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27/01/2023 | FRANCE | N°21/00307

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 27 janvier 2023, 21/00307


MINUTE N° 49/2023





























Copie exécutoire à



- Me Loïc RENAUD



- Me Claus WIESEL





Le 27/01/2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 27 JANVIER 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00307 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HPBY



©cision déférée à la cour : 10 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG



APPELANTE et intimé sur incident :



E.U.R.L. [L] [C] ARCHITECTURE

prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 1]



représentée par Me Loïc RENAUD...

MINUTE N° 49/2023

Copie exécutoire à

- Me Loïc RENAUD

- Me Claus WIESEL

Le 27/01/2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 27 JANVIER 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00307 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HPBY

Décision déférée à la cour : 10 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE et intimé sur incident :

E.U.R.L. [L] [C] ARCHITECTURE

prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 1]

représentée par Me Loïc RENAUD, avocat à la cour.

plaidant : Me LOUY, avocat au barreau de Strasbourg

INTIMÉES et appelantes sur incident :

Madame [I] [D]

demeurant [Adresse 2]

S.C.I. [D] Prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 3]

représentées par Me Claus WIESEL, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 Juillet 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Dominique DONATH faisant fonction

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 14 octobre 2023 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK , présidente et Madame Dominique DONATH faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Mme [D] a acquis, à [Localité 3] (67), un ensemble immobilier qu'elle souhaitait rénover.

Ayant reçu la promesse de subventions à cette fin, elle a confié à la SARL Atelier d'Architecture [L] [C] un projet de rénovation-réhabilitation qui a fait l'objet d'un permis de construire accordé le 6 août 2009. La subvention a également été accordée. Un appel d'offres a été réalisé par le maître d''uvre, auquel deux acomptes sur honoraires de 15 000 euros et de 10 000 euros ont été versés. Cependant, le projet n'a pas été réalisé. La SARL Atelier d'Architecture [L] [C] a fait l'objet d'une liquidation judiciaire ouverte par un jugement du 11 mai 2010.

Les parties ont repris leurs relations, l'architecte agissant désormais sous couvert de l'EURL [L] [C] Architecture, immatriculée le 17 décembre 2010. Trois nouveaux acomptes sur honoraires ont été versés, d'un montant respectif de 4 500 euros, 3 000 euros et 12 500 euros.

Début 2013, un nouvel appel d'offres a intégré de nouvelles normes et Mme [D] a demandé au maître d''uvre de faire transférer la subvention à la SCI [D], ce qui a été obtenu, les travaux devant être réalisés avant fin 2016.

Une nouvelle demande de permis de construire a été déposée le 26 août 2016 au nom de la SCI [D], puis retirée quelques jours plus tard. Pressée par la mairie en raison de l'état de délabrement de la grange, la SCI [D] a déposé une demande de permis de démolir et ce permis a été obtenu le 8 septembre 2016.

L'EURL [L] [C] Architecture a saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg de demandes en paiement d'honoraires dirigées contre Mme [D] à hauteur de 15 278,40 euros et contre la SCI [D] à hauteur de 48 080 euros, dont 3 600 euros au titre du permis de démolir.

Par jugement du 10 novembre 2020, Le tribunal, devenu le tribunal judiciaire de Strasbourg a :

- constaté qu'aucune demande ne concernait Mme [D] et condamné L'EURL [L] [C] Architecture à verser à cette dernière la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- déclaré recevable la demande dirigée contre la SCI [D] et a condamné cette dernière à payer à l'EURL [L] [C] Architecture la somme de 6 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2017,

- dit que cette somme était compensée par la somme de 15 500 euros,

- débouté la SCI [D] de sa demande en dommages intérêts et l'a condamnée à payer à l'EURL [L] [C] Architecture la somme de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- fait masse des dépens et a condamné l'EURL [L] [C] Architecture et la SCI [D] à en supporter chacune la moitié.

Le tribunal a d'abord relevé que les dernières conclusions de l'EURL [L] [C] Architecture ne s'adressaient plus à Mme [D], contre laquelle aucune demande ne figurait dans le dispositif de ses écritures, ce dont il résultait qu'il n'y avait pas lieu d'examiner les moyens concernant la facture 91-2016.

