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03/03/2023 | FRANCE | N°21/01059

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 03 mars 2023, 21/01059


MINUTE N° 108/2023

























Copie exécutoire à



- Me Christine BOUDET



- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI





Le 03/03/2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 3 MARS 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01059 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HQK7



Décision d

éférée à la cour : 01 Février 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANTS :



Monsieur [H] [N]

demeurant [Adresse 2]

Monsieur [C] [N]

demeurant [Adresse 1]



représentés par Me Christine BOUDET, avocat à la cour.





INTIME :



MON...

MINUTE N° 108/2023

Copie exécutoire à

- Me Christine BOUDET

- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI

Le 03/03/2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 3 MARS 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01059 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HQK7

Décision déférée à la cour : 01 Février 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTS :

Monsieur [H] [N]

demeurant [Adresse 2]

Monsieur [C] [N]

demeurant [Adresse 1]

représentés par Me Christine BOUDET, avocat à la cour.

INTIME :

MONSIEUR LE DIRECTEUR REGIONAL DES FINANCES PUBLIQUES D'ILE DE FRANCE,

élisant domicile en ses bureaux du Pôle juridictionnel judiciaire

[Adresse 3]

représenté par la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre, et Madame Myriam DENORT, conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 16 décembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

M. [L] [K] [B] [N] est décédé le [Date décès 4] 2010 à [Localité 18], laissant pour lui succéder sa veuve, Mme [I] [N], née [J], également bénéficiaire d'une donation entre époux qui a opté pour l'usufruit de la totalité de la succession, et ses deux fils [H] [N] et [C] [N], chacun pour la moitié en nue-propriété.

La déclaration de succession établie le 15 février 2011 a été enregistrée à la recette des impôts de [Localité 9] le 14 mars 2011.

L'actif successoral comprenait sept appartements situés dans un immeuble construit en 1949, sis [Adresse 8] à [Localité 19], ayant appartenu en propre à [K] [N], évalués à un montant total de 400 680 euros, à savoir :

- un appartement de type F1 de 28 m², situé au rez-de-chaussée, estimé à 42 620 euros (soit 1 522 €/m²) ;

- un studio de 26 m², situé au 1er étage, estimé à 39 580 euros (soit 1 522 €/m²) ;

- un studio de 22 m², situé au 1er étage, estimé à 33 490 euros (soit 1 522 €/m²) ;

- un appartement de 94 m², situé au 1er étage, estimé à 95 130 euros (soit 1 012 €/m²) ;

- un appartement de 45 m², situé au 1er étage, estimé à 52 770 euros (soit 1 173 €/m²) ;

- un appartement de 85 m², situé au 2ème étage, estimé à 91 420 euros (soit 1 076 €/m²) ;

- un appartement duplex de 30 m², situé au 3ème étage, estimé à 45 670 euros (soit 1 522 €/m²).

Une proposition de rectification a été émise par l'administration fiscale en date du 30 septembre 2014 portant la valeur totale desdits biens à 790 000 euros, sur la base d'une valeur vénale de 2 700 €/m² pour les quatre appartements disposant d'une pièce principale, de 2 610 €/m² pour l'appartement disposant de deux pièces principales, de 1 900 €/m² pour celui disposant de trois pièces principales (85 m²), et de 2 430 €/m² pour l'appartement disposant de quatre pièces principales (94 m²).

Les observations présentées par les contribuables ont été rejetées le 6 février 2015. MM. [H] et [C] [N] ont formé une réclamation contentieuse le 28 novembre 2016 qui a été rejetée par deux décisions du 9 octobre 2017.

Selon exploit du 1er décembre 2017, MM. [N] ont saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg, aux fins de voir prononcer la décharge des suppléments de droits d'enregistrement et des intérêts de retard mis à leur charge.

Par jugement du 1er février 2021, le tribunal judiciaire a débouté MM. [N] de leur demande et les a condamnés aux dépens. Le tribunal après avoir examiné les termes de comparaison de l'administration a considéré en substance que, bien que les immeubles pris comme référence ne soient pas identiques, ils étaient néanmoins comparables.

