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22/03/2023 | FRANCE | N°21/02076

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 22 mars 2023, 21/02076


MINUTE N° 163/2023





























Copie exécutoire à :





- Me Guillaume HARTER





- Me Raphaël REINS







Le 22 mars 2023





Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 22 MARS 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02076 -

Portalis DBVW-V-B7F-HSC3



Décision déférée à la cour : 30 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de COLMAR





APPELANTE et INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT :



S.À.R.L. UNI'VERT ENERGIE

prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]


...

MINUTE N° 163/2023

Copie exécutoire à :

- Me Guillaume HARTER

- Me Raphaël REINS

Le 22 mars 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIÈME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 22 MARS 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02076 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HSC3

Décision déférée à la cour : 30 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de COLMAR

APPELANTE et INTIMÉE SUR APPEL INCIDENT :

S.À.R.L. UNI'VERT ENERGIE

prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 2]

[Adresse 2]

représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la cour

plaidant : Me Marie CROUZET, avocat au barreau de Lyon

INTIMÉS et APPELANTS SUR APPEL INCIDENT :

Monsieur [D] [L]

Madame [V] [L]

demeurant tous deux [Adresse 1]

[Adresse 1]

représentés par Me Raphaël REINS, avocat à la cour

plaidant : Me GÉRARD, avocat au barreau de Colmar

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 25 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, président de chambre

Madame Myriam DENORT, conseiller

Madame Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame DONATH faisant fonction

ARRÊT CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président, et Madame Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

2

EXPOSÉ DU LITIGE

Selon bon de commande du 24 août 2013 signé à la foire de [Localité 3], M. [D] [L] a commandé auprès de la société à responsabilité limitée Uni'vert Energie la fourniture et mise en service d'une pompe à chaleur Hitachi et d'un ballon thermodynamique Ariston pour un prix de 25 000 euros.

Se plaignant d'une surconsommation d'électricité, les époux [L] ont sollicité l'organisation d'une expertise en référé. M. [H] [T], l'expert désigné, a déposé son rapport le 25 mars 2017.

Par requête introductive d'instance déposée le 25 octobre 2017, M. et Mme [L] ont fait citer la société Uni'vert devant le tribunal de grande instance de Colmar, aux fins de voir prononcer la résolution du contrat susvisé et la condamnation de la défenderesse à la restitution du prix ainsi qu'au paiement de dommages et intérêts.

Par jugement du 2 avril 2019, le tribunal de céans a ordonné l'audition de l'expert désigné ainsi que la comparution personnelle des parties. Il a estimé qu'il convenait :

- d'interroger l'expert en vue notamment de déterminer si la société Uni'vert a rempli son obligation de renseignement ;

- de recueillir des explications complémentaires de sa part en vue d'éclaircir les raisons pour lesquelles le « point de bivalence » a été programmé à 0°C extérieur au lieu de -7°C.

L'audition de l'expert et la comparution personnelle des parties a eu lieu le 17 mai 2019. Un procès-verbal a été dressé à son issue.

Par jugement contradictoire du 30 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Colmar a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire :

- ordonné la résolution du bon de commande n°2412 en date du 24 août 2013 passé entre M. [L] et la SARL Uni'vert Energie ayant donné lieu à la facture du 18 octobre 2013 aux torts exclusifs de la société Uni'vert ;

- ordonné par conséquent à M. et Mme [L] de restituer à la société Uni'vert les biens objets du contrat de vente à charge pour cette dernière de venir reprendre possession du matériel installé à leur domicile, et en tant que de besoin les y a condamnés ;

- condamné la société Uni'vert à procéder à ses frais à la dépose de la pompe à chaleur et du ballon thermodynamique installés au domicile de M. et Mme [L] et à venir prendre possession desdits biens dans un délai de deux mois suivant la notification de la décision ;

- condamné la société Uni'vert à restituer à M. et Mme [L] la somme de 25 000 euros, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision ;

- condamné la société Uni'vert à payer à M. et Mme [L] la somme de 800 euros à titre de dommages et intérêts, avec intérêts aux taux légal à compter de la présente décision ;

- débouté la société Uni'vert de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamné la société Uni'vert à payer à M. et Mme [L] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre à supporter les dépens, lesquels comprendront le coût de la procédure de référé RG 16/214, y compris le coût de l'expertise judiciaire.

