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17/03/2023 | FRANCE | N°21/00441

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 17 mars 2023, 21/00441


MINUTE N° 153/2023





























Copie exécutoire à



- Me Guillaume HARTER



- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY



- Me Christine BOUDET



Le 17 mars 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 17 Mars 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00441 -



N° Portalis DBVW-V-B7F-HPJC



Décision déférée à la cour : 24 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE



APPELANTE :



S.À.R.L. POIROT P&H

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 5]



représe...

MINUTE N° 153/2023

Copie exécutoire à

- Me Guillaume HARTER

- Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY

- Me Christine BOUDET

Le 17 mars 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 17 Mars 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00441 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HPJC

Décision déférée à la cour : 24 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTE :

S.À.R.L. POIROT P&H

prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 3]

[Localité 5]

représentée par Me Guillaume HARTER, Avocat à la cour

plaidant : Me HOSSEINI, Avocat au barreau de Strasbourg

INTIMÉS :

Monsieur [H] [I]

demeurant [Adresse 1]

Madame [X] [S]

demeurant [Adresse 2]

représentés par Me CHEVALLIER-GASCHY, Avocat à la cour

S.E.L.A.R.L. HARTMANN & CHARLIER

prise en la personne de son représentant légal

ès qualités de liquidateur judiciaire de la S.A.R.L. IDEALIS

ayant son siège social [Adresse 4]

représentée par Me Christine BOUDET, Avocat à la cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 2 Décembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Dominique DONATH, faisant fonction

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente, et Madame Sylvie SCHIRMANN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

2

FAITS ET PROCÉDURE

M. [H] [I] et Mme [X] [S] ont conclu, le 3 octobre 2007, avec la SARL Idealis un 'marché privé de travaux de bâtiment' en vue de la construction d'une maison individuelle à [Localité 6] (Haut-Rhin). Ce contrat a été complété par trois avenants datés des 6 décembre 2007, 18 juin et 22 juillet 2008.

Selon devis du 8 octobre 2008, la SARL Poirot P&H a été chargée par la société Idealis de la fourniture et de la pose d'une étanchéité sur deux terrasses avec fourniture et pose d'une couvertine. La société Poirot P&H a sous-traité les travaux à la société Joël Blaison exerçant sous l'enseigne JB agencement, désormais en liquidation judiciaire.

Un litige étant survenu entre M. [I] et Mme [S] et la société Idealis, un protocole d'accord a été signé le 12 mai 2009 entre ces parties aux termes duquel la société s'engageait à réaliser différents travaux et à octroyer un avoir de 10 000 euros aux maîtres de l'ouvrage.

Selon acte introductif d'instance enregistré le 3 septembre 2010, la société Idealis a fait citer M. [I] et Mme [S] devant le tribunal d'instance de Thann en paiement d'un solde de 9 968,53 euros, outre intérêts.

Par jugement avant dire droit du 27 juillet 2011, le tribunal a ordonné une expertise confiée à M. [U]. Après extension de la procédure à d'autres parties dont la société Poirot P&H, l'expert a déposé son rapport le 24 avril 2013.

Il a notamment relevé s'agissant des travaux confiés à la société Poirot P&H :

- une non-conformité du traitement d'étanchéité de la terrasse accessible :

. le revêtement d'étanchéité mis en place sur un isolant thermique n'avait pas été protégé,

. la hauteur des relevés n'était pas conforme,

- une non-conformité de la couvertine :

. les assemblages étaient non conformes et défaillants,

. les débords étaient irréguliers et parfois en contact avec l'enduit,

soulignant que si l'efficacité des matériaux mis en place n'était pas en cause, le litige portait sur l'impossibilité d'utiliser la terrasse sur laquelle aucune protection du revêtement d'étanchéité ne pouvait être mise en place.

Par jugement du 19 août 2013, le tribunal d'instance de Thann s'est déclaré matériellement incompétent pour connaître du litige, et a renvoyé l'affaire devant la chambre civile du tribunal de grande instance de Mulhouse.

La société Idealis ayant été placée en liquidation judiciaire le 12 mars 2018, l'instance a été déclarée interrompue, puis reprise après appel en cause de la SELARL Hartmann et Charlier, en sa qualité de liquidateur de la société Idealis.

