MINUTE N° 23/95
Copie exécutoire à :
- Me Thierry CAHN
- Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS
Le
Le greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
TROISIEME CHAMBRE CIVILE - SECTION A
ARRET DU 30 Janvier 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : 3 A N° RG 21/04803 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HWYL
Décision déférée à la cour : jugement rendu le 21 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de Mulhouse
APPELANT :
Monsieur [T] [X]
[Adresse 5]
[Adresse 3] (SUISSE)
Représenté par Me Thierry CAHN, avocat au barreau de COLMAR
INTIMÉE :
[Adresse 4]
Prise en la personne de Madame le Maire
[Adresse 1]
[Localité 2]
Représentée par Me Christine LAISSUE-STRAVOPODIS, avocat au barreau de COLMAR
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 21 novembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :
Mme MARTINO, Présidente de chambre
Mme FABREGUETTES, Conseiller
Madame DAYRE, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier lors des débats : Mme HOUSER
ARRET :
- contradictoire
- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du
code de procédure civile.
- signé par Mme Annie MARTINO, président et Mme Anne HOUSER, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
*****
FAITS CONSTANTS ET PROCEDURE
Faisant valoir que le 6 juin 2014, un arbre malade situé sur le terrain communal privé de la commune de Biederthal est tombé sur son véhicule Volvo, stationné sur une place de stationnement situé devant la maison qu'il loue et fondant sa demande sur les dispositions de l'article 1242 du code civil engageant la responsabilité du fait des choses, Monsieur [T] [X] a assigné la commune de [Localité 2] devant le tribunal d'instance de Mulhouse le 4 juin 2019, aux fins de la voir condamner à lui payer la somme de 6 184,43 € en réparation du préjudice matériel au titre des dégâts causés à son véhicule et à la clôture de sa maison, la somme de 2 000 € pour son préjudice moral et la somme de 2 000 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.
La commune de [Localité 2] a conclu au rejet des demandes et a sollicité paiement d'une somme de 1 500 € par application de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle n'a pas contesté être propriétaire de l'arbre, mais a fait valoir qu'aucune constatation contradictoire de la matérialité des faits et des dommages afférents n'a été effectuée, de sorte que le demandeur ne prouve pas que les dommages présents sur son véhicule, ancien, sont dus à la chute de l'arbre.
Par jugement du 21 octobre 2021, le tribunal judiciaire de Mulhouse a :
-débouté Monsieur [T] [X] de l'intégralité de ses demandes,
-condamné Monsieur [T] [X] à payer à la commune de [Localité 2] la somme de 800 € en application de l'article 700 du code de procédure civile,
-condamné Monsieur [T] [X] aux entiers dépens.
Pour se déterminer ainsi, le premier juge a retenu qu'il n'était pas contesté par les parties que l'arbre appartient à la commune et qu'il a chuté en partie sur le véhicule du demandeur, engageant la responsabilité de la commune du fait des choses de son domaine privé ; que le demandeur ne verse aucun constat pour établir la
réalité des dégâts occasionnés ; que le seul élément objectif de dégradation est une photographie de qualité moyenne ; que le devis produit, traduit de l'allemand, détaille des réparations nombreuses se rapportant cependant à un véhicule âgé de vingt-trois ans et dont l'adresse du garagiste en Suisse est identique à celle de Monsieur [T] [X] en Suisse ; que le demandeur ne rapporte pas la preuve de l'existence d'un lien de causalité entre le dommage et les préjudices invoqués.
Monsieur [T] [X] a interjeté appel de cette décision le 23 novembre 2021.
Par écritures notifiées le 23 février 2022, il conclut à l'infirmation du jugement déféré et demande à la cour de :
-recevoir la demande,
-condamner la commune de [Localité 2] à payer à Monsieur [T] [X] la somme de 6 348,43 € en réparation du préjudice subi,
-condamner en outre la commune de [Localité 2] aux entiers dépens des deux instances ainsi qu'à un montant de 2 000 € en réparation du préjudice moral et de 2 000 € sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,
-rejeter toute prétention de la commune de [Localité 2].