MM. [N] ont interjeté appel de ce jugement, le 17 février 2021, en toutes ses dispositions.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 7 décembre 2021.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 4 novembre 2021, MM. [H] et [C] [N] demandent à la cour d'infirmer le jugement entrepris et de prononcer la décharge des suppléments de droits d'enregistrement en principal et intérêts de retard mis à leur charge, outre la condamnation de l'intimé au paiement d'une somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Ils font valoir que conformément à l'article 17 du livre des procédures fiscales en cas de contestation concernant la valeur des immeubles déclarée dans le cadre d'une succession, la charge de la preuve repose sur l'administration qui est tenue de justifier de l'insuffisance des valeurs exprimées, la méthode par comparaison étant privilégiée. Ils soutiennent que c'est par une appréciation erronée des faits que le tribunal judiciaire a considéré que les éléments de référence utilisés par l'administration afin de réévaluer la valeur vénale des appartements étaient pertinents sans le justifier, ni tirer les conséquences de ses propres constatations, opérant implicitement un renversement de la charge de la preuve. Ils estiment par conséquent que le jugement est entaché d'un défaut de motivation.

Les appelants considèrent que les références retenues par l'administration présentent des caractéristiques très différentes de celles des immeubles réévalués et qu'elles ne sauraient donc constituer des termes de comparaison pertinents.

Ils rappellent que la valeur imposable est la valeur vénale des biens au jour du décès et correspond au prix qui pourrait être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel, compte tenu des données du marché, des particularités physiques, juridiques et économiques de ces biens, abstraction faite de toute valeur de convenance. Il doit notamment être tenu compte de l'état d'entretien et de la vétusté de l'immeuble transmis, les biens de comparaison devant être similaires.

Ils reprochent à l'administration d'avoir procédé à une évaluation en 'bloc' de quatre des sept appartements sans différenciation de chacun d'eux, et de n'avoir pas apporté de précision quant à l'état général ou au niveau d'équipement des biens.

Ils relèvent que les appartements sont situés dans un immeuble construit dans les années 1950 n'ayant pas fait l'objet de travaux notables d'amélioration ou de mise en conformité, présentant un état de vétusté de l'ordre de 50 % rendant nécessaires d'importants travaux de rénovation, notamment du gros oeuvre et de la couverture. Ils ajoutent que la valeur déclarée correspond à celle figurant dans la déclaration faite en 2008 par leur père au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune qui n'avait pas été remise en cause par l'administration, alors même qu'elle l'avait interrogé par la voie d'une demande de justifications du 18 novembre 2008, point sur lequel le tribunal ne s'est pas prononcé.

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 11 août 2021, l'Etat français représenté par le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et de Paris conclut à la confirmation du jugement et à la condamnation des appelants aux dépens avec distraction au profit de son conseil, ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimé soutient que les termes de comparaison retenus sont des biens intrinsèquement similaires, ce qui n'implique pas que les biens soient strictement identiques, et que le grief d'une absence de motivation de la proposition de rectification n'est pas fondé.

S'agissant de la vétusté et de l'état d'entretien du bien, il considère que les pièces produites par les appelants, dont un constat établi par eux qui n'est accompagné d'aucune expertise ou devis, ne sont pas suffisamment probantes, pas plus que les photographies produites souvent sous-exposées et sans vue d'ensemble.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

A titre liminaire, il convient de constater en premier lieu que les appelants invoquent un prétendu défaut de motivation du jugement, et non pas de la proposition de rectification, mais qu'ils n'en tirent aucune conséquence procédurale en ce qu'ils ne demandent pas l'annulation du jugement. En second lieu, MM. [N] qui prétendent que les valeurs déclarées seraient identiques à celles mentionnées par leur auteur dans sa déclaration au titre de l'impôt de solidarité sur la fortune de 2008, et que cette évaluation n'aurait pas été remise en cause par l'administration suite à une demande de justifications du 18 novembre 2008, ne justifient pas de ces affirmations. En tout état de cause, l'absence de remise en cause d'une déclaration fiscale ne constitue pas une prise de position formelle susceptible d'être opposée à l'administration pour un autre impôt.

