n° minute : 14/2023
Copie exécutoire à :
- Me Raphaël REINS
- Me Laurence FRICK
Le 8 février 2023
La Greffière,
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE DES URGENCES
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
N° RG 22/00105 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H6MO
mise à disposition le 8 Février 2023
Dans l'affaire opposant :
M. [Z] [Y]
[Adresse 1]
Mme [V] [Y]
[Adresse 1]
S.A.R.L. SCIERIE [Y] & FILS prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
Représentés par Me Raphaël REINS, avocat à la cour
- partie demanderesse au référé -
S.A. CREDIT MUTUEL LEASING, anciennement dénommée CM CIC BAIL, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
S.A. HSBC CONTINENTAL EUROPE, anciennement dénommée HSBC FRANCE, prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 4]
Représentées par Me Laurence FRICK, avocate à la cour
- partie défenderesse au référé -
Nous, Pascale BLIND, présidente de chambre à la cour d'appel de Colmar, agissant sur délégation de Madame la première présidente, assistée lors des débats et de la mise à disposition de la décision de Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffière, après avoir entendu, en notre audience publique de référé du 18 Janvier 2023, les avocats des parties en leurs conclusions et observations et avoir indiqué qu'une décision serait rendue ce jour, statuons publiquement, par mise à disposition d'une ordonnance contradictoire, comme suit :
Par jugement du 11 mai 2022, le tribunal judiciaire de Colmar a :
- constaté la résiliation de plein droit des contrats de crédit-bail souscrits entre les sociétés Crédit Mutuel Leasing, HSBC France et la SARL Scierie [Y] & fils à la date du 12 novembre 2018
- condamné la SARL Scierie [Y] & fils à payer à la SA Crédit Mutuel Leasing la somme de 339 265,15 euros au titre de l'indemnité contractuelle de résiliation due en exécution du contrat n° 10007371400, avec intérêts au taux conventionnel égal au taux d'intérêt légal majoré de 10 points, à compter du 12 novembre 2018
- condamné la SARL Scierie [Y] & fils à payer à la SA HSBC France la somme de 282 031,99 euros, au titre de l'indemnité de résiliation due en exécution du contrat n°10007371400, avec intérêts au taux conventionnel égal au taux d'intérêt légal majoré de 10 points, à compter du 12 novembre 2018
- condamné Monsieur [Z] [Y] à payer ces sommes solidairement avec la SARL Scierie [Y] & fils à la SA Crédit Mutuel Leasing et à la SA HSBC France, et ce, dans la limite de son engagement de caution, à savoir 505 000 euros en principal, majoré des intérêts au taux légal à compter du 5 avril 2019, date de la première mise en demeure
- condamné solidairement la SARL Scierie [Y] & fils, Monsieur [Z] [Y] et Madame [V] [Y] à payer à la SA Crédit Mutuel Leasing la somme de 8 065,65 euros, au titre du contrat n°10007378940, avec intérêts au taux conventionnel égal au taux d'intérêt légal majoré de 10 points, à compter du 12 novembre 2018
- ordonné la capitalisation des intérêts dus pour une année entière à compter de la décision
- débouté la SA Crédit Mutuel Leasing et la SA HSBC France de leur demande de restitution du matériel loué et de prise en charge de frais de décontamination
- condamné solidairement la SARL Scierie [Y] & fils, Monsieur [Z] [Y] et Madame [V] [Y] aux entiers dépens de l'instance.
La SARL Scierie [Y] & fils, Monsieur [Z] [Y] et Madame [V] [Y] ont interjeté appel de ce jugement, par déclaration du 20 mai 2022.
Par actes en date des 24 octobre 2022, ils ont fait assigner en référé la société CM CIC Bail, devenue la SA Crédit Mutuel Leasing, et la SA HSBC Continental Europe aux fins d'obtenir l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 11 mai 2022 et la condamnation solidaire des sociétés défenderesses aux dépens de l'instance.
Aux termes de leur assignation soutenue à l'audience du 18 janvier 2023, les demandeurs invoquent les conséquences manifestement excessives résultant de l'exécution provisoire dès lors que l'activité de la SARL Scierie [Y] & fils a été fortement impactée par un sinistre, qu'eu égard aux difficultés subies par la société, Monsieur [Z] [Y], gérant non salarié, peine à se verser un revenu décent et qu'il en est de même pour Madame [V] [Y], salariée de la société.
