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23/02/2023 | FRANCE | N°21/00857

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 23 février 2023, 21/00857


MINUTE N° 92/2023





























Copie exécutoire à



- Me Mathilde SEILLE



- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI



Le 23 février 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 23 Février 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00857 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HQA7r>


Décision déférée à la cour : 30 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de COLMAR





APPELANTE et intimée sur incident :



La S.A.R.L. GPMOTO CULTURE, prise en son établissement secondaire sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant léga...

MINUTE N° 92/2023

Copie exécutoire à

- Me Mathilde SEILLE

- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI

Le 23 février 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 23 Février 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00857 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HQA7

Décision déférée à la cour : 30 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de COLMAR

APPELANTE et intimée sur incident :

La S.A.R.L. GPMOTO CULTURE, prise en son établissement secondaire sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal

ayant siège social [Adresse 3]

représentée par Me Mathilde SEILLE, avocat à la cour.

INTIMÉ et appelant sur incident :

Monsieur [P] [Z]

demeurant [Adresse 4]

représenté par la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 05 Janvier 2023, en audience publique, devant la cour composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La Société GPmoto Culture, exerçant sous le nom commercial « LA BOITE À MOB», est spécialisée dans le commerce de vente et réparation de moto-cycles-quads. Monsieur [O] [R] lui a confié le 28 août 2015 son véhicule quadricycle Terralander 625 blanc de marque CFMOTO pour le revendre par contrat de dépôt vente.

Le 14 décembre 2015, Monsieur [P] [Z] a passé commande dudit véhicule, qui lui a été livré à son domicile sis [Adresse 2] le 20 décembre suivant.

Lors de la livraison, Monsieur [Z] a remis au gérant de la Société GPmoto Culture un chèque du montant total de la commande, soit la somme de 9.278,76 euros.

Par courrier du 21 décembre 2015, M. [Z] écrivait à la société pour lui indiquer annuler sa commande car après la livraison du 20 décembre il avait constaté qu'un voyant rouge était allumé et que le moteur ne tournait que par 'à coups à l'accélération'.

Le chèque de règlement a été rejeté lors de son encaissement le 28 décembre 2015 suite à opposition.

Le 29 décembre 2015, Monsieur [U] [L], gérant de la Société GPmoto Culture a déposé plainte contre Monsieur [P] [Z] pour opposition injustifiée au paiement d'un chèque avec l'intention de porter atteinte aux droits d'autrui. La procédure a fait l'objet d'un classement sans suite.

De son côté, Monsieur [Z] a par le biais de sa protection juridique, fait diligenter une expertise sur le véhicule avant d'assigner le 11 mai 2016 la Société GPmoto Culture devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Mulhouse aux fins de voir ordonner une expertise judiciaire. Cette demande a été rejetée par décision du 12 juillet 2016.

* * *

La Société GPmoto Culture a saisi le tribunal de grande instance de Colmar, par exploit signifié le 5 septembre 2016, aux fins de voir condamner Monsieur [Z] au paiement du prix de vente ainsi qu'au versement de dommages et intérêts pour résistance abusive.

Par ordonnance en date du 10 octobre 2017, le juge de la mise en état a ordonné une expertise et désigné Monsieur [M] pour y procéder. Le rapport d'expertise a été déposé le 2 avril 2019.

Par jugement en date du 30 novembre 2020, le tribunal judiciaire de Colmar a :

- prononcé la résolution de la vente intervenue entre la Société GPmoto Culture et Monsieur [Z] sur le fondement de l'action rédhibitoire,

- condamné Monsieur [Z] à restituer à la Société GPmoto Culture le véhicule,

- condamné la Société GPmoto Culture à payer à Monsieur [Z] la somme de 5.292,90 euros au titre des frais engagés et du préjudice de jouissance,

- condamné la Société GPmoto Culture à payer à Monsieur [Z] la somme de 50 euros par mois sur la période de février 2020 à juin 2020, soit à lui payer la somme de 250 euros au titre des loyers engagés pour entreposer en garage le quad,

- débouté la Société GPmoto Culture de l'intégralité de ses demandes,

- condamné la Société GPmoto Culture à payer à Monsieur [Z] la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- débouté Monsieur [Z] du surplus de ses demandes,

- condamné la Société GPmoto Culture aux dépens, lesquels comprendront le coût de l'expertise judiciaire ordonnée par le juge de la mise en état par décision du 10 octobre 2017,

- ordonné l'exécution provisoire.

