La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

22/03/2023 | FRANCE | N°21/03131

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 22 mars 2023, 21/03131


MINUTE N° 156/2023

























Copie exécutoire à :





- la SCP CAHN et ASSOCIES





- Me Joëlle LITOU-WOLFF





Le 22 mars 2023





Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 22 MARS 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/03131 -

N° Portal

is DBVW-V-B7F-HT7C



Décision déférée à la cour : 11 Juin 2021 par le tribunal judiciaire de SAVERNE





APPELANTS et INTIMÉS SUR APPEL INCIDENT :



Madame [N] [O] épouse [L]

Monsieur [T] [S]

demeurant tous chez Madame [J] [X]

[Adresse 3]



représentés par la SCP CAHN...

MINUTE N° 156/2023

Copie exécutoire à :

- la SCP CAHN et ASSOCIES

- Me Joëlle LITOU-WOLFF

Le 22 mars 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 22 MARS 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/03131 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HT7C

Décision déférée à la cour : 11 Juin 2021 par le tribunal judiciaire de SAVERNE

APPELANTS et INTIMÉS SUR APPEL INCIDENT :

Madame [N] [O] épouse [L]

Monsieur [T] [S]

demeurant tous chez Madame [J] [X]

[Adresse 3]

représentés par la SCP CAHN et ASSOCIES, avocats à la cour

Plaidant : Me BEHILLIL, avocat au barreau de Paris

INTIMÉE et APPELANTE SUR APPEL INCIDENT :

S.C.I. O COEUR D'OBERNAI PASSION représentée par la

SAS SCHARF PROMOTION, co-gérante,

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la cour

Plaidant : Me LEVY, avocat au barreau de Strasbourg

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, président de chambre

Madame Myriam DENORT, conseiller

Madame Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame DONATH faisant fonction

ARRÊT CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président, et Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

2

EXPOSÉ DU LITIGE

Les consorts [T] [L] et [N] [L] née [O] ont souhaité réserver un lot dans une opération de construction projetée par la SCCV O C'ur d'Obernai Passion à Obernai. Aussi, ont-ils signé avec elle un contrat de réservation en date du 19 février 2018 portant sur 3 lots consistant en un appartement, une cave, et deux garages dans l'ensemble immobilier à construire dénommé «résidence O c'ur d'Obernai passion». Le contrat prévoyait que la SCCV O C'ur d'Obernai Passion s'engageait à achever les travaux de construction des locaux pour le deuxième trimestre 2020 et à vendre ses lots en l'état futur d'achèvement au prix TTC de 318 000 euros dans un délai de trois mois.

Cette vente a été assujettie à la condition suspensive de la vente de la maison des époux [L] située [Adresse 4] au prix de 298 000 euros nets vendeur dans un délai de six mois prorogeable de trois mois. Le 12 juillet 2018 ces derniers informaient la société O C'ur d'Obernai Passion de la signature d'un compromis de vente de leur maison, indiquant souhaiter signer l'acte de vente de l'appartement au début de la semaine 37 soit en novembre 2018. Le 8 août 2018, les consorts [L] vendaient leur maison et en informaient le promoteur.

Le programme a pris du retard de sorte que le promoteur écrivait à Monsieur et Madame [L] à de nombreuses reprises, notamment le 6 mai 2019, 6 juin 2019, 6 septembre 2019 et 16 octobre 2019.

A l'occasion des échanges écrits qui ont eu lieu, les époux [L] se plaignaient du retard et du préjudice subi car, ayant vendu leur maison, ils se retrouvaient sans domicile fixe, et formulaient des demandes sur les prestations attendues.

Des rencontres avaient aussi lieu avec Monsieur [C], associé de la SCCV O C'ur d'Obernai Passion et promoteur, qui a accepté le principe d'une indemnisation mensuelle des époux [L] de 650 euros, ce que confirmait sa lettre du 15 septembre 2020.

A l'issue de nombreux échanges, par courrier du 11 décembre 2020 la société O C'ur d'Obernai Passion écrivait aux consorts [L] leur demandant de choisir entre la signature de l'acte de vente avec une signature fixée en novembre 2021, et un renoncement avec remboursement de l'acompte.

Les époux [L] répondaient le 11 janvier 2021, en expliquant confirmer leur volonté de réitérer la vente en maintenant leurs demandes portant sur la qualité des prestations et la possibilité de suivre le chantier.

La société O C'ur d'Obernai Passion répondait le 25 janvier 2021 pour leur notifier sa décision de renoncer à la vente au motif que leurs demandes étaient « inacceptables ».

C'est dans ce contexte que les consorts [L], après avoir fait inscrire une prénotation sur l'immeuble en construction, ont introduit une procédure devant le tribunal judiciaire de Saverne en ayant fait assigner à jour fixe le 26 février 2021 la SSCV O C'ur d'Obernai Passion.

3

Par jugement en date du 11 juin 2021, le tribunal judiciaire de Saverne a débouté Monsieur et Madame [L] de leur demande tendant à condamner la société à signer l'acte de vente en état futur d'achèvement avec eux, considérant que l'acte dont ils se prévalent - conforme à l'article 261-15 du code de la construction et de l'habitation - ne comporte aucune obligation de vendre le bien immobilier.

La SCCV O C'ur d'Obernai Passion a été néanmoins condamnée au paiement de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts, ainsi qu'à verser une somme sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile et aux frais et dépens.

En outre, la demande de la société en vue d'obtenir la levée de la prénotation a été rejetée, pour défaut de production de la décision l'ayant ordonnée.

