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03/03/2023 | FRANCE | N°21/01699

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 03 mars 2023, 21/01699


MINUTE N° 112/2023

























Copie exécutoire à



- Me Thierry CAHN



- Me Valérie BISCHOFF

- DE OLIVEIRA





Le 03/03/2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 3 MARS 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01699 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HRNX



©cision déférée à la cour : 18 Février 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTE et intimée sur appel incident :



Madame [J] [E] veuve [M]

demeurant [Adresse 3] à [Localité 5]



représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la cour.





INTIM...

MINUTE N° 112/2023

Copie exécutoire à

- Me Thierry CAHN

- Me Valérie BISCHOFF

- DE OLIVEIRA

Le 03/03/2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 3 MARS 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01699 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HRNX

Décision déférée à la cour : 18 Février 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE et intimée sur appel incident :

Madame [J] [E] veuve [M]

demeurant [Adresse 3] à [Localité 5]

représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la cour.

INTIMEE et appelante incidente :

La S.A. ALLIANZ IARD prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1] à [Localité 6]

représentée par Me Valérie BISCHOFF - DE OLIVEIRA, avocat à la cour.

plaidant : Me WEYGAND, avocat à Strasbourg.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre, et Madame Myriam DENORT, conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madane Nathalie HERY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Dominique DONATH, faisant fonction

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 16 décembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Suite à un incendie qui, dans la nuit du 24 décembre 2017, avait détruit ses locaux professionnels situés [Adresse 2] à [Localité 8], M. [R] [M] a sollicité de la SA Allianz IARD, son assureur responsabilité civile de chef d'entreprise, une indemnisation que cette dernière lui a refusée au motif d'un manque de justificatifs.

Affirmant que M. [M] était décédé le 15 septembre 2019, Mme [E], veuve [M], a saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg d'une telle demande, versant aux débats un inventaire chiffré à 150 000 euros.

La société Allianz IARD ayant soulevé l'irrecevabilité de la demande en indemnisation de Mme [E], veuve [M], pour défaut de qualité pour agir, le tribunal, devenu le tribunal judiciaire de Strasbourg, a, par un jugement du 18 février 2021 :

- débouté la société Allianz IARD « de son exception d'irrecevabilité »,

- débouté Mme [E], veuve [M], de sa demande et la société Allianz IARD de sa demande reconventionnelle,

- condamné Mme [E], veuve [M], aux dépens et à payer la société Allianz IARD la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rappelé que cette décision était exécutoire par provision.

Sur la fin de non-recevoir soulevée par la société Allianz IARD, le tribunal a d'abord relevé que, contrairement aux allégations de cette dernière, la preuve du décès de M. [M] était rapportée par une attestation notariée du 28 novembre 2019 établissant l'ouverture d'un partage successoral des biens de ce dernier.

Sur le défaut de qualité de Mme [E], veuve [M] pour agir à titre personnel, le tribunal a retenu que celle-ci, héritière pour un quart en pleine propriété et légataire universelle en pleine propriété de la succession de son époux, sous réserve de l'action en réduction à exercer par les héritiers réservataires, qui étaient les trois enfants nés d'une précédente union du défunt, elle ne pouvait exercer que ses droits propres dans la succession de M. [M]. En l'absence de mise en cause des cohéritiers dans la procédure, elle n'avait qualité pour agir que partiellement, alors qu'elle ne limitait pas ses prétentions à sa part dans la succession.

Sur le fond, Mme [E], veuve [M], ne produisait, pour prouver l'étendue du préjudice dont elle demandait réparation, qu'un inventaire manuscrit sur deux pages portant sur 56 postes, conduisant à une valorisation d'environ 150 000 euros, ce qui ne permettait de savoir ni qui avait établi cet inventaire, ni l'existence des matériels et aménagements, ni leur propriétaire, ni leur valeur.

De plus, M. [M] avait, lors de l'enquête menée par l'expert de l'assureur, désigné comme chargé de la comptabilité de son entreprise un cabinet comptable qui avait indiqué n'être en charge que de ses affaires personnelles. En outre, cette enquête avait établi que l'entreprise de M. [M] avait été fermée le 26 septembre 2017.

