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23/02/2023 | FRANCE | N°21/00328

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 23 février 2023, 21/00328


MINUTE N° 99/2023

























Copie exécutoire à



- Me Thierry CAHN



- Me Patricia CHEVALLIER

-GASCHY



- Me Valérie BISCHOFF

-DE OLIVEIRA





Le 23/02/2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 23 FEVRIER 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 2

1/00328 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HPDE



Décision déférée à la cour : 15 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE





APPELANTE :



Madame [H] [V]

demeurant [Adresse 1]



représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la cour.





INTIMES :



1/ Monsieu...

MINUTE N° 99/2023

Copie exécutoire à

- Me Thierry CAHN

- Me Patricia CHEVALLIER

-GASCHY

- Me Valérie BISCHOFF

-DE OLIVEIRA

Le 23/02/2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 23 FEVRIER 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00328 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HPDE

Décision déférée à la cour : 15 décembre 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTE :

Madame [H] [V]

demeurant [Adresse 1]

représentée par Me Thierry CAHN, avocat à la cour.

INTIMES :

1/ Monsieur [U] [E]

2/ Madame [B] [E] NEE [R]

demeurant ensemble [Adresse 2]

représentés par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la cour

plaidant : Me STOFFEL-HENRION, avocat à Mulhouse.

3/ La Société APICIL PREVOYANCE prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 3]

représentée par Me BISCHOFF-DE OLIVEIRA, avocat à la cour

plaidant : Me Marjorie PASCAL, avocat à Lyon.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, et Madame Myriam DENORT, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre,

Madame Myriam DENORT, Conseiller,

Madame Nathalie HERY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors de débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 17 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 21 décembre 2011, la SAS Procap France a souscrit un contrat d'adhésion Prévoyance auprès de l'Institution de prévoyance Apicil Prévoyance, s'agissant d'un contrat collectif avec adhésion obligatoire pour tous les membres de son personnel, dont faisait partie M.[I] [E], ce contrat intégrant notamment la garantie décès. Celui-ci prévoyait la remise d'une notice d'information à chaque salarié concerné.

Le 10 janvier 2012, M. [I] [E] a signé un document relatif aux options de la garantie décès de l'assuré, dans lequel il n'a pas désigné de bénéficiaire autre que les bénéficiaires réglementaires qui y étaient mentionnés.

M. [I] [E] est décédé accidentellement le 26 juin 2015, alors qu'il était lié à Mme [H] [V] par un PACS et n'avait pas d'enfant.

Ses héritiers étaient, selon une attestation dévolutive du notaire en charge de sa succession, ses père et mère, M. [U] [E] et Mme [B] [R], épouse [E], chacun pour un quart, et sa s'ur, Mme [X] [E], pour la moitié.

Le capital décès relatif au contrat de prévoyance souscrit auprès de l'institution de prévoyance Apicil Prévoyance, d'un montant de 104 787,16 euros, a été versé le 2 décembre 2015 par celle-ci à Mme [V], au motif, d'après un courrier du 10 décembre 2015, que le partenaire d'un PACS était assimilé au conjoint, parmi les bénéficiaires réglementaires, selon les termes du contrat souscrit par l'employeur.

Par acte introductif d'instance déposé au greffe le 1er décembre 2017, signifié à l'institution de prévoyance Apicil Prévoyance le 22 décembre 2017, M. [U] [E] et Mme [B] [R], épouse [E], ont saisi le tribunal de grande instance de Mulhouse d'une demande tendant à obtenir le versement du capital décès de ce contrat de prévoyance, soutenant en être les bénéficiaires.

Par assignation délivrée le 13 juillet 2018, l'institution de prévoyance Apicil Prévoyance a mis en cause et appelé en garantie Mme [V].

Les deux procédures ont fait l'objet d'une jonction ordonnée par le juge de la mise en état le 29 novembre 2018 et, par jugement du 15 décembre 2020, le tribunal, devenu le tribunal judiciaire de Mulhouse a condamné l'institution de prévoyance Apicil Prévoyance à verser à M. [U] [E] et Mme [B] [R],

épouse [E], la somme de 104 187,16 euros, outre les intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2016, avec capitalisation, au titre du capital décès souscrit par M. [I] [E].

Il a condamné Mme [V] à garantir l'institution de prévoyance Apicil Prévoyance du remboursement de cette somme, outre les intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2016, avec capitalisation.