Pour fonder sa décision le premier juge a :

' estimé que Monsieur [Z] pouvait articuler sa demande sur l'article 1641 du code civil et suivants car, au regard de l'article 1583 du même code, la vente passée entre les parties devait être considérée comme parfaite, un accord ayant été trouvé par les parties sur le prix et la chose,

' considéré que le rapport d'expertise judiciaire du 2 avril 2019 a démontré l'existence de vices parfois cachés (articulation des trains roulants non serrés correctement, jeu important et anormal du moyeu de la roue à droite, impossibilité au jour de la livraison de dépasser une vitesse de 25 km/h, impossibilité d'utiliser le quad à des fins de déneigement') rendant impropre le véhicule acheté à l'usage auquel il était destiné,

' prononcé la résolution de la vente intervenue entre les deux parties sur le fondement de l'action rédhibitoire et condamné Monsieur [Z] à restituer à la société GPmoto Culture le véhicule en question,

' considéré que Monsieur [Z] démontrait avoir été dans l'obligation d'engager des frais de déplacement et de gardiennage et subi un préjudice de jouissance, estimé à 5 292,90 euros, de sorte qu'il convenait de condamner le vendeur à le rembourser de ladite somme.

La société GPmoto Culture a interjeté appel de cette décision le 8 février 2021.

PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 26 octobre 2021, la société GPmoto Culture demande à la cour de :

INFIRMER le jugement rendu par le Tribunal judiciaire de Colmar le 30 novembre 2020 en toutes ses dispositions,

Et statuant à nouveau,

CONDAMNER Monsieur [Z] à verser à la société GPmoto Culture la somme de 9.278,76 euros correspondant au montant du prix de vente du véhicule, augmentée des frais de retard de 10,5 % annuels à compter de l'assignation en paiement en date du 5 septembre 2016, et de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement en cas de retard de paiement d'un montant de 40 euros,

A titre subsidiaire,

CONDAMNER Monsieur [Z] à verser à la société GPmoto Culture la somme de 8.371,06 euros correspondant au montant du prix de vente du véhicule déduction faite de la somme de 907,70 euros (chiffrage de l'expert des dommages non apparents et de la plaque de police), augmentée des frais de retard de 10,5 % annuels à compter de l'assignation en paiement en date du 5 septembre 2016, et de l'indemnité forfaitaire pour frais de recouvrement en cas de retard de paiement d'un montant de 40 euros,

En tout état de cause,

CONDAMNER Monsieur [Z] à payer à la Société GPmoto Culture une somme de 5.000 euros à titre de dommages et intérêts pour résistance abusive,

DÉBOUTER Monsieur [Z] de toutes demandes, fins et conclusions contraires,

CONDAMNER Monsieur [Z] à payer à la société GPmoto Culture une somme de 5.000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens d'instance et d'appel.

Au soutien de son appel la société fait valoir dans un premier temps qu'elle estime qu'une action pour vice caché serait parfaitement inconcevable juridiquement dans la mesure où le prix de vente n'a pas été réglé par l'acheteur. Du fait de cette absence de règlement du prix, ce serait l'exécution même du contrat qui s'en trouverait affectée. Elle reproche au premier juge d'avoir retenu que « la garantie des vices cachés s'applique dès qu'il y a vente, à savoir, dès qu'il y a échange des consentements sur la chose et sur le prix, cet accord entraînant transfert de propriété ».

En outre la validité même du contrat serait remise en cause dans la mesure où l'opposition au chèque par Monsieur [Z] suggère que celui-ci n'était vraisemblablement pas d'accord sur le prix de vente.

Elle ajoute que si Monsieur [Z] s'était fait « subtiliser le chèque à son insu » comme il l'affirme, il lui appartenait de déposer plainte pour vol, ce qu'il n'avait pas fait, et que, à ce jour, soit plus de 5 ans après la commande, la société GPmoto Culture n'a toujours pas été payée suite à une opposition infondée d'un client peu scrupuleux.