Conformément à l'article L.17 du livre des procédures fiscales, l'administration peut rectifier le prix ou l'évaluation d'un bien ayant servi de base à la perception d'une imposition lorsque ce prix ou cette évaluation paraissent inférieurs à la valeur vénale réelle des biens transmis ou désignés dans les actes ou déclarations.

Selon une jurisprudence établie en application de ces dispositions, la valeur vénale d'un bien correspond au prix qui pourrait être obtenu par le jeu de l'offre et de la demande dans un marché réel. Elle est déterminée dans son état de droit et de fait à la date du fait générateur des droits de mutation, soit à la date du décès, s'agissant de droits de succession.

Il est admis que la détermination de la valeur vénale réelle d'un immeuble au moyen de la méthode par comparaison suppose qu'il soit procédé à des comparaisons avec des cessions intervenues antérieurement au fait générateur portant sur des biens intrinsèquement similaires. Cependant, cette exigence n'implique pas que les biens ainsi pris en considération soient strictement identiques, dans le temps, dans l'environnement et dans l'emplacement, à l'immeuble objet de l'évaluation.

Les appelants font valoir que les appartements sont situés dans un immeuble ancien construit vers 1950, dont la toiture et la zinguerie sont d'origine n'ayant fait l'objet d'aucune rénovation, que les murs extérieurs sont dépourvus d'isolation et les fenêtres en bois munies de simples vitrages, que l'installation électrique est d'origine, à quelques exceptions près, et que l'immeuble qui n'a fait l'objet d'aucun ravalement depuis plus de trente ans, n'est pas accessible aux personnes à mobilité réduite, ce qui justifie selon eux une décote pour vétusté.

Une telle décote n'a toutefois vocation à s'appliquer qu'autant que les termes de comparaison retenus ne seraient pas situés dans des immeubles de même catégorie. Force est toutefois de constater que les cessions retenues par l'administration portent toutes sur des appartements situés dans des immeuble anciens, construits entre 1800 et 1950, de sorte qu'il peut être admis, indépendamment de l'état des appartements eux-mêmes, que ces immeubles possèdent des qualités constructives ou un niveau d'équipement équivalent, sauf preuve contraire, l'intimé précisant à cet égard, sans être contredit, qu'aucun des termes de comparaison n'est doté d'isolation extérieure ou d'équipement facilitant l'accès aux personnes à mobilité réduite, les immeubles sis [Adresse 16], [Adresse 17], [Adresse 7] et [Adresse 11] étant dépourvus d'ascenseur.

- sur l'évaluation des quatre appartements comportant une seul pièce principale

Il ne peut être fait grief à l'administration d'avoir retenu les mêmes valeurs de comparaison sans différenciation pour ces quatre appartements, alors que les appelants n'en opèrent pas et les ont eux-mêmes évalués sur la base d'une même valeur au mètre carré.

Pour ces biens, l'administration a retenu trois cessions indiquant pour chacune d'elles l'adresse du bien, sa superficie, l'année de construction de l'immeuble, son état d'occupation et le prix de cession. Elle précise que les immeubles sont dépourvus d'ascenseur et d'isolation des murs extérieurs.

Les termes de comparaison sont ainsi constitués par des biens situés à [Localité 19], vendus libres de toute occupation, à savoir :

- la cession le 24 novembre 2009 d'un studio de 20 m² situé au premier étage d'un immeuble datant de 1870 situé [Adresse 11], au prix de 70 000 euros,

- la cession le 15 décembre 2009 d'un studio de 19 m² situé au premier étage d'un immeuble datant de 1800 situé [Adresse 10], au prix de 61 000 euros,

- la cession le [Date décès 4] 2010 d'un studio de 24 m² situé au premier étage d'un immeuble datant de 1850 situé [Adresse 7], au prix de 54 000 euros.

