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16/03/2023 | FRANCE | N°21/02161

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 16 mars 2023, 21/02161


MINUTE N° 120/2023

























Copie exécutoire à





- Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ





- Me Pégah HOSSEINI SARADJEH





Le 16 mars 2023





Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 16 MARS 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02161 -

N° Portal

is DBVW-V-B7F-HSHG



Décision déférée à la cour : 09 Mars 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTE :



La COMMUNE DE [Localité 10]

prise en la personne de son Maire en exercice

sise [Adresse 3] à [Localité 10]



représentée par Me Valérie SPIES...

MINUTE N° 120/2023

Copie exécutoire à

- Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ

- Me Pégah HOSSEINI SARADJEH

Le 16 mars 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 16 MARS 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/02161 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HSHG

Décision déférée à la cour : 09 Mars 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

La COMMUNE DE [Localité 10]

prise en la personne de son Maire en exercice

sise [Adresse 3] à [Localité 10]

représentée par Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ, Avocat à la cour

INTIMÉS :

Monsieur [T] [M]

Madame [O] [C] épouse [M]

demeurant ensemble [Adresse 8] à [Localité 10]

représentés par Me Pégah HOSSEINI SARADJEH, Avocat à la cour

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 26 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre, et Madame Myriam DENORT, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, Président, et Madame Sylvie SCHIRMANN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

2

EXPOSE DU LITIGE

La commune de [Localité 10] et les époux [T] et [O] [M] s'opposent depuis des années au sujet de deux parcelles cadastrées autrefois G DP[Cadastre 2] et DP [Cadastre 7], et maintenant [Cadastre 5] et [Cadastre 6], portant sur des superficies de 1,29 et 0,1 ares, situées sur la commune de [Localité 10].

Les époux [M] affirment que Monsieur [M] en serait le propriétaire depuis un acte de donation-partage réalisé en sa faveur le 23 novembre 1978 par son père, la commune estimant que ces parcelles qui supportent actuellement le trottoir de la [Adresse 8] à [Localité 10] lui appartiennent suite à une délibération du conseil municipal du 30 janvier 1973.

À l'occasion de pourparlers ayant eu lieu entre les parties de décembre 2012 à 2014, la commune a proposé à Monsieur [M] la conclusion d'une transaction consistant à lui octroyer une indemnité à hauteur de 5 000 euros, proposition refusée par ce dernier qui souhaitait obtenir 15 600 euros.

Par requête du 7 octobre 2014, Monsieur [M] a saisi le tribunal administratif de Strasbourg en vue d'obtenir la condamnation de la commune de [Localité 10] à lui verser des sommes de 15 600 euros et de 1 500 euros, plus 1 000 euros au titre des frais de procédure, en réparation du préjudice subi en raison de l'incorporation irrégulière à la voie publique de ses parcelles.

Par jugement du 7 décembre 2016, le tribunal administratif a constaté une difficulté sérieuse quant à la propriété des parcelles litigieuses de sorte qu'il a sursis à statuer jusqu'à ce que l'autorité judiciaire se soit prononcée sur cette question de la propriété.

C'est dans ces conditions que les époux [M] ont saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg en assignant la commune de [Localité 10] le 21 avril 2017, en vue de voir constater qu'ils sont devenus propriétaires des parcelles litigieuses par un acte notarié de donation en date du 23 novembre 1978.

Le tribunal judiciaire de Strasbourg, dans son jugement du 09 mars 2021, a décidé :

- que les époux [M] sont propriétaires des parcelles n°[Cadastre 5] et [Cadastre 6] ;

- que la décision sera publiée aux frais et à la diligence des demandeurs ;

- de débouter la commune de [Localité 10] de l'ensemble de ses prétentions,

- de condamner la commune de [Localité 10] à payer aux époux [M] la somme de 2.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- de condamner la commune de [Localité 10] aux dépens de la procédure ;

- d'ordonner l'exécution provisoire du jugement.

