GLQ/KG
MINUTE N° 23/266
Copie exécutoire
aux avocats
Le 28 mars 2023
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
ARRET DU 17 MARS 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/03525
N° Portalis DBVW-V-B7F-HUT6
Décision déférée à la Cour : 01 Juillet 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE STRASBOURG
APPELANTE :
Association SOCIÉTÉ PROTECTRICE DES ANIMAUX DE STRASBOURG
[Adresse 3]
[Localité 2]
Représentée par Me Marie-Noëlle MARTIN, avocat au barreau de STRASBOURG
INTIMÉE :
Madame [G] [Z]
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Zelimkhan CHAVKHALOV, avocat au barreau de STRASBOURG
bénéficie d'une aide juridictionnelle totale numéro 2021/002145 du 26/10/2021
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 13 Janvier 2023, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. PALLIERES, Conseiller
M. LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme THOMAS
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,
- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme ARMSPACH-SENGLE, greffier auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
Par contrat à durée déterminée du 29 septembre 2018, l'association SOCIETE PROTECTRICE DES ANIMAUX DE STRASBOURG (SPA) a embauché Mme [G] [Z] dans le cadre d'un contrat unique d'insertion.
Par courrier du 08 avril 2019, la SPA a adressé à Mme [G] [Z] un avertissement pour avoir tenu des propos irrespectueux à l'encontre de M. [I] [S], gestionnaire du refuge.
Par courrier du 26 juin 2019, la SPA a convoqué Mme [G] [Z] pour un entretien préalable à un éventuel licenciement qui s'est déroulé le 05 juillet 2019.
Par courrier du 11 juillet 2019, la SPA a notifié à Mme [G] [Z] la rupture anticipée du contrat de travail pour faute grave. L'employeur reproche à la salariée d'avoir adopté à plusieurs reprises, au cours du mois de juin 2019, un comportement brutal, agressif et menaçant à l'égard des bénévoles et des salariés de l'association, y compris en présence du public et sans motif légitime.
Par requêtes déposées le 22 juillet et le 20 août 2019, Mme [G] [Z] a saisi le conseil de prud'hommes de Strasbourg pour contester l'avertissement et la rupture anticipée du contrat de travail.
Par jugement du 1er juillet 2021, le conseil de prud'hommes a :
- constaté le caractère abusif de la rupture anticipée du contrat de travail à durée déterminée,
- condamné la SPA au paiement de la somme de 3 447,18 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
- condamné la SPA aux dépens,
- débouté Mme [G] [Z] de sa demande d'annulation de l'avertissement du 8 avril 2019,
- débouté Mme [G] [Z] de sa demande au titre du préjudice moral suite à l'avertissement,
- débouté Mme [G] [Z] de sa demande au titre de l'indemnité de précarité,
- débouté Mme [G] [Z] de sa demande au titre de l'article l'article 700 du Code de procédure civile du code de procédure civile,
- débouté Mme [G] [Z] de sa demande de dommages-intérêts pour préjudice moral suite à la rupture abusive du contrat de travail,
- débouté la SPA de ses demandes.
La SPA a interjeté appel le 26 juillet 2021.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 octobre 2021, la SPA demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a dit que la rupture anticipée du contrat de travail était abusive, de confirmer le jugement pour le surplus. Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de dire que la rupture anticipée du contrat de travail était légitime, de débouter Mme [G] [Z] de sa demande de dommages et intérêts au titre de la rupture abusive et de la condamner au paiement de la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 janvier 2022, Mme [G] [Z] demande à la cour de confirmer le jugement en ce qu'il a constaté le caractère abusif de la rupture anticipée du contrat de travail et condamné la SPA au paiement de la somme de 3 447,18 euros à titre de dommages-intérêts pour rupture abusive.
Elle demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande d'annulation de l'avertissement et de ses demandes de dommages et intérêts pour préjudice moral suite à l'avertissement et à la rupture anticipée du contrat.
Elle demande à la cour de condamner la SPA au paiement des sommes suivantes :
* 2 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral résultant de l'avertissement,
* 4 000 euros à titre de dommages et intérêts au titre du préjudice moral résultant de la rupture anticipée du contrat de travail,
* 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Pour un exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux écritures précitées, en application de l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 13 décembre 2022. L'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 13 janvier 2023 et mise en délibéré au 17 mars 2023.
