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23/02/2023 | FRANCE | N°21/00769

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 23 février 2023, 21/00769


MINUTE N° 94/2023

























Copie exécutoire à



- Me Loïc RENAUD



- Me Dominique serge BERGMANN





Le 23 février 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 23 Février 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00769 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HP4M



Décisi

on déférée à la cour : 17 Décembre 2020 par le tribunal judiciaire de COLMAR.



APPELANTS en principal et en garantie et intimés sur incident :



1/ Monsieur [W] [D]

demeurant [Adresse 2]



2/ Monsieur [B] [Z]

demeurant [Adresse 4]



3/ Madame [V] [L]

...

MINUTE N° 94/2023

Copie exécutoire à

- Me Loïc RENAUD

- Me Dominique serge BERGMANN

Le 23 février 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 23 Février 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00769 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HP4M

Décision déférée à la cour : 17 Décembre 2020 par le tribunal judiciaire de COLMAR.

APPELANTS en principal et en garantie et intimés sur incident :

1/ Monsieur [W] [D]

demeurant [Adresse 2]

2/ Monsieur [B] [Z]

demeurant [Adresse 4]

3/ Madame [V] [L]

demeurant [Adresse 7]

4/ Madame [S] [Y]

demeurant [Adresse 5]

1 à 4/ représentés par Me Loïc RENAUD, avocat à la cour.

INTIMÉS, appelés en garantie et appelants sur incident :

1/ Monsieur [U] [K]

demeurant [Adresse 1]

2/ Monsieur [E] [A]

demeurant [Adresse 9]

INTIMÉE et appelante sur incident :

3/ La S.C.I. PRINCETON MEDICAL Prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 6]

représentés par Me Dominique serge BERGMANN, avocat à la cour.

INTIMÉE :

La Société CENTRE DE REEDUCATION FONCTIONNELLE PRINCETON, prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 3]

assignée le 17 mai 2021 à personne morale, n'ayant pas constitué avocat.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 05 Janvier 2023, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, président de chambre, et Madame Myriam DENORT, conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre,

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre,

Madame Myriam DENORT, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT réputé contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Les docteurs [U] [K] et [E] [A] ont constitué ensemble une Société Civile Immobilière dénommée Princeton Medical selon acte du 13 décembre 1988 ainsi qu'une Société Civile de Moyens dénommée Centre de Rééducation Fonctionnelle le Princeton le 11 juin 1989.

La SCI Princeton Medical avait pour objet de donner à bail à la SCM Centre de Rééducation Fonctionnelle le Princeton des locaux situés au deuxième étage du bâtiment situé [Adresse 8].

Mesdames [V] [L] et [S] [Y] ainsi que messieurs [W] [D] et [B] [Z] sont entrés au capital de la SCM Princeton respectivement en 1994, 1996, 2003 et 2006 pour pouvoir développer leur activité de kinésithérapeutes.

A compter du mois de mars 2009, suite à leur placement sous contrôle judiciaire, les docteurs [U] [K] et [E] [A] se sont vus interdire l'exercice de leur profession dans les locaux de la SCM Princeton, celle-ci étant représentée dès lors par un administrateur provisoire en la personne de Maître [F].

Par arrêt de la chambre correctionnelle de la cour d'appel de Colmar du 28 mai 2015, messieurs [U] [K] et [E] [A] ont été condamnés à 18 mois de prison avec sursis, outre 25 000 euros d'amende chacun et interdiction d'exercer leur activité professionnelle de médecin pendant un an.

Dans le cadre d'une procédure civile parallèle, par arrêt du 11 mai 2016, la chambre civile de la cour d'appel de Colmar a jugé que ' de par leur comportement fautif - les docteurs [A] et [K] avaient dû quitter en mars 2009 la SCM Princeton et que du fait de ce départ ils n'avaient pas rempli leur obligation statutaire tendant à améliorer ou accroître les résultats

des activités exercées au sein de la SCM Princeton en valorisant les services rendus à la clientèle. Ce faisant, la cour a estimé que les médecins avaient commis une faute générant pour les associés kinésithérapeutes de la SCM Princeton un préjudice qu'ils devaient indemniser. Cette décision est définitive, puisque par arrêt en date du 5 juillet 2017, la Cour de cassation a rejeté le pourvoi que messieurs [A] et [K] avaient formé.

* * *

C'est dans ce contexte que la SCI Princeton Medical, représentée par son gérant monsieur [A], a fait citer devant le tribunal d'instance de Colmar la SCM Princeton, mesdames [V] [L] et [S] [Y] ainsi que messieurs [B] [Z] et [W] [D]. Par jugement du 21 décembre 2016, ledit tribunal d'instance s'est déclaré incompétent au profit du tribunal de grande instance de Colmar et lui a renvoyé le dossier.

Par acte introductif d'instance du 26 août 2019, mesdames [V] [L] et [S] [Y] ainsi que messieurs [B] [Z] et [W] [D] ont appelé en intervention forcée messieurs [U] [K] et [E] [A], cette instance ayant ensuite été jointe à l'instance principale selon ordonnance du juge de la mise en état du 15 octobre 2019.