En conséquence, le jugement devrait être infirmé en ce qu'il a prononcé la résolution de la vente intervenue entre la société GPmoto Culture et Monsieur [Z] sur le fondement de l'action rédhibitoire.

Concernant le rapport d'expertise dont les conclusions ont été retenues par le premier juge pour décider de prononcer la résolution de la vente, la société formule les observations critiques suivantes:

- en tout début de page 8 du rapport, l'expert indique que « les jantes comportent des traces de chocs apparents sur leur partie externe » ; or une seule jante présenterait une trace de "griffe", étant précisé qu'il s'agit d'un véhicule d'occasion et tout-terrain,

- les mentions en page 9 (§3) du rapport, « les liaisons des bras supérieurs avant et arrière comportent des jeux excessifs (') L'ensemble des axes des bras de suspension comporte des écrous qui ne sont pas serrés (') Les biellettes droite et gauche de barre stabilisatrice arrière sont desserrées et comportent un jeu excessif » et de la page 11 du rapport (relatives aux axes et écrous) doivent être replacées dans le contexte général, à savoir que Monsieur [Z] dispose du véhicule depuis décembre 2015 et que les conditions dans lesquelles le quad a été conservé sont méconnues,

- concernant les « traces de choc avec enfoncement des protections au niveau du soubassement » évoquées en page 12 §1, il conviendrait de se souvenir qu'il s'agit d'un véhicule tout-terrain et d'occasion ; en outre, il s'agirait incontestablement de dommages apparents au moment de la vente,

- s'agissant de l'absence de graissage récent, celle-ci n'aurait rien d'anormal dans la mesure où la lubrification est prévue tous les 800 km, de même que le contrôle avec remplacement des roulements des moyeux de roues devant être effectué, si besoin, tous les 100 heures, 12 mois ou 1.600 km ; or le véhicule ne présentait que 489,9 km au jour de l'expertise de sorte qu'il y aurait lieu de constater que son entretien a été parfaitement respecté, le terme auquel les remplacements de pièces sus évoqués devaient avoir lieu, n'étant pas atteint.

Quant au serrage des pièces mentionné dans le jugement, l'appelante considère que le juge de première instance aurait dû tenir compte du fait que l'on ignorerait quelles ont été les conditions dans lesquelles le quad avait été conservé. En outre, si la juridiction devait retenir les conclusions du rapport d'expertise, il devait nécessairement être tenu compte, d'une part de ce que le véhicule n'a jamais été payé à la société GPmoto Culture et d'autre part que lorsqu'elle exerce son activité de dépôt-vente, la société ne peut être considérée comme propriétaire du véhicule. Enfin la plupart des défauts relevés par l'expert seraient parfaitement apparents.

Corrélativement, la société estime que M. [Z] lui est redevable - aux termes des dispositions de l'article 1650 du Code civil - du prix de vente de 9.278,76 augmenté des intérêts de retard.

A titre subsidiaire, et si par extraordinaire la cour devait retenir les conclusions de l'expert, Monsieur [Z] devrait être condamné à verser à la société GPmoto Culture la somme de 8.371,06 euros correspondant au montant du prix de vente du véhicule, déduction faite de la somme de 907,70 euros correspondant au chiffrage par l'expert des réparations des dommages non apparents et de la plaque de police.

Enfin la société réclamait - outre 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile - une autre somme de 5 000 euros en dédommagement de la résistance abusive adoptée par Monsieur [Z], qui avait faussement déclaré le vol du chèque rédigé par ses soins et destiné à la demanderesse en paiement du prix du véhicule livré, puis prétexté l'existence de défauts et refusé de restituer le véhicule ou d'en payer le prix. La résistance abusive au paiement du prix dont aurait fait preuve Monsieur [Z] aurait ainsi entaché l'image de la concluante qui s'est vue légitimement réclamer par le déposant le paiement du montant fixé par le contrat de dépôt vente.

Concernant l'appel incident de Monsieur [Z], il y aurait lieu de le rejeter en reprenant l'analyse qui a été faite par le premier juge qui a notamment considéré, sur la base des pièces produites par Monsieur [Z] lui-même, que celui-ci ne justifiait pas de la location d'un local à Madame [Y].

Quant à la location du garage de juillet à janvier 2020 invoquée par Monsieur [Z], ce dernier aurait déjà été indemnisé de ce montant compris dans la somme totale de 5.292,90 euros à laquelle la société GPmoto Culture a été condamnée.

