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23/02/2023 | FRANCE | N°20/00407

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 23 février 2023, 20/00407


MINUTE N° 93/2023





























Copie exécutoire à



- SELARL ARTHUS



- Me Claus WIESEL





Le 23/02/2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 23 FÉVRIER 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/00407 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HI2U



cision déférée à la cour : 28 Novembre 2019 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG





APPELANTE :



Le Syndicat des copropriétaires RESIDENCE [Adresse 3], représentée par son syndic, la SARL LA CHENAIE IMMOBILIER, ayant son siège social sis [Adresse 1], prise en...

MINUTE N° 93/2023

Copie exécutoire à

- SELARL ARTHUS

- Me Claus WIESEL

Le 23/02/2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 23 FÉVRIER 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/00407 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HI2U

Décision déférée à la cour : 28 Novembre 2019 par le TRIBUNAL DE GRANDE INSTANCE DE STRASBOURG

APPELANTE :

Le Syndicat des copropriétaires RESIDENCE [Adresse 3], représentée par son syndic, la SARL LA CHENAIE IMMOBILIER, ayant son siège social sis [Adresse 1], prise en la personne de son représentant légal.

Sis [Adresse 4].

représenté par la SELARL ARTHUS, avocats à la cour.

INTIMÉE :

La SAS FONCIA [R] SOGESTIM,rise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Claus WIESEL, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 Septembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Mme Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN.

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 10 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

La SAS Foncia [R] Sogestrim, anciennement dénommée cabinet [R], puis Foncia [R], a exercé les fonctions de syndic du syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 3], du 15 décembre 1990 au 8 juin 2006.

L'immeuble en copropriété a, dans le cadre juridique d'une association foncière urbaine libre (AFUL), fait l'objet d'importants travaux, notamment de toiture, dans les années 1989-1990.

La maîtrise d''uvre comprenant une mission complète a été confiée à M. [W], architecte, décédé depuis lors, et les travaux du lot charpente-couverture-zinguerie à la société GTR, assurée auprès de la société UAP devenue AXA, qui les a sous-traités à la société Euroscaph, elle-même assurée auprès de la CAMBTP.

Les travaux ont été réceptionnés avec réserves le 29 novembre 1990, les réserves ayant été levées le 18 janvier 1991.

Dès 1992, le syndicat des copropriétaires a déploré l'apparition d'infiltrations en provenance du toit et il a procédé à une déclaration auprès des assureurs des sociétés GTR et Euroscaph. Il a obtenu une prise en charge de certains travaux de réfection par l'assureur décennal de la société GTR.

En 1999, la copropriété a subi de nouveaux dégâts des eaux en provenance du toit dont elle n'a pu obtenir réparation après des entrepreneurs concernés ou de leurs assureurs.

Par acte d'huissier du 7 mai 2004, le syndicat des copropriétaires, représenté par son syndic, la SAS Foncia [R] Sogestrim, a fait assigner M. [W] et la CAMBTP, en sa qualité d'assureur décennal de la société Euroscaph, devant le juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg aux fins de désignation d'un expert judiciaire, et ce afin de voir constater l'existence des désordres, d'en déterminer l'origine ainsi que les responsabilités.

Il a été fait droit à sa demande par ordonnance du 30 novembre 2004 et l'expert désigné, Mme [H], a déposé son rapport le 23 mai 2005.

Par assignation du 18 juin 2013, le syndicat des copropriétaires de la résidence, représenté par son syndic, la SARL La Chenaie Immobilier, a saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg de demandes tendant notamment à la condamnation de la société Foncia [R] Sogestrim à l'indemniser au titre des désordres subis, faute d'avoir effectué en temps utile les démarches nécessaires à l'engagement de la responsabilité décennale des différents constructeurs.

Par jugement du 28 novembre 2019, le tribunal a déclaré irrecevables les demandes du syndicat des copropriétaires à l'encontre de la société Foncia [R] Sogestrim comme étant prescrites. Il a condamné le demandeur aux dépens de l'instance ainsi qu'au paiement, à la défenderesse, d'un montant de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, disant n'y avoir lieu à exécution provisoire et déboutant les parties de l'ensemble de leurs autres demandes.

Rappelant que le délai de prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il a été révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu précédemment connaissance, le tribunal a constaté qu'il n'était pas contesté que la société Foncia [R] Sogestrim était une société commerciale exerçant une activité de syndic professionnel et que le demandeur mettait en cause sa responsabilité contractuelle à l'occasion de l'exercice de cette activité commerciale.

Les dommages dont se plaignait le syndicat des copropriétaires étaient constitués par l'absence de garantie décennale des désordres affectant la toiture de l'immeuble, et par suite par une perte de chance d'ester en justice à l'encontre des responsables de ces désordres pour en obtenir réparation.

Cette absence de garantie n'avait été définitive que le 19 novembre 2000, date d'expiration du délai de garantie décennale, la réception des travaux avec réserves étant intervenue le 19 novembre 1990.

Or, à cette date, les dispositions de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile n'étaient pas encore entrées en vigueur, de sorte que la prescription encourue était celle issue de l'article L 110-4 du code de commerce dans son ancienne rédaction, d'une durée décennale. Le délai de prescription de l'action en responsabilité du syndic professionnel expirait donc le 19 novembre 2010, alors que l'action n'avait été engagée que le 18 juin 2013, aucune des parties n'invoquant ou ne justifiant d'un acte interruptif de prescription.

Par déclaration datée du 15 janvier 2020, le syndicat des copropriétaires a interjeté appel de ce jugement.

Par ordonnance du 23 avril 2021, le conseiller chargé de la mise en état a déclaré irrecevable la requête de la société Foncia [R] Sogestrim tendant, à titre principal à ce qu'il confirme le jugement déféré ayant déclaré irrecevable la demande du syndicat des copropriétaires comme étant prescrite et, à titre subsidiaire, à voir déclarer irrecevables les demandes du syndicat des copropriétaires comme étant prescrites.

