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02/03/2023 | FRANCE | N°21/01084

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 02 mars 2023, 21/01084


MINUTE N° 115/2023

























Copie exécutoire à



- Me Nadine HEICHELBECH



- Maître Joëlle LITOU-WOLFF





Le 2 mars 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 02 Mars 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01084 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HQMJ



Décision

déférée à la cour : 06 Janvier 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG.



APPELANT :



Le SYNDICAT DE COPROPRIETAIRES LE DOMAINE DU PARC, représenté par son syndic la SAS CABINET LAEMMEL [Adresse 2], représentée par son représentant légal,

sis [Adr...

MINUTE N° 115/2023

Copie exécutoire à

- Me Nadine HEICHELBECH

- Maître Joëlle LITOU-WOLFF

Le 2 mars 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 02 Mars 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01084 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HQMJ

Décision déférée à la cour : 06 Janvier 2021 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG.

APPELANT :

Le SYNDICAT DE COPROPRIETAIRES LE DOMAINE DU PARC, représenté par son syndic la SAS CABINET LAEMMEL [Adresse 2], représentée par son représentant légal,

sis [Adresse 4]

représenté par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la cour.

Plaidant : Me PERNOT, avocat à Strasbourg.

INTIMÉES et appelante en garantie :

1/ La S.A.S. ARTERE CONSTRUCTION ET TRAVAUX PUBLICS

ayant son siège [Adresse 3]

représentée par Maître Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la cour.

Plaidant : Me BOISSERIE, avocat à Strasbourg.

INTIMÉE et appelée en garantie :

2/ La S.A.R.L. PATRICK SCHWEITZER & ASSOCIES, représentée par son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 1]

assignée le 19 mai 2021 à personne morale, n'ayant pas constitué avocat.

INTIMÉE :

3/ La S.C.I. PARC T, représentée par son représentant légal

ayant son siège [Adresse 5]

assignée le 19 mai 2021 par acte déposé en l'étude de l'huissier instrumentaire, n'ayant pas constitué avocat.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 12 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre, et Madame Nathalie HERY, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT rendu par défaut

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La résidence « Le Domaine du Parc » se trouve au [Adresse 4]. En 2013, des travaux ont été réalisés sur la parcelle voisine, pour la construction de plusieurs immeubles.

Estimant que son fonds avait connu des dégradations suite aux travaux de voirie réalisés sur le chantier voisin, le Cabinet [Y], syndic de la copropriété « le domaine du Parc », s'est adressé par mail à la personne qui dirigeait les travaux, Mme [D] de la société d'architectes « Schweitzer et associés architectes » pour dénoncer la survenue de ces désordres.

Puis le syndic a ensuite adressé un courrier en recommandé avec accusé de réception à la société Schweitzer et associés le 22 mai 2014 sans obtenir de réponse, de sorte que l'avocat du syndicat l'a dans un deuxième temps mise en demeure.

Sans réponse, le syndicat a saisi le juge des référés de Strasbourg en assignant la société Schweitzer et associés ; cette dernière a constitué avocat et ne s'est pas opposée à la demande d'expertise qui a été ordonnée le 16 février 2016. L'expert désigné, a déposé son rapport le 16 juillet 2016.

L'avocat du syndicat a alors interrogé la société Schweitzer et associés pour savoir si, sur la base de ce rapport, elle était prête à régler ce litige à l'amiable, sans obtenir de réponse.

C'est dans ce contexte que le syndicat des copropriétaires a assigné le 8 juin 2017 la société Schweitzer et associés.

Suite au dépôt des conclusions de la défenderesse dans lesquelles elle a indiqué qu'elle assurait une mission de maîtrise d''uvre pour la société Parc T, maître d'ouvrage, et que les travaux de terrassement et d'aménagement litigieux avaient été réalisés par la société Artere, le syndic a assigné en justice les 13 et 14 décembre 2018 ces deux sociétés, qui ne constituaient pas avocat.

Par jugement du 6 janvier 2021, le tribunal de Strasbourg a rejeté la fin de non-recevoir soutenue par le maître d''uvre puis a débouté le syndicat des copropriétaires de la résidence « le domaine du Parc » de l'ensemble de ses demandes et décidé de laisser à chacune des parties la charge de ses propres dépens, tout en écartant l'application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au cas d'espèce.