Par jugement du 24 novembre 2020, le tribunal devenu le tribunal judiciaire, a notamment :

* sur la demande reconventionnelle de M. [I] et Mme [S] :

- condamné la société Poirot P&H à payer à M. [I] et Mme [S] la somme de 52 682,28 euros majorée des intérêts au taux légal à compter du jugement au titre des désordres en lien avec le traitement de l'étanchéité de la terrasse et les acrotères,

- condamné la société Poirot P&H à payer à M. [I] et Mme [S], la somme de 2 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

3

- condamné solidairement la société Hartmann et Charlier, ès qualités, et la société Poirot P&H aux entiers dépens, y compris ceux de la procédure devant le tribunal d'instance de Thann et ceux de l'expertise judiciaire ;

* sur les appels en garantie :

- condamné la société Poirot P&H à relever et garantir la société Hartmann et Charlier, ès qualités, à hauteur de 20% des condamnations prononcées contre elle au titre des désordres afférents au traitement de l'étanchéité de la terrasse accessible et à la non-conformité des couvertines, en principal, intérêts, article 700 et frais,

- rejeté les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- dit que chacun des appelants et appelés en garantie supportera la charge de ses propres dépens dans le cadre des appels en garantie.

Le tribunal a également ordonné la capitalisation des intérêts conformément à l'article 1343-2 du code civil.

La société Poirot P&H a interjeté appel de ce jugement, le 5 janvier 2021, intimant M. [I] et Mme [S] ainsi que la société Hartmann et Charlier, en qualité de liquidateur de la société Idealis, son appel portant sur les condamnations prononcées contre elle au profit de M. [I] et Mme [S], le rejet de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, sa condamnation aux dépens, ainsi que sur la capitalisation des intérêts.

Le tribunal a retenu s'agissant de la demande de M. [I] et Mme [S] dirigée contre la société Poirot P&H que :

- les maîtres de l'ouvrage disposaient d'une action de nature délictuelle contre le sous-traitant,

- le manquement de ce dernier à son obligation contractuelle de résultat de livrer un ouvrage conforme et exempt de vice était impropre à caractériser une faute délictuelle à l'égard des maîtres de l'ouvrage qui devaient faire la démonstration d'une faute du sous-traitant dans l'exécution même de ses obligations,

- si l'efficacité des matériaux mis en oeuvre n'était pas en cause, la société Poirot P&H aurait dû, en l'absence de toute coupe de principe ou autre document technique, refuser d'intervenir ou aviser le maître d'oeuvre, partant le maître de l'ouvrage, du caractère inadapté du support s'agissant d'une terrasse accessible par une porte-fenêtre,

- la société avait reconnu la non-conformité des acrotères et proposé de les reprendre, s'agissant non seulement d'une absence d'isolation mais d'assemblages non conformes et défaillants, ayant des débords irréguliers, parfois en contact avec l'enduit,

- une faute de la société Poirot P&H en lien de causalité avec les désordres était ainsi établie, sans qu'il soit nécessaire d'ordonner le retour du dossier à l'expert,

- la terrasse devant être abaissée en hauteur, ce qui imposait sa destruction, une reprise de l'isolation au niveau des acrotères n'était pas envisageable

- si la mise en place d'un isolant n'était pas impérative au regard du DTU20.12 et si une solution alternative moins coûteuse pouvait être mise en oeuvre selon l'expert, il avait toutefois relevé un risque de pont thermique, ce qui l'avait conduit, comme les maîtres de l'ouvrage et leur conseiller technique, à retenir la première solution, de sorte que le chiffrage de l'expert devait être retenu.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 7 juin 2022.

4

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 24 mai 2022, la société Poirot P&H demande à la cour d'infirmer le jugement des chefs critiqués dans déclaration d'appel et statuant à nouveau de :

- juger que le préjudice indemnisable de M. [I] et Mme [S] résultant d'une éventuelle faute de la société Poirot P&H dans l'exécution de son marché de travaux est limité à 20% du montant des désordres,

- juger que le « rapport avis d'expert » daté du 3 décembre 2018, démontre que ce litige ne saurait excéder une somme de 1 500 euros au total, soit 800 euros pour les travaux d'adaptation nécessaires à l'étanchéité de la terrasse, et 700 euros au titre des couvertines.

Subsidiairement,

- fixer ledit préjudice à la somme de 52 682,28 € x 20 % = 10 536,45 euros ;

- débouter M. [I] et Mme [S] de toutes leurs demandes plus amples ou contraires ;

- réduire dans de très larges proportions l'indemnité accordée aux consorts [L] en première instance sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

- condamner la SARL Poirot P & H à supporter les dépens d'instance et d'appel, en ce compris le coût de l'expertise judiciaire, dans la limite de 20 % de leur montant.