Il a également déclaré irrecevable la demande du syndicat des copropriétaires aux fins de voir juger ses demandes recevables.

Il a par ailleurs dit n'y avoir lieu à renvoyer l'affaire devant la cour, l'ordonnance de clôture n'ayant pas été rendue, et, déboutant les parties de leurs demandes respectives fondées sur l'article 700 du code de procédure civile, il a condamné la société Foncia [R] Sogestrim aux dépens de l'incident.

Le conseiller chargé de la mise en état a notamment relevé que les nouvelles dispositions du décret du 11 décembre 2019 rectifiées par le décret du 20 décembre 2019, attribuant la compétence exclusive au juge de la mise en état pour statuer sur les fins de non-recevoir, n'étaient pas applicables en l'espèce, dans la mesure où l'instance avait été introduite avant le 1er janvier 2020, par la saisine du premier juge.

Il a observé au surplus que le tribunal avait déjà statué avant l'entrée en vigueur de ce décret sur cette fin de non-recevoir soulevée devant lui et que seule la cour avait compétence pour confirmer ou infirmer le jugement déféré.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 1er février 2022, le syndicat des copropriétaires, sollicite l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevables ses demandes à l'encontre de la société Foncia [R] Sogestrim pour être prescrites, en ce qu'il l'a condamné aux dépens de l'instance et à payer à la société Foncia [R] Sogestrim la somme de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il l'a débouté de l'ensemble de ses demandes et prétentions. Il sollicite que la cour, statuant à nouveau :

- déclare sa demande recevable et bien fondée, déboute la société Foncia [R] Sogestrim de toutes ses conclusions et condamne cette dernière à lui payer la somme de 11 765,69 euros à son profit, au titre des travaux repris, avec intérêts au taux légal à compter du 10 juin 1998 sur la somme de 858,96 euros, à compter du 19 juin 1998 sur la somme de 1 209,90 euros et à compter du 29 octobre 2011 sur la somme de 9 696,84 euros,

- condamne la société Foncia [R] Sogestrim à lui payer la somme de 231 494,69 euros au titre des travaux de réfection à entreprendre, avec intérêts au taux légal à compter du 18 juin 2013, date de l'assignation,

- ordonne la capitalisation des intérêts sur le fondement de l'ancien article 1154 du code civil devenu l'article 1343-2,

- condamne la société Foncia [R] Sogestrim à l'ensemble des frais et dépens de la procédure de première instance et de la procédure d'appel ainsi qu'à lui payer la somme de 6 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre de la procédure de première instance et de la procédure d'appel.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 1er avril 2022, la société Foncia [R] Sogestrim sollicite, au visa de l'article L.110-4 du code de commerce, de l'article 568 du code de procédure civile et de l'article 1992 du code civil, à titre principal la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et que la cour, y ajoutant, condamne le syndicat des copropriétaires aux frais et dépens de l'appel ainsi qu'à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle sollicite, à titre subsidiaire, en cas d'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes du syndicat des copropriétaires pour être prescrites, que la cour renvoie le dossier devant le tribunal judiciaire de Strasbourg afin qu'il soit statué sur le fond et qu'elle réserve les frais et dépens.

A titre infiniment subsidiaire, en cas d'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a déclaré irrecevables les demandes du syndicat des copropriétaires pour être prescrites et si la cour décide d'évoquer l'affaire, la société Foncia [R] Sogestrim sollicite qu'elle déboute le syndicat des copropriétaires de l'ensemble de ses demandes, qu'elle confirme pour le surplus de ses dispositions le jugement déféré et, y ajoutant, qu'elle condamne le syndicat des copropriétaires aux entiers frais et dépens de l'appel ainsi qu'à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 3 mai 2022.

MOTIFS

I ' Sur la prescription de l'action du syndicat des copropriétaires

Sur la prescription de son action, le syndicat des copropriétaires rappelle que la société Foncia [R] Sogestrim a d'abord invoqué le délai de prescription de l'article 2224 du code civil applicable aux actions en responsabilité contractuelle, alors qu'il convenait de se référer également aux dispositions de l'ancien article 2262 du code civil remplacé par ce nouvel article 2224 et aux dispositions transitoires de la loi du 17 juin 2008.

La société Foncia [R] Sogestrim invoquant les dispositions de l'ancien article L.110-4 du code de commerce, le syndicat des copropriétaires conteste le point de départ du délai de prescription invoqué par l'intimée et retenu par le tribunal. Il soutient en effet que celui-ci ne peut être fixé qu'à compter du jour où les copropriétaires ont été pleinement renseignés sur tous les aspects de la gestion du syndic, faisant valoir que la société Foncia [R] Sogestrim ne l'a jamais informé des différentes actions juridiques ouvertes à l'encontre des différents constructeurs et de leur assureur, des délais d'action et des conséquences résultant du défaut d'action dans les délais légaux, notamment de l'expiration de la garantie décennale.

Il fait au contraire valoir que, lors des assemblées générales des 19 janvier 2001 et 27 août 2003, auxquelles l'intimée se réfère pour soutenir qu'il avait connaissance de l'absence d'introduction d'une action en justice, elle lui a fait croire qu'elle avait mis en cause la responsabilité des intervenants concernés, puis que des actions en responsabilité demeuraient ouvertes à l'encontre des différents constructeurs. Il invoque un manquement de la société Foncia [R] Sogestrim à son obligation d'information à l'égard de son mandant et affirme qu'elle-même le reconnaît en soutenant qu'il importait peu qu'il ait « positivement réalisé que le délai de garantie décennale était expiré ». Il lui reproche également des man'uvres destinées à le tromper et à dissimuler ses manquements au cours de l'exercice de ses fonctions.

Ce n'est qu'à l'occasion de la fin de la mission de la société Foncia [R] Sogestrim et du changement de syndic que les différents copropriétaires ont eu connaissance de ses échanges de correspondance avec les différents assureurs de responsabilités des constructeurs.