Sur la demande de dommages-intérêts pour procédure abusive, le tribunal a relevé que le fait de perdre un procès n'induisait pas automatiquement l'abus du droit de saisir la justice et que, d'ailleurs, l'assureur n'indiquait pas quel préjudice il avait subi du fait de la procédure, sauf de devoir se défendre.

Enfin, sur les frais d'enquête confiée par l'assureur à un organisme tiers, le tribunal a considéré qu'une telle enquête était nécessaire à la société Allianz IARD, quelle que fut l'issue de la procédure.

Mme [E], veuve [M], a interjeté appel de ce jugement le 23 mars 2021, cet appel portant sur chacune des dispositions au fond de ce jugement.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 1er février 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 7 décembre 2021, Mme [E], veuve [M], sollicite que son appel soit reçu et que le jugement soit infirmé, sauf en ce qu'il a débouté la société Allianz IARD de son « exception d'irrecevabilité » et de sa demande reconventionnelle. Elle demande que la cour, statuant à nouveau, condamne la société Allianz IARD à lui verser une indemnisation de 150 000 euros, correspondant au montant total figurant sur l'inventaire produit.

Subsidiairement, Mme [E], veuve [M], sollicite la condamnation de la société Allianz IARD à lui verser la somme de 31 099,60 euros, conformément à sa proposition formulée en première instance.

En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de la société Allianz IARD aux entiers frais et dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 6 500 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, soit 3 000 euros pour la première instance et 3 500 euros au titre de la procédure d'appel.

Sur sa qualité pour agir, Mme [E], veuve [M], indique avoir produit l'acte de décès de son époux daté du 18 septembre 2019, l'attestation notariale certifiant sa qualité d'héritière ainsi que l'acte de mariage établissant que tous deux s'étaient mariés sous le régime de la communauté universelle, « à défaut de contrat ».

Sur le fond, soulignant que la matérialité du sinistre n'a jamais été contestée par la société Allianz IARD et qu'elle est établie, elle fait valoir qu'il ne peut être considéré que les locaux, d'une surface de 1 000 m², étaient totalement vides lors de l'incendie, alors que M. [M], qui exploitait un dépôt d'achat-vente bien connu à [Localité 8], était en pleine activité et que l'intensité de l'incendie et la fumée subséquente ne peuvent s'expliquer que parce que des marchandises y étaient stockées.

De plus, son époux, qui a établi l'inventaire, a certifié sur l'honneur sa véracité, l'incendie ayant détruit tout le matériel et tous les documents administratifs et comptables, y compris l'ensemble des factures et justificatifs relatifs aux biens détruits lors du sinistre.

Son époux s'était assuré exclusivement pour garantir les biens stockés dans son entrepôt et n'avait jamais été défaillant dans le règlement de ses échéances.

Subsidiairement, Mme [E], veuve [M], demande que la cour, si elle estimait le montant du préjudice insuffisamment déterminé, se réfère aux dernières écritures de première instance de la société Allianz IARD, qui sollicitait subsidiairement une réduction proportionnelle de l'indemnité à 31 099,60 euros, considérant ainsi qu'au moins 31 000 euros de marchandises avaient été détruites.

Elle ajoute, sur l'appel incident de la société Allianz IARD, que le contrat d'assurance souscrit concernait bien les locaux sinistrés, indiquant justifier que M. [M], de son vivant, n'a pas exercé d'autre activité que celle de gérant du fonds de commerce situé [Adresse 2] à [Localité 8].

Enfin, sur l'application de l'article L. 113-9 du code des assurances, l'appelante observe que, si une enquête de police a été ouverte, elle n'a établi l'existence d'aucun acte criminel.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 13 septembre 2021, la société Allianz IARD sollicite, au visa de l'article 1134 du code civil dans sa rédaction applicable aux faits, de l'article 1315 du même code et de l'article L.113-9 du code des assurances, que l'appel de Mme [E], veuve [M], soit déclaré irrecevable, et en tout cas mal fondé, et qu'il soit rejeté.