Elle rappelle n'avoir aucun lien contractuel avec les maîtres de l'ouvrage, et prétend avoir indiqué à la société Idealis, lors de la pose de l'étanchéité, que la maçonnerie sur la partie basse de la terrasse était trop haute, ce qui aurait des conséquences sur l'utilisation de celle-ci. Elle relève que ce n'est pas l'étanchéité qui pose problème mais la surélévation de la terrasse qui la rend inutilisable faute de pouvoir mettre en place un revêtement de type dalles sur plots, ce qui ne lui est pas imputable, raison pour laquelle l'expert judiciaire, dont les conclusions ont été suivies par le tribunal dans le cadre de l'appel en garantie, a estimé que sa responsabilité ne pouvait excéder 20%.

Elle considère que le tribunal ne pouvait aller au-delà de ce pourcentage dans le montant des condamnations prononcées à son encontre à l'égard des maîtres d'ouvrage. Elle fait en effet valoir que sa responsabilité ne peut être recherchée par M. [I] et Mme [S] que sur le fondement délictuel, ce qui suppose la démonstration d'une faute de sa part qui peut être une faute de nature contractuelle commise dans le cadre de sa relation contractuelle avec son donneur d'ordre. Or dès lors qu'il est admis que sa responsabilité ne peut excéder 20% à l'égard de la société Idealis, sa responsabilité délictuelle ne peut être plus étendue que sa responsabilité contractuelle, sauf à considérer que le tiers au contrat puisse tirer de l'inexécution plus de droits que le cocontractant. Elle indique que cette position serait celle retenue dans le cadre du projet de réforme du droit de la responsabilité.

Elle conteste avoir été tenue à l'égard des maîtres de l'ouvrage avec lesquels elle n'a aucun lien contractuel d'une obligation de conseil, relative à la pose des dalles, prestation qui n'était pas dans son marché, soulignant en outre qu'il s'agit d'une terrasse située au dessus d'un garage pour laquelle la pose d'une isolation complète n'était pas un impératif réglementaire.

Elle soutient que le principe de réparation intégrale par la condamnation in solidum de tous les intervenants ne s'applique que dans le cadre du régime de responsabilité des articles 1792 et suivants du code civil.

Elle se réfère à un rapport d'expertise privé de M. [E] daté du 3 décembre 2018, selon lequel la solution la moins onéreuse consisterait à traiter les seuils de porte-fenêtres avec coupure des ponts thermiques, soit un coût de 4 000 euros dont seulement 20% doit être mis à sa charge, cette solution évitant de devoir abaisser le niveau de la terrasse et reprendre l'étanchéité et l'isolant.

5

Elle soutient que les conséquences qu'elle entend tirer de ce rapport ne constituent nullement un moyen nouveau qui serait irrecevable sur le fondement de l'article 564 du code de procédure civile, puisque depuis le début de la procédure elle a contesté sa responsabilité et le quantum des condamnations.

Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 6 mai 2022, M. [I] et Mme [S] concluent au rejet de l'appel, au débouté des demandes adverses et à la confirmation du jugement entrepris en toutes ses dispositions. Ils demandent en outre à la cour de déclarer irrecevable, subsidiairement mal fondée la demande tendant pour la première fois à voir 'juger que le « rapport avis d'expert » daté du 3 décembre 2018, démontre que ce litige ne saurait excéder une somme de 1 500 euros au total, soit 800 euros pour les travaux d'adaptation nécessaires à l'étanchéité de la terrasse, et 700 euros au titre des couvertines', et de condamner la société Poirot P&H aux entiers dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir que la société Poirot P&H tente de minimiser sa responsabilité et soulignent que, selon l'expert, elle a accepté de mettre en place une étanchéité alors qu'elle aurait dû refuser le marché car, en l'état, cette entreprise ne disposait d'aucune possibilité pour réaliser des travaux conformément au DTU qui régit son activité.

Ils soutiennent que l'appelante se fonde sur une jurisprudence désormais obsolète depuis l'arrêt de l'assemblée plénière de la Cour de cassation du 13 janvier 2020 qui a considéré que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage, quel que soit ce manquement.

Ils estiment que l'affirmation de la partie adverse selon laquelle le tiers à un contrat ne peut obtenir une indemnisation que dans la limite et à l'aune de la responsabilité contractuelle retenue à l'encontre de la partie défaillante est sans fondement. Si les conditions d'exécution du contrat ont créé une situation de fait pour les maîtres de l'ouvrage qui en subissent les conséquences, l'effet relatif des contrats continue néanmoins à s'appliquer, de sorte que le contrat conclu entre la société Poirot P&H et la société Idealis ne peut leur nuire, ce qui a pour conséquence que l'appelante ne peut réduire son obligation à la dette de responsabilité à l'égard des maîtres de l'ouvrage à la mesure de sa contribution à la dette de responsabilité dans ses rapports avec la société Idealis.