Le premier juge a dans un premier temps écarté la demande de nullité de l'assignation formulée par la défenderesse au motif que l'absence de la requête des époux [L] aux fins d'obtenir une date d'assignation à jour fixe parmi les pièces annexes à l'assignation, n'est pas susceptible d'un recours, la décision du président du tribunal autorisant cette assignation étant un acte d'administration judiciaire.

Sur la demande relative à la signature de l'acte de vente, le premier juge a estimé que le contrat ne comportait pas d'obligation pour la SSCV O C'ur d'Obernai Passion de vendre un bien immobilier ; il implique uniquement une obligation de le proposer à la vente dans un certain délai. Le juge a ajouté que si la SSCV O C'ur d'Obernai Passion n'a pas respecté le délai d'achèvement des locaux, Monsieur [T] [L] et Madame [N] [L] née [O] reconnaissaient avoir été destinataires d'un projet d'acte de vente notarié transmis le 27 janvier 2020 par lequel il avait été convenu de signer l'acte de vente notarié le 14 octobre 2020. Le juge a souligné le fait que les époux [L] avaient finalement refusé de le signer au motif qu'ils souhaitaient bénéficier de prestations complémentaires. Le juge indiquait qu'aucune disposition du contrat n'a imposé l'obligation à la SSCV O C'ur d'Obernai Passion d'accepter un avenant au contrat de réservation et donc les exigences nouvelles de Monsieur [T] [L] et Madame [N] [L] née [O]. Il en a déduit que la vente n'avait pas été régularisée en raison du refus de Monsieur [T] [L] et Madame [N] [L] née [O].

S'agissant des demandes de dommages-intérêts formées par Monsieur [T] [L] et Madame [N] [L] née [O], le juge les a admises partiellement et leur a accordé la somme de 5 000 euros ; il a retenu que la SSCV O C'ur d'Obernai Passion ne produisait aucune pièce justifiant de la réalité des contraintes et des délais d'exécution supplémentaires énoncés pour expliquer le retard pris dans le projet, que les époux [L] avaient subi une perte de chance - de ne pas avoir pu retarder la vente de leur propre bien immobilier pour tenir compte du retard pris dans la réalisation du projet immobilier et de ne pas avoir été en mesure de renoncer à cette acquisition et de rechercher sans délai un nouveau logement - du fait d'un défaut d'information. En revanche le juge a estimé que les demandeurs ne produisaient pas d'éléments susceptibles de démontrer l'existence d'un préjudice moral.

Le tribunal a enfin rejeté la demande reconventionnelle de la SCCV portant sur l'inscription d'une prénotation sur ses biens au terme d'une ordonnance du 25 février 2021, car la demanderesse reconventionnelle n'avait pas produit ledit document.

Les époux [L] ont interjeté appel.

4

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique Monsieur [T] [L] et Madame [N] [L] née [O] demandent à la cour de :

- REFORMER le jugement du tribunal judiciaire de Saverne du 11 juin 2021 en ce qu'il a :

. Débouté Monsieur et Madame [L] de leur demande tendant à condamner la SCCV O C'ur d'Obernai Passion à leur transmettre sous astreinte 1.000,00 euros par jour de retard à compter d'un délai de 8 jours à partir de la signification de la décision à intervenir, l'acte de vente correspondant aux lots (n°207, 832, 920, 921) de l'ensemble immobilier O C'ur d'Obernai Passion et de les convoquer en vue de sa signature.

. Rejeté la demande tendant à juger qu'à défaut de signature de l'acte de vente dans un délai de 2 mois à compter de la signification du jugement, la décision vaudrait vente ferme et définitive en état futur d'achèvement dont la transcription du dispositif à la conservation des hypothèques serait à la charge de la société O C'UR D'OBERNAI PASSION pour les lots identifiés n°207, 832, 920, 921 de l'ensemble immobilier dénommé au c'ur d'OBERNAI PASSION en voie d'édification sur un terrain formant le lot B situé et cadastré section [Cadastre 1] au [Adresse 5] avec 42,72 ares sol.

. Limité à 5.000,00 euros la condamnation de O C'ur d'Obernai Passion au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice matériel direct incluant le préjudice financé de Monsieur et Madame [L].

. Débouté Monsieur et Madame [L] de leur demande tendant à condamner O C'ur d'Obernai Passion au paiement d'une indemnité de 10.000,00 euros en réparation de leur préjudice moral.

- CONFIRMER le jugement du tribunal judiciaire de Saverne du 11 juin 2021 en toutes ses autres dispositions et par conséquent DEBOUTER O C'ur d'Obernai Passion de toutes ses demandes, fins et conclusions y compris l'appel incident ;

Et statuant à nouveau :

- CONDAMNER et ENJOINDRE la société O C'ur d'Obernai Passion à leur transmettre sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter d'un délai de 8 jours courant à partir de la signification de la décision à intervenir l'acte de vente des lots n°207, 832, 920 et 921 de l'ensemble immobilier dénommé O C'ur d'Obernai Passion et les convoquer en vue de sa signature ;

- SE RESERVER la liquidation des astreintes, à toute audience qui pourra être fixée par simple réinscription de requête ;

- A DEFAUT de signature de l'acte de vente, dans un délai de 2 mois à compter de la signification du jugement à intervenir,

5

. JUGER que l'arrêt à intervenir vaudra vente ferme et définitive en état futur d'achèvement, dont la transcription du dispositif à la Conservation des hypothèques, sera à la charge de la société O C'ur d'Obernai Passion pour les lots identifiés n°207, 832, 920 et 921 de l'ensemble immobilier dénommé O C'ur d'Obernai Passion en voie d'édification sur un terrain formant le lot B situé et cadastré SECTION [Cadastre 1] [Adresse 5] avec 42,72 ares (quarante-deux ares et soixante-douze centiares) sol.

