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09/03/2023 | FRANCE | N°21/01190

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 09 mars 2023, 21/01190


MINUTE N° 121/2023





























Copie exécutoire à



- Me Guillaume HARTER



- Me Patricia CHEVALLIER-

GASCHY





Le 9 mars 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 9 MARS 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01190 -

N° Portalis

DBVW-V-B7F-HQSA



Décision déférée à la cour : 27 Janvier 2021 par le tribunal judiciaire de COLMAR





APPELANTS et INTIMÉS SUR APPEL INCIDENT :



Madame [A] [M]

Monsieur [G] [I]

demeurant ensemble [Adresse 1]



représentés par Me Guillaume HARTER, avocat à la cour
...

MINUTE N° 121/2023

Copie exécutoire à

- Me Guillaume HARTER

- Me Patricia CHEVALLIER-

GASCHY

Le 9 mars 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 9 MARS 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01190 -

N° Portalis DBVW-V-B7F-HQSA

Décision déférée à la cour : 27 Janvier 2021 par le tribunal judiciaire de COLMAR

APPELANTS et INTIMÉS SUR APPEL INCIDENT :

Madame [A] [M]

Monsieur [G] [I]

demeurant ensemble [Adresse 1]

représentés par Me Guillaume HARTER, avocat à la cour

INTIMÉ et APPELANT SUR APPEL INCIDENT :

Monsieur [Z] [V] [D]

demeurant [Adresse 2]

représenté par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 19 Janvier 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT CONTRADICTOIRE

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, Président et Madame Sylvie SCHIRMANN, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

2

EXPOSE DU LITIGE

Par acte notarié en date du 6 décembre 2016, Monsieur [G] [I] et Madame [A] [M] ont acquis de Monsieur [Z] [V] [D] deux maisons jumelées qu'il avait fait construire, sises [Adresse 1], pour un prix de 395 000 euros. Il s'agissait pour les acquéreurs de faire de l'ensemble des deux bâtiments leur maison d'habitation.

Dans l'acte de vente, le vendeur précisait :

- que certains des travaux de construction avaient été réalisés sur l'immeuble par des entreprises dont certaines avaient fourni des attestations d'assurance décennale, que d'autres n'en avaient pas fourni, notamment l'entreprise individuelle EI [W] [N] pour les travaux de toiture, ajoutant que cette dernière entreprise avait déposé le bilan et qu'il n'avait pas obtenu l'attestation d'assurance décennale la concernant,

- qu'il avait procédé lui-même à certains travaux (électricité, carrelage, sanitaire, chauffage).

Les consorts [I]-[M] se plaignant d'un phénomène d'infiltrations d'eau pluviale entrainant des dégâts des eaux et rendant impossible l'utilisation de plusieurs pièces, leur compagnie d'assurance Pacifica a mandaté le cabinet DIA Experts qui a déposé son rapport le 6 juin 2017, concluant que les infiltrations constatées avaient pour origine un défaut sur les ouvrages d'étanchéité et/ou la zinguerie des acrotères.

Par courrier du 6 juin 2017, les consorts [I] et [M] ont informé le vendeur des désordres et l'ont mis en demeure de leur transmettre la facture des travaux de toiture de l'entreprise EI [W] [N]. Le vendeur leur faisait parvenir à la fin du mois de juillet 2017 une facture par l'intermédiaire de son notaire.

Les consorts [I] et [M] se sont également rapprochés de la SELAS Koch et Associés, liquidateur de l'EI [W] [N], qui par courrier du 28 juin 2017, leur a transmis un courrier indiquant que Monsieur [W] [N] affirmait que son entreprise n'était pas intervenue sur la toiture de l'immeuble de M. [D].

Par ordonnance du 6 novembre 2017, le juge des référés du tribunal de grande instance de Colmar a désigné Monsieur [Y] comme expert judiciaire. Son rapport d'expertise a été déposé le 3 mars 2019.