3

Pour aboutir à cette décision, le premier juge, après avoir rappelé les termes des articles 544 et 545 du code civil et 38 de la loi du 1er juin 1924 applicable aux départements alsaciens et mosellan, a dans un premier temps constaté que les parcelles en question étaient inscrites au livre foncier au nom des époux [M], ce qui constitue une présomption simple de l'existence de leur droit de propriété.

Le juge a ensuite estimé que les documents produits par la commune - à savoir une délibération du conseil municipal du 30 janvier 1973 évoquant des projets d'aménagement notamment de la [Adresse 8], le procès-verbal d'arpentage établi le 30 juillet 1976, la délibération du conseil municipal du 12 avril 1977 décidant de faire l'acquisition des parcelles litigieuses tombées dans l'emprise de la voie publique [Adresse 8], de la promesse de vente du 12 mai 1977 signée par Monsieur [M] père, de l'arrêté du 4 janvier 1980 déclarant d'utilité publique l'acquisition de ces terrains, ou encore du croquis dressé le 16 septembre 1980 dressant la nouvelle limite des propriétés - n'étaient pas suffisants pour renverser cette présomption et démontrer qu'il y avait eu un transfert de propriété au profit de la commune de [Localité 10].

Le tribunal notait que ce transfert de propriété n'aurait pu se faire qu'à l'amiable par le biais d'une vente, ou que par la voie de l'expropriation ; or les délibérations du conseil municipal ne témoignaient que d'une « volonté d'acquérir les parcelles litigieuses » mais en aucun cas n'étaient de nature à emporter transfert de propriété.

Quant à la demande subsidiaire formée par la commune, selon laquelle elle aurait acquis les parcelles par usucapion, le juge l'écartait au motif que la commune ne remplissait pas les conditions nécessaires à l'acquisition de la propriété.

Il précisait qu'en l'absence de juste titre et de bonne foi - la commune sachant que les parcelles litigieuses ne lui appartenaient pas et ce d'autant plus que les époux [M] réglaient la taxe foncière pour les parcelles objets du présent litige - la possession de la commune des parcelles devait être qualifiée d'équivoque.

* * *

En date du 21 avril 2021, la commune de [Localité 10] a interjeté appel de cette décision.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 16 juillet 2021, la commune de [Localité 10] demande à la cour de :

DECLARER son appel recevable et bien fondé ;

Y faisant droit.

INFIRMER en toutes ses dispositions le jugement RG 20/02808 en date du 09 mars 2021 rendu par la troisième chambre civile du tribunal judiciaire de Strasbourg,

4

ET STATUANT A NOUVEAU

DECLARER les demandes, moyens et conclusions des époux [M] irrecevables, en tous cas mal fondés ;

En conséquence,

LES EN DEBOUTER;

CONSTATER que les parcelles anciennement cadastrées section G DP [Cadastre 2] et DP [Cadastre 7], portant aujourd'hui les références cadastrales n°[Cadastre 5] et [Cadastre 6], ont été intégrées à la voirie publique par délibération du Conseil municipal du 30 janvier 1973 ;

CONSTATER que lesdites parcelles sont en possession de la commune de [Localité 10] depuis une durée supérieure à trente années ;

DIRE ET JUGER que la commune de [Localité 10] est propriétaire desdites parcelles ;

ORDONNER l'inscription au livre foncier du droit de propriété de la commune de [Localité 10] sur lesdites parcelles ;

CONDAMNER solidairement les époux [M] aux entiers frais et dépens des deux instances y compris les frais d'exécution et les frais de publication de la décision à intervenir;

CONDAMNER solidairement les époux [M] à payer à la commune de [Localité 10] la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de ses prétentions la commune fait valoir que les parcelles litigieuses ont été intégrées à la voie publique par délibération du conseil municipal du 30 janvier 1973 et qu'elles sont en sa possession depuis une durée supérieure à 30 ans de sorte qu'elle en est propriétaire. Le conseil municipal avait décidé par délibération du 12 avril 1977 de verser une indemnité de 250 Francs l'are à Monsieur et Madame [M]. Monsieur [M] a signé le 12 mai 1977 un acte improprement qualifié de « promesse de vente » qui en réalité aurait eu pour objet de fixer l'indemnité prévue par la délibération.

