparentant pas à celles de la caducité du compromis qui laisse survivre la clause pénale.

Elle souligne que la clause pénale ne peut se cumuler avec l'octroi de dommages et intérêts supplémentaires sauf s'ils sont indépendants du préjudice que la première est destinée à réparer, à charge pour celui qui les sollicite d'apporter la preuve d'un préjudice distinct, cette démonstration n'étant pas faite en l'espèce puisque le terrain n'a pas subi de perte de valeur, un acquéreur ayant été trouvé un an après la signature du compromis de vente avec elle et le prix de vente ayant été fixé au regard de son état enclavé.

Mme [H] demande que le jugement entrepris soit in'rmé en ce qu'il ne statue pas sur sa demande de nullité pour dol formée sur le fondement de l'article 1137 du code civil, cette annulation faisant tomber la clause pénale. Elle considère que le tribunal a commis une erreur en précisant qu'il n'était pas établi que les vendeurs avaient connaissance du caractère enclavé du terrain alors qu'il est manifeste que les sociétés appelantes lui ont fait croire qu'elle pourrait aisément construire son terrain en empruntant un chemin d'exploitation qui était, en fait, une voie privée nullement destinée à être empruntée par les camions chargés d'acheminer les matériaux de construction sur le terrain, le caractère privé de cette voie ne pouvant être ignoré par les sociétés venderesses, étant précisé qu'un panneau d'interdiction de circulation étant apposé à l'entrée de ce chemin et que le terrain objet du compromis ne jouxte pas le chemin d'exploitation, de sorte qu'il n'existe aucun droit à emprunter ce chemin d'exploitation, la servitude de passage accordée par M. [Z] sur le chemin d'accès n'étant valable qu'une fois les travaux de construction de la maison achevée.

Elle rappelle que les vendeurs, professionnels de l'immobilier étaient tenus d'une obligation de conseil et d'information renforcée à son égard qu'ils n'ont pas respectée de sorte qu'ils ont commis une faute sur le fondement de l'article 1149 ancien du code civil.

Mme [H] invoque l'existence d'un préjudice moral à hauteur de 15 000 euros du fait des revirements permanents de position des demanderesses et la nécessité qu'elle a subie de vivre chez ses parents avec son fils jusqu'en mars 2021 date à laquelle elle a pu acheter un bien immobilier après le jugement de première instance.

Elle indique avoir subi également un dommage matériel en lien avec les frais d'acte notarié (485 euros), les frais d'architecte pour déposer une demande de permis de construire (7 812 euros).

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément, pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

En application de l'article 753 alinéa 2 devenu l'article 768 du code de procédure civile, il n'y a lieu de statuer que sur les prétentions énoncées au dispositif. Or, ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile les demandes des parties tendant à «voir constater » en ce que, hors les cas prévus par la loi, elles ne sont pas susceptibles d'emporter de conséquences juridiques, mais constituent en réalité des moyens ou arguments, de sorte qu'il y a lieu d'y répondre qu'à la condition qu'ils viennent au soutien de la prétention formulée dans le dispositif des conclusions et, en tout état de cause, pas dans le dispositif mais dans les motifs.

Les sociétés appelantes, dans leurs moyens, demandent à ce que le jugement de première instance soit annulé et que la cour fasse usage de son pouvoir d'évocation mais ne reprennent pas ces demandes dans leur dispositif, de sorte que la cour n'en est pas saisie.

Sur la demande de nullité du compromis de vente

Aux termes des dispositions de l'article 1137 du code civil dans sa version applicable aux faits de l'espèce, le dol est le fait pour un contractant d'obtenir le consentement de l'autre par des man'uvres ou des mensonges. Constitue également un dol la dissimulation intentionnelle par l'un des contractants d'une information dont il sait le caractère déterminant pour l'autre partie.

L'article 1130 du même code, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, dispose que le dol vicie le consentement lorsqu'il est de telle nature que, sans lui, l'une des parties n'aurait pas contracté ou aurait contracté à des conditions substantiellement différentes. Son caractère déterminant s'apprécie eu égard aux personnes et aux circonstances dans lesquelles le consentement a été donné.

L'article 1131 du même code, dans sa version applicable aux faits de l'espèce, fait des vices du consentement une cause de nullité relative du contrat.

Le compromis de vente du 19 octobre 2016 en cause liant les parties porte sur un terrain à bâtir et fait clairement état de ce que ce dernier est enclavé.

S'agissant des servitudes, il y est précisé que doit être régularisé entre les parties un acte rectificatif de servitude, préalablement à la réitération des présentes par acte authentique dont un projet demeure annexé au compromis. Ce projet prévoit clairement que l'acquéreur du terrain bénéficiera d'une servitude de passage sur le chemin, propriété de M. [Z] et que cette servitude ne permettra l'accès qu'une fois les constructions sur le fonds dominant terminées et que pendant le chantier, l'accès devra se faire par le chemin d'exploitation situé au nord des parcelles concernées.

Mme [H] avait donc connaissance, d'une part, de l'impossibilité de passer par le chemin propriété de M. [Z] pour faire construire son bien immobilier sur le terrain concerné et, d'autre part, au regard de l'extrait de plan cadastral annexé au compromis de vente, que le chemin d'exploitation ne jouxtait pas ledit terrain.

Mme [H] produit une attestation de l'Association Foncière de [Localité 11] datée du 12 janvier 2017 qui certifie que le chemin cadastré section [Cadastre 8] parcelle [Cadastre 2], qui est sa propriété, est soumis à une stricte autorisation en matière d'utilisation, de sorte qu'aucune utilisation récurrente par tout véhicule automobile ou camion, et, a fortiori, aucun usage d'accès des propriétés privées adjacentes ne sont envisageables par ce chemin, lequel n'est, au demeurant, pas carrossable.