Les consorts [I] - [M] ont assigné devant le tribunal de grande instance de Colmar le 11 août 2017 M. [Z] [D] en vue d'obtenir sa condamnation à leur verser diverses sommes au titre :

- du coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres, soit 42 221 euros,

- du remboursement du coût des travaux provisoires urgents effectués à la demande de l'expert (1 000 euros),

- des dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance (2 430 euros) et moral (10 000 euros),

- de l'article 700 du code de procédure civile (5 000 euros).

3

Par jugement du 27 janvier 2021, le tribunal judiciaire de Colmar a rejeté la demande en nullité du rapport d'expertise faite par M. [D] et a débouté Monsieur [I] et Madame [M] de leurs demandes fondées soit sur la garantie décennale, soit sur la garantie des vices cachés, les condamnant, outre aux dépens, au paiement de la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Le tribunal a estimé que le rapport d'expertise judiciaire ne devait pas être annulé, l'expert ayant respecté le principe du contradictoire en informant toutes les parties du contenu de l'échange qu'il avait eu avec Monsieur [N] et en restant dans le cadre de la mission qui lui avait été confiée.

La juridiction écartait la possibilité de mise en 'uvre de la garantie décennale au motif que la preuve de l'existence d'une réception des travaux n'était en tout état de cause pas rapportée.

Puis, s'agissant de l'action intentée sur le fondement des vices cachés, si le premier juge a admis l'existence d'un tel vice découlant de l'importance des infiltrations constatées, en revanche il a estimé que le vendeur était protégé par la clause d'exonération de garantie contenue dans l'acte de vente du 6 décembre 2016. Le tribunal a considéré que les travaux de couverture ont été réalisés par la société [N] et non pas par Monsieur [D] qui ne pouvait être appréhendé comme « constructeur » ou comme ayant été de mauvaise foi.

M. [G] [I] et Mme [A] [M] ont fait appel le 24 février 2021 de la décision.

PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 29 septembre 2022, M. [G] [I] et Mme [A] [M] demandent à la cour :

- de DECLARER leur appel à l'encontre du jugement du tribunal judiciaire de Colmar du 27 janvier 2021 recevable et bien fondé;

En conséquence:

INFIRMER la décision entreprise et ;

STATUANT A NOUVEAU:

Avant dire-droit :

ORDONNER une nouvelle mesure d'expertise judiciaire ou subsidiairement le retour du dossier à l'expert avec notamment comme mission de décrire les désordres découlant des infiltrations ainsi que l'ensemble de leurs conséquences quant à l'usage des deux maisons, dire si les désordres et les infiltrations sont persistants et encore actuels, déterminer leur origine, préciser les éventuelles règles de l'art ayant été enfreintes et chiffrer le coût de reprise sur la base de deux devis au moins,

CONSTATER la réception tacite de l'ouvrage, subsidiairement PRONONCER la réception judiciaire au jour de l'acte de vente et DIRE ET JUGER que Monsieur [Z] [D] est responsable des préjudices subis par les appelants par application des articles 1792 et suivants du code civil,

4

Subsidiairement, DIRE ET JUGER que Monsieur [Z] [D] est responsable des préjudices subis par les appelants par application des articles 1641 et suivants du code civil.

CONDAMNER Monsieur [Z] [D] à payer à Monsieur [I] et Madame [M] les sommes de :

- 55 000 euros au titre du coût des travaux nécessaires pour remédier aux désordres et ce avec intérêts au taux légal à compter de la demande,

- 1 000 euros au titre du remboursement du coût des travaux provisoires et urgents augmentés des intérêts au taux légal à compter du jugement dont appel,

- 4 320 euros au titre des dommages et intérêts en réparation du préjudice de jouissance avec intérêts au taux légal à compter du jugement dont appel,

- 10 000 euros à titre de dommages et intérêts en réparation du préjudice moral avec intérêts au taux légal à compter du jugement dont appel.

En tout état de cause,

DEBOUTER Monsieur [Z] [D] de toutes demandes formées au titre d'un appel incident,

Le CONDAMNER aux entiers frais et dépens des deux instances ainsi qu'au paiement de la somme de 3000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile.

Au soutien de leur appel M. [G] [I] et Mme [A] [M] soutiennent que le rapport d'expertise déposé par M. [Y] ne saurait être annulé car l'expert a respecté le périmètre de sa saisine et le principe du contradictoire.