Dans son jugement du 17 décembre 2020, le tribunal judiciaire de Colmar, après avoir rappelé à titre liminaire que «les dires et constatations » n'étaient pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, a déclaré le jugement commun et opposable aux consorts [L], [Y], [Z] et [D] ainsi qu'à Messieurs [U] [K] et [E] [A], puis a condamné la SCM Princeton à verser à la SCI Princeton Medical une somme de 116 715,95 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation dus pour la période allant du 25 mars 2009 au 15 novembre 2012, outre les intérêts au taux légal à compter du 21 août 2013.

La juridiction a toutefois débouté la SCI Princeton Medical de sa demande indemnitaire au titre des frais de remise en état.

La SCM Princeton a aussi été condamnée à verser à la SCI Princeton Medical une somme de 2 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile tandis que les consorts [L], [Y], [Z] et [D], ainsi que Messieurs [U] [K] et [E] [A], ont été déboutés de leur demande à ce titre.

L'exécution provisoire du jugement a été ordonnée, la SCM Princeton étant condamnée aux entiers dépens de l'instance.

Après avoir rappelé que les demandes de « dire et constatations » ne constituent pas des prétentions au sens de l'article 4 du code de procédure civile, le juge a indiqué qu'il ne statuerait pas sur les demandes des kinésithérapeutes. Il s'agissait des prétentions en vue de :

' « Dire et juger que la participation aux dettes sociales de la SCM Centre de Rééducation Fonctionnelle le Princeton et des kinésithérapeutes )'( a pris fin le jour du retrait forcé des appelés en déclaration de jugement de la SCM )'( soit le 10 janvier 2011),

' Dire et juger que les kinésithérapeutes ne sont tenus à aucune participation aux loyers ou à tout autre indemnité d'occupation dont la SCM Centre de rééducation Fonctionnelle le Princeton serait redevable envers la SCI Princeton medical pour la période postérieure au 10 janvier 2011,

' Dire et juger qu'en s'opposant à la dissolution de la SCM Centre de Rééducation Fonctionnelle le Princeton après le 25 mars 2009, alors que l'objet de la SCM avait disparu en raison des délits commis par les docteurs [K] et [A], ces derniers ont alourdi inutilement les loyers en charge dus par la SCM Centre de Rééducation Fonctionnelle le Princeton à la SCI le Princeton medical entre le 25 mars 2009 et le 10 janvier 2011, et qu'ils seront seuls tenus de supporter lesdits loyers et charges dus après le 25 mars 2009,

' Donner acte aux appelés en déclaration de jugement commun que dans le cas des opérations de liquidation de la SCM, ils rechercheront la responsabilité du docteur [K] dans l'hypothèse où le tribunal devait admettre que les loyers n'auraient pas été payés et que les locaux n'auraient pas été évacués immédiatement ».

Le juge a ainsi décidé qu'il n'allait examiner que les prétentions en lien avec la créance de la SCI au titre des loyers, indemnités d'occupation et frais de remise en état.

Au fond, pour justifier sa décision, le premier juge a estimé - concernant la créance réclamée par la SCI au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation - que les locaux n'ont été libérés qu'à la date de l'enlèvement effectif des meubles, soit le 15 novembre 2012, et qu'il est indifférent que ce matériel ait garni les pièces affectées aux kinésithérapeutes ou non, dès lors que les meubles appartenaient à la SCM.

Le juge en a déduit que chaque associé de la SCM avait la faculté de se charger de l'enlèvement de ces biens et que c'est en réalité la mésentente entre les associés qui a conduit à une situation de blocage ayant différé l'évacuation des meubles. Le juge notait que les annexes de la SCI demanderesse démontraient que plusieurs demandes avaient été adressées par son gérant en direction des kinésithérapeutes pour que ces derniers viennent vider les locaux qui leur étaient affectés, cette demande ayant également fait l'objet d'une résolution en cours de l'assemblée générale du 29 juin 2011 qui a été rejetée par le collège des kinésithérapeutes.

Pour écarter la demande de la SCI portant sur les frais de remise en état des locaux, le juge a considéré que cette dernière ne produisait pas aux débats de document permettant d'établir quel avait été l'état des lieux à l'entrée et à la sortie de la SCM. Il notait également que la facture du 3 octobre 2013 produite à l'appui de la demande de la SCI n'avait pas pour objet une remise en état des lieux, mais sa transformation de locaux professionnels en locaux destinés à l'habitation.

C'est la décision entreprise, puisque mesdames [V] [L] et [S] [Y] et messieurs [B] [Z] et [W] [D] ont interjeté appel du jugement selon déclaration dématérialisée en date du 3 février 2021.

PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 15 novembre 2022, les appelants demandent à la cour de :

JUGER recevable et bien-fondé leur appel,

INFIRMER le jugement entrepris

- en ce qu'il a condamné la SCM Centre de Rééducation Fonctionnelle Princeton à verser à la SCI Princeton Medical une somme de :

*116 715,95 euros au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation dus du 25 mars 2009 au 15 novembre 2012, outre intérêt au taux légal à compter du 21 août 2013,

* 2000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- en ce qu'il a débouté mesdames [V] [L] et [S] [Y] et messieurs [B] [Z] et [W] [D] de leur demande au titre des frais irrépétibles et condamné la SCM Centre de Rééducation Fonctionnelle Princeton aux entiers dépens de l'instance.