C'est pourquoi, pendant près d'un tiers de siècle Monsieur [M] ne se serait plus comporté en propriétaire des parcelles litigieuses, la commune affirmant que les intimés n'auraient jamais réglé les taxes foncières afférentes à ces parcelles.

L'appelante critique le jugement de première instance qui a écarté les différentes décisions de l'assemblée délibérative de la commune ou même le procès-verbal d'arpentage du 30 juillet 1976 qui établissaient que les parcelles non bâties ayant appartenu à Monsieur [M] étaient affectées à la voie publique de la commune. Elle estime qu'elle est propriétaire de ces parcelles depuis 1976.

A titre subsidiaire, la commune avance qu'elle peut bénéficier du régime de la prescription acquisitive immobilière régie par les dispositions des articles 2229 et 2262 du code civil, maintenant codifiées sous l'article 2272. Que ce soit en tenant compte du délai de droit commun de 30 ans ou du délai abrégé de 10 ans, les éléments de preuve au dossier démontreraient qu'elle a acquis la propriété des parcelles litigieuses depuis soit le 31 janvier 2003 soit le 31 janvier 1983. Elle insiste que le fait que depuis la délibération du 30 janvier 1973, ces parcelles ont été intégrées à la voirie publique, intégration synonyme d'entrée en possession des terrains par la commune.

5

Cette dernière devrait être considérée comme ayant été de bonne foi et disposant d'un juste titre constitué notamment par la délibération du conseil municipal du 30 janvier 1973, que sa possession est univoque les époux [M] ne s'étant plus jamais comportés en propriétaires et n'ayant pas versé de taxe foncière pendant cette période considérée.

La commune conteste les allégations des époux [M] selon lesquelles la possession des terrains ne serait pas paisible dans la mesure où elle résulterait d'une voie de fait ; aucune décision génératrice d'une telle atteinte aux droits de propriété ou à une liberté fondamentale ne serait à déplorer.

* * *

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 octobre 2021, les époux [M] demandent à la cour de :

DECLARER l'appel formé par la commune de [Localité 10] mal fondé et de le REJETER,

En conséquence :

CONFIRMER en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 9 mars 2021 ;

DEBOUTER la commune de [Localité 10] de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions ;

CONDAMNER la commune de [Localité 10] à leur verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

CONDAMNER la commune de [Localité 10] aux entiers frais et dépens de la procédure.

Ils exposent que Monsieur [M] [T] est devenu propriétaire de ces deux parcelles par acte notarié du 23 novembre 1978 qui a constaté leur donation par son père à son profit. C'est en 2012, au moment où les époux [M] ont souhaité organiser leur succession, qu'ils ont découvert avoir été dépossédés irrégulièrement de ces parcelles par la commune de [Localité 10], de sorte que Monsieur [M] a demandé en vain une régularisation.

Les intimés estiment que la proposition de dédommagement de 5 000 euros faite à Monsieur [M] par la commune, prouverait que cette dernière savait ne pas être propriétaire des parcelles.

C'est donc tout à fait logiquement que le premier juge a considéré que les titres de propriété qui lui étaient présentés par les consorts [M] suffisaient à établir leur bon droit. Les intimés ajoutent que contrairement à ce qu'annonce la commune, ils ont toujours réglé les taxes foncières portant sur ces parcelles, comme le démontrerait un relevé de propriété produit par les services fiscaux au sujet de la taxe foncière 2015, duquel il ressortirait que les parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 6] (correspondant aux anciennes références cadastrales DP [Cadastre 2] et [Cadastre 7]) font partie intégrante de la propriété des consorts [M].