Cependant ils estiment nécessaire qu'un complément ou une contre-expertise soit ordonné, car ils contestent les allégations de l'expert selon lesquelles les désordres auraient été résorbés grâce aux réparations partielles réalisées lors des opérations d'expertise. En outre l'expert devrait réétudier la question du coût des réparations qui devaient être envisagées de manière globale et porter sur l'ensemble du revêtement de la toiture.

Ils contestent aussi la décision du premier juge qui a considéré que les travaux n'avaient pas été réalisés par Monsieur [D]. Ils font notamment référence à une attestation d'un voisin, Monsieur [J]. Aussi Monsieur [D] devrait être qualifié de constructeur et condamné, à titre principal sur le fondement de l'article 1792 du code civil applicable car, du fait de l'humidité persistante, l'ouvrage devrait être déclaré comme étant impropre à l'habitation, les travaux de couverture devant être considérés comme ayant été réceptionnés tacitement. A défaut, la cour devrait prononcer judiciairement leur réception.

À titre subsidiaire, sur le fondement de l'article 1641 du code civil, Monsieur [D] devrait être tenu d'indemniser les appelants pour les vices cachés de l'immeuble. Les appelants estiment que les interventions de Monsieur [D] sur la toiture (telles que constatées par son voisin qui a témoigné) prouveraient que le vendeur savait parfaitement qu'un vice affectait l'étanchéité de la maison.

Sur le montant de 55 000 euros qu'ils réclament, les appelants exposent que le montant des travaux prévus dans les devis pris en considération par l'expert est insuffisant.

* * *

5

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 juin 2022, M. [Z] [D] demande à la cour de :

In limine lits

ANNULER le rapport d'expertise de Monsieur [Y], pour non-respect du principe du contradictoire et dépassement de la mission,

DECLARER l'appel formé par Monsieur [I] et Madame [M] à l'encontre du jugement du tribunal judiciaire de Colmar du 27 janvier 2021 mal fondé et LE REJETER,

Sur l'appel incident

ANNULER le rapport d'expertise.

Subsidiairement,

ORDONNER une contre-expertise portant sur l'origine des désordres et leur nature tout en se prononçant sur les conséquences du défaut d'entretien de la toiture après la vente, en tenant compte de l'environnement décrit par Madame [U],

DEBOUTER la partie adverse de l'ensemble de ses fins et conclusions,

Subsidiairement,

LES REDUIRE dans une très large mesure,

CONDAMNER les appelants aux entiers frais et dépens ainsi qu'à une indemnité de 2.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimé maintient l'argumentation qu'il a développée en première instance et devant le conseiller de la mise en état selon laquelle l'expert ne pouvait avoir un contact direct avec Monsieur [N] hors la présence des autres parties. D'autre part il reproche à l'expert d'avoir analysé des pièces remises par les parties pour donner un avis sur la question de la réalité de l'intervention ou non de Monsieur [N], et de s'être penché sur la question de qualité de la pose des couvertines qui n'entrerait pas dans l'objet de l'expertise. Il conviendrait donc d'annuler l'expertise et de désigner un nouvel expert devant entre autre vérifier si les dégâts objet du présent dossier ne provenaient pas simplement d'un manque d'entretien de la toiture plate par les acquéreurs. Ils produisaient à l'appui de cette demande un rapport d'expertise privée établi par Madame [U].

Concernant la réalisation de la toiture, l'intimé rejoint l'analyse faite par le premier juge ; les factures et attestations produites démontreraient que c'est bien la société [N] qui a procédé à la mise en place de la toiture. Dans ces conditions il considère qu'il ne saurait être considéré soit comme constructeur, soit comme ayant connu l'existence d'éventuels vices portant sur l'étanchéité.

L'intimé rejoint également le premier juge dans son analyse concernant la garantie décennale et celle portant sur la garantie des vices cachés, en insistant sur le fait qu'à son sens c'est l'absence d'entretien de la toiture plate par les acquéreurs qui serait à l'origine de la survenue des dégâts, qu'il considère comme étant limités et ayant fait l'objet de remèdes.