Il fait valoir que lorsqu'il a emménagé dans la maison qu'il loue à [Localité 2], il avait verbalement attiré l'attention de la commune sur l'état de l'arbre situé en face de sa place de stationnement, qui penchait dangereusement ; que la commune n'a jamais jugé nécessaire d'intervenir ; que du fait de la chute de cet arbre, son véhicule a été gravement endommagé à plusieurs endroits ; qu'une partie de la clôture de son habitation a de même été détruite, ainsi que plusieurs plantes ; que le préjudice qu'il subit est prouvé par les photographies et facture du garage qu'il verse aux débats ; que son véhicule était certes ancien mais bien entretenu.
Par écritures notifiées le 17 mai 2022, la commune de [Localité 2] a conclu à la confirmation du jugement entrepris et a sollicité condamnation de Monsieur [T] [X] aux entiers dépens, ainsi qu'à lui payer la somme de 1 500 € au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle fait valoir que l'arbre, dont l'appelant ne lui a pas signalé la dangerosité prétendue et qui n'est pas malade, est tombé lors de gros orages qui se sont produits le 6 juillet 2014 ; que si le fait de
la chose, à savoir la chute de l'arbre et sa garde par la commune n'est pas contestée, Monsieur [T] [X] ne rapporte nullement la preuve du lien de causalité et de la matérialité des dommages ; qu'il ne justifie notamment pas que les dégâts qu'il allègue ont été causés dans leur ampleur par la chute de l'arbre ; que les photographies versées aux débats sont impropres à établir ce fait ; que le devis effectué par un garagiste suisse a été établi plusieurs mois après les faits et comporte des incohérences ; que ne sont notamment pas justifiés des frais de dépannage, des frais d'évacuation de branches, enlevées par les pompiers, des frais relatifs aux réparations à l'arrière du véhicule et pour celles à l'avant qui n'ont pas été dénoncées immédiatement, le remplacement total du capot et du pare-brise ; que certaines réparations relèvent d'une usure parfaitement normale compte tenu de l'âge du véhicule.
MOTIFS
En vertu des dispositions de l'article 1384 ancien, devenu 1242 du code civil, on est responsable non seulement du dommage que l'on cause par son propre fait, mais encore de celui qui est causé par le fait des personnes dont on doit répondre, ou des choses que l'on a sous sa garde.
Il est constant et non contesté qu'un arbre appartenant au domaine privé de la commune a chuté sur le véhicule Volvo de Monsieur [T] [X], qui était stationné à proximité de son domicile sur une place dédiée.
Il a toutefois été rappelé à juste titre par le premier juge que la mise en 'uvre de la responsabilité du fait des choses nécessite un lien de causalité entre le fait de la chose et le dommage qui doit être établi.
Si les photographies versées aux débats montrent le véhicule en question recouvert de branches sur son avant, la photographie en gros plan de l'avant de la voiture, effectivement de qualité moyenne, sur laquelle l'appelant se fonde notamment, ne permet pas de déterminer que le pare-brise, qui présente quelques rayures, a été brisé et que le capot a été enfoncé.
Monsieur [T] [X] s'appuie sur une facture établie le 27 octobre 2014 par un garage à Zuzwill, en Suisse, qui chiffre le coût des travaux à 2 755,40 francs suisses, le coût des pièces de rechange à 1 658,40 francs suisses, le coût du transport du véhicule avec remorque à 350 francs suisses et divers coûts, dont un
véhicule de remplacement du 6 juin à fin septembre 2014 et du petit matériel de nettoyage à 1 826,50 francs suisses, soit un total de facturation de 6 240,30 francs suisses.
Il sera relevé qu'aucune preuve n'est rapportée de ce que le véhicule, endommagé le 6 juin 2014 selon la déclaration de l'appelant et qui n'aurait fait l'objet de réparation que le 27 octobre 2014, n'était pas roulant et a dû faire l'objet d'un remorquage jusqu'à un garage situé en Suisse.