En conséquence, Monsieur [Z] sera déclaré mal fondé en son appel incident et débouté.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 28 juillet 2021, M. [Z] sollicite de la cour de rejeter l'appel principal de la société GPmoto Culture et de confirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions, à l'exclusion des montants alloués au titre des loyers de 50 euros par mois limités de février à juin 2020.

Il formule un appel incident en vue d'obtenir la condamnation de l'appelante à lui régler la somme de 1 920 euros au titre des loyers dus pour la période allant du 1er juillet 2019 à mai 2021, outre une somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

L'intimé réclame aussi la condamnation de GPmoto Culture SARL aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel et de l'appel incident.

Au soutien de son appel incident, Monsieur [Z] indique avoir écrit immédiatement à la société GPmoto Culture pour lui reprocher les conditions dans lesquelles la livraison avait eu lieu le 20 décembre 2015 et l'informer du fait qu'il a constaté la persistance d'un voyant rouge au niveau de tableau de bord et d'un problème de puissance du moteur.

Il faisait référence au rapport d'expertise judiciaire du 2 avril 2019, qui se passerait de tout commentaire tant il était accablant pour le vendeur ; c'est alors à juste titre que la société GPmoto Culture a été condamnée à ui rembourser les frais engagés alors que la vente était résolue, en ce sens que :

- le contrat serait parfait dans la mesure où les parties ont signé un contrat avec accord sur la chose et le prix, en application de l'article 1583 du code civil, l'absence de paiement du prix étant à son sens indifférente à la solution du litige,

- Monsieur [Z] peut alors parfaitement fonder son action sur la notion de vices cachés en application de l'article 1641 du Code Civil, en se fondant simplement sur le rapport d'expertise judiciaire, dont les conclusions ne seraient pas discutables en ce sens que l'expert judiciaire a écrit que le véhicule tel que livré « est dangereux à l'usage sur la voie publique pour la sécurité des usagers » remis à l'acheteur « sans révision ni contrôle », et en ce qu'il s'agissait notamment de « dommages non apparents»,

- Monsieur [Z] ne saurait être qualifié de 'mauvaise foi' alors que toute la responsabilité de l'échec de la vente incombe à GPmoto est allée jusqu'à prétendre que l'action était mal dirigée au motif que le véhicule litigieux n'était qu'en dépôt-vente alors que le contrat passé entre les parties au litige ne le mentionne pas, la facture ayant de surcroît été émise au seul nom de la société GPMoto.

Sur l'appel incident, l'intimé regrette que le premier juge ne lui ait alloué au titre du remboursement des loyers qu'une somme de 50 euros par mois limitée à la période allant du mois de février à juin 2020, alors que Monsieur [P] [Z] a été contraint d'entreposer cet engin en un endroit sécurisé pendant une durée bien plus importante, soit dans un premier temps pendant 14 mois chez Madame [Y] à raison de 55 euros par mois, soit 770 euros, puis dans un second temps à compter du 1er juillet 2019 selon contrat de location avec Monsieur [D] (pièce 25) jusqu'au paiement des montants de la condamnation, soit jusqu'à la saisie-attribution du 6 mai 2021. Au total, c'est une somme de 1 920 euros qui est réclamée à ce titre particulier.

* * *

Par ordonnance du 4 octobre 2022, la présidente de chambre, chargée de la mise en état, a ordonné la clôture de la procédure et renvoyé l'affaire à l'audience du 5 janvier 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIFS DE LA DECISION

1) sur le bien-fondé de la demande de résolution du contrat de vente au titre de la garantie des vices cachés

Le premier juge a rappelé que l'article 1641 du code civil prévoit que le vendeur est tenu de la garantie de la chose à raison des défauts cachés de la chose vendue qui la rendent impropre à l'usage auquel on la destine, ou qui diminuent tellement cet usage, que l'acheteur ne l'aurait pas acquise, ou n'en aurait donné qu'un moindre prix, s'il les avait connus.

Il a également rappelé à juste titre qu'en application de l'article 1583 du code civil, une vente doit être considérée comme parfaite entre les parties, et la propriété acquise de droit à l'acheteur, dès que les parties ont convenu d'un prix et de la chose, et ce quoi que la chose n'ait pas encore été livrée ni le prix payé.