Pour motiver sa décision, le premier juge a, au visa des articles 1134 et 1184 anciens du code civil, estimé qu'il fallait envisager l'installation de la pompe à chaleur et du ballon d'eau chaude installés par la société Uni'vert comme devant venir en relève de la chaudière en place, et rappelé que si les époux [L] souhaitaient réaliser des économies d'énergie, il n'est pas possible de savoir quel pourcentage d'économies aurait fait miroiter la société Uni'vert à ses clients en l'absence de tout document contractuel portant sur ce sujet.

3

Le tribunal a déduit de l'expertise judiciaire, du rapport d'expertise amiable en date du 25 mars 2016 et des factures d'électricité, que les consommations électriques ont fortement augmenté après l'installation de la pompe à chaleur le 18 octobre 2013 et qu'elles ont été le fruit d'une mauvaise exploitation de l'installation, notamment en raison de la fixation du point de bivalence à 0°C au lieu de -7°C, induisant un fonctionnement continu qui expliquait la consommation excessive alors que l'installation n'était pas dimensionnée pour être un chauffage principal.

Le premier juge a relevé que les époux [L] ignoraient qu'il fallait procéder à un basculement manuel vers leur chaudière initiale lorsque les températures baissaient sous 0°C, et la société Uni'vert ne justifiait pas avoir fourni cette information aux époux. Le tribunal a souligné que si les époux avaient su cette information, ils auraient procédé au basculement vers leur installation de chauffage initiale d'une part, et, s'ils avaient su que le basculement de la pompe à chaleur vers la chaudière classique devait s'effectuer par voie manuelle et non automatique, ils auraient d'autre part pu ne pas opter en faveur d'une telle installation.

Le tribunal a aussi constaté le manquement de la société Uni'vert à son obligation de suivi puisque lorsque l'installation a dysfonctionné début 2014, elle n'a pas envoyé de technicien.

Le premier juge a conclu que la SARL Uni'vert avait manqué à ses obligations de renseignement, d'information et de conseil dues aux époux [L], tant lors de la signature du bon de commande, faute de s'être réservée la preuve qu'elle les avait informés de la nécessité d'un basculement manuel, que lors de l'installation de la chaudière, faute de justifier de les en avoir informés à ce moment.

De surcroît, le premier juge a considéré que la société avait manqué à son devoir de conseil en ce qu'elle aurait dû conseiller une pompe à chaleur plus puissante, compte tenu des températures hivernales froides de la région.

Le tribunal a jugé que ces divers manquements étaient suffisamment graves et nombreux pour justifier de la résolution du bon de commande signé le 24 août 2013 et indemniser les demandeurs, au titre de consommation excessive au regard de l'utilisation effectuée par l'octroi aux époux de dommages et intérêts, à hauteur de 800 euros.

* * *

La société Uni'vert a interjeté appel de ce jugement, le 14 avril 2021, en toutes ses dispositions.

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 novembre 2021, la société Uni'vert demande à la cour :

- d'infirmer le jugement entrepris ;

- de juger que la société appelante a parfaitement respecté ses obligations d'information et de conseil ;

- conséquemment, de débouter les époux [L] de l'ensemble de leurs demandes, y compris celles formulées dans le cadre de leur appel incident ;

- de condamner les époux [L] à payer à la société Uni'vert la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens.

Au soutien de son appel elle fait valoir que la société Uni'vert a respecté son obligation de délivrance, comme l'atteste le rapport d'expertise judiciaire du 25 mars 2017 et que la mauvaise utilisation du matériel installé par les époux [L], au regard du fait qu'il était couplé avec une chaudière fuel bois pré-existante, ne saurait constituer un manquement de la société Uni'vert à son obligation de délivrance conforme.

4

L'appelante soutient qu'elle a parfaitement respecté son obligation légale d'information, tant en ce qui concerne le matériel acquis que s'agissant de son fonctionnement. Elle affirme que la société Uni'vert ne s'est jamais engagée sur de potentielles économies d'énergie ; elle n'aurait alors commis aucun manquement à son obligation d'information.

L'appelante affirme également s'être conformée à son obligation d'information en communiquant aux époux [L] l'ensemble des informations afférentes à la pompe à chaleur et à ses caractéristiques essentielles, qui figuraient sur le bon de commande. En outre, la société affirme leur avoir remis l'ensemble de la documentation technique relative à l'utilisation, au fonctionnement et à la configuration de la pompe à chaleur lors de son installation, notamment sur la nécessité de mettre eux-mêmes en route leur chaudière classique en cas de basses températures.