Enfin, s'agissant des troubles de jouissance évoqués par les appelants, Monsieur [D] soutient qu'il a été constaté que, après réalisation des travaux de réparation demandés par l'expert, les désordres ont disparu de sorte que les montants mis en compte par les appelants ne seraient pas justifiés.

* * *

6

Le conseiller de la mise en état était saisi d'une demande de la part des appelants le 25 avril 2022 tendant à voir ordonner la comparution personnelle de l'intimé et l'audition de Monsieur [N] pour déterminer qui a réalisé les travaux de toiture et d'étanchéité, et l'organisation d'une nouvelle expertise judiciaire.

Par ordonnance du 22 septembre 2022, la demande d'expertise en tant que formée devant le conseiller de la mise en état a été déclarée irrecevable. Quant à la demande d'enquête et de comparution personnelle elle a été rejetée au motif que les positions respectives de Monsieur [D] et de Monsieur [N] sont d'ores et déjà connues, l'intimé produisant en outre de nouveaux éléments de preuve sur ce point à hauteur de cour.

* * *

Par ordonnance du 4 octobre 2022, la Présidente de chambre, chargée de la mise en état, a ordonné la clôture de la procédure et renvoyé l'affaire à l'audience du 19 janvier 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIVATION

1) Sur la demande de nullité du rapport d'expertise judiciaire

Lorsque qu'il a été destinataire du courriel du 30 janvier 2018 dans lequel il était indiqué que Monsieur [N] contestait avoir réalisé les travaux d'étanchéité, affirmant avoir simplement apporté une « aide » à Monsieur [D], l'expert l'a retransmis immédiatement à toutes les parties, de sorte que les allégations de Monsieur [N] ont pu faire l'objet d'un débat contradictoire lors des opérations d'expertise postérieures qui ont lieu le 26 juin et le 14 novembre 2018. Il est important de rappeler que Monsieur [N] a participé à ces réunions de sorte qu'il a pu reprendre ses explications et répondre aux éventuelles questions.

Il s'en suit que l'expert a parfaitement respecté le principe du contradictoire et que son rapport ne souffre pas la critique sur ce sujet.

Contrairement à ce qui est soutenu par Monsieur [D], les observations de l'expert portant sur la qualité de la fixation des couvertines et l'absence de renforts d'angle du toit, entrent assurément dans la mission qui lui a été confiée, en vue de déterminer les origines des infiltrations provenant notamment du toit.

Les couvertines qui recouvrent le rebord du « toit plat » font partie intégrante du lot « couverture » et concourent au phénomène d'étanchéité de la toiture.

En outre la question de l'examen des couvertines - et plus exactement l'évocation d'une éventuelle défaillance au niveau de recouvrement les unes par rapport aux autres - apparaît à plusieurs reprises dans les observations faites par des intervenants techniciens, comme c'était le cas dans le premier rapport d'expertise privée Ixi établi à la demande de la société d'assurance Pacifica (voir page 4 de l'annexe 6 des appelants) mais également dans le rapport de la société Nuwa intervenue pour déterminer l'origine des fuites (annexe 19 des appelants).

7

Enfin, l'expert n'a pas davantage outrepassé sa mission en effectuant un examen critique des pièces (factures et devis) qui lui ont été remises par les parties ; si l'expert a exprimé un doute quant au sérieux des allégations de Monsieur [N], cette opinion n'est pas de nature à lier le tribunal.

Cette réflexion s'inscrivait dans le cadre de la mission générale confiée, puisque l'homme de l'art pouvait faire toutes remarques utiles sur la question de l'origine des désordres (et donc de qui pourrait avoir été en charge des travaux défaillants).

Dans ces conditions le rapport d'expertise rédigé par Monsieur [Y] sera déclaré valable, et le jugement de première instance confirmé sur ce point.

2) Sur l'origine et la nature des désordres et les demandes de contre-expertise formulées par les parties

Il est rappelé que la toiture de l'immeuble des appelants, qui est une maison à ossature bois, est plate avec une faible pente de 5 % recouverte d'un bitume.