Pour justifier sa décision le juge a dans un premier temps estimé que la demande - en vue de voir constater une exception d'irrecevabilité - soulevée par la société Schweitzer ne pouvait aboutir en ce sens qu'elle ne comportait aucun énoncé de son fondement juridique et «qu'aucun texte légal est évoqué ».

Sur le fond, le juge a considéré que l'assignation des demandeurs « ne comporte aucun exposé d'un quelconque moyen en droit, pas plus que la référence au moindre texte légal. Les assignations suivantes ne comportent aucune référence au moindre texte légal et invoquent en premier lieu les troubles anormaux de voisinage et secondairement la responsabilité quasi délictuelle, sans la moindre articulation du moyen soulevé au titre d'une discussion sur la nature de la responsabilité de chacune des trois parties mises en cause, pour des qualités d'ailleurs incompatibles entre elles puisque le maître d'ouvrage est désigné dans les assignations tantôt la SARL Patrick Schweitzer et associés architectes, tantôt la SCI Park T».

Le syndicat de copropriété a interjeté appel le 18 février 2021.

PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 27 décembre 2021, le syndicat des copropriétaires du domaine du Parc demande à la cour, sur le fondement de la théorie des troubles anormaux de voisinage et subsidiairement de la responsabilité quasi délictuelle prévue par l'article 1382 ancien du code civil, de bien vouloir :

- déclarer irrecevable l'argumentation portant sur la question de l'irrecevabilité en lien avec le non respect de l'article 56 du code de procédure civile invoquée pour la première fois devant la Cour par la société Artere,

- infirmer le jugement du 6 janvier 2021 en ce qu'il a débouté le syndicat des copropriétaires, mis à sa charge une partie des dépens et rejeté sa demande formulée en application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau

- condamner in solidum les intimées à lui payer la somme de 17 226 euros au titre des travaux de réparation chiffrés par l'expert et de 50 000,00 euros au titre des préjudices de jouissance et moral,

- les condamner également à lui payer la somme de 10 000,00 euros chacun au titre de l'article 700 du CPC,

- les condamner in solidum aux entiers frais et dépens de l'instance de référé, de première instance et d'appel, y compris les frais d'expertise.

Le syndicat des copropriétaires développe les moyens suivants.

S'agissant de la validité de l'assignation remise en cause par la société Artere, cette dernière ne pourrait réclamer, pour la première fois à hauteur d'appel, la nullité de la citation sur le fondement de l'article 56 du code de procédure civile, alors qu'elle ne l'a pas fait en première instance.

Son moyen devrait être déclaré irrecevable, et ce d'autant plus que l'assignation comportait une motivation en droit puisqu'elle précisait fonder sa demande de recherche en responsabilité des sociétés défenderesses sur les notions des troubles anormaux de voisinage et subsidiairement celui de la responsabilité quasi délictuelle.

Le code de procédure civile n'imposerait pas aux plaideurs de citer le fondement textuel, ce qui aurait été de surcroit impossible s'agissant du trouble anormal de voisinage en ce qu'il s'agit d'une action d'origine jurisprudentielle.

Concernant le fond du litige, le syndicat reprend l'historique des événements et insiste sur le fait qu'au départ il ne connaissait pas l'identité des sociétés intervenues sur le chantier à l'origine des dégradations subies par son fonds, raison pour laquelle elle n'avait assigné devant le juge des référés que la société d'architectes Schweitzer. On ne saurait lui reprocher de ne pas avoir appelé à la cause plus tôt la société Artere et la SCI Parc T, car elle ignorait leur existence et quels avaient été leurs rôles précis dans la réalisation du projet immobilier.

En tout état de cause, le rapport d'expertise, dont les conclusions sont très claires, est opposable aux autres parties et voit en outre ses conclusions corroborées par des pièces qu'il verse au débat.