Et statuant à nouveau de,

DEBOUTER la SCM Centre de Rééducation Fonctionnelle Princeton de ses demandes,

CONDAMNER la SCI Princeton Medical à payer à Mesdames [V] [L] et [S] [Y] et Messieurs [B] [Z] et [W] [D] la somme de 5 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance,

CONDAMNER Messieurs [U] [K] et [E] [A] à payer la somme de 5 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile à mesdames [V] [L] et [S] [Y] et messieurs [B] [Z] et [W] [D] pour les procédures de première instance,

CONDAMNER la SCI le Princeton Medical aux entiers dépens des procédures de première,

Subsidiairement,

CONDAMNER messieurs [U] [K] et [E] [A] à garantir mesdames [V] [L] et [S] [Y] ainsi que messieurs [B] [Z] et [W] [D] de leur quote-part respective de toutes sommes mises à la charge de la SCM Centre de Rééducation Fonctionnelle Princeton au titre des loyers, charges et indemnités d'occupation et toutes indemnités et dépens liés à la présente procédure,

En tout état de cause,

CONFIRMER le jugement entrepris pour le surplus,

REJETER l'appel incident de la SCI Princeton Medical comme non fondé,

CONDAMNER in solidum messieurs [U] [K] et [E] [A], la SCI Princeton Medical et la SCM Centre de Rééducation Fonctionnelle Princeton à leur verser la somme de 3 000 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure d'appel ainsi qu'aux entiers dépens.

Reprenant l'historique des faits, les appelants indiquent que les accusations portées à l'encontre de messieurs [U] [K] et [E] [A] dès 2009 se sont révélées fondées et ont entraîné une perte considérable pour les quatre kinésithérapeutes ; leur chiffre d'affaires se serait effondré tandis que les charges de la SCM Princeton restaient stables. Parmi ces charges, figurait le loyer dû par la SCM Princeton à la SCI Princeton Medical selon bail conclu le 15 septembre 1989.

Ils reprochent au tribunal judiciaire de Colmar ne pas avoir statué en ce qui concerne leur demande tendant à ce que messieurs [U] [K] et [E] [A] soient condamnés à supporter seuls les loyers et charges dus par la SCM Princeton à la SCI Princeton après le 25 mars 2009.

Ils estiment que le tribunal judiciaire a refusé à tort de statuer sur cette demande en faisant référence à l'article 4 du code de procédure civile ; leur demande aurait dû être appréhendée comme une demande de condamnation de messieurs [K] et [A] à garantir les kinésithérapeutes de toute condamnation prononcée à l'encontre de la SCM.

Cette condamnation à les garantir serait, à leur sens, justifiée par le fait que les gérants ont commis des fautes détachables de leurs fonctions en :

- décidant sciemment de ne pas acquitter les loyers dus par la SCM au profit de la SCI dont ils étaient également les cogérants et seuls associés,

- poursuivant artificiellement le bail et en s'abstenant de le dénoncer dès le mois de mars 2009 alors qu'ils savaient que les locaux étaient vides,

- s'abstenant de prendre la décision de faire évacuer le mobilier résiduel des locaux pour mettre rapidement un terme au bail ; contrairement à la motivation du jugement sur ce point, il n'appartenait pas à chacun des associés de prendre cette décision qui incombait au seul gérant.

Concernant les loyers impayés du 25 mars 2009 au 11 janvier 2011 de 19 909,38 euros, les appelants soutiennent que le décompte présenté par la SCM ne constitue pas une preuve du bien-fondé de la demande de la SCI Princeton, précision faite que les médecins sont les gérants des deux sociétés ; la juridiction devrait constater l'existence d'une collusion entre les docteurs [A] et [K] et ce au détriment des kinésithérapeutes. Le gérant de la SCI, monsieur [A], devrait expliquer pourquoi le bail a pu continuer de courir alors que les deux locataires principaux, les docteurs [A] et [K] s'étaient installés ailleurs dès mars 2009 laissant les locaux loués par la SCM vides, comme l'a retenu la cour d'appel dans son arrêt du 11 mai 2016.

En outre, l'assemblée générale de la SCM du 29 juin 2011 a approuvé la résolution qui constatait que les recettes couvraient bien les dépenses, ce qui infirme les allégations de l'existence d'un impayé.

Concernant les indemnités d'occupation mises en compte après le 11 janvier 2011 de 80 838,42 euros, ils indiquent que c'est la SCI Princeton qui aurait décidé seule de continuer de mettre en compte des indemnités d'occupation au motif fallacieux que du matériel, prétendument propriété des kinésithérapeutes, n'aurait pas été enlevé des lieux ; les appelants contestent le fait que ce matériel ait été leur propriété et s'étonnent de ce que la SCI Princeton n'ait jamais mis en demeure la SCM d'évacuer les lieux ni de procéder à un quelconque état des lieux de sortie. En tout état de cause, la cour d'appel dans son arrêt du 11 mai 2016 a dit que « les locaux loués par la SCM sont vides », de sorte que le tribunal judiciaire de Colmar ne pouvait contredire cette affirmation qui a autorité de la chose jugée. Les appelants estiment que ce sont les docteurs [K] et [A], qui ont toujours conservé accès aux locaux, qui ont pu ramener des meubles afin de pouvoir déclencher la présente procédure qui ne servirait indirectement que leurs seuls intérêts.