Enfin, il a condamné l'institution de prévoyance Apicil Prévoyance aux dépens ainsi qu'au paiement d'une somme de 1 200 euros aux époux [E]-[R] [E], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et dit que Mme [V] devrait la garantir du chef de l'article 700 du code de procédure civile et des dépens.

Enfin, rejetant toutes autres demandes des parties, il a dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Le tribunal a relevé en substance que, selon les conditions contenues dans la notice d'information, rappelées dans le document signé par M. [I] [E] le 10 janvier 2012, en cas de non désignation de bénéficiaires déterminés, les bénéficiaires réglementaires s'appliquaient, et en premier chef le conjoint survivant non divorcé, non séparé judiciairement, à défaut les enfants et à défaut, les pères et mères vivants. Mais il était précisé que le concubin ou le partenaire titulaire d'un PACS n'était pas assimilé au conjoint et qu'il devait être désigné expressément, si l'assuré désirait qu'il soit bénéficiaire du capital.

L'institution de prévoyance Apicil Prévoyance ne contestant plus cette clause, elle devait être condamnée à verser le capital décès à M. [U] [E] et Mme [B] [R], épouse [E].

S'agissant de l'appel en garantie de l'institution de prévoyance Apicil Prévoyance à l'encontre de Mme [V], fondé sur les dispositions du nouvel article 1302-1 du code civil relatif à la répétition de l'indu, le tribunal a considéré que Mme [V], qui ne contestait pas la réception des fonds, devait garantir l'institution de prévoyance Apicil Prévoyance du remboursement de la somme due aux époux [E]-[R] [E].

Il a rejeté la demande de dommages-intérêts de Mme [V], au motif que l'application de la loi ne pouvait constituer un préjudice indemnisable.

Mme [V] a interjeté appel de ce jugement par déclaration datée du 28 décembre 2020.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 5 avril 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses conclusions d'appel transmises par voie électronique le 29 mars 2021, Mme [V] demande que son appel soit déclaré recevable et bien fondé. Elle sollicite l'infirmation du jugement déféré et que la cour, statuant à nouveau, déclare la demande de M. [U] [E] et de Mme [B] [R], épouse [E], irrecevable, en constatant la prescription de celle-ci.

Si la cour ne retient pas la prescription biennale, elle demande que soit constatée la faute lourde de l'institution de prévoyance Apicil Prévoyance et, par conséquent, la réduction du montant de l'appel en garantie à tel montant qu'il plaira à la cour de fixer.

Par ailleurs, elle sollicite la condamnation de l'institution de prévoyance Apicil Prévoyance :

- à lui payer la somme de 3 000 euros à titre de dommages-intérêts,

- aux entiers frais et dépens et à lui payer la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile pour la procédure de première instance et 4 000 euros pour la procédure d'appel.

En premier lieu, Mme [V] soutient que la prescription biennale de l'article L 114-1 du code des assurances s'applique à la demande des époux [E]-[R] [E] et à celle de l'institution de prévoyance Apicil Prévoyance, qui dérivent toutes deux d'un contrat d'assurance, rappelant que le capital décès lui a été versé le 2 décembre 2015 et que les époux [E]-[R] [E] n'ont assigné l'institution de prévoyance Apicil Prévoyance que le 22 décembre 2017, les conclusions d'appel en garantie datant du 25 février 2018.

Sur le fond, elle invoque les dispositions de l'article 1302-3 du code civil, selon lesquelles la restitution des sommes indûment versées peut être réduite si le paiement procède d'une faute, ainsi qu'une jurisprudence de la Cour de cassation selon laquelle l'action de in rem verso ne peut aboutir lorsque l'appauvrissement est dû à la faute lourde ou intentionnelle de l'appauvri.

Elle soutient à ce titre que l'institution de prévoyance Apicil Prévoyance lui a versé le capital décès lui avoir certifié que celui-ci lui était dû et qu'elle lui a confirmé à plusieurs reprises la régularité de ce versement, justificatifs à l'appui, soulignant la qualité de professionnel averti de cet organisme de prévoyance. Cette faute considérable justifie le rejet de la demande en restitution ou, à défaut, la réduction de l'assiette de l'appel en garantie.

À l'appui de sa demande de dommages intérêts fondée sur les dispositions de l'article 1241 du code civil, Mme [V] invoque une faute de négligence ou d'imprudence de l'institution de prévoyance Apicil Prévoyance, un manque majeur de professionnalisme de celle-ci, qui lui a causé un préjudice, en lui faisant croire qu'elle devait bénéficier de ce capital décès.