- JUGER que les demandes nouvelles, accessoires et nécessaires de Madame et Monsieur [L] sont recevables et par conséquent :

. CONDAMNER et ENJOINDRE la société O C'ur d'Obernai Passion à transmettre à Madame et Monsieur [L] - sous astreinte de 1.000 euros par jour de retard à compter d'un délai de 8 jours courant à partir de la signification de la décision à intervenir le devis détaillé des plus-values et moins-values correspondant aux travaux modificatifs souhaités, y compris le remplacement de la fermeture des stationnements par une porte commune, par Madame et Monsieur [L] dont la liste a été transmise à la société O C'ur d'Obernai Passion

. SE RESERVER la liquidation de cette astreinte, à toute audience qui pourra être fixée par simple réinscription de requête à la diligence de la partie concernée ;

. JUGER que le coût de la destruction éventuel des travaux effectués dans l'appartement le cas échéant, non conformes aux demandes des Appelants, avant le jugement à intervenir, rendue nécessaire pour réaliser les travaux modificatifs souhaités par Madame et Monsieur [L] sera supporté par la société O C'ur d'Obernai Passion

. JUGER que les travaux modificatifs ne devront pas occasionner des délais supplémentaires conformément au contrat de réservation

- CONDAMNER O C'ur d'Obernai Passion au paiement à Madame et Monsieur [L] d'une indemnité de 25.500 euros en réparation de leur préjudice matériel direct, incluant le préjudice financier

- CONDAMNER O C'ur d'Obernai Passion au paiement à Madame et Monsieur [L] d'une indemnité de 10.000 euros en réparation de leur préjudice moral résultant de la situation inédite dans laquelle le promoteur constructeur vendeur les a placés ;

- ASSORTIR toute condamnation pécuniaire des intérêts de droit au taux légal, outre leur capitalisation conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du Code civil et l'article L.313-3 du Code Monétaire et Financier

- CONDAMNER O C'ur d'Obernai Passion au paiement à Madame et Monsieur [L] de la somme de 21.615 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, ainsi qu'aux entiers dépens, dont distraction au profit de la SCP CAHN ET ASSOCIES, agissant par Maître Thierry CAHN, Avocat aux offres de droit, en application des dispositions de l'article 699 du Code de procédure civile.

Concernant les faits eux-mêmes, les époux [L] indiquent être particulièrement affectés par ce dossier. Souhaitant se rapprocher de leurs enfants, ils ont espéré pouvoir intégrer rapidement l'appartement à construire par la SCCV. Comptant sur la diligence de celle-ci ils ont vendu leur maison dans le nord de la France durant l'été 2018. Depuis ils seraient sans domicile fixe, vivant dans un camping-car de 17 m², ayant dû se faire domicilier administrativement chez leur fille.

6

Ils contestent l'argumentation portant sur la validité de l'assignation de première instance, au motif que celle-ci préciserait bel et bien le jour et la chambre devant laquelle l'affaire était appelée et que contrairement à ce qui était sous-entendu, les faits et le fondement juridique de leur demande étaient clairement développés. En outre, les pièces produites au président du tribunal en vue d'obtenir l'autorisation de fixer le dossier à date fixe figuraient dans les annexes.

S'agissant de l'article 42 de la loi du 1er juin 1924, comme la société O C'ur d'Obernai Passion a introduit ce débat à hauteur d'appel, les appelants estiment que la condition suspensive qui avait été comprise dans le contrat de réservation ' à savoir la vente de leur maison dans un délai de six mois renouvelable par trois mois ' aurait retardé le début du délai de six mois prévu par l'article 42 de la loi de 1924. Puis ce même délai aurait été reporté à de nombreuses reprises, à chaque courrier de la SCCV adressé aux époux [L] dans lequel elle reconnaissait leurs droits à acquisition des biens. Les appelants faisaient référence aux courriers du 6 mai, 6 juin, 16 octobre 2019, 27 janvier, 9 octobre, 14 octobre et 11 décembre 2020. Ils estiment en outre que par ces actes positifs la SCCV aurait renoncé à se prévaloir de la caducité de l'article 42 de la loi de 1924.

Les consorts [L] considèrent que le tribunal aurait dû constater l'existence de cet engagement ferme et irrévocable de la SCCV à leur vendre les biens, comme étant source de droit pour eux. Pour s'en convaincre il suffirait de :

' se référer à la teneur même des échanges passés entre les parties,

' d'estimer que, contrairement à ce que soutient la SCCV, les effets du contrat de réservation ne sont pas figés,

' le cas échéant de requalifier ce contrat de réservation en promesse synallagmatique de vente dès lors que les parties ont manifesté leurs volontés respectives de vendre et d'acheter, en s'accordant sur l'objet, le prix et le délai de livraison.

La SCCV ne saurait en outre tirer argument d'une prétendue absence de réponse de la part des époux [L] à son courrier du 8 décembre 2020 et d'affirmer qu'elle était libre de mettre terme aux négociations et à son engagement de vendre. Ce courrier n'aurait pas respecté le formalisme imposé par la convention de réservation en ce que :

' il n'a pas mis en demeure les époux [L] de signer l'acte de vente conformément aux dispositions du contrat, à défaut de notification préalable par lettre recommandée,

- les parties auraient en tout état de cause toujours été dans un processus de négociation, la société O C'ur d'Obernai Passion n'ayant jamais communiqué aux consorts [L] sa position concernant les travaux modificatifs souhaités ; aussi la société O C'ur d'Obernai Passion ne pouvait interrompre de manière abrupte les négociations.