Le seul fait qu'il existe une disparité de prix au mètre carré ne suffit pas à considérer que ces biens ne seraient pas comparables entre eux, ni intrinsèquement similaires aux appartements à évaluer, alors d'une part que le prix est le résultat du jeu de l'offre et de la demande, et d'autre part que l'administration a retenu la moyenne de ces termes de comparaison, auquel elle a appliqué un abattement puisque les biens évalués sont occupés.

Il n'est pas contesté que ces biens soient tous situés dans le même secteur géographique que les appartements à évaluer. Il n'est par ailleurs pas soutenu que les immeubles dans lesquels sont situés ces biens seraient mieux entretenus ou équipés que l'immeuble sis [Adresse 8], alors que les appelants relèvent qu'ils sont plus anciens que les appartements à évaluer.

La contestation porte en réalité seulement sur le caractère plus au moins attractif de l'environnement de ces biens.

Il est ainsi soutenu par les appelants que :

- le [Adresse 11] dont les immeubles offrent une vue directe sur l'Ill et sur le front bâti des immeubles de l'autre rive est une des rues les plus attrayantes de [Localité 19], et l'immeuble situé au numéro 41 présente une architecture soignée, alors que les appartements à évaluer n'ont aucune vue valorisée et ne sont pas dans une rue attrayante,

- la [Adresse 16] est une rue commerçante, piétonne, présentant de nombreux immeubles à l'architecture remarquable dont celui situé au [Adresse 10], dont l'environnement est plus agréable que celui de la [Adresse 8],

- la [Adresse 7] est moins attrayante que les deux autres mais a une localisation plus valorisante que la [Adresse 8] du fait de sa proximité de lieux touristiques.

L'administration oppose que :

- l'importance de la circulation sur les quais est source de nuisances, à tel point que la municipalité a décidé d'un réaménagement de cet espace,

- la [Adresse 16] est certes plus attrayante mais elle est aussi plus bruyante, en outre elle est étroite et sombre au niveau de l'immeuble retenu, enfin la façade historique nécessite une réfection,

- la situation de la [Adresse 8] est tout aussi valorisante que celle de la [Adresse 7] qui comporte en son centre un lieu de vie nocturne source de nuisances sonores.

Au soutien de leurs affirmations, MM. [N] produisent des 'fiches d'évaluation' manifestement établies par leurs soins comportant des photographies petit format issues du site internet 'Google earth'difficilement exploitables. Ils ne produisent par ailleurs aucun élément véritablement probant quant à l'état des façades extérieures de l'immeuble dans lequel sont situés les biens à évaluer ou à son environnement, s'agissant de photographies de qualité médiocre ou tirées du même site internet.

En l'état des éléments d'appréciation fournis à la cour, il apparaît que si l'immeuble situé [Adresse 11] bénéficie incontestablement d'un environnement plus attrayant que la [Adresse 8], en revanche cet avantage est compensé par l'inconvénient résultant du fait qu'il est situé en bordure d'un axe où la circulation était très dense en 2010, alors que la [Adresse 8] était plus calme, de sorte que le seul agrément de la vue ne suffit pas à considérer qu'il ne s'agirait pas d'une référence pertinente, aucun élément n'étant par ailleurs produit permettant d'affirmer que l'immeuble présenterait une architecture plus soignée.

S'agissant des deux autres termes de comparaison, il ne ressort pas des éléments produits que les immeubles situés dans les rues Sainte Madeleine ou Klein bénéficieraient d'une situation plus attrayante que l'immeuble évalué, l'appartement situé [Adresse 10] n'étant pas situé dans la partie la plus agréable de cette rue piétonne mais dans la partie la plus sombre et étroite.

En l'état des éléments d'appréciation versés aux débats, il apparaît que les cessions prises comme référence par l'administration portent sur des biens présentant des caractéristiques similaires à ceux appartenant aux consorts [N], et situés dans un même périmètre géographique, sans qu'aucun élément tenant à leur environnement ou à leur état ne permette de considérer qu'ils ne constitueraient pas des références pertinentes.

Le jugement sera donc confirmé en tant qu'il a validé le rehaussement de valeur vénale pour ces quatre appartements.