MOTIFS
Sur l'avertissement
Aux termes de l'article L. 1331-1 du code du travail, constitue une sanction toute mesure, autre que les observations verbales, prise par l'employeur à la suite d'un agissement du salarié considéré par l'employeur comme fautif, que cette mesure soit de nature à affecter immédiatement ou non la présence du salarié dans l'entreprise, sa fonction, sa carrière ou sa rémunération.
Il résulte par ailleurs des articles L. 1333-1 et L. 1333-2 qu'en cas de litige, le conseil de prud'hommes apprécie la régularité de la procédure suivie et si les faits reprochés au salarié sont de nature à justifier une sanction. L'employeur fournit au conseil de prud'hommes les éléments retenus pour prendre la sanction. Au vu de ces éléments et de ceux qui sont fournis par le salarié à l'appui de ses allégations, le conseil de prud'hommes forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles. Si un doute subsiste, il profite au salarié. Le conseil de prud'hommes peut annuler une sanction irrégulière en la forme ou injustifiée ou disproportionnée à la faute commise.
En l'espèce, dans le courrier de notification de l'avertissement du 08 avril 2019, l'employeur reproche à Mme [G] [Z] d'avoir, le 05 avril, tenu des propos irrespectueux et d'avoir insulté le gestionnaire du refuge, M. [I] [S] qui avait refuser de la ramener immédiatement chez elle comme elle le demandait. Pour en justifier, l'employeur produit une attestation établie par M. [S]. Celui-ci ne confirme pas le caractère insultant des propos tenus par la salarié mais explique que Mme [G] [Z] est venue le voir pour lui demander de la ramener à son domicile et a fini par hurler sur lui parce qu'il n'était pas disponible immédiatement. Il résulte par ailleurs de la lettre d'avertissement que Mme [G] [Z] ne travaillait pas ce jour-là mais qu'elle était présente au refuge pour amener des châtons à une consultation vétérinaire. Si Mme [G] [Z] conteste avoir hurlé sur M. [S] et soutient que ce dernier l'aurait agressée verbalement en la sommant de sortir de son véhicule, la version de la salariée n'est étayée par aucun élément.
La SPA démontre ainsi que le comportement adopté par Mme [G] [Z] à l'encontre de M. [S] sur son lieu de travail était constitutif d'une faute et que l'avertissement prononcé le 08 avril 2019 était justifié. Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a débouté Mme [G] [Z] de ses demandes d'annulation de l'avertissement et de dommages et intérêts au titre du préjudice moral résultant de cet avertissement.
Sur le licenciement
Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.
La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les limites du litige et il appartient à l'employeur qui invoque la faute grave d'en rapporter la preuve.
Dans la lettre de licenciement du 11 juillet 2019, l'employeur reproche à la salariée un comportement brutal, agressif et menaçant à l'égard des bénévoles et des salariés de l'association, y compris en présence du public. L'employeur cite deux incidents :
- le 26 juin 2019, Mme [G] [Z] aurait répondu ''ferme ta gueule' à une collègue de travail, en lui adressant un doigt d'honneur et en la menaçant de la suivre et de venir chez elle.
Mme [P] [T] atteste du comportement de Mme [G] [Z] à son égard suite à une discussion sur le travail et précise que sa collègue crie régulièrement, critique, donne des ordres et n'écoute jamais les conseils(pièce n°3). Mme [W] [R] (pièce n°4) confirme que sa collègue [P] se trouvait au bord des larmes suite aux reproches de Mme [G] [Z] et qu'elle a été témoin de ses colères et emportements très virulents envers différents collègues sous différents prétextes. Elle précise que, dans ces moments-là, Mme [G] [Z] crie très fort et jette des objets par terre.