Les appelants estiment en outre que la société O C'ur d'Obernai Passion ne peut invoquer utilement les dispositions de l'article L 261'15 du code de la construction et de l'habitation. Selon eux cette disposition a pour objet de protéger les intérêts de l'acquéreur de sorte que le promoteur ne peut l'invoquer à son profit.

Dans ces conditions, les appelants demandent à la cour d'imposer à la société de leur vendre les lots concernés et de réparer le préjudice financier et moral qu'ils ont subi. S'agissant du premier préjudice, il résulterait de l'absence de réitération de la vente et du non-respect du délai initialement prévu. Il serait constitué par les factures engagées pour la location d'emplacements du camping-car de près de 5548 euros par année, et de frais de garde-meuble. Ils évaluent le préjudice matériel annuel à 9 619,12 euros de sorte que c'est une somme de 25 500 euros qu'ils réclament pour l'ensemble de la période. Quant au préjudice moral, il serait évident, puisque les appelants ne pouvaient jouir paisiblement de leur retraite, étant obligés d'avoir une vie stressante en camping-car.

7

Afin de préserver leur droit de procéder à des travaux modificatifs, les appelants rappellent avoir demandé au conseiller de la mise en état la suspension des travaux d'aménagement des biens acquis par eux, requête qui a été rejetée. Aussi demandent-ils que leur soit reconnu le droit de procéder à des travaux modificatifs, si le promoteur a réalisé des travaux contraires à ceux qui étaient prévus, sans que les travaux de reprise n'aient pour effet de retarder la livraison des biens, et ce à la seule charge financière des promoteurs. En outre ils demandent que la société O C'ur d'Obernai Passion soit condamnée à leur communiquer un devis détaillé des plus-values et moins-values correspondant aux travaux modificatifs demandés y compris portant sur la fermeture des stationnements par une porte commune.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 30 mai 2022 la SSCV O C'ur d'Obernai Passion demande à la cour de :

DIRE irrecevables les conclusions des appelants pour dissimulation d'adresse en tout cas défaut de preuve de leur domicile véritable, avec les conséquences de droit,

Sinon, DIRE l'appel mal fondé, le REJETER, et DEBOUTER Monsieur et Madame [T] [L] de l'ensemble de leurs fins, moyens, demandes et prétentions,

CONFIRMER le jugement entrepris sous réserve de l'appel incident,

Y ajoutant :

CONDAMNER solidairement sinon in solidum Monsieur et Madame [L] à lui payer la somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel,

Les CONDAMNER solidairement sinon in solidum en tous les frais et dépens d'appel,

DIRE bien fondé l'appel incident et y faire droit,

REFORMER le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté l'exception de nullité de l'assignation,

Rejeté la demande de mainlevée de la prénotation,

Rejeté le surplus des demandes de la SCCV O C'ur d'Obernai Passion,

Condamné la SCCV O C'ur d'Obernai Passion à payer 5.000 euros à titre de dommages et intérêts,

Condamné la SCCV O C'ur d'Obernai Passion à payer 1.500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et les dépens,

et statuant à nouveau,

DIRE nulle et de nul effet l'assignation délivrée à la SCCV O C'ur d'Obernai Passion,

DIRE par voie de conséquence nul le jugement entrepris,

Subsidiairement :

DIRE irrecevables à tout le moins mal fondées les demandes de Monsieur et Madame [L],

Les en DEBOUTER ainsi que de toutes conclusions tendant aux mêmes fins,

En tout état de cause,

ORDONNER la mainlevée de la prénotation obtenue par Monsieur et Madame [L] selon ordonnance n° Q 21/003 en date du 25 février 2021 ;

8

ORDONNER la transcription de la décision ordonnant la mainlevée de la prénotation au Livre foncier

CONDAMNER solidairement sinon in solidum Monsieur et Madame [L] en tous les frais et dépens de première instance et à payer 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance.

L'intimée reprend longuement l'historique des relations ayant existé entre les parties et indique qu'après avoir fait preuve de patience - ayant proposé à Monsieur [T] [L] et Madame [N] [L] née [O] de prendre en charge une indemnisation mensuelle de 650 euros pour tenir compte du retard de livraison du programme - elle leur a proposé de soumettre à leur signature un acte de vente en octobre 2020, ce que ces derniers ont refusé au motif qu'il n'avait pas été fait droit à leurs demandes que l'intimée qualifiait de « extravagantes ».

La société précise à ce sujet que les consorts [L], après avoir demandé des modifications de leurs lots, en étaient arrivés à formuler des demandes tendant à vérifier le coût des travaux globaux, la qualité des entreprises adjudicataires de l'ensemble de l'opération immobilière, exigence qui constituerait, selon la SCCV, une immixtion insupportable.

Dans ce contexte, la société indique avoir écrit aux époux [L] le 8 décembre 2020 pour leur demander, soit de signer la vente, soit d'y renoncer et de bénéficier du remboursement de leur dépôt de garantie. Ces derniers n'ayant pas pris position, c'est donc de manière légitime que la SCCV estime leur avoir indiqué par courrier du 25 janvier 2021 qu'elle refusait de passer la vente.

La SCCV, à hauteur d'appel, maintient son argumentation portant sur la nullité de l'assignation de première instance au motif que la requête adressée au président en vue d'obtenir une date fixe n'aurait pas été jointe à l'assignation. Cette lacune aurait occasionné un grief manifeste, dans la mesure où la partie défenderesse estime ne pas avoir été mise en mesure de contester l'urgence de la procédure à jour fixe. L'intimée conteste aussi la décision du juge qui a considéré que la procédure à jour fixe était une mesure d'administration judiciaire insusceptible de recours.