Concernant les charges locatives pour la période allant de 2009 au 15 novembre 2012 à hauteur de 15 968,07 euros, les appelants affirment ne pas comprendre les raisons de cette demande alors que le rapport de gérance de la SCM (annexe 22 de la SCM) attesterait de ce que les recettes couvraient les dépenses et qu'aucun incident de règlement du loyer ou des charges dues à la SCI n'a eu cours ; le décompte de cette prétendue créance présentée par la SCI à la SCM devrait être analysé comme une tentative de faire preuve à soi-même. S'il n'y a pas eu évacuation des lieux c'est que les cogérants, messieurs [K] et [A] n'ont pas rempli leur rôle.

De manière générale, les appelants contestent les allégations des docteurs [K] et [A] selon lesquelles ces derniers auraient continué de payer leur contribution aux frais de la SCM. Ils contestent également l'analyse faite par la SCI selon laquelle les kinésithérapeutes s'étaient opposés à la libération des locaux, opposition manifestée par le fait qu'ils avaient voté contre l'adoption des 6ème, 7ème et 8ème résolutions présentées lors de l'assemblée générale du 29 juin 2011.

Concernant les deux premières résolutions (7 et 8), les appelants indiquent s'y être opposés car ils ne voulaient pas voir désigner monsieur [K] en tant que liquidateur amiable, alors même qu'ils avaient déjà fait valoir leur droit de retrait.

S'agissant de la 6ème résolution, les kinésithérapeutes affirment l'avoir refusée car ils n'acceptaient pas ses termes selon lesquelles « les locaux de la société (') sont à ce jour toujours occupés par du matériel et du mobilier appartenant au collège des masseurs kinésithérapeutes ».

Concernant l'appel incident de la SCI Princeton, les appelants estiment qu'il convient de se référer à la motivation pertinente du jugement de première instance et de se rappeler qu'aucun état des lieux d'entrée n'a été établi de sorte qu'il est impossible de dire si les locaux étaient nus ou non lors de la prise d'effet du bail.

En outre, aucune clause du bail ne prévoirait la possibilité pour le bailleur d'exiger du preneur qu'il remette les lieux dans leur état initial, sachant que si des travaux d'aménagement ont été exécutés par la SCM sans l'accord de la SCI, cette dernière devrait le prouver ce qui ne serait pas le cas en l'espèce.

* * *

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 25 août 2022, MM. [K], [A] et la SCI Princeton Medical demandent à la cour de rejeter l'appel principal des consorts [L], [Y], [Z] et [D] et de confirmer le jugement du 17 décembre 2020 en tant qu'il a condamné la société civile de moyens Centre de Rééducation Fonctionnelle le Princeton à payer à la SCI Princeton Medical la somme de 116 715,95 euros au titre des loyers et des indemnités d'occupation impayés, avec intérêts légaux à compter de l'assignation valant mise en demeure et de confirmer également le jugement en tant qu'il a rejeté la demande des kinésithérapeutes tendant à condamner messieurs [K] et [A] à les garantir de leur quote-part de toute somme mise à la charge de la SCM.

En revanche, ils concluent à l'infirmation du jugement en ce qu'il a rejeté la demande de la SCI au titre des frais de remise en état, et à ce que la cour, statuant à nouveau, condamne la société civile de moyens Centre de Rééducation Fonctionnelle le Princeton à lui verser la somme de 69 413,04 euros.

En tout état de cause, les intimés réclament la condamnation de la société civile de moyens Centre de Rééducation Fonctionnelle Le Princeton ' outre aux dépens - à lui régler une somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du C.P.C.

Les intimés rappellent que les quatre kinésithérapeutes appelants ont fait part de leur retrait de la société civile de moyens par courrier du 11 janvier 2010. Ne pouvant exercer dans les locaux, les docteurs [A] et [K] ont également exercé leur droit de retrait selon courrier du 7 mai 2010. Consécutivement au retrait de tous les associés de la société civile de moyens, son gérant a résilié le bail professionnel selon courrier du 23 juillet 2010.

Cependant, les intimés affirment que les locaux n'ont pas été libérés par les kinésithérapeutes au terme du préavis prévu au contrat qui prenait fin le 11 janvier 2011. Ce n'est que le 15 novembre 2012 que les locaux ont été définitivement vidés du mobilier résiduel appartenant aux kinésithérapeutes.

Dans ce contexte, les intimés estiment que la SCM est redevable des loyers qui étaient dus au terme du préavis du 11 janvier 2011, soit 19 909,38 euros, mais également des indemnités d'occupation dues calculées jusqu'à la libération des locaux.

Les kinésithérapeutes appelants ne sauraient reprocher aux médecins une baisse des actes ; il ne s'agirait pas là du sujet et une décision a d'ores et déjà été rendue sur cette question dans une procédure parallèle. Les intimés estiment que la présente procédure s'inscrit uniquement dans le cadre d'une relation entre une société propriétaire, la SCI Princeton et une société locataire, la SCM.

Les trois intimés considèrent qu'il est de jurisprudence constante qu'un locataire qui a conservé ses biens meubles dans l'immeuble loué ne peut être considéré comme ayant restitué les locaux. Ils font référence à plusieurs procès-verbaux de constat d'huissier, établis notamment le 4 mai 2011, prouvant la présence dans les lieux de mobiliers appartenant aux kinésithérapeutes, et ce en dépit du fait que chacun d'eux a reçu le 23 février 2011 un courrier du gérant de la SCI les informant de la présence dans les locaux de matériel appartenant à un tiers et de la poursuite du loyer. En outre lorsqu'ils ont été convoqués à l'assemblée générale mixte du 29 juin 2011 était joint un rapport de la gérance dans lequel était évoquée la question de l'enlèvement du matériel encore en place. Or lors de cette assemblée, ce point a été évoqué et les kinésithérapeutes s'y seraient opposés.

