La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

03/03/2023 | FRANCE | N°20/03689

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 03 mars 2023, 20/03689


MINUTE N° 111/2023





























Copie exécutoire à



- Me Valérie SPIESER



- la SELARL LEXAVOUE

COLMAR





Le 03/03/2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 3 MARS 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/03689 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HOK

R



Décision déférée à la cour : 17 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE





APPELANTE :



La S.A.S. ROESCH CONSTRUCTIONS, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1] à [Localité 6]



représentée par Me Valéri...

MINUTE N° 111/2023

Copie exécutoire à

- Me Valérie SPIESER

- la SELARL LEXAVOUE

COLMAR

Le 03/03/2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 3 MARS 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/03689 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HOKR

Décision déférée à la cour : 17 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTE :

La S.A.S. ROESCH CONSTRUCTIONS, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1] à [Localité 6]

représentée par Me Valérie SPIESER, avocat à la cour.

INTIMÉE et appelante incidente et provoquée :

La S.C.I. ELISABETH & JOSEPH prise en la personne de ses représentants légaux

ayant son siège social [Adresse 3] à [Localité 4]

représentée par la SELARL LEXAVOUE COLMAR, avocat à la cour.

INTIMEE sur appel provoqué

La S.A.S. LES PEINTURES REUNIES

ayant son siège social [Adresse 2] à [Localité 5]

non représentée, assignée le 28 mai 2021 par dépôt à l'étude

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente de chambre et Madame Myriam DENORT, conseiller, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN.

ARRET par défaut

- prononcé publiquement après prorogation du 16 décembre 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La SCI Elisabeth & Joseph a fait édifier un immeuble à usage professionnel sur un terrain situé à [Localité 7] (68), ayant, pour la construction, fait appel, notamment à la SARL Jacques Koessler Architecture en qualité de maître d'oeuvre, à la SAS Entreprise Galopin pour le lot « couverture étanchéité », à la SAS Roesch Construction pour le lot « gros 'uvre » et à la SAS Les Peintures réunies, pour le lot « peinture ».

La réception des travaux effectués par chacune de ces trois entreprises a eu lieu le 29 août 2016 et a été assortie de réserves.

Invoquant des réserves non levées, la SCI Elisabeth & Joseph a sollicité du juge des référés du tribunal de grande instance de Mulhouse une expertise judiciaire qui a été ordonnée par décision du 19 septembre 2017, et confiée à Monsieur [U], lequel a déposé son rapport le 16 juillet 2018.

La SCI Elisabeth & Joseph a alors saisi le tribunal de grande instance de Mulhouse de demandes dirigées contre la société Jacques Koessler Architecture, la société Entreprise Galopin, la société Roesch Construction et la société Les Peintures réunies.

Par jugement du 17 novembre 2020, le tribunal, devenu le tribunal judiciaire de Mulhouse, a, sous le bénéfice de l'exécution provisoire, notamment condamné la société Roesch Construction à verser à la SCI Elisabeth & Joseph la somme de 26 825 euros HT avec intérêts au taux légal à compter du jugement, au titre de la réparation de désordres, rejetant la demande pour le surplus.

Par ailleurs, il a notamment rejeté la demande d'indemnisation de la SCI au titre du trouble de jouissance subi « jusqu'à la levée des réserves » ainsi qu'au titre du trouble de jouissance qui serait subi pendant le délai d'intervention des entreprises pour « lever les réserves », et sa demande tendant à la condamnation de la société Jacques Koessler Architecture à supporter, solidairement avec les autres défenderesses, un tiers des sommes qui seraient mises à la charge de celles-ci.

Il a déclaré sans objet les appels en garantie de la société Jacques Koessler Architecture et de la société Entreprise Galopin à l'encontre des autres défenderesses. Il a rejeté la demande de la société Roesch Construction à l'encontre de la SCI Elisabeth & Joseph au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a notamment condamné la société Entreprise Galopin et la société Roesch Construction à verser, chacune à la SCI, la somme de 1 200 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens, en ce compris les frais de la procédure d'expertise, la société Entreprise Galopin à hauteur de 10 % et la société Roesch Construction à hauteur de 90 %.