Formant appel incident, elle sollicite la réformation de la décision déférée en ce qu'elle a rejeté la fin de non-recevoir tirée du défaut de qualité pour agir et que la cour, statuant à nouveau, déclare irrecevable l'action de Mme [E], veuve [M], pour défaut de qualité pour agir, faute de justifier tant du décès de M. [M], que, si celui-ci est effectivement décédé, de ce qu'elle a :

* toute qualité pour intervenir au nom et pour le compte de la succession et des autres héritiers, et dans quelles proportions,

* toute qualité pour intervenir en lieu et place de M. [M] au titre du contrat d'assurance souscrit auprès d'elle.

En tout état de cause, la société Allianz IARD sollicite la confirmation de la décision déférée en ce qu'elle a jugé qu'elle était bien fondée à exclure sa garantie et débouté Mme [E], veuve [M], de l'ensemble de ses demandes.

Subsidiairement, elle sollicite que la cour dise et juge qu'en cas d'éventuelle condamnation à garantir Mme [E], veuve [M], le montant de l'indemnité éventuellement due fera l'objet d'une réduction proportionnelle, conformément à l'article L.113-9 du code des assurances, à hauteur de 66 % de son plafond de garantie, c'est-à-dire à une indemnité maximale de 31 099,60 euros.

En tout cas, la société Allianz IARD sollicite l'infirmation de la décision déférée en ce qu'elle a écarté ses demandes reconventionnelles au titre de la procédure abusive, ainsi que la condamnation de Mme [E], veuve [M], au paiement :

- de la somme de 5 000 euros pour procédure abusive,

- de la somme de 1 350 euros au titre du remboursement des frais indûment engagés par elle à l'occasion du sinistre,

- des entiers frais et dépens de la procédure, y compris ceux de première instance,

- de la somme de 1 350 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

A l'appui de ses fins de non-recevoir, la société Allianz IARD soutient que Mme [E], veuve [M], n'a pas qualité pour agir, au motif que :

- elle ne prouve toujours pas que M. [M] est décédé,

- si M. [M] était effectivement décédé, elle ne prouve pas qu'elle a qualité pour agir en ses lieux et place et pour prétendre à une indemnité au titre du contrat d'assurance n°34622197 souscrit auprès d'elle, alors que l'attestation d'assurance produite couvre une activité située [Adresse 4], et non [Adresse 2] à [Localité 8], et que M. [M] avait cessé toute activité dès le 26 septembre 2017, soit trois mois avant le sinistre.

Sur le fond, la société Allianz IARD reprend les motifs du jugement déféré et souligne qu'aucune nouvelle pièce n'est versée au débat par Mme [E], veuve [M], mais un unique inventaire manuscrit dont il est ignoré par qui il a été établi et quand, rien ne prouvant que les objets y figurant aient été achetés par M. [M], qu'ils se trouvaient en sa possession juste avant le sinistre et qu'ils ont été effectivement détruits par celui-ci. Elle ajoute que M. [M] a effectué des déclarations mensongères auprès de l'expert qu'elle avait missionné, désignant comme comptable de sa société un cabinet qui ne gérait que sa comptabilité personnelle et non pas son activité professionnelle.

Subsidiairement, la société Allianz IARD, invoquant la réduction de l'indemnité en proportion du taux des primes payées par rapport au taux des primes qui auraient été dues si le risque avait été complètement et exactement déclaré, prévue par l'article L.113-9 du code des assurances, fait valoir que M. [M] a, lors de la souscription du contrat d'assurance multirisque professionnelle, déclaré une surface développée de 200 m² au lieu de 3 956 m², ayant payé une prime de 79,77 euros alors qu'il aurait dû régler 231,88 euros, et ce de 2001 à 2018. Elle précise que la réduction proportionnelle de 66 % doit être calculée sur le montant du plafond de garantie qui s'élève à 600 000 Fr., soit 91 469,41 euros.