Les kinésithérapeutes appelants ne sauraient soutenir que le matériel demeurant sur place ne concernait pas leur activité, alors que les constats d'huissier dressés et les planches photographiques produites en annexe 25 démontreraient le contraire.

Ce n'est que le 15 novembre 2012 que le gérant de la SCI a fait évacuer par une entreprise spécialisée l'ensemble des effets encombrant les locaux.

Le décompte produit démontrerait l'existence de la créance découlant du non-paiement des 3823 euros de loyers mensuels. Quant à la période allant du 11 janvier 2011 jusqu'à la libération définitive des lieux le 15 novembre 2012 (soit 21 mois et quatre jours), elle donnerait à la SCI le droit de percevoir une indemnité d'occupation de 80 838,42 euros calculée en référence au montant du loyer.

Enfin, l'analyse de la pièce 17 permettrait, selon les intimés, de démontrer l'existence d'un arriéré de charges locatives pour la période du 1er janvier 2009 au 15 novembre 2012 d'un montant de 15 968,07 euros.

Les intimés contestent également les développements des kinésithérapeutes selon lesquels les docteurs [A] et [K] auraient commis des fautes détachables de leurs fonctions de gérants. En tout état de cause, cette question aurait déjà fait l'objet de débats judiciaires aux termes desquels une décision a été rendue par la cour d'appel de Colmar le 11 mai 2016.

Aucune collusion ne saurait être reprochée aux médecins ; le schéma juridique présent au dossier serait classique, à savoir que les deux médecins ont constitué une SCI pour acquérir des locaux professionnels dans lesquels ils souhaitaient exercer leur profession, et parallèlement, pour faciliter cet exercice, ils ont créé une SCM qui avait loué les locaux appartenant à la SCI.

Par ailleurs, les comptes avaient été confiés à un expert-comptable, le cabinet Cofime de Colmar.

Dans ces conditions, les intimés ne comprennent pas pourquoi ils devraient être les seuls à prendre en charge les loyers et indemnités d'occupation dus par la SCM ; il ne saurait leur être reproché de ne pas avoir versé de loyers alors que les autres membres de la société, les kinésithérapeutes, auraient cessé toute contribution.

Les intimés affirment que seuls les docteurs [K] et [A] ont continué à verser leurs contributions à la SCM ce qui a notamment permis de payer le licenciement du personnel du collège des kinésithérapeutes et dénoncent l'attitude du collège des masseurs kinésithérapeutes qui, lors de l'assemblée générale du 29 juin 2011, s'est opposé à l'adoption des délibérations numéros 6, 7 et 8 qui portaient sur la question de l'occupation des locaux.

De manière générale, les intimés estiment que les kinésithérapeutes se sont désintéressés du sort de la SCM de sorte que ce sont messieurs [K] et [A] qui ont dû saisir le 9 mars 2021 le tribunal judiciaire de Colmar en vue d'obtenir la dissolution judiciaire de la SCM.

Le jugement devrait donc être confirmé sur ces points tout comme lorsqu'il a déclaré la décision commune et opposable aux quatre kinésithérapeutes ; en effet, la dette locative de la SCM est un passif pour lequel ils seront personnellement tenus à hauteur de leur participation dans le capital social.

Concernant leur appel incident, les intimés considèrent que la SCI est en droit d'obtenir une indemnisation à hauteur de 69 413,04 euros au titre des travaux qu'elle a dû faire réaliser.

Ils font référence à la pièce 32 qui démontrerait qu'au moment de la vente en l'état futur d'achèvement du 5 janvier 1989 des locaux litigieux, la SCI Princeton s'était portée acquéreur de locaux « bruts de décoffrage ». Le montant réclamé ne correspondrait qu'à des travaux de démolition et de dépose, mais en aucun cas de transformation en locaux d'habitation entrepris ultérieurement.

* * *

La SCM Centre de Rééducation Fonctionnelle Princeton se voyait signifier la déclaration d'appel et les conclusions afférentes en la personne de son gérant (monsieur [K]) le 17 mai 2021. Elle ne constituait pas avocat.

* * *

Par ordonnance du 6 décembre 2022, la Présidente de chambre, chargée de la mise en état, a ordonné la clôture de la procédure et renvoyé l'affaire à l'audience du 5 janvier 2023.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIVATION

1) sur la créance de la SCI Princeton

1-1) Sur un rappel de contexte et l'appel à la cause des kinésithérapeutes et médecins

Le contexte particulier du dossier doit être rappelé au préalable ; les docteurs [K] et [A] étaient associés des structures en litige que sont la SCI et SCM mais surtout leurs représentants légaux, puisque le Dr [K] et le Dr [A] étaient cogérants de la SCM et de la SCI.

Les kinésithérapeutes ont toujours fait part de leur crainte d'être victimes d'une collusion d'intérêts, estimant que l'intérêt personnel des médecins prévaudrait dans les décisions prises par la SCI, notamment à l'occasion du présent litige. Il est à noter qu'en première instance, la SCM qui était alors partie présente (ce qui n'est plus le cas à hauteur d'appel), n'avait pas contesté les demandes de la SCI puisqu'elle s'était contentée de s'en remettre à prudence de justice.