Il ajoute que la société Foncia [R] Sogestrim aurait pu, en application de l'article 55 du décret du 17 mars 1967, saisir le juge des référés d'une demande d'expertise judiciaire sans avoir besoin d'une habilitation préalable de sa part, ce qui aurait permis d'interrompre le délai de prescription, mais qu'elle ne l'a fait que tardivement.

Selon l'appelant, le point de départ du délai de prescription de son action ne peut, a minima, être fixé qu'à compter du jour où le mandat de la société Foncia [R] Sogestrim a pris fin, soit le 8 juin 2006, ce dont il résulte que son action, introduite le 18 juin 1013, n'est pas prescrite.

Sur la prescription de l'action du syndicat des copropriétaires, la société Foncia [R] Sogestrim reprend les motifs du jugement déféré et fait notamment valoir que le dommage consistant en l'expiration du délai de garantie décennale est survenu le 29 novembre 2000 et qu'il appartient au syndicat des copropriétaires, pour retarder le délai de prescription de son action en responsabilité contractuelle à son égard, de démontrer que ce dommage lui a été révélé postérieurement, mais aussi que son ignorance était légitime.

Or, il n'a pu ignorer qu'à la date du 29 novembre 2000, aucune action en justice n'avait été engagée contre les constructeurs, une telle action devant être autorisée par une décision de l'assemblée générale en application de l'article 55, alinéa 1er du décret du 17 mars 1967 et, dans tous les cas, le syndic rendant compte des actions introduites à la prochaine assemblée générale.

À ce titre, l'intimée invoque les procès-verbaux des assemblées générales du 19 janvier 2001 et du 6 avril 2001, soulignant non seulement l'absence de pouvoir donné au syndic pour engager une action en justice, mais aussi l'absence de compte-rendu d'une telle action et l'absence de frais et honoraires occasionnés par l'exercice d'une action en justice inscrits dans les différents bilans.

Elle ajoute que d'autres actions restaient ouvertes, après ce délai, contre les intervenants à l'acte de construire, l'architecte ayant été assigné sur le fondement du dol et l'action n'ayant été interrompue que par son décès, le syndicat n'ayant pas estimé utile de poursuivre l'action à l'encontre de ses ayants droits.

De plus, aucune suspension de la prescription ne peut être tirée de l'impossibilité d'agir pendant la durée de son mandat, cette règle ne s'appliquant pas lorsque le titulaire de l'action dispose encore, à la cessation de l'empêchement, du temps nécessaire pour agir avant l'expiration du délai de prescription et le syndicat des copropriétaires ayant disposé de plus de quatre ans pour agir au terme de son mandat.

La société Foncia [R] Sogestrim soutient donc que, dès le 20 novembre 2000, la copropriété avait la possibilité d'introduire une action contre elle, que le délai de prescription court à compter du 19 novembre 2000 et au maximum à compter du 19 janvier 2001, date à laquelle les copropriétaires ont été informés de la situation.

* * *

Tout en soulignant que la société Foncia [R] Sogestim avait initialement invoqué d'autres dispositions légales relatives à la prescription de son action que celles de l'article L.110-4 du code de commerce, sur lesquelles elle fonde finalement la fin de non-recevoir qu'elle soulève, le syndicat des copropriétaires ne conteste pas l'application de ces dispositions, étant observé que l'intimée est effectivement une société commerciale, dont la responsabilité contractuelle est mise en cause par l'appelant pour des manquements allégués dans l'exercice de sa mission de syndic.

L'article L.110-4 du code de commerce dans sa version applicable jusqu'au 18 juin 2008 inclus énonce que les obligations nées à l'occasion de leur commerce entre commerçants ou entre commerçants et non-commerçants se prescrivent par dix ans si elles ne sont pas soumises à des prescriptions spéciales plus courtes.

Dans sa version applicable à compter du 19 juin 2008, le délai de prescription est réduit à cinq ans, étant souligné que, selon l'article 26 de la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile, les dispositions de cette loi qui réduisent la durée de la prescription s'appliquent aux prescriptions à compter du jour de son entrée en vigueur, sans que la durée totale puisse excéder celle prévue par la loi antérieure.

De plus, selon une jurisprudence constante, la prescription d'une action en responsabilité court à compter de la réalisation du dommage ou de la date à laquelle il est révélé à la victime, si celle-ci établit qu'elle n'en avait pas eu connaissance.

Dans la situation présente, il n'est pas contesté que les travaux de toiture de l'immeuble litigieux ont donné lieu à une réception intervenue le 29 novembre 1990 et que, suite à l'apparition de désordres, des travaux de réfection ont eu lieu en 1992, lesquels n'ont pas été satisfactoires puisque de nouveaux désordres sont apparus postérieurement et ont donné lieu à des démarches du syndic auprès des entrepreneurs en cause et de l'architecte, ainsi que de leurs assureurs respectifs.

Le tribunal a estimé que le dommage dont le syndicat des copropriétaires sollicitait la réparation, à savoir l'expiration du délai de garantie décennale ne lui permettant plus d'agir à l'encontre des constructeurs responsables des désordres affectant la toiture de l'immeuble en copropriété, était effectif le 19 novembre 2000, soit dix ans après la réception des travaux intervenue le 19 novembre 1990, en réalité 29 novembre 1990.

Or, il est établi que le syndicat des copropriétaires n'en avait pas connaissance à cette date, dans la mesure où, tout d'abord, des démarches avaient été effectuées par le syndic, suite à un précédent sinistre, lesquelles avaient donné lieu à des travaux réalisés en 1992, susceptibles d'avoir fait courir un nouveau délai décennal.

De plus, le syndicat des copropriétaires avait été maintenu dans l'ignorance de l'absence d'interruption du délai de garantie décennale, laquelle pouvait résulter d'une assignation en référé-expertise, qui pouvait être délivrée sur la seule initiative du syndic, sans autorisation d'une assemblée générale des copropriétaires, la mise en compte des frais de procédure étant susceptible d'être elle-même différée.