Concernant la demande principale, à savoir celle portant sur la signature de l'acte de vente, l'intimée formule plusieurs observations :

' si la juridiction venait à retenir l'argumentaire des consorts [L] selon laquelle la SCCV aurait contracté une obligation de vendre les biens immobiliers, sur le fondement de correspondances et d'échanges, il conviendrait alors de mettre en 'uvre les dispositions de l'article 42 de la loi de 1924 ; or l'intimée estime que la cour devrait constater que le délai de six mois prévu pour formaliser l'acte de vente aurait expiré depuis longtemps au moment de l'assignation délivrée le 26 février 2021 ; la demande de signature de l'acte de vente serait alors irrecevable,

' en tout état de cause l'article 42 de la loi de 1924 ne serait pas applicable pour un contrat préliminaire prévu en matière de vente en l'état de futur achèvement, qui n'est pas une convention visée par les dispositions de cet article 42 ; il ne peut d'ailleurs pas davantage donner lieu à une prénotation,

' l'intimée reproche aux appelants de dénaturer la nature juridique du contrat de réservation qu'ils ont signé; un tel contrat entraîne pour le réservant une obligation de ne pas faire (ne pas vendre à autrui) qui ne peut se résoudre qu'en dommages et intérêts s'il venait à refuser de régulariser l'acte de vente ou à vendre le bien à un tiers ; de ce fait la SCCV ne pourrait en aucun cas être condamnée à vendre,

9

- l'arrêt de Cour de cassation du 23 mars 2017 évoqué par les appelants ne peut être considéré comme un arrêt de revirement, car il s'agit d'une décision revêtue de la mention « inédite », que la Cour de cassation n'a pas souhaité publier ou mettre au recueil. En outre cette décision porte sur des faits très particuliers et différents du présent cas, puisqu'il s'agissait de l'intervention conjointe du nu-propriétaire et d'usufruitiers qui revendiquaient ensemble le bénéfice d'un contrat de réservation,

' Monsieur [T] [L] et Madame [N] [L] née [O] ne sauraient davantage, selon l'intimée, affirmer que la SCCV était engagée non par un contrat de réservation mais par une promesse synallagmatique de vente résultant d'un échange de correspondances ; les correspondances datant de 2018 et de 2019, produites aux débats par les appelants, ne démontreraient aucun engagement définitif sur la chose et sur le prix entrainant novation du contrat de réservation. Leur lecture démontrerait au contraire que les époux [L] tentaient de modifier l'objet de la vente, et que ces demandes n'ont jamais été admises,

- en tout état de cause la demande tendant à ce que la SCCV soit condamnée à transmettre sous astreinte un acte de vente des lots 207, 541, 620 et 621, serait irréaliste dans la mesure où ces lots n'existent pas compte tenu des modifications du programme mais aussi des volontés successives de changements des appelants.

De manière subsidiaire, sur le préjudice, la SCCV conteste son existence estimant que les justificatifs étaient sommaires, et qu'elle ne croyait pas aux allégations des appelants selon lesquelles ils auraient été contraints de vivre toute l'année en camping-car, alors que les seules pièces versées aux débats sont des factures qui démontreraient uniquement qu'ils ont passé quelques semaines de vacances dans un camping, ces derniers ne produisant pas de facture portant sur plusieurs mois ou encore de documents fiscaux démontrant leur état de non sédentaire.

La société critique le raisonnement du tribunal en ce qu'il a estimé qu'elle n'a pas communiqué d'informations suffisantes sur l'évolution du projet. La possibilité d'un retard dans un programme immobilier serait inhérente à ce type d'opération et donc au contrat de réservation de VEFA, et ce d'autant plus que la pandémie du COVID a frappé en 2020.

S'agissant de l'appel incident, la SCCV maintient sa demande de mainlevée de la prénotation prise, au motif qu'elle ne pouvait en tout état de cause pas être déposée pour un contrat de réservation de VEFA.

* * *

Par ordonnance du 3 janvier 2023, la Présidente de chambre, chargée de la mise en état, a ordonné la clôture de la procédure et renvoyé l'affaire à l'audience du 25 janvier 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions transmises aux dates susvisées.

10

MOTIVATION

1) sur la validité de l'assignation

Le premier juge a rappelé à juste titre d'une part les dispositions de l'article 114 du code de procédure civile selon lesquelles aucun acte de procédure ne peut être déclaré nul pour vice de forme si la nullité n'en est pas expressément prévue par la loi, sauf en cas d'inobservation d'une formalité substantielle ou d'ordre public, que la nullité ne peut être prononcée qu'à charge pour l'adversaire qui l'invoque de prouver le grief que lui cause l'irrégularité, même lorsqu'il s'agit d'une formalité substantielle ou d'ordre public, d'autre part celles de l'article 841 du code de procédure civile applicable à la procédure d'assignation à jour fixe qui prévoient que l'assignation doit indiquer à peine de nullité les jour, heure et lieu fixés par le président auxquels l'affaire sera appelée et précisant qu'une copie de la requête doit être jointe à l'assignation.

Au présent cas, la SCCV ' qui soutient la nullité de l'acte d'assignation au motif que la requête n'a pas été jointe à l'assignation et qu'il existe un doute quant à l'adresse exacte des consorts [L] - ne démontre en tout état de cause pas qu'elle a subi le moindre grief du fait de cette absence et de ce doute.