Par ailleurs, la réparation des dommages causés par l'arbre détaillée sur cette facture comprend l'enlèvement de branches restant sur le véhicule, ce qui pose question au regard de la durée écoulée entre le sinistre et cette prestation, d'autant que les photographies versées aux débats par Monsieur [T] [X] établissent que les branches ont été dégagées par les pompiers.
De même, la facture fait état de la nécessité de démonter et de remplacer le spoiler arrière, alors que les photographies font apparaître que les branches sont tombées exclusivement sur l'avant du véhicule, de nettoyer l'habitacle d'éclats de verre, alors qu'il n'apparaît pas que le pare-brise a été brisé par le choc, de débosseler la colonne de véhicule avant gauche, d'effectuer des travaux de peinture sur le spoiler arrière, de remplacer les phares avant et clignotants, ainsi que les feux de brouillard sans que l'imputation de ce remplacement à la chute de l'arbre soit établie.
Si la nécessité de changer le pare-brise rayé par l'impact et de remettre en peinture le capot également rayé est établie par les photographies versées aux débats, il convient de ramener le montant des réparations strictement imputables à la chute de l'arbre à la somme globale de 500 euros pour le remplacement du pare-brise (coût de la pièce et main d''uvre) et à la somme globale de 700 euros pour la remise en état du véhicule et l'élimination des rayures causées par les branches, avec retouches de peinture, soit un préjudice matériel retenu à hauteur de 1 200 euros.
Les autres chefs de demande sont en effet hors de proportion avec les dégâts qui peuvent être déduits des branches visibles sur la voiture et avec l'âge de ce véhicule, mis en circulation le 1er juillet 1997.
Les prétentions de l'appelant ne sont au surplus nullement justifiées par des éléments extrinsèques en ce qui concerne les frais de remorquage, l'appelant ayant au demeurant choisi de faire réparer son véhicule dans un garage distant de son domicile en France, et en ce qui concerne les frais de véhicule de remplacement, dont aucune pièce ne démontre le principe et la nécessité.
Enfin, aucune preuve n'est rapportée de ce que la clôture de la maison d'habitation de Monsieur [T] [X] aurait été endommagée lors de la chute de l'arbre, l'appelant ne pouvant se prévaloir d'aucune pièce sur ce point.
Le jugement déféré sera, au vu de ces éléments, infirmé en ce qu'il a débouté Monsieur [T] [X] de l'ensemble de ses demandes et la commune de [Localité 2] sera condamnée à lui payer la somme de 1 200 euros au titre de son préjudice matériel, portant intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.
Faute pour l'appelant de rapporter la preuve de ce qu'il subit un préjudice moral du fait de l'endommagement de son véhicule, la demande de ce chef sera rejetée.
Sur les frais et dépens :
Les dispositions du jugement déféré quant aux frais et dépens seront infirmées.
Partie perdante, la commune de [Localité 2] sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel, conformément aux dispositions de l'article 696 du code de procédure civile et sera déboutée de sa demande fondée sur l'article 700 du même code.
Il sera alloué à l'appelant la somme de 1 500 euros en compensation des frais non compris dans les dépens qu'il a dû exposer pour faire valoir ses droits.
PAR CES MOTIFS
LA COUR, statuant publiquement, par arrêt contradictoire,
INFIRME le jugement déféré,
Statuant à nouveau,
CONDAMNE la commune de [Localité 2] à payer à Monsieur [T] [X] la somme de 1 200 euros avec intérêts au taux légal à compter du présent arrêt,
DEBOUTE Monsieur [T] [X] de sa demande au titre du préjudice moral,
REJETTE la demande de la commune de [Localité 2] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la commune de [Localité 2] aux dépens,
Y ajoutant,
CONDAMNE la commune de [Localité 2] à payer à Monsieur [T] [X] la somme de 1 500 euros par application de l'article 700 du code de procédure civile,
DEBOUTE la commune de [Localité 2] de sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile,
CONDAMNE la commune de [Localité 2] aux dépens de l'instance d'appel.
La Greffière La Présidente