Dans ces conditions la cour ne pourrait que constater l'absence de transfert de propriété au profit de la commune de [Localité 10], comme l'a noté le premier juge, aucune vente n'ayant eu lieu, et les terrains n'ayant pas fait l'objet d'un plan d'alignement et d'une expropriation. Il conviendrait de constater que la commune est entrée en possession de ces parcelles de manière irrégulière, en ayant parfaitement conscience de ce caractère irrégulier.

6

La commune ne saurait alors se targuer d'une prescription acquisitive en sa faveur pour réclamer la propriété des deux parcelles. D'une part, les consorts [M] estiment que les communes ne peuvent pas se prévaloir de l'acquisition de biens au profit de leur domaine public par le biais d'une prescription acquisitive trentenaire. D'autre part même si la cour venait à considérer que la commune peut se prévaloir du mécanisme de l'usucapion, il conviendrait de constater que l'appelante ne démontre pas que les conditions de l'usucapion sont remplies. Les intimés considèrent qu'il n'y a pas eu de possession paisible car la prise de possession s'est faite par voie de fait, la commune sachant pertinemment ne pas être propriétaire, et ce d'autant plus qu'elle n'a jamais versé de taxes foncières pour ces deux parcelles.

* * *

Par ordonnance du 4 octobre 2022, la Présidente de chambre, chargée de la mise en état, a ordonné la clôture de la procédure et renvoyé l'affaire à l'audience du 26 janvier 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIVATION

1) Sur le titre de propriété

Monsieur [M] qui revendique la propriété des deux parcelles litigieuses, dispose de titres qui laissent présumer que celles-ci sont bien sa propriété.

En effet ces parcelles sont mentionnées dans la donation entre vifs réalisée le 23 novembre 1978 à son profit, portant sur les parcelles cadastrées section G numéro [Cadastre 4] [Localité 9] d'une surface de 16,90 ares comprenant la parcelle actuellement occupée par la résidence des consorts [M] de 15,6 ares et les parcelles litigieuses de 1,29 et 0,1 ares.

Il est à noter que cette donation signée par le donateur, le père de Monsieur [M], et ce dernier, a été réalisée par acte authentique (annexe 4), puis a été enregistrée au livre foncier, de sorte que lesdites parcelles apparaissent bien au nom de Monsieur [T] [M] fils et de son épouse (annexe 17).

Les deux parcelles litigieuses, anciennement cadastrées sous section [Cadastre 1] G numéro DP [Cadastre 2] et [Cadastre 7], sont répertoriées désormais sous les références section [Cadastre 1] G [Cadastre 5] et [Cadastre 6].

Or, contrairement à ce que soutient la commune de [Localité 10], le relevé de propriété établi le 22 septembre 2015 par les services fiscaux vient confirmer les mentions du livre foncier évoquées plus haut, détermine que les parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 6] font partie intégrante de la propriété des époux [M], (annexe 18) et que ce sont les intimés qui règlent la taxe foncière afférente à ces deux parcelles litigieuses (annexes 23 pour les avis d'imposition des taxes foncières des années 2000 à 2002.)

7

Par ailleurs, les intimés ont produit à hauteur d'appel un nouveau relevé de propriété actualisé du 17 mai 2021 qui mentionne une fois encore que les parcelles [Cadastre 5] et [Cadastre 6] font fiscalement parlant partie de la propriété de ces derniers (annexe 26).

La cour ne peut alors que constater l'existence de nombreuses preuves de ce que les consorts [M] sont toujours les propriétaires de ces deux parcelles.

Le premier juge a fort logiquement rappelé que la commune qui soutient être en capacité de démontrer qu'un transfert de propriété a été réalisé à son profit, doit alors démontrer, soit l'existence d'une acquisition en bonne et due forme de ces parcelles par un achat, soit d'une entrée en possession des lieux suite à une procédure d'expropriation.