Une telle interruption pouvait aussi résulter d'une reconnaissance de leur responsabilité par les entrepreneurs en cause ou par le maître d'oeuvre, ou encore de l'acceptation de sa garantie par leur assureur, ce que la réalisation de précédents travaux de réfection en 1992 pouvait rendre d'autant plus crédible.

Or, non seulement, le syndicat des copropriétaires ne pouvait se douter, à défaut de la moindre alerte exprimée par son syndic chargé du suivi de ce sinistre, de ce qu'aucune cause d'interruption du délai de garantie décennale n'était intervenue, mais la société Foncia [R] Sogestim l'a maintenu dans l'illusion de l'absence d'expiration de ce délai, et ce encore bien après le 18 novembre 2000. En effet, elle a évoqué, en assemblée générale des copropriétaires, des diligences toujours en cours afin d'obtenir la réparation des désordres provenant d'infiltrations.

A ce titre, lors de l'assemblée générale du 19 janvier 2001, elle a rappelé l'historique d'un sinistre de dégât des eaux en raison d'infiltrations dans le studio du 3ème étage, provenant de la toiture, en évoquant effectivement une expertise ainsi que l'origine des désordres que celle-ci avait révélé. Elle a précisé avoir « déclaré ce sinistre à l'assurance de l'immeuble et mis en cause les responsabilités des intervenants concernés », ajoutant qu'elle restait « dans l'attente du rapport définitif de l'expert avec le chiffrage de la prise en charge des travaux de remise en état ».

Par ces explications, la société Foncia [R] Sogestim a donné à l'assemblée générale des copropriétaires l'illusion d'un suivi sans faille de ce sinistre et des malfaçons à l'origine des infiltrations, incluant la mise en cause des responsabilités des intervenants concernés, ce qui pouvait être entendu, notamment, comme leur assignation dans le cadre d'une procédure de référé-expertise. Ce faisant, elle a maintenu le syndicat des copropriétaires dans l'ignorance de la survenue du dommage consistant en l'expiration du délai pour agir à l'encontre des entrepreneurs et de leurs assureurs.

L'assemblée générale des copropriétaires ayant alors demandé « au syndic d'engager la responsabilité du cabinet d'architecture ayant suivi le chantier et de prendre toutes les dispositions pour la prise en charge de la remise en état des dommages et des malfaçons », la société Foncia [R] Sogestim, en se montrant taisante sur toute impossibilité d'agir liée à l'expiration des délais pour ce faire, n'a fait que conforter le syndicat des copropriétaires dans l'ignorance de ce que les délais pour agir afin d'obtenir la réparation des désordres dus aux infiltrations étaient expirés.

Il en a été de même lors de l'assemblée générale du 27 août 2003, qui a autorisé le syndic à agir en justice à l'encontre de l'architecte et de l'entrepreneur principal, titulaire du lot couverture-zinguerie, afin d'engager leur responsabilité, s'agissant des désordres d'infiltration dus aux non conformités des travaux de rénovation de la toiture. Là encore, la société Foncia [R] Sogestim, nécessairement à l'origine de l'ordre du jour de cette assemblée générale, n'a donné aucune information aux copropriétaires présents sur l'impossibilité d'agir en réparation de ces désordres.

La même résolution a aussi prévu que le syndic tiendrait informés le conseil syndical et l'assemblée générale de l'évolution des procédures et il ne ressort d'aucun document que la société Foncia [R] Sogestim les ait, lors de cette assemblée générale ou ultérieurement, informés de ce que toute action en garantie décennale était prescrite. Elle a d'ailleurs engagé postérieurement, en 2004, une procédure en référé-expertise à l'encontre de l'architecte, qui a donné lieu à un rapport du 23 mai 2005, invoquant une faute de ce maître d'oeuvre, pour ne pas avoir donné connaissance d'un rapport d'expertise intervenu avant la réception des travaux.

Par ailleurs, la société Foncia [R] Sogestim ne démontre pas avoir donné connaissance au syndicat des copropriétaires de tous les courriers échangés avec des entrepreneurs et assureurs, qui auraient pu l'alerter sur l'état réel des actions de son syndic à leur encontre.

Ainsi, à aucun moment, avant l'expiration de son mandat de syndic auprès du syndicat des copropriétaires de la [Adresse 5], il n'apparaît que la société Foncia [R] Sogestim ait mis fin à l'illusion dans laquelle elle avait maintenu ce dernier sur une interruption des délais pour agir en réparation des désordres résultant des travaux de rénovation de la toiture de l'immeuble, à l'encontre des entrepreneurs. Dès lors, il en résulte, ainsi que le soutient l'appelant, que ce n'est qu'au terme du mandat de syndic de la société Foncia [R] Sogestim, remplacée par un autre syndic, soit le 8 juin 2006, qu'il a pu être informé de l'état réel de la situation juridique de la copropriété, s'agissant des actions possibles à l'encontre des entrepreneurs, et de l'expiration des délais pour agir en réparation des désordres relatifs aux infiltrations de la toiture.

Or, la loi du 17 juin 2008 portant réforme de la prescription en matière civile étant entrée en vigueur avant l'expiration du délai de prescription applicable selon l'ancien article L.110-4 du code de commerce et avant l'introduction de l'instance par le syndicat des copropriétaires contre la société Foncia [R] Sogestim, par l'assignation du 18 juin 2013, ses dispositions transitoires s'appliquent. Le nouvel article L.110-4 du code de commerce qui en est issu ayant réduit le délai de prescription à 5 ans et s'appliquant à compter du jour de son entrée en vigueur, il en résulte que le délai de prescription de l'action en responsabilité du syndicat des copropriétaires à l'encontre de la société Foncia [R] Sogestim expirait le 19 juin 2013, étant observé que le délai total de prescription n'allait pas excéder le délai de 10 ans prévu par l'ancien article L.110-4 du code de commerce. Dès lors, l'action du syndicat des copropriétaires ayant été introduite le 18 juin 2013, elle n'est donc pas prescrite.