Elle a été de surcroît représentée devant la chambre appelée à connaître de l'affaire, connaissait la cause, et a été en mesure de présenter sa défense.

En outre elle ne saurait soutenir utilement subir un grief du fait de l'absence dans les pièces annexées à l'assignation de la requête adressée au président pour obtenir la fixation de l'affaire à une date fixe au motif qu'elle aurait pu contester le caractère urgent de l'affaire, car comme l'a fort justement indiqué le premier juge la décision du président autorisant l'assignation à jour fixe est une mesure d'administration judiciaire non susceptible de recours.

Il y a par conséquent lieu de confirmer le premier jugement en ce qu'il a écarté la demande de nullité de l'assignation.

2) Sur la demande principale portant sur l'acte de vente

Les époux [L] ont signé le 19 février 2018 un contrat de réservation portant sur différents lots faisant partie d'un programme immobilier à construire dénommé « résidence O c'ur Obernai passion » commercialisé par la SCCV O C'ur d'Obernai Passion.

Un contrat de réservation d'un immeuble à construire n'est pas une promesse de vente. L'augmentation du coût de la construction de l'ensemble, les contraintes techniques ou administratives, peuvent entraîner l'impossibilité de réaliser le programme immobilier initial et constituer un motif sérieux et légitime permettant au réservant ne pas donner suite au contrat, à charge pour lui de restituer le dépôt de garantie et ce sans forcément engager sa responsabilité à l'égard du réservataire.

11

Par un contrat de réservation, le vendeur s'engage, en contrepartie d'un dépôt de garantie, à réserver à un acheteur éventuel, un immeuble ou une partie d'immeuble. Le refus injustifié de la part du réservant d'offrir à son cocontractant la vente des biens réservés aux conditions stipulées ne peut donner lieu qu'à l'allocation de dommages et intérêts en plus de la restitution du dépôt de garantie.

Il n'est donc pas possible pour les époux [L], réservataires, d'exiger de la part du réservant la signature d'un acte de vente portant sur les lots qui ont fait l'objet du contrat de réservation de février 2018.

Le caractère non automatique de la vente était d'ailleurs clairement précisé dans le contrat de réservation puisqu'en page 11, sous le titre « réalisation de la vente, » il était indiqué que « la vente, si elle se réalise (') », sans quoi l'usage du terme « si », qui implique une conditionnalité, n'aurait pas été utilisé.

Les développements portant sur les conditions d'application de l'article 42 de la loi du 1er juin 1924 sont donc sans objet, et ce d'autant plus qu'en tout état de cause un contrat de réservation ne constitue pas un acte translatif de propriété immobilière visée par cet article.

Les appelants estiment que le contrat les liants à la SCCV aurait changé de nature entre 2018 et 2020, passant d'un contrat de réservation à une promesse synallagmatique de vente, et qu'ils bénéficieraient d'un engagement ferme et irrévocable de la part de la SSCV O C'ur d'Obernai Passion à leur vendre les biens litigieux.

Pour fonder leur argumentation, ils estiment qu'à l'occasion des nombreux échanges épistolaires qui ont eu lieu entre d'une part eux-mêmes et leur notaire, et d'autre part la SSCV O C'ur d'Obernai Passion, un des promoteurs immobiliers en la personne de Monsieur [C] et le notaire de la SCCV, un accord univoque aurait été dégagé pour la réalisation d'une vente.

Cependant, la lecture de ces nombreux échanges épistolaires ne démontre nullement que la SCCV s'est engagée à vendre le bien aux conditions exigées par les époux [L]. Pour qu'il y ait promesse de vente, il faudrait que la chose et le prix soient déterminés avec précision et de manière univoque et acceptés par toutes les parties.

S'il n'y a pas de débat sur le prix de 318 000 euros, en revanche force est de constater que les parties ne sont jamais tombées d'accord quant à la nature de la chose et à son périmètre.

À l'issue des échanges, si le promoteur a accepté d'indemniser les époux [L] pour le retard qui a été pris dans la réalisation du programme immobilier à hauteur de 650 euros par mois, en revanche il n'a jamais accepté les exigences des appelants portant sur les prestations de « la chose ».

Pour se convaincre de l'existence de ce désaccord, il suffit de se référer au mail du 25 novembre 2020 adressé par Maître [G], notaire des époux [L], au notaire de la SCCV, qui reprend les exigences de ses clients. Sans être exhaustive, la cour retranscrit ci-dessous une partie de ce texte :

« Monsieur et Madame [L] écrivent toutefois qu'il est indispensable que des précisions soient apportées à propos des conditions de prise en charge de prestations (ou fournitures) supplémentaires et ceci pour éviter toute ambiguïté et discussion à venir.

12

En effet, un certain nombre de travaux sont susceptibles de pouvoir être réalisés par les entreprises adjudicataires des travaux de construction de bâtiments tels que (liste non exhaustive) :

' fourniture et pose de matériel d'électricité d'éclairage (gaines, câbles, prises interrupteur etc.')

' fourniture et pose de portes à galandage (en remplacement des portes prévues) compris modifications de cloisons (+et -values)

' fourniture et pose de cabine et paroi de douche (en remplacement de baignoire)

' fourniture et pose de revêtements muraux spécifiques (en remplacement des matériaux et produits prévus)

' fourniture et pose de revêtement de sol spécifiques (en remplacement de ceux proposés)

Cependant, ces travaux (ou fournitures) devront impérativement être présentés à Monsieur et Madame [L] sous forme de devis détaillé remis dans un délai suffisant leur permettant à la fois de consulter une entreprise tierce à titre de comparaison et ne compromettant pas la réalisation de ceux-ci dans les délais repris au planning de chantier.