Il est aussi indéniable à l'examen du dossier, qu'il existe un fort antagonisme entre, d'un côté les deux médecins, et de l'autre, les kinésithérapeutes. Aux termes de l'arrêt de la cour d'appel de Colmar en date du 11 mai 2016, messieurs [E] [A] et [U] [K] ont été condamnés à verser des dommages et intérêts au profit des quatre kinésithérapeutes, soit 13 933.68 euros à Mme [L], 22 000 euros à madame [S] [Y], 17 990,56 euros à monsieur [B] [Z] et 17 244,90 euros à monsieur [W] [D].

C'est dans ce contexte que les docteurs [U] [K] et [E] [A] ont été appelés à la cause, de sorte que la décision de première instance a été déclarée, à juste titre, commune et opposable non seulement aux quatre kinésithérapeutes, mais aussi aux deux médecins.

Elle sera dès lors confirmée sur ce point.

1-2) Sur le solde de loyer

Le bail passé entre la SCM et la SCI a été résilié par courrier du 23 juillet 2010 avec effet « au jour du retrait du dernier des associés masseurs kinésithérapeutes de la SCM, soit le 11 janvier 2011» (annexe 8 à 10 de la SCI). Cette dénonciation du bail a été réceptionnée par la SCI qui en a pris acte dans un courrier signé par le docteur [A] (annexe 11).

L'intimée a obtenu du premier juge la condamnation de la SCM à lui verser une somme de 19 909,38 euros au titre du solde des loyers dus jusqu'à la fin du bail, soit le 11 janvier 2011, le tribunal ayant motivé sa décision en faisant référence à un décompte portant sur la période du 25 mars 2009 au 11 janvier 2011 (annexe 7 de la SCI).

Or l'annexe 7 sus évoquée est un document établi par la SCI, daté du 31 décembre 2010, qui a été adressé à la SCM, qui indique que les loyers n'auraient plus été réglés en leur intégralité à partir de l'année 2010.

Cependant, force est de constater que la teneur de ce document établi par la SCI, qui ne comporte pas la signature de son gérant (M. [A]), n'est corroborée par aucun document comptable émanant de l'expert-comptable. Il est donc dépourvu de valeur probante suffisante pour établir l'existence d'une dette locative qui est contestée.

En outre, la teneur de ce décompte va à l'encontre de la deuxième résolution adoptée lors de l'assemblée générale mixte de la SCM du 29 juin 2011 qui précise que « l'assemblée générale constate, compte tenu de l'activité de la société (mise à disposition de moyens) que les recettes (remboursement de frais des associés) couvrent les dépenses » (annexe 23 p 1), ce qui laisse à penser que les loyers des années précédentes ont été réglés, et infirme donc les allégations de la SCI.

Dans ces conditions, la SCI ne démontre pas l'existence de cette dette locative, de sorte qu'il y a lieu d'infirmer le premier jugement en ce qu'il a condamné la SCM à verser une somme de 19 909,38 euros au titre d'un prétendu solde de loyers, et de la débouter de sa demande.

1-3) Sur l'indemnité d'occupation

La SCI intimée réclame le paiement d'indemnités d'occupation à la charge de la SCM en se référant à la teneur des procès-verbaux établis par Me [M], huissier de justice, les 4 mai 2011 et 12 mars 2012. Il lui appartient de démontrer que la SCM n'a pas libéré les locaux.

Dans le premier procès-verbal de constat daté du 4 mai 2011 (annexe 12 des intimés), l'huissier de justice rappelle qu'il a été requis à la demande de la SCI Princeton III et de la SCI Princeton Medical, toutes deux représentées par monsieur [A]. Le gérant de ces deux entités lui a alors exposé que la SCI Princeton III est propriétaire d'un ensemble de locaux sis au premier niveau de l'immeuble [Adresse 6], et que la SCI Princeton Medical est propriétaire des bureaux situés au second niveau de ce même immeuble. Le gérant indiquait que « ces locaux ont été libérés par leurs occupants, qui cependant y ont délaissé un ensemble de mobiliers divers, et effectué des travaux de cloisonnement » sans donner aucune précision quant à l'existence d'un contrat de location ou quant à l'identité des occupants de ces locaux.

Ce n'est qu'à l'occasion de l'établissement, un an plus tard du procès-verbal de constat du 12 mars 2012 (annexe 13 des intimés), que l'huissier requis à la demande des SCI Princeton III et SCI Princeton Medical, obtenait de la part du gérant Monsieur [A] des explications concernant la situation des locaux ; en effet le gérant indiquait à l'huissier que :

- les locaux du premier niveau avaient été donnés en location par la société Princeton III aux deux Selarl respectives des docteurs [K] et [A],

- une quote-part des bureaux sis au second niveau avait été louée par la SCI Princeton Medical à la Selarl du docteur [K], une autre quote-part l'ayant été au profit de la Selarl du docteur [A].

Il est intéressant de noter qu'à aucun moment le gérant des deux SCI n'évoquait à l'huissier la location des locaux du deuxième étage au profit de la SCM mise en cause.

Si à l'occasion de ses opérations, l'huissier constatait la présence de nombreux matériels et mobiliers, tant au premier étage (qui avait été exclusivement dédié aux médecins cogérants de la SCM et des SCI Princeton III et Princeton Medical), qu'au second étage, la lecture de ces deux procès-verbaux ne permet pas de déterminer si les objets présents au deuxième étage des locaux de la SCI appartenaient à la SCM, voire aux quatre kinésithérapeutes à titre personnel, et donc de démontrer que la SCM n'a pas libéré les locaux de ses meubles.