À ce titre, elle évoque des tensions suscitées avec ses anciens beaux-parents, une aggravation de la douleur causée par le décès tragique et brutal de son compagnon, du fait des incompréhensions portant sur les bénéficiaires de l'assurance, ainsi que l'épreuve causée par la présente procédure, ce qui nécessite la consultation régulière de nombreux professionnels de santé.

Par leurs conclusions transmises par voie électronique le 14 juin 2021, M. [U] [E] et Mme [B] [R], épouse [E], sollicitent la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et que la cour se déclare incompétente au profit du conseiller de la mise en état, sur la question de la prescription soulevée pour la première fois en appel.

Subsidiairement, ils sollicitent que leur demande soit déclarée recevable et que l'intégralité de celles de Mme [V] soit rejetée.

En tout état de cause, ils demandent le rejet de toutes conclusions plus amples ou contraires des parties adverses et la condamnation de Mme [V] aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à leur payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile, à hauteur d'appel.

Les époux [E]-[R] [E] soulignent que la prescription soulevée pour la première fois en appel par Mme [V] n'est pas une fin de non-recevoir née au cours de la procédure d'appel, et qu'en application de l'article 789 du code de procédure civile, applicable à la procédure d'appel en vertu de l'article 907, c'est le conseiller de la mise en état qui est compétent pour trancher cette question.

Subsidiairement, les époux [E]-[R] [E] font valoir que la saisine de la juridiction s'opère par le dépôt au greffe de l'acte introductif d'instance, qui a eu lieu le 1er décembre 2017, date à laquelle le délai de deux ans débuté le 2 décembre 2017 n'était pas expiré.

Sur le fond, tout en soulignant qu'ils ne sont pas visés par les moyens soulevés par l'appelante pour sa défense contre l'institution de prévoyance Apicil Prévoyance, les époux [E]-[R] [E] font valoir que nul ne peut se prévaloir de sa propre turpitude et que Mme [V] a agi en connaissance de cause pour percevoir le capital décès à leur insu, alors qu'ils étaient en possession de l'original du contrat signé par leur fils, et qu'elle ne les a jamais contactés, n'étant pas en bons termes avec eux.

Par ses conclusions transmises par voie électronique le 16 juin 2021, l'institution de prévoyance Apicil Prévoyance sollicite le rejet de l'appel de Mme [V] et de l'ensemble de ses demandes, ainsi que la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions.

En tout état de cause, elle sollicite la condamnation de Mme [V] à la relever et à la garantir de toutes les condamnations qui seraient prononcées à son encontre, ainsi qu'aux entiers frais et dépens de première instance et d'appel et au paiement de la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Sur la prescription, l'institution de prévoyance Apicil Prévoyance souligne qu'elle est une institution de prévoyance régie, non pas par les dispositions du code des assurances, qui ne lui sont pas applicables, mais par le code de la sécurité sociale, dont l'article L.932-13 prévoit notamment une prescription de 10 ans lorsque, dans les opérations relatives à la couverture du risque accident, les bénéficiaires sont les ayants droits du participant décédé.

Elle ajoute que, son appel en garantie étant une action en répétition de l'indu, le délai de prescription applicable est le délai de droit commun de cinq ans, qui n'était pas écoulé lors de l'assignation d'appel en garantie signifiée le 13 juillet 2018.

Sur le fond, l'institution de prévoyance Apicil Prévoyance fait valoir que Mme [V], qui ne conteste pas avoir perçu les fonds, ne rapporte pas la preuve de la faute lourde qu'elle invoque à son encontre, l'acte de partage du 16 juin 2017 démontrant qu'elle a accepté le risque.

Elle soutient qu'elle n'a commis qu'une erreur d'interprétation et non pas une faute lourde, ayant opéré une confusion à la lecture du tableau des garanties souscrites par l'employeur.

Sur la demande de dommages-intérêts de Mme [V], elle fait valoir que, si cette dernière subit un préjudice moral, celui-ci est seulement causé par le décès de son compagnon et par le conflit avec les parents de ce dernier qui y a fait suite.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

MOTIFS

I ' Sur la prescription soulevée par Mme [H] [V]

La déclaration d'appel de Mme [H] [V] est postérieure au 1er janvier 2020, date à compter de laquelle, selon l'article 55 II du décret du 11 décembre 2019, rectifié par le décret du 20 décembre 2019, les nouvelles instances sont soumises aux dispositions du 6°) de l'article 789 du code de procédure civile, tel qu'issu du décret du 11 décembre 2019.