Monsieur [D] sollicite une contre-expertise au motif que l'expert ne se serait pas prononcé sur l'incidence d'un défaut d'entretien de la toiture alors que ce type de toiture doit faire l'objet d'un entretien au moins une à deux fois par an pour enlever les feuilles ou autres fruits qui pourraient boucher les évacuations. À l'appui de son argumentation il verse une expertise privée établie par Madame [U] qui mettrait en exergue la nécessité d'un entretien des toitures plates d'autant plus que des arbres ' à feuilles caduques - se trouvaient dans l'environnement proche.

Le travail minutieux fait par l'expert judiciaire Monsieur [Y] et la méthodologie adoptée ont permis de déterminer l'origine des désordres, en localisant deux points de percement de la couche assurant l'imperméabilité du toit plat.

Pour ce faire, l'expert a fait intervenir dans un premier temps la société Nuwa en vue de réaliser un test d'étanchéité qui a permis de découvrir que la membrane d'élastomère était percée à deux endroits. L'injection d'eau colorée à ces endroits a permis de constater que les infiltrations débouchaient dans les deux pièces à l'étage touchées par les désordres.

Puis ces deux points de percement ont fait l'objet de réparations par l'entreprise d'étanchéité Ricchiuti.

Le 14 novembre 2018 l'expert a fait réaliser une nouvelle vérification. Comme cela apparaît sur les photographies illustratives présentes dans son rapport, la toiture plate a été « inondée » d'eau colorée pour vérifier s'il existait toujours des infiltrations au niveau des plafonds des deux chambres de l'étage. Or l'expert a constaté l'absence d'infiltrations au niveau des plafonds des deux chambres de l'étage. En outre les bois de charpente soutenant la toiture au niveau des deux points de percement - qui étaient précédemment très humides et mouillés ' étaient dorénavant plus secs, la mesure d'hydrométrie de ces bois donnant des valeurs de 10 à 12 % alors qu'ils présentaient des valeurs de 25 à 40 % lors des précédentes vérifications.

L'expert a noté également que « la coloration noirâtre » des bois porteurs du toit plat, s'était fortement atténuée.

8

Il est donc clairement établi que ce n'est pas le défaut d'entretien qui est à l'origine des désordres dénoncés par les appelants. La contre-expertise sollicitée par Monsieur [D] n'est donc nullement nécessaire.

Les appelants appellent également de leurs v'ux une nouvelle expertise judiciaire indispensable car ils contestent les conclusions de l'expert selon lesquelles les deux défauts d'étanchéité ont été réparés et que les désordres ont disparu, considérant en outre que la solidité de l'ouvrage serait dorénavant remise en cause.

Ils précisent que les infiltrations persistent et que la solidité de l'ouvrage serait maintenant menacée, des travaux étant nécessaires pour le remplacement ou le séchage des isolants, des panneaux OSB et des bois de structure. Les appelants estiment en outre que les entreprises consultées pour entreprendre les réparations considèrent qu'elles doivent être globales et non pas ponctuelles et limitées de sorte qu'elles engendreraient un coût de l'ordre de 55 000 euros bien supérieur à ce qu'a retenu l'expert.

En outre, Monsieur [G] [I] et Madame [A] [M] ajoutent que le complément d'expertise permettrait à l'expert de déterminer si Monsieur [D] a bien réalisé lui-même les travaux de toiture et d'étanchéité ou s'ils ont été réalisés par une société tierce.

En revanche ils ne contestent pas l'avis de l'expert selon lequel il faudrait reprendre l'étanchéité et créer une lame d'air ventilé au niveau de l'isolation.

La question de savoir si Monsieur [D] doit être considéré comme le couvreur ou non ne saurait relever d'une question adressée à un expert ; c'est au juge de trancher à l'aune des pièces produites.

Quant aux conclusions de l'expert, la cour rappelle que ce dernier a mené sa mission de manière méticuleuse, l'inscrivant dans le temps, de manière à permettre à découvrir les causes des infiltrations.

Comme cela est expliqué dans le paragraphe précédent, les travaux de réparations provisoires menés à la demande de l'expert y ont mis un terme.