L'appelante estime que la société n'a pas manqué à son obligation de conseil, en ce qu'elle avait conseillé aux époux de maintenir leur chaudière classique en parallèle de la pompe à chaleur en relève, conformément à leur souhait. Elle estime que le matériel vendu était conforme au regard de la puissance nécessaire et des conditions climatiques régionales et que si la pompe à chaleur n'a pas été utilisée correctement, une telle exploitation du matériel n'est imputable qu'aux seuls consorts [L].

L'appelante critique le premier juge en ce qu'il a fait droit à la demande d'indemnisation des époux, alors qu'il était relevé dans la motivation du jugement que « les éléments du dossier ne permettent pas de savoir qu'elle consommation d'électricité aurait été nécessaire lors du fonctionnement normal de l'installation et quelle quantité de fioul ou de bois aurait été utilisée ». Elle estime injustifié le montant de l'indemnisation allouée, faute pour les époux d'avoir démontré un tel préjudice.

Enfin, elle estime également infondée la demande incidente des époux visant à obtenir la somme de 24 530,60 euros correspondant presque au solde du crédit souscrit pour financer le matériel acquis, alors qu'ils ont souscrit un prêt de leur propre initiative et que leur défaillance dans le remboursement de celui-ci n'est pas imputable à la société Uni'vert.

* * *

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 17 août 2021, M. et Mme [L] concluent au rejet de l'appel principal et forment appel incident. Ils demandent à la cour :

- sur l'appel principal, de le déclarer recevable mais mal fondé, ainsi le rejeter ;

- de déclarer les demandes des époux [L] recevables et bien fondées ;

- de débouter la SARL Uni'vert de l'ensemble de ses demandes et prétentions ;

- de confirmer intégralement le jugement entrepris, sauf en ce qu'il a limité l'indemnisation des intimés à la somme de 800 euros ;

- sur l'appel incident, de le déclarer recevable et bien fondé ;

- d'infirmer partiellement le jugement entrepris et, statuant à nouveau, condamner la SARL Uni'vert à payer à M. et Mme [L] la somme de 3 000 euros à titre de dommages et intérêts en lien avec la consommation excessive d'électricité, et la somme de 24 530,63 euros à titre de dommages et intérêts en lien avec la souscription d'un crédit affecté ;

- de condamner la SARL Uni'vert à procéder à ses frais à la dépose de la pompe à chaleur et du ballon thermodynamique installés au domicile de M. et Mme [L] et à venir prendre possession desdits biens dans un délai de deux mois suivant la signification de l'arrêt à intervenir, et ce sous astreinte de 100 euros par jour à l'expiration de ce délai de deux mois ;

- en tout état de cause, condamner la SARL Uni'vert à payer à M. et Mme [L] la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, outre les entiers dépens de première instance et d'appel.

5

Ils soutiennent que la société Uni'vert a manqué à son obligation de délivrance conforme et son devoir de conseil.

Sur la première obligation, les intimés font valoir que le but de l'installation était d'améliorer la performance énergétique de leur logement et de réaliser des économies d'électricité substantielles, ce qui n'a pas été atteint. On ne saurait exiger d'eux, acquéreurs profanes, de démontrer qu'il était possible de réaliser des économies avec l'installation litigieuse. De surcroît les époux affirment ne pas avoir seulement commandé une pompe à chaleur, mais aussi la prestation consistant en son installation et à sa mise en fonctionnement par un professionnel.

Les intimés indiquent, en se référant au rapport d'expertise judiciaire, que le basculement de la pompe à chaleur vers la chaudière existante aurait dû être automatisé et non manuel, l'installation acquise étant alors défectueuse sur ce point et critiquent l'argument de l'appelante consistant à dire que le basculement automatique était impossible à mettre en 'uvre.

Les époux [L] soutiennent en s'appuyant sur le rapport d'expertise judiciaire, que la société Uni'vert n'a pas davantage effectué les réglages appropriés lors de l'installation (cf. page 6 et 7), notamment en fixant un point de bivalence inapproprié aux températures régionales. En outre, ils reprochent à l'appelante d'avoir procédé à l'installation litigieuse sans mener d'étude préalable à l'effet d'adapter l'équipement à l'habitation des intimés.

Ils indiquent que la manipulation manuelle du basculement des systèmes de chauffage leur était inconnue, comme l'affirme l'expertise judiciaire, ce qui témoigne d'un manquement de la société Uni'vert à ses obligations d'information, de mise en garde et de conseil. En outre, la mauvaise utilisation par eux de l'installation résulterait de ces manquements.