- à l'occasion d'une distribution au public, Mme [G] [Z] aurait hurlé des propos déplacés et jeté au sol des croquettes pour chat qui lui avaient été données parce que la marque ne lui convenait pas : l'employeur en justifie en produisant les attestations établies par des salariés et les bénévoles (pièces n°2, 5) qui témoignent qu'à l'occasion d'une distribution de croquettes à des personnes en difficulté financière qui intervient le dernier samedi de chaque mois et dont Mme [G] [Z] bénéficiait, cette dernière a fait un scandale lorsqu'elle s'est aperçue que la personne qui la suivait recevait un sac de croquettes d'une marque qui avait sa préférence, qu'elle est restée agressive verbalement malgré l'intervention de la présidente de l'association et qu'elle ne s'est calmée que lorsqu'elle a obtenu des croquettes de la marque qu'elle désirait. Mme [J] [V] décrit 'un comportement inadapté, hystériforme, vulgaire et insultant à l'égard des personnes présentes' et précise qu'elle a déjà eu un tel comportement à deux ou trois reprises.
D'autres bénévoles décrivent des situations au cours desquelles Mme [G] [Z] a adopté un comportement similaire (pièces n°6, 7 et 8).
Mme [G] [Z] conteste la réalité de ces griefs. Elle soutient que, lors de l'altercation du 26 juin 2019, c'est Mme [P] [T] qui aurait adopté un comportement insultant à son égard en lui disant 'ta gueule, ta bouche, tu m'énerves sale étrangère', faits pour lesquels elle a déposé une déclaration de main courante le 05 juillet 2019 puis a déposé plainte le 23 juillet 2019. Cette déclaration de main courante et ce dépôt de plainte, dont aucun élément ne permet de considérer qu'il aurait donné lieu à une enquête et à des poursuites pénales, ne présentent toutefois aucun caractère probant dès lors qu'ils ne font que reprendre les déclarations de Mme [G] [Z]. Il sera relevé en outre que la déclaration de main courante a été effectuée plusieurs jours après l'altercation entre Mme [G] [Z] et Mme [T] et le jour de l'entretien préalable.
Les attestations produites par ailleurs par la salariée, qui témoignent de son investissement dans la prise en charge des chats et de la qualité de ses interventions comme bénévole au sein de l'association Les Restos du Coeur, ne remettent pas en cause les éléments produits par l'employeur qui démontrent la réalité des griefs reprochés à la salariée.
Par ailleurs, si le conseil de prud'hommes a pu considérer que le comportement reproché à Mme [G] [Z] n'était pas systématique et que le contrat aurait pu être poursuivi jusqu'à son terme moyennant quelques aménagements, ces considérations ne sont pas susceptibles d'enlever leur caractère fautif aux comportements reprochés à Mme [G] [Z].
Il apparaît au contraire que le comportement adopté par Mme [G] [Z] à deux reprises et qui avait déjà fait l'objet d'un premier avertissement ne permettait pas la poursuite du contrat y compris pendant la durée du préavis. Il convient en conséquence d'infirmer le jugement en ce qu'il a constaté le caractère abusif de la rupture anticipé du contrat de travail et condamné la SPA au paiement de la somme de 3 447,18 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive, Mme [G] [Z] étant déboutée des demandes formées en ce sens. Le jugement sera par ailleurs confirmé en ce qu'il a débouté Mme [G] [Z] de sa demande de dommages et intérêts au titre du préjudice moral résultant de la rupture anticipée.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la SPA aux dépens de première instance.
Compte tenu de l'issue du litige, il convient de condamner Mme [G] [Z] aux dépens de première instance et d'appel.
L'équité s'oppose à ce qu'il soit fait application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Les parties seront donc déboutées des demandes présentées sur ce fondement.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Strasbourg du 1er juillet 2021 en ce qu'il a :
- constaté le caractère abusif de la rupture anticipée du contrat à durée déterminée de Mme [G] [Z],
- condamné l'association SOCIETE PROTECTRICE DES ANIMAUX DE STRASBOURG au paiement de la somme de 3 447,18 euros à titre de dommages et intérêts pour rupture abusive,
- condamné l'association SOCIETE PROTECTRICE DES ANIMAUX DE STRASBOURG aux dépens ;
CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,
DIT que la rupture anticipée du contrat de travail pour faute grave est justifiée ;
CONDAMNE Mme [G] [Z] aux dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel ;
REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 17 mars 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Corinne Armspach-Sengle, Greffier.
Le Greffier Le Président