Sur les demandes dirigées contre la SCI [D], le tribunal a relevé en premier lieu que l'une des prétentions figurant au dispositif des dernières écritures de l'EURL [L] [C] Architecture portait sur la facture 91-2016 alors que, selon la demanderesse elle-même, ces honoraires ne concernaient pas la SCI [D], mais Mme [D], ce dont il résultait que la demande relative à cette facture était mal fondée.

Sur la facture 94-2016 relative au permis de démolir, le tribunal a admis l'absence de contrat écrit, aucun honoraire n'ayant été convenu ou même potentiellement accepté implicitement.

Cependant, le permis de démolir avait été demandé et obtenu, la prestation ayant donc été réalisée. En revanche, le tribunal a estimé injustifié le montant facturé, de 3 600 euros, et fixé les honoraires au montant de 2 000 euros.

Sur la demande relative au projet ayant donné lieu au second permis de construire (facture 102-2016), le tribunal a relevé que, là encore, aucun contrat écrit n'avait été signé, aucun honoraire n'avait été convenu entre les parties. Il a cependant retenu l'existence d'un contrat oral, justifié par les démarches effectuées par l'architecte de la SCI [D] et par le paiement d'acomptes par Mme [D], gérante de la SCI [D], si bien que les prestations réalisées par l'EURL [L] [C] Architecture devaient être rémunérées.

Cette dernière ayant chiffré ses honoraires conformément au barème habituel de sa profession, le tribunal a cependant relevé que le dossier présenté était en réalité une copie du dossier relatif au permis de construire obtenu en août 2009, afin d'obtenir une prorogation du délai ou une autorisation de construire, si bien que, même avec des modifications ou vérifications, la phase jusqu'à l'obtention du permis de construire ne justifiait pas les honoraires mis en compte. De plus, l'architecte n'ayant pas produit son dossier de PCG (projet de conception générale), le tribunal ne pouvait vérifier que le travail avait été fait. En revanche, l'entier dossier de l'AMT (assistance au marché de travaux) était produit.

Le tribunal a estimé qu'il n'était pas nécessaire d'organiser une expertise judiciaire et que la rémunération globale ne pouvait excéder 4 000 euros.

Sur la demande reconventionnelle de compensation des sommes payées, soit 45 000 euros, avec les honoraires dus, le tribunal a relevé que les sommes réglées en 2009, 2010 et même 2013 ne concernaient pas le permis de construire de 2016.

En revanche, les montants de 3 000 euros, versé le 23 mai 2016, et de 12 500 euros versé le 3 juin 2016 concernaient manifestement le dossier du deuxième permis de construire, même s'ils avaient été réglés par Mme [D] et venaient donc en compensation avec les honoraires dus, le tribunal observant qu'il n'était pas demandé de restitution du trop payé.

En revanche, le tribunal, pour rejeter la demande de dommages-intérêts de la SCI [D], a souligné qu'en chiffrant les honoraires à 6 000 euros, il avait déjà tenu compte de l'incertitude relative dans laquelle cette dernière s'était trouvée, à laquelle elle n'avait pas cherché à mettre fin.

L'EURL [L] [C] Architecture a interjeté appel du jugement le 22 décembre 2020.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 1er février 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 20 janvier 2022, l'EURL [L] [C] Architecture sollicite que son appel principal soit déclaré recevable et bien-fondé et que l'appel incident et la demande reconventionnelle de la SCI [D] et de Mme [D] soient déclarés irrecevables et en tout cas mal fondés.

