n° minute : 19/2023
Copie exécutoire à :
- Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ
- Me Thierry CAHN
Le 1er mars 2023
La Greffière,
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE DES URGENCES
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
N° RG 23/00004 - N° Portalis DBVW-V-B7H-H7MY
mise à disposition le 1er Mars 2023
Dans l'affaire opposant :
M. [E] [Y] et
Mme [I] [Z] épouse [Y]
[Adresse 2]
[Localité 4]
Représentés par Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ, avocat à la cour
- partie demanderesse au référé -
M. [B] [K]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Thierry CAHN, avocat à la cour
- partie défenderesse au référé -
Nous, Pascale BLIND, présidente de chambre à la cour d'appel de Colmar, agissant sur délégation de Madame la première présidente, assistée lors des débats et de la mise à disposition de la décision de Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffière, après avoir entendu, en notre audience publique de référé du 1er Février 2023, les avocats des parties en leurs conclusions et observations et avoir indiqué qu'une décision serait rendue ce jour, statuons publiquement, par mise à disposition d'une ordonnance contradictoire, comme suit :
Par ordonnance du 13 décembre 2022, le juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse a :
- condamné solidairement Monsieur [E] [Y] et Madame [I] [Z] épouse [Y] à démolir la partie du mur érigé en violation de la servitude sur la parcelle cadastrée [Cadastre 5] inscrite au livre foncier de [Localité 4] et à laisser le libre accès à cette servitude de passage, sous astreinte de 100 euros par jour de retard dans un délai de 15 jours, suivant la signification de l'ordonnance
- condamné Monsieur [E] [Y] et Madame [I] [Z] épouse [Y] à payer à Monsieur [B] [K] la somme de 800 euros, au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
- condamné Monsieur [E] [Y] et Madame [I] [Z] épouse [Y] aux dépens
- constaté l'exécution provisoire de plein droit des dispositions de l'ordonnance.
Les époux [Y] ont interjeté appel de cette ordonnance, par déclaration du 15 décembre 2022.
Par acte délivré le 11 janvier 2023, ils ont fait assigner en référé devant le premier président de la cour d'appel de Colmar Monsieur [B] [K] aux fins d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance du 13 décembre 2022 et voir dire que les dépens suivront le sort de la procédure principale.
Aux termes de leur assignation soutenue à l'audience du 1er février 2023, et de leurs observations orales, ils exposent que lorsqu'ils ont acheté le terrain sur lequel ils ont érigé leur maison, aucune servitude de passage n'était inscrite au livre foncier au bénéfice de Monsieur [K] et que ce n'est que bien postérieurement qu'un acte rectificatif est intervenu et que le livre foncier a inscrit cette servitude.
Ils estiment qu'il ne peut y avoir de trouble manifestement illicite que si l'existence de la servitude est incontestable et leur est opposable, ce qui n'est pas avéré en l'espèce.
Ils font valoir également l'absence de servitude sur les parcelles voisines permettant réellement à Monsieur [K] d'accéder à l'impasse du Nord et estiment que même si la servitude litigieuse existe, elle ne peut être utilisée.
Ils se réfèrent pour le surplus à leurs conclusions d'appel.
Par ailleurs, les demandeurs invoquent des conséquences manifestement excessives résultant de l'exécution de la décision dès lors qu'ils se retrouveraient sur une parcelle non close, que la condamnation a été prononcée sous astreinte et que s'ils étaient amenés à détruire le mur, les conséquences seraient irrémédiables. Ils soulignent la modicité de leurs revenus et l'importance pour eux des frais consécutifs à une démolition du mur et à sa reconstruction, en cas d'infirmation du jugement.
Aux termes de ses écrits du 30 janvier 2023, repris à l'audience, Monsieur [K] conclut à l'irrecevabilité de la demande, en l'absence de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance.
Sur le fond, il conteste l'existence de moyens sérieux d'infirmation.
Il expose que l'assiette de la servitude été inscrite antérieurement à l'acquisition du 9 juin 2020 et que la rectification aux livre foncier ne tend pas à instaurer une assiette de servitude déjà inscrite mais à en faire bénéficier le fond dominant lui appartenant.