En conséquence, le jugement déféré sera donc infirmé en ce qu'il a déclaré irrecevables ses demandes dirigées contre la société Foncia [R] Sogestim pour être prescrites et ces demandes seront déclarées recevables.

II - Sur la demande de la société Foncia [R] Strasbourg tendant au renvoi de l'affaire devant le premier juge

Subsidiairement, à l'appui de sa demande tendant au renvoi de l'affaire devant le tribunal judiciaire pour qu'il soit statué au fond, la société Foncia [R] Sogestrim souligne que le pouvoir d'évocation reconnu à la cour, qui existe en l'espèce en application de l'article 568 du code de procédure civile, n'est qu'une simple faculté et qu'il convient de lui préserver la garantie du double degré de juridiction.

Le syndicat des copropriétaires présente ses demandes au fond et, subsidiairement, la société Foncia [R] Strasbourg y réplique.

Selon les dispositions de l'article 562 du code de procédure civile dans sa version actuelle, l'appel défère à la cour la connaissance des chefs de jugement qu'il critique expressément et de ceux qui en dépendent.

La dévolution s'opère pour le tout lorsque l'appel tend à l'annulation du jugement ou si l'objet du litige est indivisible.

Par l'effet dévolutif de l'appel interjeté par le syndicat des copropriétaires, qui n'est pas limité à la fin de non-recevoir soulevée par la société Foncia [R] Strasbourg, et en raison du lien existant entre la recevabilité de la demande et le fond du litige, la cour est saisie de plein droit de l'ensemble de ce litige.

III - Sur la responsabilité de la société Foncia [R] Strasbourg

A) Sur la faute de la société Foncia [R] Sogestrim

Sur la faute de l'intimée, le syndicat des copropriétaires invoque les dispositions de l'article 1992 du code civil selon lesquelles un mandataire répond de sa gestion envers son mandant et qui imposent au syndic d'agir avec un soin vigilant, une diligence attentive, un comportement averti et une attitude de « bon père de famille », ainsi que celles de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965 selon lesquelles le syndic est seul responsable de sa gestion et des conséquences dommageables de son comportement négligent. Il ajoute que l'appréciation de la responsabilité du syndic dans sa gestion diffère suivant que ce dernier est professionnel ou non professionnel.

L'appelant soutient que, s'il ne produit aucun marché les concernant, l'ampleur des travaux de 1990 résulte des pièces produites et du rapport d'expertise judiciaire et elle a été admise par la société Foncia [R] Sogestrim, qui la connaissait, de même que leur coût, ayant été son syndic dès décembre 1990 et lors de la levée des réserves.

L'appelant reproche à la société Foncia [R] Sogestrim de ne pas avoir procédé aux actes interruptifs des délais de prescription des anciens articles 2242 et suivants du code civil, et notamment du délai de garantie décennale par une action en référé-expertise, ou de ne pas avoir exercé les actions en garantie qui s'imposaient.

Les « nombreuses diligences » invoquées par la société Foncia [R] Sogestrim ne consistaient qu'en des travaux ponctuels ne conduisant ni à réparer les désordres constatés et y mettre fin, ni à en rechercher les causes, la procédure de référé-expertise ayant été introduite après l'expiration de la garantie décennale.

Le syndicat des copropriétaires ajoute que :

- l'expert judiciaire a clairement indiqué que les différents désordres constatés sont exclusivement imputables aux travaux de réfection de 1989-1990 et aux constructeurs intervenus sur l'ouvrage ; de plus, la responsabilité décennale des différents intervenants constructeurs et de leurs assureurs n'a pu être mise en cause, uniquement en raison de la faute de la société Foncia [R] Sogestrim qui n'a pas fait interrompre le délai de prescription applicable ;

- une action en responsabilité contre M. [W], en sa qualité de maître d''uvre, aurait été illusoire, d'autant plus qu'il est décédé après avoir transféré son activité d'architecte dans la SARL A2K, placée en liquidation judiciaire ; de plus, le rapport d'expertise a limité sa responsabilité à 50 %,

- les quitus donnés par l'assemblée générale des copropriétaires au syndic pour sa gestion administrative, qu'il appartient à la société Foncia [R] Sogestrim de prouver, ne valent reconnaissance de la bonne exécution de ses obligations que si les copropriétaires ont reçu préalablement une information suffisante, notamment sur les négligences du syndic et leurs conséquences, ce qui n'est pas démontré.

La société Foncia [R] Sogestrim souligne quant à elle que l'obligation du syndic est une obligation de diligence et de vigilance, s'agissant d'une obligation de moyen s'appréciant in concreto, et non d'une obligation de résultat, que la période de gestion en cause est celle comprise entre le signalement des désordres, le 1er février 1999, et la fin de la garantie décennale, le 29 novembre 2000, et que l'appelant doit prouver si une action contre les constructeurs et leurs assureurs respectifs s'imposait avant le 29 novembre 2000 et si elle avait des chances d'aboutir.

Elle reproche à ce titre au syndicat des copropriétaires de ne produire aucune preuve de l'objet des travaux de couverture zinguerie réalisés en 1989-1990, de leur ampleur et de leur consistance.

L'intimée soutient que les réparations entreprises ont représenté un coût important, qu'elles démontrent le respect de ses obligations contractuelles et qu'elle-même ne pouvait envisager à l'époque la nécessité d'une réfection de l'intégralité de la toiture.