En se référant au travail de l'expert, le syndicat conclut à la responsabilité de la société S&AA - nouvelle dénomination de la société Schweitzer - en sa qualité de maître d''uvre chargé du suivi des travaux, notamment de voirie, qui ont causé des dommages à la copropriété voisine. Le maître d''uvre serait soumis à une obligation de surveillance et de direction des travaux ; or l'appelant estime que la société S&AA a commis une faute sur le fondement de la responsabilité quasi délictuelle, ou a concouru aux troubles anormaux du voisinage.

Quant à la société Artere, l'appelant estime que c'est elle qui a réalisé les travaux de voirie et donc qu'elle serait directement à l'origine des dégradations subies par le fonds de la copropriété appelante. Si cette faute est de nature contractuelle dans ses relations avec son cocontractant, elle est de nature délictuelle dans ses relations avec les tiers.

Si sa responsabilité n'était pas retenue sur le fondement des troubles anormaux du voisinage, c'est donc sur le fondement de la responsabilité délictuelle, qu'il conviendrait de la condamner, et ce nonobstant ses contestations au terme desquelles les travaux litigieux n'auraient pas fait partie de son lot alors qu'elle se garde bien de produire copie de son contrat de marché. L'appelant ajoute qu'au demeurant, l'architecte (la société Schweitzer) avait soutenu dans ses conclusions de première instance le contraire et que les aménagements extérieurs étaient bien à la charge de la société Artere.

S'agissant enfin de la société Parc T, il s'agirait du maître d'ouvrage. L'appelant répond aux critiques de la société Artere selon lesquelles il existe une confusion dans son esprit entre la SARL Parc T et la SCI du même nom. Elle rétorque avoir décidé de poursuivre la SCI Parc T car la société Schweitzer avait évoqué le nom de cette dernière. En tout état de cause, le syndicat estime, qu'en sa qualité de maître d'ouvrage, cette société engage sa responsabilité du fait des actions des entreprises qui sont intervenues pour son compte au titre d'un trouble anormal du voisinage.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 juillet 2021 qui ont été signifiées aux intimées sociétés Patrick Schweitzer et associés et SCI Parc T le 30 juillet 2021 à personne habilitée et le 19 mai 2021 par dépôt à l'étude (SCI Parc T), la société Artere conclut à la confirmation du jugement entrepris.

Elle estime que l'appel est mal fondé, en ce que la cour n'est saisie d'aucune demande aux fins de juger de la responsabilité de la société Artere et qu'en conséquence toutes autres conclusions du Syndicat appelant seraient dépourvues de portée.

En tout état de cause la société intimée réclame le débouté du Syndicat appelant de son appel ainsi que de l'intégralité de ses fins, moyens et prétentions, et la confirmation du jugement entrepris sous réserve des fins de l'appel en garantie.

En effet, si la cour venait à condamner la société Artere cette dernière serait en droit d'obtenir la garantie de la SARL Patrick Schweitzer & Associés.

En tout état de cause elle demande également la condamnation du Syndicat des copropriétaires, sinon de tout succombant, outre aux dépens, à lui verser un montant de 3.000 euros sur le fondement de l'article 700 du CPC.

La société Artere reproche à l'assignation délivrée par le syndicat des copropriétaires en date du 14 décembre 2018 de ne pas comporter de fondements juridiques, et ce en méconnaissance des dispositions de l'article 56 du code de procédure civile qui énonce que l'assignation doit contenir à peine de nullité, notamment, l'objet de la demande avec un exposé des moyens de fait et de droit.

Se contenter de faire valoir une argumentation au titre d'une responsabilité délictuelle ou pour trouble anormal de voisinage ne serait, au sens de l'intimée, pas suffisant au regard des conditions posées par l'article 56 du code de procédure civile, et le juge de première instance a relevé à juste titre que cette absence d'articulation était préjudiciable.

Elle estime par conséquent que la cour devrait constater que « elle n'est saisie d'aucune prétention lui demandant de trancher une quelconque responsabilité de la société Artere » (page 4 des conclusions de l'intimée).

La société intimée, sur le fond du dossier, conteste sa mise en cause. Le rapport produit en demande lui serait totalement inopposable en ce sens que la société n'a pas été appelée aux opérations d'expertise, et alors même que le syndicat connaissait son existence notamment du fait de la mention de la société Artere par l'expert en page 4 de son rapport. Il aurait fallu demander une extension d'expertise à la société Artere. En outre cette dernière estime que le rapport d'expertise serait « extrêmement laconique (à l'image de l'assignation au fond) ».