La faute contractuelle étant le fait générateur de leur dommage, ils estiment être fondés à demander au responsable la réparation de l'intégralité de leur dommage, chacun des co-auteurs d'un même dommage devant être condamné à le réparer en totalité.

S'agissant des acrotères et couvertines, il s'agit d'un problème d'exécution et la société Poirot P&H a reconnu sa responsabilité. S'agissant de l'impossibilité d'utiliser la terrasse, ils reprochent à la société Poirot P&H une mise en oeuvre défaillante et un défaut de conseil, - le prétendu avertissement donné n'étant pas démontré -, consistant à avoir mis en place l'étanchéité sans émettre de réserves alors qu'elle n'ignorait pas que la hauteur de la réservation ne permettait pas la mise en oeuvre d'un revêtement de protection.

Ils indiquent que l'appelante se prévaut désormais d'un rapport d'expertise privé établi en 2018 dont elle n'avait jamais fait état auparavant et qu'ils n'ont pu soumettre à leur conseiller technique qui est décédé en 2022. Ils en contestent les conclusions et relèvent des erreurs. En outre, la solution technique préconisée par M. [E] n'a pas été envisagée par l'expert judiciaire qui en a proposé trois autres.

Ils soutiennent enfin que la demande visant à 'juger..' n'est pas une prétention et que si tel était le cas, elle serait irrecevable, en application des articles 954 et 564 du code de procédure civile pour ne pas avoir été formulée dès les premières conclusions.

6

Aux termes de ses écritures transmises par voie électronique le 29 juin 2021, la société Hartmann et Charlier, ès qualités, conclut au rejet de l'appel, à la confirmation du jugement et au débouté de la société Poirot P&H, sollicitant sa condamnation aux dépens d'appel ainsi qu'au paiement d'un montant de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle indique qu'elle n'entend pas remettre en cause les condamnations prononcées et fait valoir que la société Poirot P&H étant à l'origine des désordres qui ont conduit à ce qu'une expertise soit ordonnée il n'apparaît en aucun cas justifié que sa condamnation à prendre en charge les dépens soit limitée à 20%.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de rappeler qu'en application de l'article 954 du code de procédure civile, la cour n'est tenue de statuer que sur les prétentions figurant au dispositif des dernières écritures des parties et n'a pas à répondre à des demandes tendant à voir 'juger' qui correspondent seulement à la reprise de moyens développés dans les motifs des conclusions et sont dépourvues d'effets juridiques, et n'a pas davantage à se prononcer sur la recevabilité de telles demandes qui ne sont pas des prétentions.

En l'absence d'appel principal ou incident de M. [I] et Mme [S] et de la société Hartmann et Charlier, ès qualités, la cour n'est saisie que des condamnations prononcées contre la société Poirot P&H dans ses rapports avec M. [I] et Mme [S], y compris s'agissant des dépens et des frais exclus des dépens.

Sur la demande de M. [I] et Mme [S] dirigée contre la société Poirot P&H

Il est constant qu'il n'existe aucun lien contractuel entre M. [I] et Mme [S] et la société Poirot P&H, qui est intervenue en qualité de sous-traitant de la société Idealis, de sorte que seule la responsabilité délictuelle de cette dernière est susceptible d'être recherchée par les maîtres de l'ouvrage.

Le manquement par un cocontractant à une obligation contractuelle est toutefois de nature à constituer un fait illicite à l'égard d'un tiers au contrat lorsqu'il lui cause un dommage.

Depuis un arrêt de l'Assemblée Plénière de la Cour de cassation en date du 13 janvier 2020, il est désormais admis que le tiers à un contrat peut invoquer, sur le fondement de la responsabilité délictuelle, un manquement contractuel dès lors que ce manquement lui a causé un dommage, sans être tenu de démontrer une faute délictuelle ou quasi délictuelle distincte, seule la preuve du lien de causalité devant être rapportée.

En l'espèce, le jugement n'est pas critiqué en ce qu'il a retenu la responsabilité de la société Poirot P&H, sous-traitant, à l'égard de la société Idealis, donneur d'ordre, pour manquement à son obligation de résultat de livrer un ouvrage exempt de vice.