Or force est de constater que la commune ne rapporte pas l'existence, ni d'une vente, ni du terme d'une procédure d'expropriation avec versement de l'indemnité.

L'existence de délibérations du conseil municipal faisant état de la volonté de la commune d'acquérir ces parcelles, d'un procès-verbal d'arpentage du 18 juillet 1976, d'un document intitulé « promesse de vente » daté du 12 mai 1977, ne sont nullement de nature à démontrer l'existence d'une vente avérée.

Et si la commune a débuté en 1980 une procédure d'expropriation (comme l'atteste l'arrêté de déclaration d'utilité publique du 4 janvier 1980 - annexe 8 de la commune), il n'est pas démontré ' ni même soutenu - que celle-ci a abouti.

C'est d'ailleurs probablement parce que la collectivité savait qu'aucune vente n'a été régularisée, qu'au moment où Monsieur [M] s'est manifesté auprès d'elle à partir de 2012, elle lui a proposé une indemnité de 5 000 euros, proposition qu'elle n'aurait assurément pas formulée si elle avait été certaine de son statut de propriétaire.

Dans ces conditions le premier juge a fort logiquement déduit des documents produits que la commune ne démontre pas l'existence d'un transfert de propriété de ces deux parcelles à son profit.

3) Sur la demande subsidiaire fondée sur l'usucapion

Le premier juge a rappelé qu'il convenait d'appliquer les articles 2262, 2229 et 2227 du code civil dans leur version applicable au litige, qui posent les conditions d'application de l'usucapion à savoir que celui qui se targue d'une possession trentenaire d'un bien immobilier ' en vue de se voir reconnaître la qualité de propriétaire - doit démontrer l'existence d'une possession continue et non interrompue, paisible, publique, et non équivoque en tant que propriétaire.

En application des dispositions de l'article 2227 du code civil, l'État, les établissements publics et les communes sont soumises aux mêmes prescriptions que les particuliers et peuvent également les opposer.

8

Ainsi, le mécanisme de la prescription acquisitive peut être invoqué par la commune de [Localité 10].

S'agissant des conditions à remplir, la cour constate que la commune a toujours su que ces parcelles ne lui appartenaient pas, sans quoi elle n'aurait pas régulièrement envisagé, soit l'acquisition de celles-ci par achat soit par le moyen d'une procédure d'expropriation, ou même proposé en 2014 une indemnité.

D'autre part, ce sont les époux [M] qui réglaient les taxes foncières pour ces parcelles numéros [Cadastre 5] et [Cadastre 6] objets de l'action d'usucapion soutenue par la commune.

Il résulte de ces développements que la commune ne peut prétendre avoir bénéficié d'une possession non équivoque sur ces deux parcelles qu'elle a souhaitées acquérir pendant des années.

Dès lors il y a lieu de confirmer l'intégralité du jugement entrepris, tant en ce qu'il a traité des demandes principales des parties, qu'en ce qu'il a dit du sort des dépens et des demandes formulées au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

4) sur les demandes accessoires

La commune de [Localité 10], partie succombante au sens de l'article 696 code de procédure civile, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel et à verser à M. [T] [M] et Mme [O] [M] née [C] une somme de 2 500 euros au titre des frais irrépétibles qu'ils ont exposés dans le cadre de la procédure d'appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de la commune tendant à être indemnisée de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

- CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 9 mars 2021 ;

Et y ajoutant

- CONDAMNE la commune de [Localité 10] aux dépens de la procédure d'appel ;

9

- CONDAMNE la commune de [Localité 10] à verser à M. [T] [M] et Mme [O] [M] née [C] une somme de 2 500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles qu'ils ont engagés à hauteur d'appel ;

- REJETTE la demande de la commune de [Localité 10] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/02161
Date de la décision : 16/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-16;21.02161 ?
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