Elle sollicite l'infirmation du jugement déféré :

- en ce qu'il n'a pas fait droit à ses demandes de condamnation de la SCI [D] aux montants suivants :

* 42 480 euros au titre de la facture n°101-2016,

* 3 600 euros au titre de la facture n°94-2016,

* 11 290 euros au titre de la facture n°91-2016,

le tout avec intérêts à compter de la sommation ou de l'assignation,

- en tant que le tribunal a réduit à 2 000 euros au lieu de 3 600 euros le montant des honoraires et la rétribution pour l'ensemble des travaux relatifs au permis de démolir,

- en tant que le tribunal a fixé à 4 000 euros le montant de la rémunération globale pour les travaux relatifs au second permis de construire,

- en tant que le tribunal a condamné la SCI [D] à lui payer la somme de 6 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2017 et compensé ce montant avec la somme de 15 500 euros correspondant à deux acomptes payés par la SCI [D] au titre du second permis de construire (3 000 +12 500),

- en tant que le tribunal a condamné la SCI [D] à un montant de 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile en lieu et place de 1 500 euros,

- en tant que le tribunal l'a condamnée à payer à Mme [D] un montant de 3 000 euros sur le même fondement,

- en tant que le tribunal n'a pas fait droit à une demande d'expertise judiciaire.

Elle sollicite que la cour, statuant à nouveau, déboute les intimées de l'ensemble de leurs conclusions et condamne la SCI [D] aux montants de :

* 42 480 euros au titre de la facture n°101-2016,

* 3 600 euros au titre de la facture n°94-2016,

* 11 290 euros au titre de la facture n°91-2016,

le tout avec intérêts à compter de la sommation ou de l'assignation.

Subsidiairement, l'EURL [L] [C] Architecture sollicite la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a condamné la SCI [D]

à lui payer la somme de 6 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2017 et en ce qu'il a débouté cette dernière de sa demande de dommages-intérêts.

Elle sollicite par ailleurs la condamnation solidaire de Mme [D] et de la SCI [D] aux entiers frais et dépens de la procédure et la condamnation de la SCI [D], au titre de l'article 700 du code de procédure civile, à un montant de 1 500 euros pour la procédure de première instance et à un montant de 3 000 euros pour l'instance d'appel.

Avant-dire droit, elle sollicite la désignation de tel expert qu'il plaira à la cour, aux fins de décrire l'ensemble des travaux qu'elle a réalisés et donner tous éléments pour estimer le montant des honoraires.

L'EURL [L] [C] Architecture soutient que Mme [D], en novembre 2011, a demandé de nouveaux appels d'offres actualisés sur la base du premier permis de construire, mais pour quatre à cinq logements répartis sur deux bâtiments, appels d'offres réalisés, puis optimisés en intégrant également une nouvelle réglementation thermique. Cependant, Mme [D] a retardé la réalisation des travaux et sollicité le transfert de la subvention obtenue en 2009 au profit de la SCI [D], qui s'est vue finalement accorder une nouvelle subvention d'un montant similaire à la première.

Une seconde demande de permis de construire a été présentée, puis retirée par Mme [D], suivie d'une demande de permis de démolir réclamée par le maire de la commune, avant la préparation d'un nouveau projet de réhabilitation qui a conduit à un troisième chiffrage des travaux, mais auquel la SCI [D] n'a pas donné suite.

L'EURL [L] [C] Architecture soutient que, s'il n'y a eu aucun contrat écrit entre les parties, leur relation contractuelle est incontestable, ayant donné lieu à des règlements d'acompte. Elle affirme avoir, à compter de son immatriculation, le 17 décembre 2010, exécuté les travaux réalisés après la liquidation judiciaire de la SARL Atelier d'Architecture [L] [C] et justifier des prestations réalisées. Elle ajoute que les honoraires ont été convenus d'avance dans un document opposable aux intimés, à savoir le dossier de subvention auprès de l'ANAH, sur lequel apparaît clairement le montant d'honoraires de 80 000 euros. Cette rémunération correspond à l'usage de la profession et le périmètre de sa mission n'est pas contestable.

Elle conteste avoir émis de fausses factures, aucune facture ne portant le même numéro mais celle n°91-2016 du 23 mai 2016 ayant été complétée par celle du 24 mai 2016 avec les missions qui n'avaient pas encore été évoquées, ce qui explique qu'elles ont le même objet.

Elle soutient par ailleurs qu'elle a établi et rectifié des factures émises initialement au nom de Mme [D] afin de les rediriger vers la personne justement redevable de certains montants et que l'historique de ses interventions, qu'elle détaille très précisément, n'est pas remis en cause.