Il a rejeté toutes autres demandes plus amples ou contraires formées par les parties.

Le tribunal a relevé que le litige se cristallisait sur des désordres apparus quelques mois après la réception, à savoir des microfissures, décollements de peinture et traces, sèches, d'infiltrations, s'agissant de désordres esthétiques constituant des dommages intermédiaires pour lesquels les conditions de mise en 'uvre de la garantie de parfait achèvement à laquelle étaient tenues la société Roesch Construction, la société Entreprise Galopin et la société Les Peintures réunies, en leur qualité d'entrepreneurs, étaient remplies et n'étaient pas discutées par les défenderesses.

Selon l'expert, les microfissures des joints de pré-dalles trouvaient leur origine dans un retrait du produit de jointage 1020 Lankopredal mis en 'uvre par la société Roesch Construction, ce retrait pouvant trouver son origine dans une application non conforme à l'avis technique du fabricant (préparation du support, préparation du produit, technique de pose, temps de séchage, température de mise en 'uvre,..).

De plus, l'application directe sur le support d'une peinture, prévue en trois couches, sans support intermédiaire et dans un délai de réalisation peut-être trop court, pouvait être une cause complémentaire.

Pour ces désordres, la responsabilité de l'architecte pouvait être engagée selon l'expert « quant à une direction de chantier imprécise n'ayant pas relevé la non qualité de l'exécution des ouvrages ».

Les microfissures étant évolutives, l'expert préconisait, pour remédier aux désordres, l'application sur l'ensemble des plafonds d'une toile polyester lisse avant une nouvelle application de peinture acrylique en deux couches, le coût des travaux étant évalué à 25 820 euros HT, outre une prestation de coordination de six semaines, soit 3 000 euros HT.

Le tribunal a ainsi relevé que, les microfissures étant la conséquence d'un retrait du produit de jointage utilisé par la société Roesch Construction, s'il appartenait à la société Les Peintures réunies de s'assurer de la conformité des supports avant d'appliquer les enduits de finition, il appartenait également à la société Roesch Construction de signaler toute particularité liée aux produits qu'elle mettait en 'uvre à l'entreprise de peinture qui intervenait à sa suite, à tout le moins au maître d''uvre, ce dont elle ne justifiait pas, alors que les documents contractuels le lui imposaient, d'autant plus que le recours au produit de jointage litigieux n'apparaissait pas dans les prescriptions techniques, alors que ce produit présentait des contraintes, s'agissant des finitions qu'il pouvait accepter.

Par ailleurs, il n'était pas établi que le recours à un support intermédiaire pour les plafonds s'imposait techniquement et l'expert judiciaire ne présentait l'absence de support intermédiaire que comme une cause hypothétiquement supplémentaire de l'origine du désordre. En outre, la qualité des prestations de peinture proprement dites n'était pas remise en question et aucun élément concret ne venait étayer l'hypothèse d'une intervention de la société Les Peintures réunies dans un délai trop court.

En conséquence, le tribunal a considéré que les microfissures étaient imputables à la seule société Roesch Construction, qui prendrait en charge le coût des travaux de reprise, y compris de peinture, sous réserve de l'intervention de la société Entreprise Galopin, qui reconnaissait sa responsabilité dans un autre désordre, s'agissant d'infiltrations d'eau survenues avant réception, et acceptait d'assumer une partie des travaux de reprise des peintures qui permettraient d'effacer ses traces.

Concernant le chiffrage des travaux de reprise, le tribunal a relevé que rien ne permettait de remettre en cause celui opéré par l'expert (15 820 euros HT), qui apparaissait raisonnable au vu de la surface à reprendre. Il en a déduit 1 995 euros HT pris en charge par la société Entreprise Galopin et y a ajouté 10 000 euros HT de « plus-value pour les locaux occupés » retenue par l'expert judiciaire, correspondant à des exigences du maître de l'ouvrage pour une intervention de nuit, sans déplacement de mobilier, avec bâchage et débâchage de ce mobilier chaque nuit, étant observé que les locaux étaient partiellement occupés par une étude de notaire et une étude d'huissier, aucun élément ne contredisant l'évaluation retenue par l'expert judiciaire.