- sur l'évaluation de l'appartement de 94 m²

L'administration s'est référée aux trois ventes suivantes portant sur des biens situés à [Localité 19] libres de toute occupation :

- la cession le 12 mars 2009 d'un appartement de 4 pièces (90m²), [Adresse 17], situé au premier étage d'un immeuble datant de 1881, au prix de 254 500 euros,

- la cession le 29 mai 2009 d'un appartement de 4 pièces (115 m²), [Adresse 15], situé au premier étage d'un immeuble datant de 1900, au prix de 360 000 euros,

- la cession le 17 juin 2010 d'un appartement de 4 pièces, [Adresse 12], situé au rez de chaussée d'un immeuble datant de 1930, au prix de 195 000 euros.

Comme précédemment, l'existence d'une disparité du prix au mètre carré n'est pas suffisante pour considérer qu'il ne s'agirait pas de biens similaires.

MM. [N] soutiennent que l'état des appartements objet de ces ventes n'est pas connu, alors que celui à évaluer est habitable et louable en l'état, mais qu'une cession nécessiterait le changement des châssis bois à simple vitrage et volets roulants en bois, l'isolation des murs extérieurs et intérieurs, la réfection des sols, murs et plafonds, la création de toilettes séparées, outre un doublage phonique des murs, le coût de ces travaux pouvant être estimé à 900 €/m², la vente imposant au surplus une modification de l'esquisse d'étage. Ils font également valoir que :

- l'immeuble situé [Adresse 17] qui est situé à proximité du campus universitaire, offre une vue sur une cour avec jardin, et présente un type de construction plus valorisé que celui situé [Adresse 8], étant référencé sur le site Archi-[Localité 19],

- l'immeuble sis [Adresse 15] est situé à proximité du campus universitaire et présente un intérêt architectural significativement plus important que celui à évaluer,

- l'appartement situé [Adresse 12] dont l'état est présumé correct a été cédé à un prix moyen de 2 241€/m² qui après abattement pour occupation et vétusté est proche de l'évaluation faite dans la déclaration de succession, la présence d'un commerce de restauration rapide ouvert jusqu'à deux heures du matin situé sur le trottoir opposé à une dizaine de mètres n'étant pas de nature à obérer sa valeur, alors que l'immeuble sis [Adresse 8] est voisin d'un restaurant 'doner kebab' potentiellement source de nuisances.

L'administration oppose que :

- la [Adresse 17] et la [Adresse 8] sont situées dans un environnement comparable, si la vue sur le jardin, et l'état d'entretien de la façade constituent des atouts pour l'immeuble situé [Adresse 17], il n'est toutefois pas exigé que tous les éléments de comparaison soient identiques comme l'a retenu le tribunal,

- l'intérêt architectural de l'immeuble [Adresse 15] n'est pas avéré,

- l'emplacement [Adresse 12] n'est pas plus attractif que celui de la [Adresse 8] et la valeur de ce terme est obérée par la présence d'un commerce de restauration rapide ouvert quotidiennement jusqu'à deux heures du matin,

- l'état de vétusté de l'appartement n'est pas suffisamment démontré par les pièces produites, il n'apparaît pas que les sols, murs et plafonds aient besoin d'être refaits et aucune réglementation n'impose la création de toilettes séparées ou la modification de l'esquisse d'étage.

Pour démontrer l'état de vétusté de l'appartement, MM. [N] se fondent sur un constat établi par leurs soins accompagné de photographies dont certaines sont particulièrement sombres et ne comportent aucune référence. L'intimé conteste à juste titre la valeur probante de ce document qui n'est corroboré par aucun autre élément de preuve tel que constat d'huissier, expertise, devis de travaux, ou diagnostic des installations électriques dont il est pourtant affirmé qu'elles nécessitent des travaux de mise en conformité. Les photographies ne permettent notamment pas d'établir l'état de vétusté prétendu de l'appartement dont s'agit qui, non seulement est habitable et louable comme l'admettent les appelants, mais est loué. Aucun élément n'est par ailleurs produit quant à la nécessité prétendue d'une modification de l'esquisse d'étage en cas de vente.