Il précise, en visant l'article 90 du décret du 7 octobre 2009 relatif au livre foncier, que la rectification n'a causé aucun préjudice puisque le mur n'était pas encore construit, et ajoute que la difficulté tient à l'impossibilité pour lui de vendre la parcelle en l'absence d'accès à l'impasse.
SUR CE
Sur la recevabilité de la demande
L'ordonnance de référé du 13 décembre 2022 est de droit exécutoire à titre provisoire.
Aux termes de l'article 514-3 du code de procédure civile, tel qu'issu du décret n° 2019 -1333 du 11 décembre 2019, en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de droit de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
D'autre part, ce même article dispose en son alinéa 2 que la demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
En vertu de l'article 514-1 du code de procédure civile, le premier juge peut écarter l'exécution provisoire de droit, en tout ou partie, s'il estime qu'elle est incompatible avec la nature de l'affaire, mais par exception, il ne peut écarter l'exécution provisoire de droit lorsqu'il statue en référé.
Il en résulte que la question de l'exécution provisoire n'a pas à donner lieu à débat devant le juge des référés.
La fin de non-recevoir prévue à l'article 514-3 alinéa 2 du code de procédure civile n'a de sens que dans les hypothèses où le juge, en application de l'article 514-1 alinéa premier, a le pouvoir d'écarter l'exécution provisoire.
Elle ne s'applique pas au cas d'espèce et la demande des époux [Y] sera déclarée recevable.
Sur le fond
Monsieur et Madame [Y] doivent établir à la fois l'existence de moyens sérieux d'annulation ou de réformation de l'ordonnance et un risque de conséquences manifestement excessives résultant de l'exécution provisoire.
Ainsi que l'a admis Monsieur [K] dans ses conclusions devant le juge des référés, au moment de l'acquisition par les époux [Y] de leur bien immobilier, soit le 9 juin 2020, aucune servitude de passage n'était inscrite au livre foncier au bénéfice des parcelles inscrites à son nom.
Il est constant qu'une rectification est intervenue postérieurement suivant rectification d'office déposée le 26 avril 2021 et requête en inscription déposée le 3 mai 2021, rétablissant une servitude conventionnelle datant de 1923.
Les époux [Y] dont les droits ont été inscrits à la suite d'une requête déposée le 16 juin 2020, signée le 21 août 2020, font ainsi valoir qu'ils ont acquis leurs droits réels avant que les servitudes litigieuses n'apparaissent au livre foncier.
Aux termes de l'article 90 du décret du 7 novembre 2009 relatif au livre foncier, toute inscription ou mention incomplète, incorrecte ou radiée par erreur, est rectifiée ou rétablie avec son ancien rang, sans pouvoir porter préjudice aux tiers qui bénéficient d'un droit ou d'un rang acquis dans l'intervalle.
Le moyen selon lequel les servitudes conventionnelles ne sont opposables aux tiers qu'à compter de leur inscription et que les rectifications intervenues au livre foncier ne peuvent en aucun cas porter préjudice aux tiers qui bénéficient d'un droit acquis dans l'intervalle, afin de préserver la sécurité du livre foncier et des actes juridiques, n'est pas dénué de sérieux et est de nature à faire obstacle à la constatation d'un trouble manifestement illicite.
Par ailleurs, la démolition, sous peine d'astreinte de 100 euros par jour de retard, du mur de clôture de leur propriété, et alors qu'il devrait être reconstruit en cas d'infirmation, présente un risque de conséquences manifestement excessives pour les époux [Y], compte tenu notamment de la modicité de leurs revenus de l'ordre de 2 000 euros par mois, selon l'avis d'impôt sur les revenus établi en 2022.
Il sera donc fait droit à la demande d'arrêt de l'exécution provisoire.
Chaque partie supportera ses propres dépens et l'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de Monsieur [K].
PAR CES MOTIFS
Statuant contradictoirement, après débats en audience publique,
Déclarons la demande des époux [Y] recevable ;
Ordonnons l'arrêt de l'exécution provisoire de l'ordonnance rendue le 13 décembre 2022 par le juge des référés du tribunal judiciaire de Mulhouse ;
Rejetons la demande de Monsieur [B] [K] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons chaque partie à supporter ses propres dépens.
La greffière, La présidente,