Ce manquement, ainsi que l'absence de toute réserve de la part de la société Poirot P&H qui, si elle n'est certes pas responsable de la hauteur de la terrasse, a néanmoins accepté le support et la réalisation des travaux alors même qu'elle n'ignorait pas qu'aucune protection du revêtement d'étanchéité ne pourrait être mise en place permettant d'utiliser la terrasse conçue pour être accessible, outre la non-conformité de la hauteur des relevés d'étanchéité et les défauts d'exécution affectant les couvertines, sont en lien de causalité directe avec le préjudice subi par M. [I] et Mme [S] qui sont donc bien fondés à rechercher sa responsabilité délictuelle.

7

Au demeurant, la société Poirot P&H ne conteste pas sérieusement le principe de sa responsabilité mais l'étendue de son obligation à réparation.

À cet égard, elle soutient à tort que son obligation à réparation ne saurait excéder la part de responsabilité mise à sa charge à l'égard de la société Idealis, représentée par la société Hartmann et Charlier. En effet, en cas de pluralité de fautes ayant concouru à la survenance d'un même dommage, la victime de ce dommage est fondée à demander la réparation intégrale de son préjudice à chacun des co-auteurs du dommage, qui seront, le cas échéant, tenus in solidum, sans que puisse lui être opposée la faute d'un autre co-auteur, et ce quand bien même la responsabilité des constructeurs ne serait-elle pas recherchée sur le fondement de l'article 1792 du code civil.

En outre, en vertu de l'effet relatif des contrats, la société Poirot P&H ne peut opposer aux maîtres de l'ouvrage, tiers au contrat la liant avec la société Idealis, un partage de responsabilité découlant des obligations respectives pesant sur chacun des co-contractants dans le cadre de ce rapport contractuel, quand bien même la faute délictuelle retenue trouverait-elle son origine dans un manquement contractuel de sa part.

C'est enfin vainement que l'appelante se réfère à une éventuelle évolution législative qui ne constitue pas le droit positif applicable.

C'est donc à bon droit que le tribunal a considéré que la société Poirot P&H devait indemniser intégralement M. [I] et Mme [S] de leur préjudice.

L'appelante conteste l'étendue de ce préjudice en se fondant, à hauteur de cour, sur un 'rapport - avis d'expert' établi par M. [E] le 3 décembre 2018 qui n'a pas été soumis à l'expert judiciaire, alors même que celui-ci, dès la deuxième réunion d'expertise du 5 novembre 2012, avait envisagé trois solutions différentes pour remédier aux désordres et défauts de conformité constatés, la société Poirot P&H n'ayant déposé aucun dire à ce sujet. Le rapport de M. [E] qui n'est conforté par aucun autre élément de preuve en faveur d'une solution de reprise moins onéreuse, ne peut donc être retenu.

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a retenu la solution d'un abaissement du niveau de la terrasse, et a alloué à M. [I] et à Mme [S] le coût de remise en état de la toiture terrasse tel que chiffré par l'expert, incluant la réfection de l'étanchéité, la reprise de l'isolation extérieure et des menuiseries extérieures.

La société Poirot P&H demande l'infirmation du jugement en ce qu'il a ordonné la capitalisation des intérêts échus pour une année entière mais sans soulever aucun moyen. La capitalisation des intérêts étant de droit lorsqu'elle est sollicitée, le jugement sera confirmé de ce chef.

Sur les dépens et frais irrépétibles

Le jugement entrepris étant confirmé en ses dispositions principales dans les rapports entre les maîtres de l'ouvrage et la société Poirot P&H, il le sera également en ses dispositions relatives aux dépens et frais exclus des dépens.

La société Poirot P&H qui succombe en son appel supportera la charge des dépens d'appel et sera déboutée de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera en revanche alloué, sur ce fondement, une somme de 1 500 euros à M. [I] et Mme [S], ensemble, ainsi qu'une somme de 1 000 euros à la société Hartmann et Charlier, ès qualités.

8

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME, dans les limites de l'appel, le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse en date du 24 novembre 2020 ;

Y ajoutant,

DEBOUTE la société Poirot P&H de sa demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL Poirot P&H à payer à M. [I] et Mme [S] une somme de 1 500 € (mille cinq cents euros), et à la société Hartmann et Charlier, en sa qualité de liquidateur judiciaire de la société Idealis, une somme de 1 000 € (mille euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNE la SARL Poirot P&H aux entiers dépens d'appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/00441
Date de la décision : 17/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-17;21.00441 ?
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