Elle fait valoir qu'elle pouvait parfaitement reprendre des chantiers initiés par la SARL Atelier d'Architecture [L] [C] en liquidation judiciaire et conteste avoir facturé deux fois les mêmes prestations. La facture due à la SARL Atelier d'Architecture [L] [C], relative au 1er permis de construire, a été abandonnée et l'EURL [L] [C] Architecture a facturé les travaux relatifs au second permis de construire déposé pour la SCI [D].

Elle conteste toute compensation avec les montants réglés par Mme [D] et sollicite l'infirmation du jugement déféré sur ce point, de même que le rejet de la demande formulée en appel, soutenant que les cinq règlements de 45 000 euros au total l'ont été à la SARL Atelier d'Architecture [L] [C] et n'ont pas de rapport avec les montants dus à l'EURL [L] [C] Architecture.

Enfin, elle soulève l'irrecevabilité de la demande de dommages et intérêts, ajoutant que les honoraires qu'elle réclame sont parfaitement justifiés.

Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 29 novembre 2021, Mme [D] et la SCI [D] sollicitent :

=$gt; Sur les demandes formulées à l'encontre de Mme [D],

- la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a constaté qu'aucune demande ne concernait Mme [D] et condamné le EURL [L] [C] Architecture à lui verser la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- que la cour, y ajoutant, condamne l'EURL [L] [C] Architecture aux entiers frais et dépens d'appel et à régler à Mme [D] la somme de 3 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

=$gt; Sur les demandes formulées à l'encontre de la SCI [D] :

A titre principal,

- l'infirmation du jugement en ce qu'il a condamné la SCI [D] à payer à l'EURL [L] [C] Architecture la somme de 6 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2017 et 800 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- que la cour, statuant à nouveau :

* déboute l'EURL [L] [C] Architecture de l'ensemble de ses demandes en paiement fondées sur des factures libellées à l'ordre d'un tiers à la SCI [D] et de l'ensemble de ses demandes,

* condamne l'EURL [L] [C] Architecture à payer à la SCI [D] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance,

À titre subsidiaire :

- la confirmation du jugement en ce qu'il a condamné la SCI [D] à payer à l'EURL [L] [C] Architecture la somme de 6 000 euros avec intérêts au taux légal à compter du 4 mars 2017,

- déboute l'EURL [L] [C] Architecture de toutes autres demandes plus amples ou contraires,

- condamne l'EURL [L] [C] Architecture à payer à la SCI [D] la somme de 3 500 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers frais et dépens de l'instance.

Les intimées soulignent tout d'abord, outre que les montants réclamés au titre du solde de la facture n°91-2016 ont sans cesse varié, que cette facture est afférente au « premier » permis de construire délivré en août 2009, soit avant l'immatriculation de l'EURL [L] [C] Architecture au RCS de Strasbourg, et que cette dernière ne peut donc avoir facturé en 2016 des prestations réalisées en 2009 par un tiers, ne justifiant pas avoir accompli elle-même des diligences relatives à ce permis de construire.

Si l'EURL [L] [C] Architecture précise avoir réalisé les prestations au titre de la mission PCG et AMT sur ce chantier, elle ne justifie pas qu'elle était en droit de poursuivre le marché, conclu avec une société placée en liquidation judiciaire, et ne justifie pas avoir accompli de quelconques diligences à ce titre.

Sur la demande en paiement de la facture 101-2016 d'un montant de 42 480 euros, les intimées soulignent que cette facture avait été adressée à Mme [D] sous le n° 92- 2016 et, dans la mesure où l'EURL [L] [C] Architecture ne réclame plus rien à cette dernière, elle admet que cette facture a été réglée, ne pouvant réclamer deux fois le paiement de la même prestation.

Il en est de même de la facture n°94-2016, qui a déjà été adressée à Mme [D] sous le n° 91-2016, et qui est produite pour la première fois devant la cour, semblant avoir été créée pour les besoins de la procédure.