S'agissant de l'environnement des immeubles, l'administration admet que celui situé [Adresse 17] présente des atouts s'agissant de la vue sur un jardin et de l'état d'entretien de la façade. Ces éléments ne sont toutefois pas suffisants pour exclure cette référence alors que les caractéristiques de l'appartement - superficie, nombre de pièces, étage - sont les mêmes, que celles de l'appartement de MM. [N], les biens étant tous deux situés dans des immeubles anciens, dans le même secteur géographique de la ville de [Localité 19] et dans un environnement comparable.

Le même constat peut être fait s'agissant des autres cessions, outre que l'intérêt architectural significativement plus important de l'immeuble sis [Adresse 15] n'est pas démontré, le seul fait que la façade soit plus attrayante ne suffisant pas à écarter cette référence. Il n'est pas sérieusement contesté par les appelants que le bien sis [Adresse 12] soit comparable, étant rappelé que l'administration a pratiqué un abattement pour occupation et que l'abattement pour vétusté proposé n'apparaît pas justifié, les deux biens étant par ailleurs situés à proximité de commerces de restauration rapide susceptibles de présenter des avantages et inconvénients identiques.

Le jugement sera donc confirmé en tant qu'il a validé le rehaussement de valeur vénale pour cet appartement.

- sur l'évaluation de l'appartement de 45 m² disposant de deux pièces principales

Comme précédemment, MM. [N] soutiennent que l'état des appartements objet de ces ventes n'est pas connu, alors que celui à évaluer est habitable et louable en l'état, mais qu'une cession nécessiterait d'importants travaux de rénovation qu'ils évaluent à 1 500 €/m², outre la modification de l'esquisse d'étage.

La cour constate comme précédemment que l'état de vétusté allégué n'est pas suffisamment établi par les pièces produites dont la valeur probante est discutable et qu'aucune évaluation du coût des travaux à réaliser n'est produite, pas plus qu'il n'est justifié de la nécessité de mettre aux normes l'installation électrique ou de modifier l'esquisse d'étage. Il n'y a donc pas lieu de retenir un abattement pour vétusté.

Pour cet appartement, l'administration s'est référée aux trois ventes suivantes portant sur des biens situés à [Localité 19], libres de toute occupation :

- la cession le 30 avril 2010 d'un appartement de 2 pièces (47m²), [Adresse 6], situé au deuxième étage d'un immeuble datant de 1850, au prix de 170 000  euros,

- la cession le 5 juillet 2010 d'un appartement de 2 pièces (57 m²), [Adresse 14], situé au premier étage d'un immeuble datant de 1935, au prix de 170 000 euros,

- la cession le 21 juillet 2010 d'un appartement de 2 pièces, [Adresse 5], situé au deuxième étage d'un immeuble datant de 1850, au prix de 81 000 euros.

Comme précédemment, l'existence d'une disparité du prix au mètre carré n'est pas suffisante pour considérer qu'il ne s'agirait pas de biens similaires.

MM. [N] font valoir que :

- la [Adresse 16], rue piétonne et commerçante, présentant de nombreux immeubles à l'architecture remarquable offre un environnement plus agréable que la [Adresse 8], avec une place arborée, de belles façades au caractère historique, des devantures soignées, et les deux ventes citées concernent des appartements situés dans des immeubles plus anciens que l'appartement à évaluer,

- l'immeuble [Adresse 14] est orné d'oriels typiques des immeubles de standing du quartier suisse, il est orienté vers le sud alors que celui de la [Adresse 8] est orienté vers le nord sur une cour sans vue.

L'administration oppose que :

- le quartier suisse n'est pas plus attractif que celui des bateliers dans la mesure où il est plus éloigné du centre ville,

- le statut piétonnier d'une rue peut être considéré comme un facteur de moins-value en termes de stationnement.