Elle ajoute que :

- le syndicat des copropriétaires ne démontre nullement qu'une action dirigée contre les constructeurs aurait eu une chance d'aboutir et qu'elle s'imposait ; la preuve de la nature décennale des désordres n'est pas rapportée ;

- une procédure était toujours envisageable en 2006 à l'encontre de M. [W], sur le fondement de la responsabilité civile de droit commun, dans le cadre de laquelle le syndicat des copropriétaires conservait toute chance d'obtenir réparation de son entier préjudice, le tribunal n'étant pas tenu par le partage de responsabilité proposé par le rapport d'expertise ;

- l'entreprise générale a également commis des fautes dolosives, ayant signé avec le maître d''uvre le procès-verbal de carence du 19 janvier 1990 ;

- quitus lui ayant été donné pour sa gestion pendant toute la durée de son mandat de syndic, alors que l'assemblée générale des copropriétaires était informée de l'avancement du dossier, sa responsabilité ne peut être engagée ; elle précise que seul le syndicat des copropriétaires dispose des procès-verbaux d'assemblée générale, qu'elle n'a plus en sa possession.

* * *

Ainsi que le souligne le syndicat des copropriétaires, en application de l'article 1992 du code civil, le mandataire répond des fautes qu'il commet dans sa gestion envers son mandant, cette responsabilité pour faute étant cependant appliquée moins rigoureusement à celui dont le mandat est gratuit qu'à celui qui reçoit un salaire. De plus, selon les dispositions de l'article 18 de la loi du 10 juillet 1965, le syndic est seul responsable de sa gestion.

Dans la situation présente, si aucun document contractuel n'a été versé aux débats par le syndicat des copropriétaires concernant les travaux effectués en 1989-1990, l'expert judiciaire, dans son rapport du 23 mai 2005, mentionne : « certes nous ignorons l'ampleur des travaux effectués sous la maîtrise d''uvre de Monsieur [W], mais le constat des lieux montre que l'ensemble de la toiture a bien été refait il y a une quinzaine d'années et ne date donc pas, à part quelques ouvrages, de l'origine des immeubles.

La qualité encore constatable actuellement des travaux réalisés par Monsieur [W] permet de conclure aujourd'hui que ces ouvrages étaient entachés de nombreuses non conformités aux règles de l'art ».

À ce titre, l'expert conclut en s'interrogeant sur la commission d'une « telle somme de non-conformités » sous la surveillance d'un architecte, sans aucune mise en garde adressée à l'entreprise pendant les travaux, et sur le fait que l'architecte ait pu procéder à la réception des travaux de celle-ci. Tous les manquements constatés dans la réfection de la toiture, de la découpe, de la fixation et de l'emboîtement des tuiles à la réalisation de la zinguerie, entraîne, selon l'expert, un risque de « découverture » du toit en cas de tempête, des chutes d'ardoises et de tuiles, de pièces de zinguerie, des risques d'infiltration au niveau des lucarnes et chiens assis, des arêtiers et de la faîtière du toit en ardoise, une infiltration probable le long des murs mitoyens, au niveau des bandes solives arrachées, un mauvais vieillissement des toits en tuiles, un pourrissement de la façade, au niveau de l'écoulement des eaux pluviales, ainsi qu'un pourrissement du bois des lucarnes, déjà en cours, une dégradation du mur mitoyen par écoulement non conforme d'un chêneau ou joint mal fixé, le bouchage des écoulements des gouttières et chéneaux.

L'expert précise que, bien que non constatées, des infiltrations généralisées sur les toits vont apparaître ou sont déjà apparues et ont été réparées, en raison des tuiles manquantes déplacées, de même que des fuites des gouttières et des descentes d'eau pluviale. Il évoque, à moyen, voire court terme, la nécessité d'une révision complète de l'ensemble de la couverture.

Si, lors de l'expertise, le syndicat des copropriétaires a indiqué qu'il existait plus, à ce jour, de problème d'infiltration, le nombre des désordres constatés, leur gravité et la nécessité d'une révision complète de la couverture dans une certaine urgence, mettent en évidence leur caractère décennal, étant souligné que le risque évoqué par l'expert s'est déjà réalisé, dans la mesure où des infiltrations sont déjà survenues et ont été réparées et où des pourrissements de la façade et du bois des lucarnes ont déjà été constatés. Dès lors, les désordres en cause sont bien de ceux compromettant la solidité de l'immeuble ou le rendant impropre à sa destination.

S'agissant de la réception des travaux, le syndicat des copropriétaires ne la remet pas en cause, bien que le procès-verbal de celle-ci, daté du 29 novembre 1990, ait été signé, non pas par son représentant mais par son maître d'oeuvre, M. [W].

De plus, l'expert a mis en évidence le caractère non apparent des désordres lors de la réception. En effet, il précise, dans une réponse au dire de l'une des parties, « on ne peut exiger de la part d'un profane la connaissance du DTU ainsi que l'inspection d'un toit au 4ème étage. » D'ailleurs, comme l'observe l'appelant, l'intimée avait elle-même souligné le caractère caché des désordres lors de la réception des travaux, dans le cadre de la procédure de référé expertise.

Or, il est apparu, après la fin du mandat de syndic de la société Foncia [R] Strasbourg, que la garantie décennale des différents intervenants à ces travaux de toiture ne pouvait plus être mise en cause, le délai pour agir à ce titre étant écoulé et aucune cause d'interruption de celui-ci n'étant survenue.

S'agissant du rôle de la société Foncia [R] Strasbourg, il résulte très explicitement de tous les développements qui précèdent que cette dernière, durant la période d'exercice de son mandat de syndic, n'a effectué aucune diligence de nature à interrompre le délai de prescription décennale et n'a jamais alerté le syndicat des copropriétaires de ce qu'aucune cause d'interruption du délai de garantie décennale relative aux travaux de réfection de la toiture de 1989-1990 n'était intervenue, mais elle l'a au contraire maintenu dans l'illusion de telles interruptions et de recours engagés contre les constructeurs, et ce encore bien après le 18 novembre 2000, en évoquant notamment, en assemblée générale des copropriétaires, des diligences toujours en cours afin d'obtenir la réparation des désordres provenant d'infiltrations et, lors de l'assemblée générale du 19 janvier 2001, en les laissant croire que seul restait à effectuer le chiffrage des travaux de remise en état.