Sur la demande relative à la facture n°91-2016 du 23 mai 2016, les intimées soutiennent qu'elle a été produite pour la première fois avec les conclusions de l'EURL [L] [C] Architecture du 11 juin 2019 et qu'elle a exactement le même objet que la facture n° 92-2016, portant sur la mission PCG réalisée à 100 %, soit pour 16 000 euros, et l'action AMT réalisée à hauteur de 6 400 euros. Ces missions ont été facturées une première fois à Mme [D] selon le décompte 92-2016 du 24 mai 2016.

De plus, il existe une autre pièce comptable n°91-2016 émise le 24 mai 2016 et libellée au nom de Mme [D], pour un montant de 60 278 euros. Les intimés en concluent que la facture dont le règlement est réclamé devant la cour n'a jamais été adressée à la SCI [D] le 23 mai 2016 et qu'il s'agit d'un faux document. Elles demandent donc la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté l'EURL [L] [C] Architecture de sa demande en paiement de la somme de 11 250 euros au titre de la facture 91-2016.

Subsidiairement, les intimés font valoir que la preuve d'un contrat verbal doit être rapportée et que, si la relation contractuelle peut être démontrée, les parties ne se sont jamais accordées sur le mode de facturation de l'architecte qui doit être clairement défini par contrat, selon le code des devoirs professionnels de l'architecte (art.46), la jurisprudence sanctionnant l'architecte qui s'est abstenu de faire signer un contrat écrit précisant les caractéristiques essentielles et tarifs de son intervention. Elles invoquent également, à ce titre, le devoir d'information du professionnel, désormais codifié (art. 1112-1 du code civil).

Les intimées soulignent qu'aucune facture n'a jamais été adressée à la SCI [D] avant la procédure en paiement où, pour la première fois, une unique facture libellée à l'ordre de la SCI [D] a été produite, si bien que cette dernière n'a pas pu bénéficier de toute l'information qu'elle était en droit d'attendre en 2009, date à laquelle la demanderesse prétend avoir reçu mandat.

La SCI [D] invoque la responsabilité de l'EURL [L] [C] Architecture pour manquement à son devoir d'information relatif aux honoraires que représenteraient ses projets et soutient que le préjudice subi se compense avec le montant des honoraires mis en compte, alors que le projet n'a pas abouti et que l'EURL [L] [C] Architecture réclame 57 370 euros d'honoraires.

Elle ajoute que les honoraires mis en compte sont surévalués, le nouveau permis de conduire étant une copie du premier, déjà facturé 80 000 euros, l'objet du second ayant été simplement de pouvoir bénéficier, soit d'une prorogation du permis initialement accordé, soit d'une nouvelle autorisation de construire.

L'EURL [L] [C] Architecture, qui ne justifie pas d'un contrat démontrant l'accord des parties sur la chose et sur le prix, ne démontre pas non plus avoir réalisé les prestations justifiant des honoraires de 42 480 euros TTC au titre du permis de construire et de 3 600 euros au titre du permis de démolir. Les intimées sollicitent subsidiairement la confirmation du jugement qui a limité les honoraires de l'EURL [L] [C] Architecture à ce double titre et, si la cour estimait disposer de suffisamment de pièces justifiant d'une réelle intervention de l'appelante, tout en s'estimant « incompétente » pour chiffrer le montant réel des prestations, une expertise devrait être ordonnée.

Enfin, la SCI [D] sollicite la compensation avec les versements effectués au profit de l'EURL [L] [C] Architecture du 17 juillet 2009 au 30 juin 2016, soit 45 000 euros au total correspondant à des demandes de provision, les règlements effectués par Mme [D] devant être pris en compte.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

En préalable, il convient de souligner que, si Mme [D] est intimée par l'EURL [L] [C] Architecture, cette dernière ne présente aucune demande à son encontre, à l'exception de celle relative aux dépens, toutes les autres demandes étant dirigées exclusivement contre la SCI [D].

De plus, la SARL Atelier d'Architecture [L] [C] ayant fait l'objet d'une liquidation judiciaire, l'EURL [L] [C] Architecture ne peut solliciter le paiement d'honoraires au titre de prestations réalisées par cette dernière, mais uniquement celui de ses propres prestations.