Les intimés estiment que si une notice d'installation leur était fournie, celle-ci s'adressait à des professionnels maîtrisant la technicité des pompes à chaleur et ne prenait de surcroît nullement en compte les spécificités de l'installation de chauffage installée.

Ils ajoutent que la mauvaise exécution du contrat et le manquement de l'appelante à son obligation de conseil et d'information sont à l'origine directe de la forte augmentation de leurs factures d'électricité passant de 1 025,03 euros TTC en 2013 à 5 937,07 euros TTC en 2014, la surconsommation pouvant dès lors être estimée à près de 3 000 euros sur un an.

Enfin, ils indiquent avoir souscrit un crédit affecté au financement de l'installation pour un montant de 25 000 euros, dont le coût total est de 49 530,63 euros assurance incluse. Les intimés sollicitent l'allocation de dommages et intérêts correspondant à la différence entre le montant total dû au titre du crédit et le montant initialement emprunté, soit une somme de 24 530,63 euros (49 530,63 ' 25 000).

* * *

Par ordonnance du 4 janvier 2022, la Présidente de chambre, chargée de la mise en état, a ordonné la clôture de la procédure et renvoyé l'affaire à l'audience du 25 janvier 2023.

6

MOTIFS

1) Sur la demande de résolution du contrat

Les époux [L] habitent dans la localité de [Localité 4], à une altitude de 570 m, dans une maison datant des années 1900 d'une superficie d'environ 160 m² qui n'était pas isolée au moment où ils ont fait installer la pompe à chaleur litigieuse lors de l'automne 2013, commandée à la société Uni'Vert Energie lors de la foire aux vins de [Localité 3] le 24 août 2013.

Ils indiquent que préalablement ils chauffaient leur maison avec une chaudière mixte fuel bois consommant annuellement 6 000 litres de fuel et 14 stères de bois et espéraient réaliser des économies de frais de chauffage en installant une pompe à chaleur.

Ils dénoncent le fait que cette pompe à chaleur n'a pas donné satisfaction dans la mesure où elle aurait généré des factures particulièrement lourdes d'électricité, soutenant qu'elle aurait entraîné une facture de près de 5 000 euros d'électricité alors qu'ils espéraient qu'elle générerait 70 % d'économies.

L'expert judiciaire a établi que l'installation réalisée par la société Uni'Vert Energie est conforme pour ce type d'équipement, de sorte qu'on ne saurait retenir l'existence d'une inexécution imputable à la société.

Le débat porte sur le devoir d'information à la charge de la SARL Uni'Vert Energie et sur la question de savoir si l'installation mise en place était de nature à répondre aux besoins exprimés par le couple [L].

Il y a lieu de vérifier si les dispositions de l'article 1134 ancien du code civil qui prévoient une obligation d'information et un devoir de conseil ont été respectées et, le cas échéant si leur défaut est suffisamment grave pour pouvoir entraîner la résolution judiciaire du contrat en application de l'article 1184 ancien du code civil.

L'article 1184 ancien du code civil prévoit que la clause résolutoire est toujours sous-entendue dans les contrats synallagmatiques pour le cas où l'une des deux parties n'a pas satisfait à son engagement ; dans ce cas le contrat n'est pas résolu de plein droit mais la partie envers laquelle l'engagement n'a pas été exécuté a le choix, soit de forcer l'autre à l'exécution de la convention lorsqu'elle est encore possible, ou d'en demander la résolution avec dommages et intérêts en sachant que la résolution n'est prononcée que si le tribunal estime que l'inexécution et/ou la faute commise dans l'exécution du contrat sont suffisamment graves.

Bien que dans leurs conclusions les époux [L] soient ambigus sur ce point, il ressort clairement de leurs propos tenus à l'expert, qu'ils ont commandé une pompe à chaleur en relève de la chaudière existante ; ils souhaitaient donc conserver le système de chauffage préexistant (leur chaudière fuel et bois) mais souhaitaient le coupler à une pompe à chaleur dans l'espoir de faire baisser le coût de leur consommation globale en énergie (bois, fuel et dorénavant aussi électricité) par rapport à leurs factures précédentes portant sur 6 000 litres de fioul et 14 stères de bois.