Par ailleurs, la société Allianz IARD fait valoir que la procédure est abusive, dans la mesure où Mme [E], veuve [M], ne pouvait ignorer qu'elle serait inévitablement vouée à l'échec, étant dans l'incapacité de prouver sa qualité pour agir, mais aussi l'acquisition et la possession, par M. [M], des biens meubles prétendument détruits lors de l'incendie. Elle a donc fait preuve d'une légèreté blâmable.

Elle estime être également bien fondée à réclamer la somme de 1 350 euros au titre du remboursement des frais indûment engagés à l'occasion du sinistre.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

MOTIFS

I ' Sur la demande de Mme [E], veuve [M],

En premier lieu, contrairement aux allégations de la société Allianz IARD, l'appelante rapporte bien la preuve du décès de son époux, M. [R] [M], dont l'acte de décès est versé aux débats.

En application de l'article 724 du code civil, les héritiers désignés par la loi sont saisis de plein droit des biens, droits et actions du défunt et les légataires et donataires universels sont saisis dans les conditions prévues au titre II du présent livre.

L'article 1004 du code civil énonce quant à lui que, lorsqu'au décès du testateur il y a des héritiers auxquels une quotité des biens est réservée par la loi, ces héritiers sont saisis de plein droit, par sa mort, de tous les biens de la succession et le légataire universel est tenu de leur demander la délivrance des biens compris dans le testament.

Mme [E], veuve [M], produit une attestation de Me [P] [C], notaire à [Localité 7] (67), du 28 novembre 2019, relative à la dévolution successorale de son époux défunt, selon laquelle, en sa qualité d'épouse commune en biens et de légataire universelle en vertu d'un testament du 27 février 2018, elle est héritière pour 1/4 en pleine propriété en vertu de l'article 757 du code civil et légataire universelle pour la totalité en pleine propriété de la succession en vertu du testament, sous réserve de l'action en réduction que pourraient exercer les trois héritiers réservataires, conformément aux articles 921 et suivants du code civil.

Si l'appelante ne justifie pas d'une demande de délivrance des biens compris dans le testament en sa qualité de légataire universel, elle n'en demeure pas moins saisie des droits et actions de son époux défunt en sa qualité d'héritière légale, en application des dispositions de l'article 724 du code civil rappelées plus haut. Dès lors, elle a bien à ce titre qualité pour agir dans la présente instance.

Si, dans les motifs du jugement déféré, le tribunal a considéré que Mme [E], veuve [M], n'avait qualité pour agir que partiellement, dans la mesure de ses droits propres dans la succession de M. [M], il résulte des dispositions légales rappelées plus haut que cette qualité pour agir est totale. Cependant, dans son dispositif, ledit jugement a uniquement débouté la société Allianz IARD « de son exception d'irrecevabilité » et il en résulte donc que ce jugement doit être confirmé en cette disposition.

S'agissant de la couverture du sinistre par le contrat signé avec la société Allianz IARD, si l'appelante produit une attestation d'assurance selon laquelle son époux était garanti par le contrat « Divers professionnel » n°34622197 du 15 mai 2017 au 14 mai 2018 pour une activité située [Adresse 4], elle verse également aux débats les dispositions particulières relatives à une modification du contrat Multirisque Professionnel n°57822635 ayant pris effet le 20 avril 2017, concernant une activité déclarée de commerce de gros d'appareils électroménagers sans produits audiovisuels, multimédias et de téléphonie, exercée dans des locaux de 1 000 m² situés [Adresse 2] à [Localité 8]. Si l'exemplaire de cet avenant produit par Mme [E], veuve [M], est incomplet, la société Allianz IARD ne conteste pas son authenticité.

De plus, si l'extrait du site internet Societe.com produit par la société Allianz IARD mentionne la fermeture, le 26 septembre 2017, d'une activité de commerce de détail de biens d'occasion en magasin exercée au [Adresse 2] à [Localité 8], et non l'activité de commerce de gros déclarée dans l'avenant évoqué ci-dessus.

Il en résulte que la société Allianz IARD doit bien sa garantie pour le sinistre en cause, survenu durant la nuit du 24 décembre 2017.