Par conséquent il n'est nullement nécessaire de désigner un contre-expert ou de renvoyer le dossier à l'expert pour complément de mission.

La demande de contre-expertise formulée par les appelants sera rejetée.

3) sur le statut de constructeur du vendeur et les actions menées à son encontre

Le vendeur a produit aux débats une pièce intitulée « facture » datée du 19 décembre 2012, émanant de la société EI [N] [W] pour un montant de 11 881,20 euros, éditée en direction de Monsieur [D] [V].

Ont été aussi produits aux débats un devis provenant de la société Nesta adressé à Monsieur [N] le 12 décembre 2012, et une facture Nesta adressée à Monsieur [D] le 17 décembre 2012.

9

Il ressort de l'examen de ces trois documents :

- qu'ils portent tous sur le même chantier puisque les matériaux et leur quantité sont identiques d'un document à l'autre,

- que le devis Nesta fait au nom de Monsieur [N] du 12 décembre 2012 n'a pu être préparé que par un professionnel, seul capable de chiffrer et de déterminer les besoins en matériels très spécifiques,

- que la facture du 17 décembre 2012 démontre que c'est finalement le maître d'ouvrage, Monsieur [D] qui a pris en charge le paiement des matériaux pour un montant de 6 289,07 euros,

- qu'enfin le troisième document indique que Monsieur [N] a facturé la fourniture et la pose des matériaux pour 11 881,20 euros ; s'il existe un doublon au niveau de la facturation des fournitures, en revanche il ressort de la teneur de cette pièce datée du 19 décembre 2012, que la main-d''uvre a été facturée pour un montant de 5 592,13 euros (soit le montant de facture de 11 881,20 euros ' le montant de la facture Nesta du 14 décembre 2021 de 6289,07 euros).

En conclusion, il s'en déduit que les matériaux de construction ont été payés par le maître d'ouvrage, mais que la pose de la couverture, couvertines comprises, a été réalisée par un professionnel en la personne de la société [N], prestations facturées 5 592,13 euros.

La facture de la société [N] est donc parfaitement causée, et contrairement à ce que soutiennent les appelants, elle précise la nature du chantier (couverture et zinguerie) et comporte des éléments d'information quant à la consistance du chantier et plus particulièrement la superficie de la toiture à couvrir.

Le fait que le liquidateur judiciaire de la société [W] [N] ait indiqué que son gérant lui a affirmé ne pas avoir émis de facture et ne pas avoir réalisé des travaux de toiture de la maison de Monsieur [D], n'est pas suffisant pour pouvoir écarter la facture produite, corroborée par des documents préparatoires que sont les devis sus évoqués.

D'autre part, Monsieur [D] produit également trois attestations parfaitement claires et explicites, qui confirment que c'est bien la société de Monsieur [N] qui a réalisé la pose de l'étanchéité de la toiture et la zinguerie.

Il s'agit des auditions de Monsieur [H] (G 4) qui affirme avoir travaillé comme salarié de Monsieur [N] sur ce chantier, de Monsieur [F] (G5), entrepreneur, qui au moment de sa visite du chantier pour établir un devis pour une terrasse en bois a constaté la présence de Monsieur [N] sur le chantier, et de Monsieur [C] (G6) qui confirme avoir vu la société [N] réaliser le chantier. La variété de profils de ces témoins (un voisin, un ancien salarié de Monsieur [N], et un professionnel du bâtiment) vient renforcer la crédibilité de ces écrits.

La seule attestation produite en sens contraire par les appelants, rédigée par Monsieur [J] (annexe 17) selon laquelle « lors de la construction de Monsieur [D], étant voisin, ('), plusieurs fois, j'ai vu Monsieur [D] travailler à sa construction, sur le bardage, sur sa toiture, dans sa piscine. (') J'ai pu constater alors que sa construction était terminée que Monsieur [D] intervenait sur sa toiture », n'est pas de nature à écarter ou infirmer les allégations très claires des attestations détaillées plus haut et la teneur de la facture éditée au nom de la société [N]. Les propos de Monsieur [J] ne prouvent pas que Monsieur [D] a réalisé les travaux de toiture ou d'étanchéité ; à aucun moment le témoin ne l'affirme, se contentant d'indiquer avoir vu Monsieur [D] sur la toiture ; il est fort possible que le témoin ait simplement vu Monsieur [D] l'entretenir.