La société précise avoir engagé à l'époque une procédure contre la SARL Parc T senior qui avait été placée en liquidation judiciaire et qui avait abouti à la fixation de la créance de la société Artere à des montants de 11 064 euros à titre principal et 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, mais qu'aucun montant n'a pu être recouvré de sorte qu'un certificat d'irrecouvrabilité a été établi. La société précise que contrairement à ce qu'a pu penser le syndicat des copropriétaires, c'est la SCI parc T senior qui est intervenue comme maître d'ouvrage et non pas la SARL Parc T, de sorte que cette dernière ne pouvait être valablement et utilement attraite à la procédure de référé expertise.

En résumé, les questions portant sur les responsabilités, ou sur le montant des travaux de reprise, n'ont pu faire l'objet d'une quelconque discussion devant l'expert de la part de la société Artere, qui estime en outre que le devis produit à l'expertise serait totalement fantaisiste.

Elle ajoute que les travaux en question n'auraient en tout état de cause pas fait partie du lot qui lui avait été confié, et que dans le cas où la cour viendrait à condamner la société Artere, il conviendrait de condamner le maître d''uvre (la société Patrick Schweitzer et associée architecte) à la garantir.

* * *

Ni la SARL Patrick Schweitzer et associés ' qui a été avisée de la déclaration d'appel et reçu les conclusions d'appel le 19 mai 2021 puis de l'appel en garantie formulé par la société Artere le 30 juillet 2021, par remises de ces documents à personne habilitée (celle de son gérant) ', ni la SCI Parc T (dont la signification d'appel et des conclusions a été réalisée par dépôt à l'étude d'huissier le 19 mai 2021), ne constituaient avocat.

Par ordonnance du 6 septembre 2022, la Présidente de chambre, chargée de la mise en état, a ordonné la clôture de la procédure et renvoyé l'affaire à l'audience du 12 janvier 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIVATION

L'appelant a conclu à ce que « l'argument d'irrecevabilité de l'article 56 du CPC invoqué pour la première fois devant la cour par la société Artere », soit déclaré « irrecevable ».

Cependant, force est de constater que la société Artere ne conclut nullement dans le dispositif de ses conclusions, à l'annulation de l'assignation ou encore à ce que la cour retienne une cause d'irrecevabilité.

Bien au contraire, la demande formulée par la société Artere de confirmation du jugement ' qui a rejeté cette fin de non recevoir soutenue en première instance sur le fondement de l'article 56 du code de procédure civile ' implique nécessairement que la société ne soutient plus cette demande. 

La demande « d'irrecevabilité » formulée par l'appelant est par conséquent sans objet.

1) Sur la demande en indemnisation formée par la copropriété

L'analyse de la cote 12 produite par la partie appelante ' comportant les pièces que la société Patrick Schweitzer avait produites en première instance ' et notamment de la première page du document de présentation du projet (voire de la demande du permis de construire) permet d'établir que la SCI du Parc T et la SARL Parc T Seniors étaient les maître d'ouvrage, la société S&AA (nouvelle dénomination de la société Patrick Schweitzer et associés) étant maître d''uvre.

Il ressort de l'examen des photographies remises par l'appelante (annexes 3 et 4), du plan de masse, mais surtout de la teneur des échanges qui ont eu lieu entre les mois de novembre 2014 à février 2015, entre d'une part la copropriété et d'autre part les architectes de la société Schweitzer en charge du suivi des travaux, à savoir Madame [D] puis Monsieur [H] (annexes 1 et 2) que :

- à l'occasion de la réalisation des travaux de voirie exécutés jusqu'en limite de propriété du domaine du parc, le niveau du sol du fonds de la SCI Parc T sur lequel a été posé le bitume de la voie d'accès et des places de parking, a été rehaussé d'une cinquantaine de centimètres,

- de ce fait, il a été créé une différence de niveau entre ce fonds et celui de la partie appelante,