En outre, ce dernier chiffrait une prestation de coordination de 3 000 euros HT sur six semaines, qui apparaissait raisonnable.

En revanche, la SCI Elisabeth & Joseph ne démontrait pas l'existence d'un trouble de jouissance causé par les désordres relevés, uniquement esthétiques. De plus, le trouble de jouissance qu'allaient générer les travaux de reprise était déjà pris en compte dans le cadre de la « plus-value pour les locaux occupés » de 10 000 euros.

Enfin, sur la perte de loyer, la SCI ne démontrait pas qu'elle entendait louer la totalité de l'immeuble et, le cas échéant, à compter de quelle date, et il n'était pas certain qu'elle aurait pu louer tous les bureaux à l'issue du calendrier initial de travaux.

La société Roesch Construction a interjeté appel de ce jugement le 2 décembre 2020, intimant uniquement la SCI Elisabeth & Joseph.

Bien que régulièrement assignée le 28 mai 2021, sur appel provoqué, par acte déposé à l'étude de l'huissier de justice, la société Les Peintures réunies n'a pas constitué avocat en appel.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 5 avril 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 27 janvier 2022, la société Roesch Construction sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il l'a condamnée à verser à la SCI Elisabeth & Joseph la somme de 26 825 euros HT avec intérêts légaux, outre 90 % des dépens, en ce compris les frais d'expertise et les frais irrépétibles, et en ce que sa demande à ce titre a été rejetée. Elle sollicite que la cour, statuant à nouveau :

- déboute la SCI Elisabeth & Joseph de l'intégralité de ses conclusions dirigées à son encontre, demandant à être mise hors de cause,

- très subsidiairement, réduise le montant accordé et déboute la SCI de ses demandes au titre de la plus-value pour la réalisation des travaux,

- rejette l'appel incident de la SCI, ainsi que l'intégralité de ses conclusions dirigées à son encontre,

- condamne la SCI aux entiers dépens des deux instances, y compris les frais d'expertise, ainsi qu'à lui payer la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Contestant toute responsabilité à l'origine des désordres de microfissures, la société Roesch Construction soutient d'une part que le produit utilisé est parfaitement conforme et que son adaptation aux travaux réalisés n'est pas discutée, et d'autre part qu'aucune faute contractuelle n'a été démontrée à son encontre, les microfissures litigieuses étant sans lien avec les travaux qu'elle a effectués. Celles-ci incombent d'une part à la société Les Peintures réunies, qui aurait dû respecter les préconisations du mode d'emploi du produit de jointage, qu'elle connaissait, et qui aurait dû s'assurer que le support était conforme à ses prestations, et d'autre part au suivi du chantier effectué par l'architecte.

Subsidiairement, l'appelante fait valoir que les montants mis en compte au titre des travaux de reprise sont excessifs, rappelant que l'ensemble du marché de la société Les Peintures réunies s'élevait à 21 100,56 euros TTC. Elle conteste également la plus-value de 10 000 euros pour les travaux de reprise de nuit, sans déplacement de mobilier, etc., affirmant que les travaux peuvent se faire pièce par pièce, ayant déjà été effectués par une autre société, sans générer aucun trouble.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 26 août 2021, la SCI Elisabeth & Joseph sollicite, sur l'appel principal de la société Roesch Constructions, que celle-ci soit déboutée de l'intégralité de ses fins et conclusions.