(')

Monsieur et Madame [L] demandent donc de préciser à l'avenant que, si les travaux (ou fournitures) souhaités n'entrent pas dans le champ de réalisation des entreprises adjudicataires, le vendeur s'engage à passer, sous huitaine à réception, commande de tous devis présentés par l'acquéreur, dans les conditions, prix, date et délais d'intervention et de règlement indiqués, par l'entreprise choisie par ces derniers, ceux-ci ne pouvant alors être tenus pour responsable du non-respect de l'une ou de l'autre des conditions de commandes à l'égard de ladite entreprise, ni de tout retard pouvant être constatés ; c'est au vendeur à prendre toutes les dispositions utiles pour que le respect soit garanti.

Il devra également être précisé :

'que lesdits travaux bénéficieront des garanties décennales ou biennales au même titre que ceux repris au contrat de vente et feront donc, de même, l'objet de réception,

'que Monsieur et Madame [L] n'auront pas à faire l'avance de tout dépassement du montant des travaux en cours par rapport aux sommes dues par le vendeur au titre de l'indemnisation si ce n'est, au plus tard, à la date de livraison définitive et sans réserve.

(')

Enfin, Monsieur et Madame [L] précisent que, si le vendeur ne consent pas à cet accord (qui est loin d'être à la hauteur de ce qu'ils seraient en mesure d'obtenir eu égard tous les écrits échangés dans cette affaire), ils engageraient une procédure à son encontre avec le soutien de « que choisir » (dont ils sont adhérents actifs depuis de nombreuses années) et de leur avocat, qui sont tous deux déjà au courant du dossier.

(')

En cas d'accord sur l'intégralité de ces différents points, monsieur et madame [L] sont prêts à signer au plus vite cet accord souhaitant même conclure (si possible) la VEFA avant la fin 2000.

Je vous remercie donc d'étudier ces différents points et de les transmettre à votre client afin d'aboutir à un accord définitif et rapide entre les deux parties. »

13

Il résulte clairement de la teneur de ce mail du 25 novembre 2020, que les parties n'étaient pas d'accord sur la chose, et notamment sur la nature des travaux à réaliser sur les lots et sur les modalités de leur suivi (Monsieur et Madame [L] exigeant de pouvoir étudier les devis «présentés par l'acquéreur, dans les conditions prix date et délais» et de les mettre en concurrence).

Les derniers développements du courrier, que la cour a soulignés, démontrent l'absence d'accord, puisque les consorts [L] précisaient qu'ils ne signeraient qu'en cas d'engagement de la part du promoteur (« en cas d'accord sur l'intégralité de ces différents points, monsieur et madame [L] sont prêts à signer au plus vite' »).

Il n'est nullement démontré qu'entre la date de ce mail du 25 novembre 2020 et le courrier du 8 décembre 2020 adressé par la SCCV qui sera évoqué dans le paragraphe suivant, un accord a été trouvé.

Aux termes du courrier du 8 décembre 2020, adressé en lettre recommandée avec accusé de réception, la SCCV proposait aux époux [L] soit d'acheter en l'état futur d'achèvement selon les conditions prévues par l'acte de réservation avec un délai de livraison reporté au mois de septembre 2022, soit de renoncer à l'acquisition.

Dans le courrier de réponse du 11 janvier 2021, les époux [L] n'ont pas accepté de se porter acquéreurs des lots aux conditions précisées dans l'acte de réservation, puisqu'ils maintenaient leurs exigences telles que formulées dans le mail de leur notaire le 25 novembre 2020.

Il s'en déduit, que contrairement à ce que soutiennent les appelants, la SSCV O C'ur d'Obernai Passion les a mis en demeure par lettre recommandée avec accusé de réception de venir signer un acte de vente et qu'à l'issue d'un délai d'un mois, elle a tiré les conséquences de droit de l'absence de réponse positive de la part des époux [L].

Le premier juge a donc parfaitement bien analysé la situation en constatant que la non réalisation de la vente ' aux conditions initialement prévues par la réservation avec un nouveau délai de livraison ' découle de la position adoptée par les époux [L] et non de celle de la SCCV.

La SSCV O C'ur d'Obernai Passion ne s'est jamais engagée à accepter que ses cocontractants puissent modifier de manière unilatérale la nature et la qualité des travaux réalisés sur les lots et puissent se comporter en véritable maître d''uvre avec un droit de regard sur le choix des artisans, leurs facturations, et avoir la possibilité de les mettre en concurrence avec des professionnels tiers.

Les époux [L] ne peuvent prétendre que la SSCV O C'ur d'Obernai Passion ne pouvait notifier l'acte de vente au motif qu'elle n'aurait pas respecté un certain nombre d'exigences du contrat ou encore qu'elle aurait interrompu de manière abrupte des négociations alors qu'il est démontré que les parties n'ont pas trouvé d'accord sur la chose. Contrairement à ce qu'affirment les appelants, la SSCV O C'ur d'Obernai Passion a parfaitement pris position concernant leurs demandes portant sur la nature des travaux modificatifs souhaités et le rôle que souhaitait prendre dans le suivi du chantier Monsieur [L] ; elle s'y est toujours opposée. Il n'y a pas eu d'interruption brutale des négociation, mais simplement un désaccord.

14

La décision du premier juge sera par conséquent confirmée sur ce point en ce qu'il a rejeté la demande des époux [L] tendant à obtenir la signature de l'acte de vente en l'état futur d'achèvement de certains lots.