- ce rehaussement a été fait sans que le remblai ne soit suffisamment tassé, et sans la mise en place préalable d'un mur de soutènement en limite de propriété, de sorte que comme le montrent de manière flagrante les photographies, le tertre s'affaisse sur le fonds de la copropriété appelante, écrasant au passage sous sa masse la clôture de cette dernière qui se trouve en limite de propriété,

- cette clôture existant avant la réalisation de la voirie du projet immobilier voisin, il était indispensable d'adapter les travaux de voirie et de faire le nécessaire pour éviter d'endommager la clôture de la copropriété voisine,

- ce phénomène ' et celui de l'abandon de déchets de construction sur une partie du fonds de la copropriété ' étaient connus de l'architecte, sans quoi Mme [D] n'aurait pas écrit le 4 novembre 2014 que des travaux de « finition avec les bordurettes » seraient engagés au profit de l'appelante.

Dans ces conditions, et ce sans qu'il soit nécessaire de faire référence au rapport d'expertise, la copropriété appelante réussit à faire la preuve de ce qu'elle subit un dommage, qui répond aux conditions du trouble anormal de voisinage, en ce sens que l'abandon de déchets sur son terrain, et surtout le déversement d'une masse de terre de fondations non soutenues provenant du fonds voisin, constituent incontestablement un trouble anormal.

Il est en outre nécessaire de rappeler que la partie intimée ' et la société Schweitzer lors de ses écritures de premières instances ' ne contestent pas la matérialité des faits dénoncés.

Il s'en déduit, d'une part que les développements soutenus par l'intimée sur le caractère inopposable du rapport d'expertise - au motif que la société Artere n'a pas été appelée aux opérations d'expertise -devient sans objet, et d'autre part qu'il n'est plus nécessaire de se pencher sur le second moyen de droit soutenu par l'appelante (la responsabilité quasi délictuelle).

La jurisprudence admet que le propriétaire de l'immeuble à l'origines de nuisances, le maître d''uvre et les constructeurs à l'origine de celles-ci, sont responsables de plein droit vis-à-vis des voisins victimes sur le fondement de la prohibition du trouble anormal de voisinage qui ne requiert pas la preuve d'une faute. Le maître de l'ouvrage peut alors être condamné in solidum avec les constructeurs et maîtres d''uvre.

Il s'en déduit que la SCI Parc T, maître d'ouvrage appelé à la cause, et la SARL S&AA (nouvelle dénomination de la société la SARL Patrick Schweitzer & associés), maître d''uvre, voient engagées leur responsabilité.

Il en sera de même pour la société Artere, car ' nonobstant ses protestations ' il ressort des pièces produites aux débats que c'est bien elle qui a exécuté les travaux de voirie en 2013 en bordure de la clôture, comme le précisait le maître d''uvre dans ses conclusions du 27 novembre 2017 déposées en première instance (« il apparaît que c'est l'entreprise Artere qui n'a pas réalisé des travaux litigieux. Il est produit aux débats la facture définitive de l'entreprise Artere qui a vu son décompte diminuer des travaux non effectués »).

Les trois intimés seront condamnés in solidum à indemniser la société appelante à hauteur du montant de 17 226 euros TTC correspondant au devis émanant de la société Vogel et joint au rapport d'expertise.

Si la société Artere qualifie le devis de « fantaisiste », elle se garde bien d'expliquer en quoi il le serait.

La cour note au contraire que le devis en question est détaillé et justifié; on apprend à son examen que ce montant correspond aux travaux nécessaires à la création d'un muret avec une clôture rigide d'une longueur de 37,5 m, nécessitant, la création d'un soubassement en béton armé devant recevoir l'élévation d'un muret en agglos d'une hauteur de 60 cm, surmonté de poteaux en agglos et ferraillés de hauteur de 1,20 m sur une largeur de 0,5 m, et d'une clôture rigide verte, les éléments en agglos devant en outre être protégés par des couvertines et par un crépi.

La juridiction rappelle que la configuration des lieux est telle, que la société devra veiller à mettre en place des fondations et un mur suffisamment solide car ce dernier devra résister à la pression de la terre du remblai du fonds de la SCI Parc T.