S'agissant du préjudice, résultant d'après Mme [E], veuve [M], de la disparition de nombreuses marchandises destinées à la vente, ainsi que de mobiliers et équipements, l'appelante produit exclusivement un inventaire manuscrit détaillé rédigé sur deux pages, dont le total est chiffré à « environ 150 000 euros », non signé mais établi vraisemblablement par son défunt époux, ainsi qu'une attestation également manuscrite de ce dernier datée du 14 mars 2018, certifiant que le matériel de restauration détruit dans l'incendie lui appartenait personnellement et précisant qu'il n'a aucun document (facture, devis ou autre) car la totalité a été détruite lors du sinistre.

Cependant, ces documents établis par l'assuré lui-même n'ont aucune valeur probante de l'existence et, à supposer celle-ci admise, de la propriété de ces biens, et ce d'autant plus que, selon le rapport de l'expert de la société Allianz IARD, non contesté sur ce point par l'appelante, M. [M] lui avait indiqué lors de son intervention qu'il existait des sous-locataires. Ses propres recherches avaient révélé que quatre autres sociétés apparaissaient effectivement à l'adresse du risque.

De plus, si Mme [E], veuve [M], soutient que la comptabilité de l'entreprise de M. [M] a été détruite dans l'incendie, elle ne démontre pas, et son époux non plus avant elle, l'impossibilité d'obtenir des éléments de preuve, notamment auprès des fournisseurs de ce dernier, afin d'établir la réalité et l'étendue, au moins partielle, du préjudice subi.

Enfin ce n'est qu'à titre subsidiaire que la société Allianz IARD demande que son indemnisation soit limitée à la somme de 31 099,60 euros, comme c'était le cas en première instance. Or, il résulte de l'absence totale de preuve de ce préjudice que c'est à bon droit que le premier juge a considéré la demande de Mme [E], veuve [M], comme étant mal fondée et l'a rejetée. Il y a donc lieu de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté cette demande, sans qu'il y ait lieu à examiner la demande subsidiaire de l'assureur.

II ' Sur les demandes reconventionnelles de la société Allianz IARD

Contrairement aux allégations de la société Allianz IARD, Mme [E], veuve [M], a démontré qu'elle avait qualité pour agir à la présente instance et, si elle ne rapporte pas plus en appel qu'en première instance la preuve du préjudice dont elle sollicite réparation, ce seul fait ne suffit pas à caractériser la légèreté blâmable constitutive d'un abus de droit que l'intimée invoque à son encontre. De plus, cette dernière n'invoque et ne justifie d'aucun préjudice que l'abus de droit allégué serait susceptible de lui avoir causé. Dès lors, le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts pour procédure abusive formée par la société Allianz IARD.

Par ailleurs, sur la demande de prise en charge des frais d'expertise amiable qu'elle a dû engager suite au sinistre, c'est à bon droit que le premier juge a relevé que, quelle que fût l'issue de la procédure, une telle expertise était nécessaire à la société Allianz IARD. Elle fait en effet partie de la procédure appliquée par l'assureur en cas de sinistre déclaré. L'absence de preuve du préjudice subi par l'assuré ne justifie nullement de mettre à sa charge ces frais d'expertise.

En conséquence, il y a lieu également de confirmer le jugement déféré en ce qu'il a rejeté cette demande reconventionnelle de la société Allianz IARD.

III - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens de première instance.

De plus, l'appel de Mme [E], veuve [M], étant rejeté, celle-ci assumera les dépens d'appel. Dans ces circonstances, sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens qu'elle a engagés en appel, sera rejetée. En revanche, l'équité commande de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros qu'elle devra régler à la société Allianz IARD au même titre et sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entre les parties par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 18 février 2021,

Y ajoutant,

CONDAMNE Mme [E], veuve [M], aux dépens d'appel,

CONDAMNE Mme [E], veuve [M], à payer à la SA Allianz IARD la somme de 1 500,00 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exclus des dépens que cette dernière a engagés en appel,

REJETTE la demande de Mme [E], veuve [M], présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens qu'elle a engagés en appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/01699
Date de la décision : 03/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-03;21.01699 ?
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