A ce titre, si aucun contrat n'a été signé entre l'EURL [L] [C] Architecture et la SCI [D], cette dernière n'émet pas de contestation sérieuse sur l'existence d'un contrat conclu entre elles, dont la preuve est rapportée par l'exécution de prestations par l'appelante, à savoir le dépôt d'une demande de permis de construire signée par le maître de l'ouvrage le 29 février

2016 et déposée le 29 avril 2016, avant d'être retirée, les appels d'offres, ainsi que le dossier de permis de démolir déposé le 13 juin 2106, ce permis ayant été obtenu le 8 septembre 2016.

Cependant, en l'absence d'une convention écrite sur la rémunération de l'EURL [L] [C] Architecture et d'accord sur le prix des prestations confiées à cette dernière, il appartient au juge de fixer cette rémunération.

Dans la situation présente, le premier projet ayant donné lieu au permis de construire accordé à Mme [D] selon arrêté du 6 août 2009, la demande, signée le 16 avril 2009 et déposée le 4 mai 2009, avait pour objet la réhabilitation d'une maison, la transformation d'une grange en trois logements et la démolition de deux bâtiments et d'une toiture, le tout sur une surface hors-oeuvre nette créée de 394 m². Ce projet incluait la création de quatre logements au total.

Si aucun contrat n'avait été signé entre la SARL Atelier d'Architecture [L] [C] et Mme [D], l'architecte avait émis une facture pro-forma, le 23 juin 2009, intitulée également note d'honoraires prévisionnelle, d'un montant total de 84 400 euros TTC (80 000 euros HT) pour une mission complète de maîtrise d'oeuvre.

En revanche, il n'est produit aucune facture pro-forma adressée ultérieurement par l'EURL [L] [C] Architecture à la SCI [D], s'agissant du projet de permis de construire de 2016 et du permis de démolir.

Il convient donc d'examiner successivement les factures dont l'EURL [L] [C] Architecture sollicite le paiement par la SCI [D], afin de vérifier si les honoraires réclamés dans les trois notes d'honoraires visées sont justifiés et de fixer s'il y a lieu la rémunération due à l'architecte.

Le décompte de solde d'honoraires n°91-2016 du 23 mai 2016, d'un montant de 11 290 euros, adressé à Mme [D], en sa qualité de gérante de la SCI, correspond visiblement, au vu du projet de restructuration du corps de ferme en cause et surtout du montant prévisionnel des travaux dans les bâtiments A et B, respectivement de 160 000 euros HT et de 500 000 euros HT, au dossier du premier permis de construire de 2009.

De plus, il mentionne un montant total d'honoraires de maîtrise d''uvre prévu de 80 000 euros, correspondant à celui mentionné sur la facture pro-forma adressée le 23 juin 2009 à Mme [D].

En conséquence, il ne peut être dû par la SCI [D], mais uniquement par Mme [D], qui avait effectué cette demande de permis de construire en son nom personnel et non pas en sa qualité de gérante de la dite SCI. D'ailleurs, les intimées produisent un autre décompte de solde d'honoraires concernant visiblement le même projet initial, bien que portant le n°92-2016, mentionnant le même intitulé et le même montant prévisionnel des travaux et des honoraires d'architecte. Daté du 24 mai 2016 et adressé cette fois à Mme [D] en son nom personnel, il fait apparaître un solde supérieur, incluant des prestations initiales (avant-projets et dossier de permis de construire) qui ne figuraient pas dans celui émis' la veille sous le n°91-2016.

D'ailleurs, une note d'honoraires émise sous le même numéro 92-2016 le 25 mai 2016, adressée également à Mme [D], mentionne un projet, un montant prévisionnel de travaux et d'honoraires d'architecte et une rémunération de ce dernier distincts de ces deux notes de solde d'honoraires, ce qui confirme que celles-ci concernent bien le même projet initial. Leur incohérence relative aux règlements intervenus, à savoir 12 959,86 euros pour la note 91-2016 et 27 173,91 euros pour la note 92-2016, ajoute à la confusion résultant de la numérotation de la seconde. En tout état de cause, concernant un projet dont Mme [D] seule était le maître de l'ouvrage, le solde d'honoraires restant dû, le cas échéant, ne peut être retenu à la charge de la SCI [D].