Ils soutiennent qu'ils sont dans l'incapacité de s'acquitter des montants dus, Monsieur [Z] [Y] et Madame [V] [Y] soulignant qu'aucun prêt ne peut leur être accordé.
Sur les moyens sérieux de réformation du jugement, la partie demanderesse fait valoir que du fait des manquements des sociétés défenderesses, la SARL Scierie [Y] & fils qui a subi un incendie n'était pas couverte par une assurance et que les conditions générales de vente sur lesquelles le tribunal s'est fondé ne sont pas opposables à la société Scierie [Y] & fils, celle-ci ne les ayant jamais acceptées. De plus, l'article 5 du contrat, appliqué par le premier juge, devrait être réputé non écrit.
Aux termes de leurs écritures du 14 novembre 2022, les sociétés Crédit Mutuel Leasing et HSBC Continental Europe, anciennement dénommée HSBC France, concluent à l'irrecevabilité de la demande d'arrêt d'exécution provisoire, subsidiairement au rejet et en toute hypothèse à la condamnation solidaire des demandeurs aux dépens ainsi qu'au versement d'un montant de 2 000 euros, sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
Les défenderesses font valoir à titre principal que les demandeurs, qui n'avaient formulé aucune observation sur l'exécution provisoire en première instance, ne justifient d'aucune conséquence manifestement excessive révélée postérieurement à la décision, si bien qu'en application de l'article 514-3 du code de procédure civile, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire est irrecevable.
SUR CE
L'instance devant le tribunal judiciaire de Colmar ayant été introduite en octobre 2020, il convient d'une part de constater que la décision de première instance est de droit exécutoire à titre provisoire et d'autre part de faire application de l'article 514-3 du code de procédure civile, tel qu'issu du décret n° 2019 -1333 du 11 décembre 2019.
Aux termes de cet article, en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de droit de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
D'autre part, ce même article dispose en son alinéa 2 que la demande de la partie qui a comparu en première instance sans faire valoir d'observations sur l'exécution provisoire n'est recevable que si, outre l'existence d'un moyen sérieux d'annulation ou de réformation, l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement à la décision de première instance.
En l'espèce, il ne ressort nullement de la procédure soumise au premier président que la SARL Scierie [Y] & fils, Monsieur [Z] [Y] et Madame [V] [Y] qui ont comparu en première instance aient formulé devant le tribunal des observations sur l'exécution provisoire de droit.
Par ailleurs, la SARL Scierie [Y] & fils invoque des difficultés d'exploitation qu'elle impute au sinistre survenu en novembre 2018, ayant eu pour effet de rendre inexploitables les locaux, de détruire les machines et les stocks. Monsieur [Z] [Y] et Madame [V] [Y] font état, quant à eux, des répercussions des difficultés de la société sur leurs revenus respectifs, s'élevant respectivement à environ 1 300 euros et 930 euros en 2021. Ils invoquent également des charges habituelles de la vie courante et le remboursement d'un prêt souscrit dès septembre 2020 auprès de Cetelem dont les échéances mensuelles sont de 243,86 euros.
Ces éléments étaient connus des parties demanderesses dès la procédure de première instance et les difficultés financières invoquées ne sont pas nées postérieurement au jugement.
Au demeurant, les demandeurs n'ont pas répondu au moyen d'irrecevabilité soulevé par la partie adverse.
Force est de constater que les demandeurs n'établissent pas que l'exécution provisoire risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives qui se sont révélées postérieurement au jugement.
A défaut pour eux d'avoir justifié d'un risque de conséquences manifestement excessives révélées postérieurement à la décision de première instance, la demande d'arrêt de l'exécution provisoire sera déclarée irrecevable, en vertu de l'article 514-3 alinea 2 précité.
La SARL Scierie [Y] & fils, Monsieur [Z] [Y] et Madame [V] [Y] seront condamnés in solidum aux dépens de la présente instance.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit des sociétés Crédit Mutuel Leasing et HSBC Continental Europe.
PAR CES MOTIFS
Statuant par décision contradictoire, après débats en audience publique,
Déclarons la demande de la SARL Scierie [Y] & fils, de Monsieur [Z] [Y] et de Madame [V] [Y] tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Colmar le 11 mai 2022 irrecevable ;
Rejetons les demandes respectives des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons la SARL Scierie [Y] & fils, Monsieur [Z] [Y] et Madame [V] [Y], in solidum, aux dépens de la présente instance.
La greffière, La présidente,