Le montant mis en cause de 17 226 euros TTC est tout à fait adapté.

D'autre part, la lecture des pièces démontre que depuis près de neuf années les différents intervenants au projet immobilier, maître d'ouvrage, maître d''uvre, constructeur, on fait fi d'une situation pourtant très claire et des nombreuses protestations et demandes légitimes émanant de la copropriété. La lecture des annexes 1 et 2 démontre que le maître d''uvre avait parfaitement conscience de l'existence de ces désordres puisqu'il a proposé une solution de reprise.

Le maître de l'ouvrage et la société intervenante Artere ne pouvaient davantage ignorer l'existence de ces désordres, particulièrement apparents, et dont l'origine ne faisait aucun doute.

En dépit de cette parfaite connaissance de la situation par les trois intimés, et des engagements qui ont été pris par l'architecte - maître d''uvre, la situation perdure depuis novembre 2013.

Cette situation d'attente de bientôt 10 ans, a nécessairement entraîné un trouble de jouissance et un préjudice moral qui seront indemnisés par l'allocation d'une somme de 15 000 euros, mise à la charge des intimés.

Le jugement entrepris sera dès lors infirmé.

2) Sur l'appel en garantie formé par la société Artere

Dans le cadre de son rapport avec ses co intimés, la société Artere souhaite que le maître d''uvre soit condamné à la garantir de toute condamnation. Pour que l'action menée par la société Artere contre l'architecte puisse aboutir, il convient que la société démontrât l'existence d'un manquement, d'une faute, à la charge de l'architecte.

Elle prétend s'être « conformée aux instructions et informations fournies par la SARL Patrick Schweitzer et associés architecte » sans apporter cependant la moindre explication de nature à définir quelles auraient été les « informations » et « instructions » données. Aucune pièce probante n'est produite à ce sujet.

Dans ces conditions la cour ne peut que constater la défaillance de la société Artere dans l'établissement de la preuve d'une faute de l'architecte. L'appel en garantie sera de ce fait rejeté.

3) sur les demandes accessoires

Le jugement de première instance statuant sur la question des dépens ' qui inclut les frais d'expertise et d'huissier engagés à l'occasion de la procédure de référé ' et de l'article 700 du code de procédure civile, sera également infirmé.

Les intimés, parties succombantes au sens de l'article 696 code de procédure civile, seront condamnés aux dépens de la procédure de première instance - incluant les frais d'expertise et d'huissier engagés à l'occasion de la procédure de référé - et d'appel et à verser au syndicat des copropriétaires de la résidence « le domaine du parc » une somme de 6 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés dans le cadre de la procédure de première instance et d'appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de la société Artere tendant à être indemnisée de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après en avoir délibéré, publiquement, par arrêt rendu par défaut mis à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile :

INFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 6 janvier 2021,

Et statuant à nouveau et y ajoutant :

CONDAMNE in solidum la SARL S&AA - Patrick Schweitzer et associés, la SAS Artere construction et travaux publics et la SCI Parc T à payer au syndicat des copropriétaires Le domaine du Parc les sommes de :

' 17 226 euros (dix-sept mille deux cent vingt-six euros) au titre des préjudices matériels,

' 15 000 euros (quinze mille euros) au titre du préjudice moral et de jouissance

REJETTE la demande d'appel en garantie formulée par la société Artere,

CONDAMNE in solidum la SARL S&AA - Patrick Schweitzer et associés, la SAS Artere construction et travaux publics et la SCI Parc T aux dépens de la procédure de première instance comprenant ceux de la procédure de référé (frais d'expertise et d'huissier) et de la procédure d'appel,

CONDAMNE in solidum la SARL S&AA - Patrick Schweitzer et associés, la SAS Artere construction et travaux publics et la SCI Parc à verser au syndicat des copropriétaires de la résidence « le domaine du parc » situé [Adresse 4] une somme de 6 000 euros (six mille euros) au titre des frais irrépétibles qu'il a engagés en première instance et à hauteur d'appel,

REJETTE la demande de SAS Artere construction et travaux publics fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/01084
Date de la décision : 02/03/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 26/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-03-02;21.01084 ?
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