Le tribunal a donc fort logiquement estimé que Monsieur [Z] doit être considéré comme le propriétaire du véhicule litigieux, et donc titulaire de l'action prévue par l'article 1641 du Code civil sus évoqué, la société appelante devant être appréhendée comme le vendeur.

En effet, d'une part il y a bien eu accord entre les parties sur la chose, le quad, et son prix de 9 278,76 euros. Le fait que l'acquéreur ait refusé de verser le solde du prix n'est pas de nature à contrecarrer les dispositions claires de l'article 1583 du code civil, en sachant en outre qu'il ressort de la lecture du dossier que le refus de payer le solde s'expliquait par le souhait de l'acquéreur de contester la validité de la vente 'du fait de la constatation de problèmes techniques' mais en aucun cas ne révélait sa volonté de remettre en cause le prix de 9 278,76 euros.

D'autre part, la société appelante ne saurait prétendre n'être qu'un intermédiaire entre Monsieur [P] [Z] et le propriétaire du véhicule, Monsieur [R], qui lui a confié en août 2015 le quad en question dans le cadre d'une convention de dépôt-vente. À la lecture de la facture d'acquisition du véhicule quad en date du 19 décembre 2015, la société GPmoto Culture apparaît comme étant le seul vendeur, accordant en outre une garantie de trois mois sur le moteur. Par conséquent l'acquéreur ne pouvait imaginer que le véhicule en question avait fait l'objet d'un dépôt-vente, la société GPmoto Culture présentant l'apparence d'être seul vendeur et propriétaire du quad en question.

Il en résulte que l'intimé peut rechercher la responsabilité de la société appelante sur le fondement de l'article 1641 du Code civil.

Le premier juge a fort logiquement fait sien le raisonnement développé par l'expert judiciaire qui a conclu son travail en relevant la présence de plusieurs désordres, parfois apparents (traces de choc sur la carrosserie, sur les jantes, sous le bac de caisse) parfois non apparents qui seront développés plus loin.

S'agissant d'une action fondée sur les vices cachés, seuls les vices non apparents peuvent entrer en compte.

L'expert notait au sujet des vices cachés, la présence d'une première série de pannes, entraînant une limitation de la puissance au niveau de l'accélérateur du moteur et un voyant rouge allumé (au niveau du voyant 'marche arrière'). L'origine de ces désordres résidait dans un mauvais contact au niveau d'une broche du connecteur électrique de la marche arrière ; après démontage de la broche et son nettoyage, cette première panne était résolue.

En revanche l'expert notait l'existence d'une seconde série de désordres bien plus graves, touchant les liaisons des bras supérieurs et inférieurs avant et arrière, avec des jeux excessifs et non conformes ; l'ensemble des axes des bras de suspension comportait des écrous qui n'étaient pas suffisamment serrés, ces écrous se dévissant par une simple action manuelle au niveau des bras supérieurs et inférieurs.

Le juge a alors retenu à juste titre, à l'instar de l'expert, que ces jeux très importants constituent des défauts qui rendent le véhicule impropre à un usage normal dans le respect des règles de sécurité et qu'ils étaient, tout comme l'a été le problème des connexions électriques, dissimulés au moment de la vente.

L'appelante ne saurait affirmer que ces vices sont secondaires alors que l'expert notait que du fait de l'existence de ces deux séries de vices, d'une part la performance du véhicule était insuffisante pour en permettre un usage normal comme engin de déneigement par absence de puissance (alors que Monsieur [P] [Z] l'a acquis à cette fin) et surtout étaient de nature à mettre en jeu la sécurité de son utilisateur car, à court terme, le véhicule présentait le risque de perdre un axe (l'expert écrit à ce sujet «ce véhicule est dangereux à l'usage sur la voie publique pour la sécurité des usagers »).

Les contestations de l'appelante sont d'autant plus surprenantes que le propriétaire du quad qui lui avait confié celui-ci en vue d'être vendu, lui avait demandé de réaliser un certain nombre de vérifications portant notamment sur la question du voyant rouge ' marche arrière' ; en effet le contrat de dépôt vente du 20 août 2015 comporte une mention manuscrite : «A faire : graissage câble de treuil. Batterie. Voyant marche AR (arrière). Fusible à voir'. Cette mention doit être assimilée à un ordre de réparation à effectuer par la société GPmoto Culture préalablement à la mise en vente et surtout imposait au professionnel de remédier au problème avant toute vente.