Elle appuie cet état de fait par une photographie montrant qu'à l'entrée de ce chemin est apposé un panneau d'interdiction de circulation sauf pour les riverains, ce qui tend à démontrer qu'elle pouvait d'elle-même, en amont de la signature du compromis de vente, se rendre compte de la difficulté et interroger l'Association Foncière afin d'obtenir éventuellement des garanties de passage.

Considération prise de ce que Mme [H], assistée de son propre notaire à la signature du compromis de vente, a été informée par les vendeurs de l'impossibilité de passer par le chemin propriété de M. [Z] pour la réalisation des travaux de construction sur son terrain enclavé mais constructible et de ce qu'elle pouvait se rendre compte d'elle-même que le chemin d'exploitation n'était pas utilisable à cette fin, le dol qu'elle invoque ne peut être retenu.

Il y a donc lieu de la débouter de sa demande de nullité du compromis de vente.

Sur les sommes demandées par la SARL Vanlocation et par la SARL KP

S'agissant de la clause pénale, par acte d'huissier de justice du 18 août 2017, les sociétés Home Transaction et KP ont fait assigner Mme [H] devant le tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins de la voir condamner à signer l'acte authentique de vente. Dès lors, les sociétés Vanlocation et KP sont recevables à solliciter l'application de la clause pénale, cette assignation valant mise en demeure.

C'est avec pertinence que le premier juge a retenu que le compromis de vente était caduc et que Mme [H] n'ayant pas commis de faute, les sociétés Vanlocation et KP devaient être déboutées de leur demande en paiement tant au titre de la clause pénale et du préjudice subi puisque, en effet, les vendeurs ont laissé entendre à Mme [H] que l'utilisation du chemin d'exploitation pour la réalisation des travaux de construction sur la parcelle était possible, ce qui n'a pas été le cas, générant ainsi, un surcoût imprévu pour Mme [H].

Le jugement entrepris est donc confirmé de ces chefs.

Sur la demande de dommages et intérêts de Mme [H]

Il y a lieu de reprendre les motifs retenus par le premier juge sur la responsabilité des sociétés Vanlocation et KP puisque, en effet, ces dernières ont fait preuve de négligence fautive ce qui les contraint à indemniser Mme [H] de son préjudice.

Mme [H] justifie du paiement des frais notariés à Me [J], de sorte qu'elle est en droit de solliciter le paiement de la somme 485 euros, étant souligné que le choix par celle-ci de son propre notaire a été généré par son projet immobilier qui n'a pas abouti du fait du comportement fautif des sociétés Home Transaction et KP, de sorte que la demande de Mme [H] apparaît tout à fait légitime.

Mme [H] justifie des frais d'architecte à hauteur de 7 812 euros par la production des factures payées par chèques lesquels ont été débités, de sorte que la somme demandée doit lui être allouée.

Reprenant la motivation du premier juge sur l'existence d'un préjudice moral subi par Mme [H], il y a lieu, cependant, de le fixer à hauteur de 3 000 euros, considération prise du temps pendant lequel, son projet immobilier est resté incertain, le fait qu'elle ait vécu avec ses parents avec son fils jusqu'en mars 2021 étant un choix de sa part.

*

Le préjudice matériel de Mme [H] s'élève donc à 8 297 euros et son préjudice moral à 3 000 euros.

Le jugement entrepris est infirmé de ces chefs. Les sociétés Vanlocation et KP sont donc condamnées à payer ces sommes à Mme [H].

Sur les dépens et les frais de procédure

Le jugement entrepris est confirmé de ces chefs.

A hauteur d'appel, les sociétés Vanlocation et KP sont condamnées aux dépens et à payer à Mme [H] la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Les sociétés Vanlocation et KP sont déboutées de leur demande d'indemnité sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

INFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 10 novembre 2020 en ce qu'il a :

condamné la SARL Home Transaction et la SARL KP à payer à Mme [E] [H] la somme de 1500 euros au titre de son préjudice matériel ;

condamné la SARL Home Transaction et la SARL KP à payer à Mme [E] [H] la somme de 800 euros au titre de son préjudice moral ;

CONFIRME pour le surplus, le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg du 10 novembre 2020 ;

Statuant de nouveau sur les seuls points infirmés et y ajoutant :

DÉBOUTE Mme [E] [H] de sa demande de nullité du compromis de vente du 19 octobre 2016 ;

DÉCLARE la SARL Vanlocation, venant aux droits de la SARL Home Transaction et la SARL KP recevables en leur demande d'application de la clause pénale ;

CONDAMNE la SARL Vanlocation et la SARL KP à payer à Mme [E] [H] la somme de 8 297 (huit mille deux cent quatre vingt dix sept) euros au titre de son préjudice matériel ;

CONDAMNE la SARL Vanlocation et la SARL KP à payer à Mme [E] [H] la somme de 3 000 (trois mille) euros au titre de son préjudice moral ;

CONDAMNE la SARL Vanlocation et la SARL KP aux dépens de la procédure d'appel ;

CONDAMNE la SARL Vanlocation et la SARL KP à payer à Mme [E] [H] la somme de 5 000 (cinq mille) euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour ses frais de procédure exposés à hauteur d'appel ;

DEBOUTE la SARL Vanlocation et la SARL KP de leur demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

Le Greffier, Le Président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/00290
Date de la décision : 23/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-23;21.00290 ?
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