10

Dans ces conditions c'est en toute logique que le premier juge a considéré que la pose de la toiture et d'étanchéité de la maison a été réalisée par le société [N] [W] et non par Monsieur [D].

Il est rappelé que dans l'acte de vente du bien immobilier il était précisé que les travaux de construction de la structure de l'immeuble avaient été réalisés par des entreprises dont certaines avaient fourni des attestations d'assurance décennale, que d'autres n'en avaient pas fourni (notamment l'entreprise individuelle EI [W] [N] pour les travaux de toiture) et que le vendeur, l'intimé, n'avait procédé lui-même qu'à certains travaux d'aménagement (électricité, carrelage, sanitaire, chauffage).

La modestie de l'intervention du maître d'ouvrage, au regard de l'importance de celles des autres corps de métiers, ne saurait conférer à Monsieur [D] le statut de constructeur de la maison, au sens de l'article 1792 du code civil.

L'action menée contre Monsieur [D] sur le fondement de cet article ne saurait être accueillie ; il n'est alors plus nécessaire de statuer sur la question de savoir si les désordres étaient tels qu'ils étaient de nature à rendre le bâtiment impropre à sa destination, ou encore de déterminer si les travaux litigieux ont fait l'objet d'une réception.

Quant à l'action fondée sur la garantie des vices cachés prévue par l'article 1641 et suivants du code civil, le premier juge a, à juste titre, considéré que la maison d'habitation acquise par Monsieur [G] [I] et Madame [A] [M] souffrait d'un vice caché résidant dans un défaut d'étanchéité du toit et dans un défaut de ventilation sous la toiture, tels que définis par l'expert.

Cependant, au cas d'espèce - comme indiqué plus haut - Monsieur [D] ne peut être appréhendé comme constructeur et il n'est pas démontré qu'il connaissait au moment de la cession de la maison au profit de Monsieur [G] [I] et Madame [A] [M] l'existence des vices l'affectant. Sa responsabilité ne saurait être engagée sur le fondement des garanties des vices cachés. Les pièces au dossier ne permettent pas d'affirmer que la présence de Monsieur [D] sur sa toiture ait été motivée par la réalisation de réparations qui induiraient qu'il savait qu'un vice affectait l'étanchéité de la maison.

Dans ces conditions, le premier juge a logiquement considéré que Monsieur [D] peut légitimement réclamer la mise en 'uvre de la protection de l'exonération de garantie prévue dans la clause de l'acte de vente présente en page 14, qui stipule que l'acquéreur prend le bien dans l'état où il se trouve sans recours contre le vendeur pour quelque cause que ce soit notamment en raison des vices apparents et des vices cachés.

Il s'en suit que l'ensemble des demandes formulées par les appelants contre Monsieur [D] ne peut être accueilli. Le premier jugement sera par conséquent confirmé en son intégralité.

11

4) Sur les demandes accessoires

Monsieur [G] [I] et Madame [A] [M], parties succombantes au sens de l'article 696 code de procédure civile, seront condamnés aux dépens de la procédure d'appel et à verser à Monsieur [Z] [D] une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés dans le cadre de la procédure d'appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de Monsieur [G] [I] et Madame [A] [M] tendant à être indemnisés de leurs frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire :

- CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Colmar le 27 janvier 2021,

Et y ajoutant

- CONDAMNE Monsieur [G] [I] et Madame [A] [M] aux dépens de la procédure d'appel,

- CONDAMNE Monsieur [G] [I] et Madame [A] [M] à verser à Monsieur [Z] [D] une somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre des frais irrépétibles qu'il a engagés à hauteur d'appel,

- REJETTE la demande de Monsieur [G] [I] et Madame [A] [M] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/01190
Date de la décision : 09/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-09;21.01190 ?
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