Dans ces conditions le premier juge a, à juste titre, estimé que Monsieur [P] [Z] rapporte la preuve de ce que les conditions de l'article 1641 du code civil sont remplies, et est en droit d'obtenir la résolution de la vente litigieuse.

Le jugement doit par conséquent être confirmé sur ce point.

2) sur les conséquences de la résolution

À partir du moment ou la vente litigieuse fait l'objet d'une résolution, les demandes émanant de la société en vue d'obtenir, le paiement du solde du prix de vente, ou subsidiairement ce même solde après déduction des frais de réparation, ou encore celui de dommages-intérêts pour résistance abusive de l'acquéreur, ne sauraient être admises. Le jugement doit donc être confirmé sur ces points.

Le premier juge a logiquement ordonné la restitution du quad au profit de la société GPmoto Culture et condamné cette dernière à régler au profit de Monsieur [P] [Z] les sommes de :

' 1 088,50 euros au titre des frais d'assurance,

' 668 euros au titre des frais d'expertise privée,

' 2 586,40 euros au titre des frais de déplacement et de gardiennage,

' 350 euros au titre de la location d'un garage,

pour la période allant de juillet 2019 à janvier 2020 ,

' 600 euros au titre du préjudice de jouissance

'soit une somme de 5292,90 euros, outre 50 euros par mois pour la période allant du 1er février au 30 juin 2020, soit 250 euros au titre de la location d'un garage.

Les parties ne contestent pas l'obligation de restitution du véhicule mise à la charge de Monsieur [P] [Z], néanmoins l'intimé réclame une indemnisation d'un montant supérieur au titre des frais de gardiennage.

Il réclame d'une part une somme de 770 euros au titre des frais de location engagés pendant 14 mois lorsqu'il aurait entreposé le quad chez Madame [Y] ; cependant comme le fait justement remarquer le premier juge, Monsieur [P] [Z] ne justifie toujours pas de l'existence d'un contrat de bail conclu avec Madame [Y], le seul document produit, sa pièce 24, se contentant d'attester de l'existence d'un seul virement de 55 euros en février 2019 au profit de cette dernière.

D'autre part le tribunal avait écarté sa demande du chef de se voir indemniser de la somme de 50 euros qu'il prétend avoir versée mensuellement au titre d'un contrat de bail signé avec Monsieur [D] au motif que Monsieur [P] [Z] n'a pas démontré que cette location se poursuivait au-delà du terme du bail, à savoir le 9 juillet 2020. De manière surprenante, l'intimé ne produit à hauteur d'appel aucun nouveau document de nature à démontrer que ce bail s'est bien poursuivi au-delà du 9 juillet 2020, alors qu'il lui aurait été simple de verser aux débats, soit la preuve des virements réalisés postérieurement à cette date au profit de Monsieur [D], soit - simplement - une attestation émanant de ce dernier.

Dans ces conditions il y aura lieu de confirmer intégralement le jugement et de rejeter l'appel incident.

3) sur les demandes accessoires

Le jugement de première instance statuant sur la question des dépens ' qui inclut les frais d'expertise et d'huissier engagés à l'occasion de la procédure de référé ' et de l'article 700 du code de procédure civile, sera confirmé.

La société, partie succombante principale au sens de l'article 696 code de procédure civile, sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel et à verser à Monsieur [Z] une somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'il a exposés dans le cadre de la procédure d'appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de la Société GPmoto Culture tendant à être indemnisée de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant après en avoir délibéré, publiquement, par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile :

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Colmar le 30 novembre 2020 en toutes ses dispositions

Et y ajoutant

CONDAMNE aux dépens de la procédure d'appel la société GPmoto Culture,

CONDAMNE la société GPmoto Culture à verser à Monsieur [P] [Z] une somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre des frais irrépétibles qu'il a engagés à hauteur d'appel,

REJETTE la demande de la société GPmoto Culture fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/00857
Date de la décision : 23/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-23;21.00857 ?
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