Précisément, l'instance d'appel constituant une nouvelle instance, ces dispositions, qui s'appliquent donc en l'espèce, permettent au conseiller de la mise en état, par renvoi de l'article 907 du code de procédure civile, de statuer sur les fins de non-recevoir, mais ce sous certaines conditions, au regard de ce qu'il n'est pas juge du fond, ni juge d'appel ; ainsi, seule la cour d'appel dispose du pouvoir d'infirmer la décision frappée d'appel et le conseiller de la mise en état ne peut connaître des fins de non recevoir qui ont été tranchées par le juge de la mise en état ou par le tribunal, ni de celles qui, bien que n'ayant pas été tranchées en première instance, auraient pour conséquence, si elles étaient accueillies, de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le premier juge, selon l'avis de la Cour de cassation du 3 juin 2021.

Dans la situation présente, la fin de non-recevoir soulevée par Mme [H] [V] devant la cour ne l'avait pas été devant le tribunal qui a statué au fond. Or, si cette fin de non-recevoir était accueillie, cela aurait pour conséquence de remettre en cause ce qui a été jugé au fond par le tribunal, qui a en effet accueilli la demande des époux [E]-[R] tendant au versement du capital décès souscrit par M. [I] [E].

C'est pourquoi la décision relative à la prescription soulevée par Mme [H] [V] relève bien de la compétence de la cour et non pas de celle du magistrat chargé de la mise en état. Il y a donc lieu de rejeter la demande des époux [E]-[R] tendant à ce que la cour se déclare incompétente au profit de ce magistrat pour statuer sur la fin de non-recevoir tirée de la prescription de leur demande au fond soulevée par Mme [H] [V].

Sur cette prescription elle-même, ainsi que l'observe l'Institution de prévoyance APICIL Prévoyance, ce n'est pas l'article L.114-1 du code des assurances qui est applicable au contrat de prévoyance en cause, mais l'article L.932-13 du code de la sécurité sociale, qui prévoit un délai de prescription de deux ans, porté à dix ans, notamment lorsque, dans les opérations relatives à la couverture du risque accident, les bénéficiaires sont les ayants droit du participant décédé.

Or, dans la situation présente, les époux [E]-[R], bénéficiaires de la garantie accident souscrite, sont les ayant-droits de M. [I] [E], participant décédé accidentellement, ce dont il résulte que cette prescription décennale est applicable.

Au surplus, ainsi que le soutiennent les époux [E]-[R], c'est le dépôt de l'acte introductif d'instance qui saisit la juridiction, selon la loi applicable dans les départements du Haut-Rhin, du Bas-rhin et de la Moselle, et l'acte introductif d'instance a été déposé par les époux [E]-[R] au greffe du tribunal de grande instance de Mulhouse le 1er décembre 2017, alors que, par une lettre du 10 décembre 2015, l'Institution de prévoyance APICIL Prévoyance a évoqué le versement du capital décès à Mme [H] [V] intervenu le 2 décembre 2015, étant observé que l'attestation de paiement versée aux débats, émise par APICIL Prévoyance et datée du 26 février 2016, mentionne un règlement du 25 février 2016.

En tout état de cause, la demande des époux [E]-[R] en paiement du capital décès relatif au contrat de prévoyance souscrit au bénéfice de M. [I] [E] n'était donc pas prescrite lors de la saisine de ce tribunal le 1er décembre 2017.

Par ailleurs, l'appel en garantie de l'Institution de prévoyance APICIL Prévoyance, ainsi que cette dernière le souligne, est fondé sur les règles relatives à la répétition de l'indû et il ne s'agit donc pas d'une action « dérivant » de l'opération collective à adhésion obligatoire en cause, au sens de l'article L.932-13 du code de la sécurité sociale. Le délai de prescription de cette action est le délai quinquennal de l'article 2224 du code civil, qui n'était à l'évidence pas écoulé lors de l'assignation délivrée à Mme [H] [V] le 13 juillet 2018.

En conséquence, la fin de non-recevoir soulevée par l'appelante doit être écartée et les demandes des époux [E]-[R] ainsi que celles de l'Institution de prévoyance APICIL Prévoyance doivent être déclarées recevables.

II ' Sur la demande des époux [E]-[R]

Si Mme [H] [V] sollicite le rejet des demandes des époux [E]-[R], elle n'invoque aucun moyen au fond de nature à remettre en cause le bienfondé de la condamnation de l'Institution de prévoyance APICIL Prévoyance à leur verser le capital décès relatif au contrat de prévoyance litigieux, étant souligné que l'organisme de prévoyance lui-même sollicite la confirmation de la décision déférée sur ce chef.