7

Dans ces conditions, avoir installé une pompe à chaleur dont la puissance n'est que de 17,3 kWh à 55° C. de départ de chauffage et à -7 °C extérieur, non susceptible de couvrir l'intégralité des besoins en chauffage de la maison des intimés évalués à 49 kWh, n'est en soi pas fautif et ne peut être reproché à la société, contrairement à ce qu'avait estimé le premier juge ; il n'est en effet pas démontré que la puissance combinée de la pompe à chaleur et de la chaudière fuel/bois était insuffisante pour les besoins de la maison.

De même, il n'est pas démontré que la nouvelle installation n'était pas susceptible d'entraîner des économies d'énergie.

Il y a alors lieu d'écarter le raisonnement du premier juge qui a estimé que la société avait commis une faute en installant une pompe à chaleur d'une puissance inférieure aux besoins (en kilowattheures globaux) de la maison.

Si le choix du type de la pompe à chaleur installée ne peut être reproché au professionnel, en revanche pour sa mise en place, et les caractéristiques retenues pour sa mise en 'uvre, un débat est ouvert quant à la responsabilité de la société.

Le rapport d'expertise amiable de la société Eurexo du 25 mars 2016 et l'examen des factures d'électricité démontrent que celles-ci ont connu une très forte augmentation après l'installation de la pompe à chaleur le 18 octobre 2013. Cette augmentation était en soi logique puisque le chauffage avait dorénavant, tout du moins en partie, une origine électrique.

Mais il ressort clairement du rapport d'expertise judiciaire que ces consommations d'électricité auraient assurément pu être moins importantes ; il y a eu surconsommation du fait d'une mauvaise exploitation de l'installation. D'une part la pompe à chaleur avait fonctionné de manière permanente avec les résistances d'appoint allumées car l'installation - ne disposant pas d'un système de basculement automatique au profit de la chaudière fuel bois lorsque les températures deviennent trop froides - continuait à tourner même si la pompe à chaleur n'était plus à même de récupérer des calories. D'autre part le point de bivalence avait été fixé à 0° au lieu de -7 °C, ce qui était inadapté aux conditions climatiques de l'environnement de la maison.

Il n'est pas contesté que cette absence de mise en place de basculement automatique était parfaitement connue de l'installateur, qui ne démontre nullement avoir informé ses clients, et attiré leur attention sur ce point crucial (car il entraîne une perte d'efficacité de la pompe à chaleur et surtout une surconsommation onéreuse) et que pour éviter cette situation il était nécessaire d'effectuer la bascule manuellement dès que la température extérieure descendait sous un certain niveau. Il est à noter que l'expert a qualifié ces surconsommations électriques découlant de la mauvaise utilisation de la pompe à chaleur de « exorbitantes ».

Bien qu'aucun document écrit n'ait été produit aux particuliers au moment de l'acquisition de la pompe à chaleur sur la foire aux vins de [Localité 3], il est évident qu'une telle acquisition pour un montant de 25 000 euros ne pouvait s'expliquer que par le souhait d'effectuer des économies d'énergie ou des frais d'énergie. La déficience la société dans la mise en place d'une pompe à chaleur non équipée d'un basculement automatique au profit de la chaudière fuel bois lorsque certaines conditions climatiques ont lieu, l'absence d'information écrite (seule façon de s'assurer de la dispense de cette information,) sur le mode opératoire à suivre pour procéder à la bascule manuelle, constituent un manquement grave à l'obligation de conseil et d'information, en ce qui concerne la qualité essentielle attendue de la pompe à chaleur à savoir son efficacité et son incidence sur le coût énergétique.

8

Le premier juge a donc parfaitement bien analysé la situation de fait et de droit en estimant que la société Uni'Vert Energie avait manqué à son obligation de renseignement d'information et de conseil aux époux [L] tant au moment de la signature du bon de commande, qu'au moment de son installation, de sa mise en fonctionnement.

Cependant, il ne résulte pas des éléments du dossier que ' en cas d'utilisation optimale de la pompe à chaleur en procédant à la bascule manuelle lorsque les températures sont insuffisantes, ou à la mise en place d'une bascule automatique ce qui était possible car le boîtier de connexion existe, ou encore en fixant un point de bivalence à -7 °C et non pas à 0° ce qui peut également être fait aisément' que le système couplant cette pompe à chaleur avec la chaudière mixte fuel bois n'est pas de nature à assurer parfaitement le chauffage de la maison avec un coût raisonnable, voire inférieur à celui qu'il était avant l'installation de la pompe à chaleur.