Formant appels incident et provoqué, elle sollicite que ceux-ci soient déclarés recevables, que la cour y fasse droit et, en conséquence, qu'elle infirme partiellement la décision déférée et, statuant à nouveau :

- confirme le jugement déféré en toutes ses dispositions, s'agissant de la responsabilité de la société Roesch Construction, subsidiairement, la condamne in solidum avec la société Les Peintures réunies, et, très subsidiairement, condamne la société Les Peintures réunies à l'indemniser au titre des dommages liés à l'apparition des microfissures retenues par le rapport d'expertise judiciaire,

- que la cour condamne la société Roesch Construction, subsidiairement in solidum avec la société Les Peintures réunies, et condamne très subsidiairement la société Les Peintures réunies à lui payer la somme de 26 825 euros majorée des intérêts au taux légal à compter de la décision déférée, ainsi que la somme de 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance passé, outre 5 000 euros au titre du préjudice de jouissance prévisionnel,

- que la cour condamne la société Roesch Constructions aux entiers frais et dépens des deux instances ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, subsidiairement, la condamne in solidum avec la société Les Peintures réunies, et très subsidiairement, condamne la société Les Peintures réunies au paiement de ces montants.

La SCI Elisabeth & Joseph sollicite la confirmation de la décision déférée pour le surplus et, en tout état de cause, le rejet de toutes demandes formées à son encontre au titre d'un appel incident ou provoqué.

L'intimée reprend les motifs du jugement déféré sur la mise en 'uvre de la garantie de parfait achèvement concernant les dommages intermédiaires que constituent les microfissures constatées par l'expert judiciaire, seul désordre encore en litige. L'expert a désigné comme étant susceptibles d'être responsables de ces désordres, la société Roesch Construction, la société Les Peintures réunies et la société Jacques Koessler Architecture. Cependant, l'intimée indique ne plus rechercher la responsabilité de cette dernière en appel, mais diriger son action contre la société Roesch Construction et la société Les Peintures réunies, à l'encontre de laquelle elle forme un appel provoqué.

Concernant la responsabilité de la société Roesch Construction, la SCI Elisabeth & Joseph reprend les motifs du jugement déféré et souligne que le rapport d'expertise judiciaire conclut clairement que les microfissures des joints de prédalle trouvent leur origine dans un retrait du produit de jointage mis en 'uvre par cette dernière, ne donnant que d'une façon indicative les causes possibles du retrait de ce produit, dont la société Roesch Construction n'invoque aucune défectuosité. Concernant la responsabilité de la société Les Peintures réunies, l'expert a seulement émis l'hypothèse d'une cause complémentaire, mais il relève aussi des microfissures au sous-sol, où la société Les Peintures réunies n'est pas intervenue.

La société Roesch Construction n'ayant pas intimé la société Les Peintures réunies dans le cadre de cet appel, la SCI Elisabeth & Joseph ajoute avoir formé un appel provoqué à l'encontre de cette dernière, dans l'hypothèse où la cour retiendrait sa responsabilité.

Sur l'évaluation de ses préjudices, la SCI Elisabeth & Joseph fait valoir que la société Roesch Construction n'apporte aucun élément technique sérieux susceptible de contredire les conclusions de l'expert et reprend les montants retenus par le premier juge, rappelant que, son bâtiment ayant été donné en location à une étude de notaire et à une étude d'huissier de justice, les travaux impliquent des interventions, non pas de nuit mais le soir et le week-end, lorsque l'activité de ces études a cessé, avec protection des meubles. Il n'est pas possible d'intervenir pièce par pièce, sauf à perturber totalement le fonctionnement des études et elle précise que la plus grande partie des locaux n'a toujours pas pu être restaurée.

Sur ses demandes complémentaires relatives au trouble de jouissance, la SCI Elisabeth & Joseph souligne que la plus-value allouée par le premier juge n'indemnise pas le trouble de jouissance lié au retard pris par les travaux, à la nécessité de nouvelles interventions et à l'impossibilité de pouvoir louer aussi aisément que prévu les lieux à des locataires acceptant la réalisation de travaux de reprise pendant leur activité professionnelle.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens de la SCI Elisabeth & Joseph et de la société Roesch Constructions, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

MOTIFS

I ' Sur la responsabilité de la société Roesch Constructions

Il convient de relever que la société Roesch Constructions ne justifie d'aucun élément susceptible de remettre en cause l'analyse de l'expert judiciaire selon laquelle, ainsi que le tribunal l'a rappelé, les microfissures des joints de prédalle trouvent leur origine dans un retrait du produit de jointage mis en 'uvre par la société Roesch Constructions, pouvant lui-même être dû à une application non conforme à l'avis technique du fabriquant. Effectivement, la fiche technique du produit de jointage 1020 Lankoprédal appliqué par la société Roesch Constructions comporte des exigences très précises concernant sa mise en oeuvre.