C'est pourquoi il y a lieu de confirmer la disposition de ce jugement relative à cette condamnation.

III ' Sur l'appel en garantie de l'Institution de prévoyance APICIL Prévoyance à l'encontre de Mme [H] [V]

Si, en application de l'article 1302-1 du code civil applicable au présent litige, celui qui reçoit par erreur ou sciemment ce qui ne lui était pas dû doit le restituer à celui de qui il l'a indûment reçu, l'article 1302-3 dispose notamment que la restitution peut être réduite si le paiement procède d'une faute.

Dans la situation présente, il résulte des explications d'APICIL Prévoyance et des documents versés aux débats que l'erreur commise par cet organisme concernait la qualité de bénéficiaire du capital décès du concubin ou partenaire lié par un PACS au salarié assuré. L'Institution de prévoyance indique s'être fondée sur un tableau des garanties en vigueur au 1er janvier 2012 le mentionnant, qu'elle verse effectivement aux débats. Or, le document signé par M. [I] [E] lui-même indiquait précisément que le concubin ou le partenaire titulaire d'un PACS n'était pas assimilé au conjoint et qu'il devait être désigné expressément pour pouvoir bénéficier du capital, ce que mentionne également la notice d'information relative au contrat de prévoyance produite par APICIL Prévoyance elle-même, en sa page 8.

Dès lors que le document signé par M. [I] [E] exclut le concubin ou le partenaire titulaire d'un PACS comme bénéficiaire du capital décès, à défaut d'une désignation expresse qui n'a pas été effectuée en l'espèce, il n'est pas contestable que Mme [H] [V] ne peut bénéficier de ce capital, qui doit dès lors être versé, à défaut d'enfants de M. [I] [E], à ses père et mère, soit les époux [E]-[R]. Il en résulte donc que le caractère indû du paiement du capital décès réalisé entre les mains de Mme [H] [V] est démontré. La demande en répétition de celui-ci est donc fondée en son principe.

L'erreur de l'Institution de prévoyance APICIL Prévoyance est ainsi largement démontrée et il y a lieu de souligner qu'elle résulte notamment d'une contradiction entre ses propres documents contractuels qui lui est totalement imputable, mais aussi et surtout de ce qu'elle a manifestement égaré le document signé le 10 janvier 2012 par M. [I] [E], relatif à ses choix d'option concernant la garantie décès de l'assuré.

Or, il résulte de la lettre de M. [U] [E] du 30 novembre 2015 que ce dernier l'avait alertée par un appel téléphonique du 25 novembre 2015 de l'existence de ce document, qui avait bien été reçu par elle puisque portant son cachet daté du 1er février 2012. D'ailleurs, si, dans un courrier du 23 avril 2012 adressé à M. [I] [E], produit par les époux [E]-[R], elle lui avait indiqué que ce document signé le 10 janvier 2012 ne correspondait pas à son contrat, ce courrier démontre qu'elle avait bien reçu le dit document.

En outre, elle ne justifie pas d'une nouvelle désignation effectuée par l'assuré et, enfin, comme rappelé plus haut, la notice d'information qu'elle produit mentionne bien les mêmes informations concernant l'absence de qualité de bénéficiaire du concubin ou partenaire d'un PACS, ce qui contredit les explications qu'elle avait données à M. [I] [E] concernant l'absence d'adéquation entre le document signé par lui et les termes du contrat de prévoyance en cause.

Etant observé que l'attestation de paiement du 26 février 2016, émise par ses propres services, établit que le capital décès a été versé à Mme [H] [V] le 25 février 2016 et non pas le 2 décembre 2015, il apparaît qu'elle a donc persisté dans son erreur et dans un refus de prendre au sérieux les objections de M. [U]

[U] [E] en effectuant ce versement, malgré la prudence que requérait l'information transmise par ce dernier. Cette attitude, s'ajoutant aux incohérences et à l'inadéquation de son positionnement initial au regard des termes du contrat, dans lequel elle a d'ailleurs persisté auprès de Mme [H] [V] par courriel du 26 juin 2017, démontre que le paiement du capital décès à cette dernière procède d'une faute de sa part.

Celle-ci ne peut être atténuée par le fait que l'appelante ait perçu le capital décès sans contacter préalablement les parents de M. [I] [E], étant observé qu'aucune obligation ne lui incombait à ce titre et qu'elle n'avait aucune raison de douter de sa qualité de bénéficiaire de ce capital, ce dont le directeur de l'Institution de prévoyance APICIL Prévoyance l'assurait encore dix-huit mois plus tard par son courriel évoqué ci-dessus. La turpitude invoquée à l'encontre de Mme [H] [V] n'est donc nullement caractérisée.