Il en résulte que c'est à bon droit que le tribunal n'a retenu aucun montant à la charge de la SCI au titre de cette note de solde d'honoraires n°91-2016.

La note d'honoraires n°101-2016 du 13 décembre 2016, d'un montant de 42 480 euros, adressée à la SCI [D], est intitulée « note d'honoraires rectificative à la note d'honoraires n°92-2016 », elle-même adressée à Mme [D] le 25 mai 2016, portant sur la « réhabilitation de la grange et aménagement de 3 appartements ». Elle est effectivement identique, s'agissant du projet en cause et des prestations facturées, à cette précédente note d'honoraires n°92-2016, dont les intimées soulignent que, dans la mesure où elle avait été adressée à Mme [D], et que l'EURL [L] [C] Architecture ne réclame plus rien à cette dernière, l'appelante admet que cette facture a été réglée et ne peut réclamer deux fois le paiement de la même prestation.

L'EURL [L] [C] Architecture soutient quant à elle n'avoir fait que rectifier des factures émises initialement au nom de Mme [D], afin de les rediriger vers la personne en réalité redevable de certains montants, ce qui apparaît crédible pour cette note d'honoraires. En effet, le montant prévisionnel des travaux y figurant, soit 475 000 euros HT, est conforme à celui correspondant au total des appels d'offre du projet de 2016, s'agissant du bâtiment B. Cependant, il exclut toute prestation concernant le bâtiment A, bien que ce projet en ait prévu. D'ailleurs, cette note d'honoraires mentionne l'aménagement de 3 appartements, ce qui correspond exclusivement aux logements créés dans le bâtiment B, les deux projets successifs incluant la création de 4 logements au total.

Dès lors, il apparaît qu'après avoir adressé à tort sa note d'honoraires à Mme [D], s'agissant de ce projet de 2016, l'EURL [L] [C] Architecture a émis une nouvelle note d'honoraires, adressée cette fois à la SCI [D].

Il ressort de l'examen des deux dossiers successifs de permis de construire que les projets auxquels ils correspondent sont similaires, ainsi que l'a relevé le premier juge, avec cette réserve que les devis estimatifs et quantitatifs du premier projet produits ne sont pas complets, ce qui ne permet pas de comparer les prestations prévues. Il est exact, ainsi que l'a également retenu le tribunal, que la demande de permis de construire de 2016 était accompagnée d'un courrier signé par Mme [D] indiquant qu'il s'agissait d'une copie du permis obtenu en août 2009.

Les appels d'offre ont été renouvelés, ainsi que la gestion des devis des entreprises en réponse.

Par ailleurs, si cette demande de permis de construire a été retirée dans les jours suivants son dépôt, cela n'a aucune conséquence sur l'obligation de la SCI [D] de régler les honoraires de l'EURL [L] [C] Architecture correspondant aux prestations réalisées.

Il résulte cependant de la comparaison avec la demande de permis de construire de 2009 que le montant de 42 480 euros correspondant aux honoraires « échus » des avant-projets sommaire et détaillé (9 000 euros x 2), du dossier de permis de construire (3 000 euros), du projet de conception générale (12 000 euros) et de l'assistance aux marchés de travaux (2 400 euros) apparaît très largement sur-évalué et que c'est par une juste appréciation des éléments produits et des explications des parties que le tribunal a fixé la rémunération due à l'EURL [L] [C] Architecture par la SCI [D], au titre de cette note d'honoraires, au montant de 4 000 euros.