Ainsi que le tribunal l'a souligné, l'expert n'a retenu que comme une hypothétique « cause complémentaire » de survenue de ces microfissures l'application directe sur le support d'une peinture, prévue en trois couches sans support intermédiaire et dans un délai de réalisation « peut-être trop court », lequel n'est pas démontré, ainsi que le tribunal l'a rappelé. Il ne s'agit donc nullement d'une origine possible des microfissures susceptible de se substituer à celle retenue par l'expert et son caractère hypothétique ne lui permet pas de fonder la mise en cause de la responsabilité de l'entreprise de peinture.

Au surplus, comme l'a fort justement rappelé le premier juge, s'il appartenait à la société Les Peintures réunies de s'assurer de la conformité des supports avant d'appliquer les enduits de finition, il appartenait en premier lieu à la société Roesch Construction de signaler à cette société, qui devait intervenir à sa suite, ou à tout le moins au maître d''uvre, les contraintes exigées pour le recouvrement du produit 1020 Lankopredal qu'elle avait utilisé, lequel n'apparaissait pas dans les documents contractuels relatifs aux prescriptions techniques.

Cette exigence résultait du Cahier des Clauses Administratives Particulières et notamment de son article 5.2.2., selon lequel l'entrepreneur participant à l'opération s'engageait à fournir au maître d'oeuvre tous les éléments de contrôle des tolérances et normes d'exécution devant être respectées et lui faire parvenir en temps utile tous documents, informations, etc.

Elle résultait également de l'article 6.2. du Cahier des Clauses Techniques Particulières qui exigeait une liaison « parfaite et constante » entre les différentes entreprises avant et pendant l'exécution des travaux, mais aussi une mise en rapport de chaque entrepreneur en temps voulu avec le ou les corps d'état dont les travaux étaient liés aux siens, afin d'obtenir les renseignements qui lui étaient nécessaires. Mais il interdisait aussi à tout entrepreneur, durant le chantier, de se prévaloir d'un manque d'information pour ne pas fournir lui-même des renseignements (') nécessaires aux autres corps d'état pour la poursuite de leurs travaux.

Cette exigence résultait enfin de la fiche technique du produit de jointage mis en 'uvre, le 1020 Lankopredal, qui exigeait elle-même de l'entreprise utilisatrice sa remise obligatoire à l'entreprise de peinture.

Elle était d'autant plus importante en l'espèce qu'ainsi que l'avait souligné le premier juge, le recours au produit de jointage litigieux n'était prévu dans aucun des documents contractuels, aucune des prescriptions techniques, alors que ce produit présentait des exigences précises concernant son recouvrement.

Or, la société Roesch Constructions ne démontre pas avoir fait le nécessaire auprès de la société Peintures réunies et elle ne peut invoquer une connaissance du produit litigieux par cette dernière, dont elle ne rapporte d'ailleurs nullement la preuve, pour échapper à son obligation d'information à son égard concernant ce produit.

La qualité des prestations de peinture proprement dites n'étant pas remise en question, comme l'a justement retenu le tribunal, et la seule origine des microfissures déterminée par l'expert relevant de la prestation de l'appelante, cette dernière ne peut s'exonérer de sa garantie à l'égard du maître de l'ouvrage en invoquant la faute d'un autre entrepreneur-constructeur. C'est pourquoi c'est à bon droit que le premier juge a retenu la seule responsabilité de la société Roesch Constructions à l'origine des microfissures dénoncées.