Si les immeubles sis [Adresse 16] et [Adresse 6] jouissent d'un environnement plus agréable, ce seul constat ne suffit cependant pas pour considérer que ces références ne sont pas pertinentes, alors que les biens dont s'agit présentent par ailleurs des caractéristiques similaires à celles du bien appartenant à MM. [N] en termes de superficie, nombre pièces et de localisation géographique, s'agissant au surplus d'immeubles anciens dépourvus d'ascenseur. Les appelants admettent d'ailleurs que la valeur de l'appartement sis [Adresse 5] serait comparable à celle déclarée après application d'un abattement pour occupation et vétusté, or ce dernier abattement n'est pas justifié ainsi que cela a été dit ci-dessus.

Enfin, si le caractère piétonnier de la rue peut constituer un attrait, il peut aussi être source d'inconvénients en matière de stationnement, comme le relève à juste titre l'administration. Il n'y a donc pas lieu d'exclure ces deux références pas plus que celles de la rue de Soleure, quand bien même l'architecture de la façade de l'immeuble serait-elle plus attrayante et orientée au sud, étant en effet rappelé qu'il n'est pas exigé que les biens de comparaisons présentent des caractéristiques identiques mais qu'ils puissent être considérés comme intrinsèquement similaires, ce qui est le cas des biens en cause s'agissant du nombre de pièces, de la localisation géographique, de l'ancienneté des immeubles.

Le jugement sera donc confirmé en tant qu'il a validé le rehaussement de valeur vénale pour cet appartement.

- sur l'appartement de 85 m² comportant trois pièces principales

La cour se réfère aux motifs précédemment développés s'agissant d'une part de l'absence de justifications suffisantes de l'état de vétusté prétendu de cet appartement qui ne résulte pas des photographies produites, d'autre part de la disparité de prix entre les deux termes de comparaison quand bien même sont ils situés dans le même immeuble, étant notamment relevé que les deux cessions dont s'agit sont intervenues à une année d'intervalle et que la différence de prix peut résulter de l'évolution du marché.

L'administration se réfère en effet d'une part à une vente en date du 20 juillet 2009 portant sur un appartement de 3 pièces (74m²) situé au troisième étage d'un immeuble datant de 1920 situé [Adresse 13] au prix de 137 750 euros, et de la vente en date du 5 juillet 2010 d'un appartement de même superficie situé au deuxième étage de cet immeuble au prix de 150 000 euros.

Tout en soulignant que l'immeuble serait de meilleur facture, MM. [N] ne contestent pas la pertinence de ces références, et admettent qu'après application d'abattements pour vétusté et pour occupation la valeur de ces biens, en supposant qu'ils aient été cédés dans un état correct, serait proche de celle déclarée. Ils font valoir que l'administration n'a pas appliqué d'abattement pour occupation, mais ne démontrent pas que le bien était effectivement loué au jour de l'ouverture de la succession, ce qui ne ressort pas non plus des photographies produites, l'appartement apparaissant vide de tout mobilier.

Le jugement sera donc également confirmé en ce qu'il a validé le rehaussement de valeur vénale opéré par l'administration pour cet appartement.

- sur les dépens et les frais exclus des dépens

Le jugement entrepris étant confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et frais irrépétibles.

MM. [N] qui succombent supporteront également la charge des dépens d'appel et ne peuvent prétendre au bénéfice des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera en revanche alloué à l'intimé une somme de 1 500 euros sur ce fondement.

Il n'y pas lieu d'ordonner la distraction des dépens, l'article 699 du code de procédure civile n'étant pas applicable dans les trois départements du Bas-Rhin, du Haut-Rhin et de la Moselle.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Strasbourg en date du 1er février 2021 en toutes ses dispositions ;

Y ajoutant,

CONDAMNE M. [C] [N] et M. [H] [N] aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer à l'Etat français, représenté par le directeur régional des finances publiques d'Ile de France et de Paris une somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

DEBOUTE M. [C] [N] et M. [H] [N] de leur demande sur ce fondement ;

DIT n'y avoir lieu à distraction des dépens.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/01059
Date de la décision : 03/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-03;21.01059 ?
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