En deuxième lieu, les intimés ne sauraient prétendre que les kinésithérapeutes ont sciemment refusé de vider les locaux en s'opposant à l'adoption des résolutions 6, 7 et 8 qui étaient proposées au vote de l'assemblée générale du 29 juin 2011 (annexe 23 des intimés), alors que ces derniers expliquent de manière tout à fait cohérente qu'ils ont refusé de les adopter car la résolution 6 partait du présupposé que les locaux étaient toujours occupés par les kinésithérapeutes, ce qu'ils ont toujours contesté. Il était donc logique que ces derniers, contestant la réalité de cette occupation, votent contre.

Enfin les courriers adressés au mois de février 2011 par la SCI aux différents kinésithérapeutes (annexes 41 à 44) dans lesquels il leur est reproché de ne pas avoir mis l'alarme en quittant les lieux, de ne pas avoir transmis le code d'alarme au gérant de la SCI, ou encore de ne pas avoir restitué un matériel prêté par un tiers (M. [X]), ne sont pas davantage de nature à démontrer que les objets présents dans les locaux leur appartenaient, ou étaient la propriété de la SCM.

En troisième lieu, la situation juridique était telle, qu'il était nécessaire pour les gérants de la SCI et de la SCM, pour délimiter les droits et obligations des deux entités et éventuellement de leurs actionnaires de veiller à établir et tenir à jour un inventaire des meubles de chacun et de réaliser un procès-verbal d'état des lieux à l'entrée et à la sortie lorsque la SCM s'est installée dans les locaux sans quoi il est impossible de déterminer qui est propriétaire du mobilier présent.

Enfin, la SCI ne démontre pas avoir mis en demeure la SCM d'avoir à vider les locaux ; en effet les courriers que la SCI lui a adressés ne portaient que sur la question de la date à laquelle pouvait être fixée la fin du bail, ou encore sur des décomptes de loyers ou des charges locatives (courriers des 31 décembre 2010 en annexe 7, 17 décembre 2012 en annexe 17, 23 décembre 2012 en annexe 18).

Quant au courrier que la SCI a adressé aux quatre kinésithérapeutes le 23 février 2011 (annexes 41 à 44) dont il a déjà été fait état plus haut, il ne précisait nullement que la SCM avait été sommée de libérer les lieux, se contentant juste d'avancer que « le loyer continue de courir'».

Ce courrier ne saurait pallier l'absence d'une mise en demeure en bonne et due forme adressée à la SCM, et ne permet au demeurant pas d'établir que le matériel laissé sur place appartient effectivement à la SCM.

Dans ces conditions, la cour estime que les intimés ne démontrent pas que la SCM a continué à occuper lesdits locaux après la fin de bail en y laissant du matériel dont elle était propriétaire, alors même que les intimés reconnaissent que les locaux ont été reloués dès février 2011 aux Selarl des médecins.

Le premier juge, qui a estimé que chacun des associés de la SCM avait la faculté de se charger d'enlever ses biens, n'a cependant pas perçu la difficulté résultant du fait que les associés n'étaient pas à même de se charger de l'enlèvement de biens présents dans les locaux ne leur appartenant pas, et pour lesquels ils ignoraient l'identité du propriétaire (SCM, SCI) sous peine de se voir reprocher une appropriation indue.

Comme indiqué plus haut, à défaut d'inventaire précis des meubles appartenant, à la SCI, à la SCM, voire aux associés à titre personnel, il n'est guère possible de considérer que la SCM et ses associés ont failli à leur obligation de libérer les locaux, ou même d'estimer que la totalité des meubles dont la présence a été constatée au deuxième étage du bâtiment par l'huissier le 4 mai 2011 et le 12 mars 2012 appartenait exclusivement à la SCM et/ou à ses associés kinésithérapeutes.

Le jugement sera dès lors infirmé sur le point qui portait sur l'indemnité d'occupation mise à la charge de la SCM à hauteur de 80 838,42 euros, la demande étant rejetée.

1-4) sur les charges locatives

Les appelants ont été condamnés à verser à la SCI, au titre des charges locatives pour la période du 1erjanvier 2009 au 15 novembre 2012, une somme de 15 968,07 euros.

Le premier juge a accordé cette somme sans justifier sa décision, puisqu'il ne consacre dans sa motivation aucun développement à cette demande particulière.

A partir du moment où la cour estime que les appelants ne sont pas redevables d'une indemnité d'occupation à partir de la fin du bail, soit du 11 janvier 2011, seules les charges afférentes à la période antérieure à cette date peuvent leur être réclamées, si elles sont justifiées.

Or, pour justifier sa demande, la SCI produit l'annexe 17, à savoir un document qu'elle a établi intitulé « Décomptes charges locatives » reprenant le montant des charges locatives qu'elle réclame sur la période allant du 1er janvier 2009 au 15 novembre 2012, ainsi que les annexes 37 à 39 constituées des appels trimestriels des charges (37) et des récapitulatifs des charges présentées par titres (38 et 39). Ces trois annexes sont des pièces émanant du syndic, la société Foncia.