En revanche, il y a lieu d'infirmer la décision qui a rejeté la demande de mainlevée de la prénotation réalisée à la demande des époux [L] et autorisée par une ordonnance du 25 février 2021 ; en effet la société produit à hauteur d'appel, en annexe 34, ladite décision qui autorisait la prénotation jusqu'au 31 décembre 2022. Il est rappelé que le premier juge avait écarté cette demande car cette ordonnance ne lui avait pas été rapportée.

La mainlevée, et la transcription de la décision ordonnant la mainlevée au livre foncier, seront ordonnées et réalisées aux frais de la société.

3) sur la demande d'indemnisation

Concernant le préjudice matériel évoqué par les appelants, comme le fait remarquer à juste titre la SSCV O C'ur d'Obernai Passion, d'une part les quelques factures correspondant à la location d'emplacement pour camping-cars ne permettent pas d'établir que les époux [L] vivent à demeure dans leur camping-car, en ce qu'elles ne portent que sur quelques semaines de l'année.

D'autre part, les frais engagés au titre des garde-meubles ne peuvent être imputés à la SSCV O C'ur d'Obernai Passion ; ils ont dû être engagés du fait de la vente rapide de la maison par les appelants durant l'été 2018, alors que ces derniers ne pouvaient manquer de savoir, qu'en signant un contrat de réservation, ils s'engageaient dans un processus long soumis à des aléas.

Monsieur [L] - qui disposait d'une expérience dans le monde des affaires immobilières (dans le mail du 25 novembre 2020 rédigé par son notaire, ce dernier indiquait « enfin, pour avoir participé de très nombreuses fois à ses activités, je me permets de vous indiquer que Monsieur [L] a été dirigeant d'une société de promotion immobilière pendant plus de 25 années, il connaît donc bien tous les textes qui régissent ce type de contrat, a toujours été très rigoureux quant au respect de sa clientèle et entend donc qu'il en soit ainsi dans cette affaire ») - ne pouvait ignorer que cette vente rapide de la maison familiale engagerait nécessairement des frais de garde-meubles.

En revanche, le premier juge, après avoir rappelé, au visa des articles 1104 et 1217 du code civil que la SCCV n'a pas respecté l'engagement de réaliser les travaux pour le deuxième trimestre 2020 (comme précisé dans le contrat de réservation) a constaté logiquement que les époux [L] ont subi un préjudice découlant de ce retard important et répété.

Si en matière de programme immobilier il existe toujours un aléa de nature à empêcher sa concrétisation, ou à en reporter son terme, il est nécessaire pour le professionnel de tenir informé son client du retard pris et de la date d'échéance, pour lui permettre de se désengager si les délais deviennent trop incertains ou lointains.

Le premier juge a fort justement considéré que la SSCV O C'ur d'Obernai Passion avait été défaillante dans son devoir d'information.

15

C'est surtout l'absence de prévisibilité et de lisibilité de l'échéance qui peut lui être reprochée. Les courriers qu'elle a adressés aux époux [L] les informaient certes de la survenue du retard, mais n'étaient pas de nature à les informer utilement quant à la date d'échéance.

Il s'en déduit que ces derniers ont bel et bien subi une perte de chance de se désengager d'un projet languissant pour pouvoir trouver meilleure fortune sur le marché immobilier des environs d'Obernai.

Eu égard le délai d'attente, le montant de l'indemnisation fixé à 5 000 euros par le premier juge paraît insuffisant, de sorte qu'il sera réévalué à une somme de 8 000 euros, montant correspondant à celui que la SSCV O C'ur d'Obernai Passion avait d'ailleurs proposé de verser aux consorts [L] à titre de dédommagement durant les négociations.

Le jugement sera infirmé sur ce point.

Enfin, comme le notait le premier juge, les consorts [L] ne produisent aucun élément susceptible de démontrer l'existence d'un préjudice moral en lien avec la faute imputable à la SCCV et distinct du préjudice subi du fait du retard et du défaut d'information. Il y aura par conséquent lieu de confirmer le rejet de la demande faite sur ce fondement

4) sur les demandes accessoires

Le jugement de première instance statuant sur la question des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile, sera confirmé.

La SSCV O C'ur d'Obernai Passion, partie succombante partielle au sens de l'article 696 de code de procédure civile, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel.

Une somme de 2 000 euros sera allouée à Monsieur [T] [L] et Madame [N] [L] née [O] au titre des frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après en avoir délibéré, publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile :

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Saverne rendu le 11 juin 2021 sauf en ce qu'il a :

* condamné la SSCV O C'ur d'Obernai Passion à payer à Monsieur [T] [L] et Madame [N] [L] née [O] la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts,

* rejeté la demande de mainlevée d'une prénotation,

16

Et statuant à nouveau sur ces seuls points,

- CONDAMNE la SSCV O C'ur d'Obernai Passion à payer à Monsieur [T] [L] et Madame [N] [L] née [O] la somme de 8 000 euros (huit mille euros) à titre de dommages-intérêts,

' ORDONNE la mainlevée de la prénotation obtenue par Monsieur [T] [L] et Madame [N] [L] née [O] selon ordonnance numéro Q 21/003 en date du 25 février 2021, aux frais de la SSCV,

- ORDONNE la transcription de la décision ordonnant la mainlevée de la prénotation au livre foncier aux frais de la SSCV,

Et y ajoutant

- CONDAMNE la SSCV O C'ur d'Obernai Passion aux dépens de la procédure d'appel,

- CONDAMNE la SSCV O C'ur d'Obernai Passion à payer à Monsieur [T] [L] et Madame [N] [L] née [O] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/03131
Date de la décision : 22/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-22;21.03131 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award