Dès lors, la faute de l'Institution de prévoyance APICIL Prévoyance justifie une réduction de la restitution. En raison de la nature de cette faute, nullement intentionnelle, cette réduction sera limitée au montant de 35 000 euros, ce dont il résulte que son appel en garantie doit être accueilli à hauteur de 69 187,16 euros. En conséquence, le jugement déféré sera infirmé en ses dispositions relatives à cet appel en garantie et il sera statué en ce sens.

IV ' Sur la demande de dommages et intérêts de Mme [H] [V]

Si une faute de l'Institution de prévoyance APICIL Prévoyance est établie, il n'est nullement démontré que celle-ci ait suscité des tensions avec les parents de M. [I] [E] plus importantes que celles qui existaient déjà auparavant, et qu'elle ait aggravé la douleur causée par le décès brutal de son compagnon, avec laquelle cette faute n'apparaît pas susceptible d'avoir de lien. L'appelante ne démontre pas non plus que la consultation de nombreux professionnels de santé soit causée par «l'épreuve » causée par la présente procédure, étant souligné que celle-ci est apparue au moins partiellement fondée.

C'est pourquoi le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de Mme [H] [V].

V - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions relatives à l'instance principale, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais non compris dans les dépens afférents à celle-ci et les dépens de l'appel relatif à cette instance principale seront à la charge de l'Institution de prévoyance APICIL Prévoyance. Mme [H] [V], dont l'appel portant sur l'instance principale est rejeté, sera cependant condamnée à verser aux époux [E]-[R] la

somme de 1 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile au titre des frais non compris dans les dépens que ces derniers ont engagés en appel.

En revanche, l'appel de Mme [H] [V] portant sur l'appel en garantie se révélant partiellement fondé, l'Institution de prévoyance APICIL Prévoyance sera condamnée aux dépens de cet appel en garantie de la première instance et de l'appel, et à verser à l'appelante, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 000 euros au titre des frais non compris dans les dépens engagés par cette dernière en première instance et celle de 1 500 euros au titre de ceux engagés en appel, s'agissant de cet appel en garantie. Il est observé que le tribunal n'avait pas statué explicitement sur les dépens de l'appel en garantie et sur les frais non compris dans les dépens engagés à cette occasion, au vu des motifs du jugement, quand bien même celui-ci avait rejeté « toute autre demande des parties », ce en quoi la décision déférée doit en tout état de cause être infirmée.

En revanche, l'Institution de prévoyance APICIL Prévoyance sera déboutée de ses demandes formulées sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME le jugement rendu entre les parties par le tribunal judiciaire de Mulhouse le 15 décembre 2020, sauf en ce qu'il a condamné Mme [H] [V] à garantir l'Institution de prévoyance APICIL Prévoyance du remboursement de la somme de 104 187,16 euros outre les intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2016, avec capitalisation, et en ce qu'il a rejeté toute autre demande des parties, et L'INFIRME sur ces seuls chefs,

Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant au dit jugement,

CONDAMNE Mme [H] [V] à garantir l'Institution de prévoyance APICIL Prévoyance de sa condamnation au remboursement à hauteur de la somme de 69 187,16 euros (soixante neuf mille cent quatre vingt sept euros et seize centimes) à M. [U] [E] et Mme [B] [R], épouse [E], avec intérêts au taux légal à compter du 15 décembre 2016 et capitalisation des intérêts échus dus pour une année entière,

CONDAMNE l'Institution de prévoyance APICIL Prévoyance aux dépens d'appel de l'instance principale et de l'appel en garantie,

CONDAMNE Mme [H] [V] à payer à M. [U] [E] et Mme [B] [R], épouse [E], la somme de 1 500,00 (mille cinq cents) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles qu'ils ont engagés en appel,

CONDAMNE l'Institution de prévoyance APICIL Prévoyance à payer à Mme [H] [V], sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, la somme de 1 000,00 (mille) euros au titre des frais irrépétibles que cette dernière a engagés en première instance et la somme de 1 500,00 (mille cinq cents) euros au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés en appel,

REJETTE la demande de l'Institution de prévoyance APICIL Prévoyance présentée contre Mme [H] [V] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais irrépétibles qu'elle a engagés en appel.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/00328
Date de la décision : 23/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-23;21.00328 ?
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