Elle n'a pas non plus exécuté la résolution adoptée par l'assemblée générale du 27 août 2003, qui a autorisé le syndic à agir en justice à l'encontre de l'architecte et de l'entrepreneur principal, titulaire du lot couverture-zinguerie, afin d'engager leur responsabilité, s'agissant des désordres d'infiltration dus aux non-conformités des travaux de rénovation de la toiture. La même résolution a aussi prévu que le syndic tiendrait informés le conseil syndical et l'assemblée générale de l'évolution des procédures.

Là encore, la société Foncia [R] Sogestim, nécessairement à l'origine de l'ordre du jour de cette assemblée générale, n'a donné aucune information aux copropriétaires présents sur l'expiration du délai pour agir en réparation de ces désordres sur le fondement de la garantie décennale. Ce n'est d'ailleurs que postérieurement, en 2004, qu'elle a engagé une procédure en référé-expertise à l'encontre de l'architecte, qui a donné lieu à un rapport du 23 mai 2005, invoquant, à l'appui de sa demande, une faute de ce maître d'oeuvre, pour ne pas avoir donné connaissance d'un rapport d'expertise intervenu avant la réception des travaux.

Par ailleurs, il n'apparaît pas que la société Foncia [R] Sogestim ait donné connaissance au syndicat des copropriétaires de tous les courriers échangés avec les entrepreneurs et leurs assureurs, qui auraient pu alerter son mandant sur l'état réel des actions de son syndic à leur encontre.

Enfin, sur les quitus invoqués par la société Foncia [R] Strasbourg, que lui auraient donné les assemblées générales des copropriétaires durant l'exercice de son mandat, il convient de souligner qu'un tel quitus délivré au syndic ne fait pas obstacle à l'introduction d'une action en responsabilité à son encontre, fondée sur des faits ignorés du syndicat des copropriétaires au moment où ce quitus a été donné. Or, la présente action en responsabilité engagée contre l'intimée par le syndicat des copropriétaires repose précisément sur des faits dont ce dernier reproche à son syndic de ne pas l'avoir informé.

Dès lors, l'ensemble des développements ci-dessus fait clairement apparaître l'existence d'une faute de la société Foncia [R] Strasbourg, en sa qualité de syndic, en ce qu'elle s'est abstenue des diligences nécessaires pour obtenir la prise en charge du sinistre par les constructeurs ou leurs assureurs, a maintenu le syndicat des copropriétaires dans l'ignorance de l'expiration du délai pour agir à leur encontre en réparation des désordres affectant les travaux de réfection de la toiture de l'immeuble en copropriété réalisés en 1989-1990, et en ce qu'elle l'a maintenu au contraire dans l'illusion de ce que de tels recours étaient ou pouvaient encore être introduits. Cette faute est de nature à engager la responsabilité de l'intimée, en sa qualité de syndic, s'agissant des préjudices causés au syndicat des copropriétaires par ce comportement fautif durant les années d'exercice de son mandat.

B) - Sur le préjudice et le lien de causalité

Sur les préjudices qu'il a subis, le syndicat des copropriétaires soutient que, selon la jurisprudence, le syndic qui a commis une faute doit supporter le coût des travaux de reprise et de l'ensemble des travaux de mise en conformité et que la société Foncia [R] Sogestrim doit donc assumer l'intégralité des travaux de réfection qui s'imposent, sa négligence ayant concouru au même entier dommage que les constructeurs. Il conteste que les travaux dont le montant est réclamé soient des travaux d'amélioration. Il affirme en effet avoir mis en compte les travaux de première nécessité qui seuls ont été chiffrés par l'expert, ajoutant avoir tenu compte des observations de ce dernier, qui a précisé que la mise en conformité exigerait nécessairement la dépose d'une grande partie des ouvrages exécutés et a fait état, non pas d'une réfection complète, mais d'un renouvellement partiel de la toiture. Or, la société Foncia [R] Sogestrim n'a jamais contesté les conclusions du rapport d'expertise.

Sur le défaut d'entretien invoqué par l'intimée, l'appelant souligne qu'elle était elle-même en charge d'assurer l'entretien des toitures durant ses fonctions de syndic, et qu'à aucun moment, l'expert ne fait état d'un défaut d'entretien susceptible de diminuer ou d'écarter la responsabilité des constructeurs.

Sur le lien de causalité entre la faute de la société Foncia [R] Sogestrim et ses préjudices, le syndicat des copropriétaires soutient essentiellement que les conditions de mise en 'uvre de la responsabilité décennale des constructeurs et, en conséquence, de la garantie des désordres par leurs assureurs respectifs étaient réunies, et que l'ensemble des pièces produites démontre que la société Foncia [R] Sogestrim avait connaissance de la gravité de ces désordres et de la responsabilité décennale qui en découlait nécessairement.

Il ajoute enfin que la société Foncia [R] Sogestrim est seule responsable de son préjudice qu'elle devra réparer intégralement, s'agissant d'une perte de chance de voir

pris en charge les travaux de réfection complète de la toiture de l'immeuble par les différents intervenants constructeurs et leurs assureurs.

La société Foncia [R] Sogestrim soutient quant à elle que le syndicat des copropriétaires ne démontre pas que, si une action contre les constructeurs avait été engagée avant le 19 novembre 2000, les conditions de prise en charge du sinistre par les assureurs de responsabilité décennale auraient été remplies.

De plus, la preuve n'est pas rapportée que l'action contre les constructeurs, si elle avait été engagée avant l'expiration du délai de garantie décennale, aurait permis d'obtenir la prise en charge de la rénovation complète de la toiture, d'autant plus que l'expert a lui-même exclu, en 2005, un remplacement total de celle-ci.

Elle ajoute que le préjudice invoqué ne peut qu'être une perte de chance, celle d'ester en justice et d'obtenir la condamnation des constructeurs et de leurs assureurs à l'indemniser du préjudice résultant des désordres décennaux, qui ne peut être égale à l'avantage qu'elle aurait procuré si elle s'était réalisée. De plus, le caractère réel et sérieux de cette chance doit être démontré, ce qui n'est pas le cas en l'absence de preuve du caractère décennal des désordres en cause.