II ' Sur l'indemnisation des préjudices de la SCI Elisabeth & Joseph

Si l'appelante conteste le coût des travaux de reprise retenu par le tribunal, qui correspond au chiffrage opéré par l'expert judiciaire, elle ne fournit pas plus en appel qu'en première instance d'élément de nature à remettre en cause cette évaluation au montant de 15 820 euros HT, laquelle retient un coût de 35 euros/m², pour une surface de 452 m² qui n'est pas discutée.

De plus, la plus-value relative à l'exécution des travaux dans des locaux occupés, chiffrée à 10 000 euros HT, est liée aux contraintes particulières liées à la location de ces locaux par des études de notaire et d'huissier de justice, nécessitant des interventions hors des horaires d'ouverture de leurs bureaux, soit en soirée et durant les fins de semaine, avec protection des meubles. Cette situation n'est pas contestée par l'appelante qui estime en revanche que les travaux peuvent s'effectuer pièce par pièce, donc sans nécessité de bâchage et débâchage répétés. Or, cela n'apparaît pas compatible avec le maintien de l'occupation de ces locaux professionnels durant les travaux. De même, si, dans ce chiffrage, l'expert n'a pas précisé la durée de ces travaux, il a prévu en revanche une prestation de coordination de 6 semaines à 500 euros HT, soit 3 000 euros HT, qui n'est pas non plus sérieusement contestée.

Dans la mesure où il est impératif que les travaux de reprise soient effectués dans des conditions impactant le moins possible les locataires, il y a lieu de confirmer le jugement déféré concernant le montant retenu au titre de la plus-value relative à l'exécution des travaux dans des locaux occupés ainsi que celui relatif à l'ensemble de ces postes de préjudices, soit au total 26 825 euros HT, après déduction d'un montant de 1 995 euros HT représentant une surface prise en charge par la société Entreprise Galopin au titre d'infiltrations dont elle assumait la responsabilité. En effet, les travaux de réparation de ces infiltrations permettraient de supprimer les micro-fissures.

Par ailleurs, la SCI Elisabeth & Joseph n'établit pas la difficulté de mise en location des locaux non loués qu'elle invoque, s'agissant du préjudice relatif au trouble de jouissance passé dont elle sollicite la réparation. Il n'est en effet pas démontré que les désordres en cause auraient empêché la mise en location des locaux disponibles et les travaux de reprise ont pu être réalisés rapidement dans ces locaux libres de toute occupation. De plus, s'agissant des locaux loués, les microfissures en cause n'ont pas empêché les baux de se poursuivre et les locataires ont manifestement accepté de continuer à exercer leur activité pendant la réalisation des travaux de reprise, la SCI ne démontrant pas avoir indemnisé ses locataires au titre d'un trouble de jouissance ou des désagréments occasionnés par les travaux. Quant à la demande au titre du trouble de jouissance prévisionnel, il fait manifestement double emploi avec la plus-value allouée au titre des travaux dans les locaux occupés. C'est pourquoi le jugement déféré doit être confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de la SCI Elisabeth & Joseph en réparation de ces troubles de jouissance.

III - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens de première instance

De plus, l'appel de la société Roesch Constructions étant rejeté, celle-ci assumera les dépens d'appel. Dans ces circonstances, sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens qu'elle a engagés en appel, sera rejetée. En revanche, l'équité commande de mettre à sa charge la somme de 1 500 euros qu'elle devra régler à la SCI Elisabeth & Joseph au même titre et sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt par défaut, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement entre les parties par le tribunal judiciaire de Mulhouse le 17 novembre 2020,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SAS Roesch Constructions aux dépens d'appel,

CONDAMNE la SAS Roesch Constructions à payer à la SCI Elisabeth & Joseph la somme de 1 500,00 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais exclus des dépens que cette dernière a engagés en appel,

REJETTE la demande de la SAS Roesch Constructions présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais exclus des dépens que cette dernière a engagés en appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/03689
Date de la décision : 03/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-03;20.03689 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award