Mais à aucun moment n'est produit un « relevé de compte » qui permettrait de connaître le montant exact des sommes dues au moment de la résiliation du bail ou encore un récapitulatif des frais qui seraient à la charge des associés kinésithérapeutes.

Il apparaît même à l'examen de l'avant dernière page de l'annexe 39, qu'au terme de la période allant du 1er octobre 2010 au 30 septembre 2011, il existait un solde créditeur d'un montant de 2 384,46 euros.

L'existence d'une dette due au titre des charges n'est donc pas établie à l'aune de ces pièces.

S'il est probable que les associés médecins aient pu faire l'avance de ces charges pour le compte de la SCM, ils ne le démontrent pas, le seul document portant sur la possible répartition des charges de la SCM entre associés étant une note manuscrite, non expliquée (première page de l'annexe 37) qui ne saurait être source de droit.

Le jugement sera dès lors réformé sur ce point, la demande de la SCI tendant à obtenir la condamnation des appelants sur ce titre devant être rejetée.

2) sur l'appel incident

Par une motivation particulièrement pertinente, le premier juge a rejeté la demande de la SCI tendant à se voir allouer la somme de 69 413,04 euros au titre des frais de remise en état des locaux, du montant de la facture de travaux du 3 octobre 2013.

L'étude de cette facture présente en annexe 24 de la partie intimée démontre que la SCI a décidé d'engager des travaux en vue de transformer ses locaux professionnels en logement.

Il ne s'agit donc pas d'une « remise en état des lieux » ' qui pourrait être mise à la charge de l'occupant s'il était démontré que celui-ci a été à l'origine de modifications ou de dégradations ' mais d'une transformation de locaux décidée unilatéralement par la SCI.

La SCI ne saurait mettre à la charge des anciens preneurs sa décision de modifier la nature du bien, en sachant qu'elle ne démontre nullement que les occupants ont modifié les locaux.

De surcroît, la cour note que la facture produite datée du 3 octobre 2013 en annexe 24, ne porte que sur un montant de 27 492.58 euros et non de 69 413.04 euros.

En conséquence, il y a lieu de confirmer la décision du premier juge qui a débouté la SCI Princeton de sa demande.

3) sur l'appel en garantie soutenu à hauteur d'appel

Les appelants étant mis hors de cause, leur appel en garantie formulé à l'encontre des deux médecins, gérants de la SCI et de la SCM ' en ce qu'ils auraient commis une faute en laissant courir inutilement des loyers et des charges après le 25 mars 2009 de nature à engager leur responsabilité ' devient sans objet.

4) sur les demandes accessoires

Le jugement de première instance statuant sur la question des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile, sera infirmé sauf en ce qu'il a rejeté la demande formée sur les disposions de l'article 700 du code de procédure civile par les docteurs [U] [K] et [E] [A].

La SCI, partie succombante principale au sens de l'article 696 code de procédure civile, sera condamnée aux dépens de la procédure de première instance et d'appel, et à verser à mesdames [V] [L] et [S] [Y] ainsi que messieurs [W] [D] et [B] [Z] une première somme de 2 000 euros au titre des frais irrépétibles qu'ils ont exposés dans le cadre de la procédure de première instance, et une seconde de 2 000 euros pour les frais engagés à hauteur d'appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de la SCI tendant à être indemnisée de ses frais irrépétibles.

La demande des kinésithérapeutes dirigée contre les médecins au titre des frais irrépétibles sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt réputé contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile :

INFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Colmar le 17 décembre 2020, sauf en ce qu'il a :

* déclaré le jugement commun et opposable à mesdames [V] [L] et [S] [Y], ainsi que messieurs [W] [D] et [B] [Z], et les docteurs [U] [K] et [E] [A]

* débouté la SCI Princeton Medical de sa demande portant sur les frais de remise en état de ses locaux

* débouté les docteurs [U] [K] et [E] [A] de leur demande au titre des frais irrépétibles

Et statuant à nouveau sur les chefs infirmés :

REJETTE les demandes formées par la SCI Princeton Medical,

DIT que l'appel en garantie formé par mesdames [V] [L] et [S] [Y] ainsi que messieurs [W] [D] et [B] [Z] contre les docteurs [U] [K] et [E] [A] est sans objet,

CONDAMNE la Société Civile Immobilière Princeton Medical aux dépens de la procédure de première instance,

CONDAMNE la Société Civile Immobilière Princeton Medical à verser à mesdames [V] [L] et [S] [Y] ainsi que messieurs [W] [D] et [B] [Z], ensemble, une somme de 2000 euros (deux mille euros) au titre des frais irrépétibles qu'ils ont engagés à hauteur de la procédure de première instance,

Et y ajoutant

CONDAMNE la Société Civile Immobilière Princeton Medical aux dépens de la procédure d'appel,

CONDAMNE la Société Civile Immobilière Princeton Medical à verser à mesdames [V] [L] et [S] [Y] ainsi que messieurs [W] [D] et [B] [Z], ensemble, une somme de 2000 euros (deux mille euros) au titre des frais irrépétibles qu'ils ont engagés à hauteur d'appel,

REJETTE la demande de la Société Civile Immobilière Princeton Medical fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

REJETTE la demande de mesdames [V] [L] et [S] [Y] ainsi que de messieurs [W] [D] et [B] [Z] formée contre les docteurs [U] [K] et [E] [A] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/00769
Date de la décision : 23/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-23;21.00769 ?
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