En outre, en 2005, il ne subsistait aucune infiltration d'eau, ce qui prouve que les désordres avaient cessé.

Par ailleurs, le syndicat des copropriétaires pouvait agir contre le maître d''uvre et ainsi obtenir la réparation de son entier préjudice. En revanche, il ne peut lui réclamer le coût de réfection totale de la toiture qui a atteint sa durée de vie, sans établir l'ampleur et le montant des travaux de 1989-1990, ainsi que celui des travaux de reprise des malfaçons. Or, cette réfection totale est sans rapport avec les malfaçons et non-conformités constatées, d'autant plus qu'elle inclut des changements de matériaux à certains endroits, pour des matériaux fort coûteux. De plus, les devis proposés ont connu une hausse de 19 % en cinq ans, sans relation avec le taux d'inflation ou l'évolution de l'indice du coût de la construction. La demande est donc sans rapport avec la perte de chance alléguée.

* * *

Comme l'admet le syndicat des copropriétaires lui-même, le préjudice causé par les fautes démontrées à l'encontre de la société Foncia [R] Strasbourg ne peut s'analyser qu'en une perte de chance de pouvoir engager des actions en responsabilité contre les constructeurs et leurs assureurs et de faire prendre en charge le coût de la réparation des désordres affectant les travaux de réfection de la toiture en cause, en ce compris celui des dépenses déjà engagées à ce titre.

En effet, d'une part une décision de l'assemblée générale des copropriétaires était nécessaire pour engager ces actions, ce qui leur ôtait tout caractère certain, même si la probabilité d'un tel vote était grande. D'autre part et surtout, le succès de telles actions aurait été conditionné par la solvabilité des entreprises concernées et par le fait qu'elles aient bien été assurées pour les travaux en cause.

Au vu de l'ensemble de ces éléments, mais aussi du rapport d'expertise judiciaire sur les désordres et les responsabilités encourues, le taux de cette perte de chance doit être évalué à 70 %.

S'agissant du montant auquel cette perte de chance doit s'appliquer, il doit être souligné que l'expert judiciaire a chiffré uniquement le coût des remises en état déjà effectuées et celui des travaux de première nécessité, tout en relevant qu'en conséquence des très nombreuses malfaçons affectant les travaux de réfection de la toiture en cause, une révision complète de l'ensemble de la couverture serait nécessaire.

Il s'agit bien d'une révision et non d'une réfection de cette toiture, même partielle. En effet, il ne peut être question de prendre en compte le coût total de travaux de réfection de la toiture, dans la mesure où l'expert judiciaire n'a mis en évidence que la nécessité d'une révision de celle-ci et non pas sa réfection, même partielle, pour mettre fin aux désordres, et que la société Foncia [R] Strasbourg n'est pas responsable du fait que les travaux préconisés par l'expert en 2005 n'ont pas été effectués, étant observé que le syndicat des copropriétaires n'a engagé sa responsabilité qu'en juin 2013, soit 8 ans après le dépôt du rapport d'expertise.

C'est pourquoi le devis de la société Giessler Couverture du 6 septembre 2018, relatif au « renouvellement partiel » de la toiture, à savoir la réfection totale de la « toiture 3 pans en ardoise », du « brisis cour intérieure en ardoise » et de la « toiture tuile plate », sur la base duquel le syndicat des copropriétaires chiffre sa demande au montant de 231 494,69 euros, ne peut être pris en compte. Il convient donc, en l'état des éléments d'appréciation dont la cour dispose, d'évaluer le coût de la révision de la toiture au montant de 50 000 euros, qui inclura celui des travaux de première nécessité chiffré par l'expert au montant de 4 151,42 euros, auquel devra s'ajouter le coût des remises en état déjà effectuées, relevé par l'expert et chiffré par lui au montant de 11 765,69 euros, soit au total 61 765,69 euros TTC.

Après application du taux de perte de chance de 70 %, le préjudice subi par le syndicat des copropriétaires doit donc être fixé au montant de (61 765,69 euros x 70%) 43 235,98 euros, que la société Foncia [R] Strasbourg sera condamnée à lui régler avec intérêts au taux légal à compter de ce jour.

Suite à la demande de l'appelant et conformément aux dispositions de l'article 1343-2 du code civil, il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts échus dus sur ce montant pour une année entière.

III - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant infirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais non compris dans les dépens.

La fin de non-recevoir soulevée par la société Foncia [R] Sogestim étant écartée et la demande d'indemnisation du syndicat des copropriétaires partiellement accueillie, l'intimée sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Pour ces mêmes motifs, la société Foncia [R] Strasbourg sera condamnée à régler au syndicat des copropriétaires la somme de 4 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, au titre des frais non compris dans les dépens engagés par ce dernier en première instance et en appel. En revanche, la demande de l'intimée présentée sur le même fondement et au même titre sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement rendu entre les parties par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 28 novembre 2019 en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et ajoutant au dit jugement,

DECLARE recevables les demandes présentées par le syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 3] contre la société Foncia [R] Sogestim,

CONDAMNE la société Foncia [R] Sogestim à payer au syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 3] la somme de 43 235,98 euros (quarante-trois mille deux cent trente-cinq euros et quatre-vingt-dix-huit centimes) à titre de dommages et intérêts, avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,

DIT que les intérêts échus dus pour une année entière porteront eux-mêmes intérêts au taux légal,

CONDAMNE la société Foncia [R] Sogestim aux dépens de première instance et d'appel,

CONDAMNE la société Foncia [R] Sogestim à payer au syndicat des copropriétaires de la Résidence [Adresse 3], représenté par son syndic, la somme de 4 000,00 (quatre mille) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de la société Foncia [R] Sogestim présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/00407
Date de la décision : 23/02/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-02-23;20.00407 ?
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