L'étude des annexes 14 produites par les intimés permet de constater simplement qu'à partir du moment où la pompe à chaleur a été installée, les livraisons de fioul ont considérablement baissé ; parmi les factures produites figurent une seule facture correspondant à l'achat de 1 000 litres de fioul en janvier 2016, une facture pour 3 000 litres en date du 29 juillet 2015, la précédente remontant au 22 mai 2013 pour 1 000 litres.

Il en ressort qu'entre le 22 mai 2013 et janvier 2016, les achats de fuel ont porté sur une quantité de 4 000 litres, ce qui fait une consommation d'environ 1500 litres de fioul par année à mettre en rapport avec les 6 000 litres de consommation annuelle de fioul annoncée par les intimés pour la période antérieure à l'installation de la pompe à chaleur.

En outre, les intimés ne justifient pas avoir continué à acquérir du bois de chauffage après l'installation de la pompe à chaleur, alors qu'antérieurement ils précisaient en utiliser 14 stères tous les ans.

Il s'en évince que, les pièces produites par les intimés ne sont nullement de nature à démontrer que le coût global de dépense d'énergie du nouveau système couplant pompe à chaleur et chaudière classique est plus onéreux que celui du système de chauffage ancien, dans les conditions normales d'utilisation.

Dans ces conditions, contrairement à l'avis du premier juge, la cour estime que la faute commise par la société Uni'Vert Energie dans l'exécution du contrat, du fait d'un défaut de conseil, n'est pas suffisamment grave pour entraîner la résolution du contrat.

La décision de première instance sera de ce fait infirmée en ce qu'elle ordonnait la résolution du bon de commande, la restitution par les époux [L] de la pompe à chaleur à la société Uni'Vert Energie, la condamnation de cette dernière a procéder à ses frais la dépose du matériel et à rembourser à ses clients la somme de 25 000 euros.

Pour la surconsommation d'électricité qui a découlé de ce défaut initial de conseil et de mise en place d'un système de bascule automatique, le premier juge a de manière tout à fait logique condamné la société Uni'Vert Energie à verser des dommages-intérêts aux consorts [L].

Néanmoins, le montant qu'il a alloué de 800 euros est insuffisant pour indemniser le préjudice réellement subi, tel qu'il résulte des explications de l'expert et surtout de l'étude des factures d'électricité produites.

9

Cette surconsommation peut être fixée à 300 euros pour chaque mois d'hiver, soit novembre, décembre, janvier, février et mars de la première année d'installation de la pompe à chaleur (2014) et pour les mêmes mois de l'année suivante, en sachant que les problèmes d'installation ont été repérés la première fois par l'expertise privée Eurexo dont le rapport est daté du 16 avril 2015. Une somme de 3 000 euros sera mise à la charge de l'appelante à ce titre.

Enfin, s'agissant de la demande formulée par les époux [L] en vue d'obtenir une somme de 24 530,63 euros à titre de dommages-intérêts en lien avec la souscription d'un crédit affecté à l'acquisition de la pompe à chaleur, elle doit être rejetée, la vente de la pompe à chaleur n'étant pas résolue.

2) Sur les demandes accessoires

La décision de première instance, statuant sur la question des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile, sera confirmée, la société Uni'Vert Energie restant succombante partielle.

La société Uni'Vert Energie, partie succombant partiellement au sens de l'article 696 code de procédure civile, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel et à verser aux époux [L] une somme de 1 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'ils ont exposés dans le cadre de la procédure d'appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de la société tendant à être indemnisée de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

- INFIRME le jugement rendu le 30 novembre 2020 par le tribunal judiciaire de Colmar sauf en ses dispositions portant sur la question de l'application de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens,

Statuant à nouveau et y ajoutant

- REJETTE la demande formée par les époux [L] en vue d'obtenir la résolution du bon de commande numéro 2412 en date du 24 août 2013 passé entre Monsieur [D] [L] et la SARL Uni'Vert Energie ayant donné lieu à facture du 18 octobre 2013, et par conséquent les demandes tendant à restitution des biens objet du contrat et à remboursement du prix de vente,

- CONDAMNE la SARL Uni'Vert Energie à payer à Monsieur [D] [L] et à Madame [V] [L] la somme de 3 000 euros (trois mille euros) à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter de la présente décision,

10

- CONDAMNE la SARL Uni'Vert Energie aux entiers frais et dépens de la procédure d'appel,

- CONDAMNE la SARL Uni'Vert Energie à payer à Monsieur [D] [L] et Madame [V] [L] une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

- REJETTE la demande de la SARL Uni'Vert Energie fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/02076
Date de la décision : 22/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-22;21.02076 ?
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