La note d'honoraires n°94-2016 du 26 septembre 2016, d'un montant de 3 600 euros, porte sur la demande de permis de démolir déposée à la mairie de [Localité 3] en juin 2016. Elle mentionne la « démolition partielle des bâtiments en ruine et mise en sécurité des maçonneries existantes ». Selon les termes de la demande de permis de démolir, il s'agissait de la « démolition de la grange bâtiment B, toitures, planchers, murs en bois, à l'exception de la grange côté Nord sur la hauteur du RDC », et de la « démolition de l'appentis bâtiment D ». Cette note d'honoraires est adressée à Mme [D] en son nom personnel, mais la prestation a été reprise dans la note n°102-2016 qui lui est adressée le 13 décembre 2016 en sa qualité de gérante de la SCI [D], mentionnant le même prix. C'est donc ce dernier document qu'il convient de prendre en compte, l'EURL [L] [C] Architecture ayant, là encore, redirigé sa note d'honoraires vers la réelle débitrice de la prestation.

Si les intimées soutiennent que cette note d'honoraires a déjà été adressée à Mme [D] sous le n°91-2016, elles font référence à leur pièce n°6 qui est en réalité un relevé de compte. Le seul document portant le n°91-2016, évoqué plus haut, concerne le projet de 2009, dans le cadre duquel Mme [D] n'avait pas déposé une demande de permis de démolir, mais de permis de construire. En effet, la seule demande d'un permis de démolir a été déposée le 13 juin 2016 au nom de la SCI [D]. En conséquence, cette dernière ne justifie d'aucun motif susceptible de l'exonérer du paiement de cette prestation, qui a bien été effectuée par l'EURL [L] [C] Architecture pour son compte et qui a conduit à l'obtention du permis sollicité le 8 septembre 2016.

Ainsi que l'a fort justement relevé le tribunal, la production d'un dossier aussi simple, tenant sur une page recto-verso, même dupliqué à 6 exemplaires, ne justifie pas une rémunération à hauteur de 3 600 euros et le montant de 2 000 euros retenu dans le jugement déféré apparaît parfaitement adapté à cette prestation.

Dès lors, il apparaît donc que c'est à bon droit que le premier juge a fixé la rémunération de l'EURL [L] [C] Architecture due par la SCI [D] au montant total de 6 000 euros (4 000 +2 000), sans qu'il soit nécessaire d'ordonner une mesure d'expertise, les éléments soumis à l'appréciation de la cour étant suffisants.

II ' Sur les demandes reconventionnelles

Si l'obligation, pour l'architecte, d'établir un contrat écrit avec ses clients prévoyant notamment sa rémunération constitue une obligation déontologique de ce professionnel, et que l'EURL [L] [C] Architecture a commis une faute en n'établissant pas de contrat écrit relatif aux prestations convenues avec la SCI [D], cette faute n'a causé aucun préjudice à l'intimée, dans la mesure où le jugement déféré est confirmé en ce qu'il n'a fait droit que très partiellement à la demande de l'appelante relative à sa rémunération et n'a retenu que des prestations réellement commandées et effectuées.

Il en résulte que ce jugement sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande de dommages et intérêts, qui n'est pas fondée.

Enfin, sur la demande de compensation avec les honoraires versés par Mme [D], ainsi que l'a fort justement relevé le tribunal, si les sommes réglées par cette dernière avant 2016 ne peuvent concerner le projet de permis de construire de 2016, les versements effectués cette année-là, même par Mme [D] personnellement, ne peuvent concerner des prestations de la SARL Atelier d'Architecture [L] [C], laquelle avait fait l'objet d'une liquidation judiciaire.

C'est donc par une juste appréciation des éléments de la cause que le premier juge a retenu que les règlements d'un montant de 3 000 euros en date du 23 mai 2016 et de 12 500 euros en date du 3 juin 2016, bien qu'effectués par Mme [D], concernaient le permis de construire de 2016 sollicité par la SCI [D].

Le jugement déféré doit donc être confirmé en ce qu'il a dit que le montant des honoraires dus par la SCI à l'EURL [L] [C] Architecture, de 6 000 euros, était compensé par la somme de 15 500 euros, étant observé, comme le tribunal l'a rappelé dans ses motifs, qu'il n'est pas sollicité de restitution du trop versé.

III - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant confirmé en ses dispositions principales, il le sera également en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais non compris dans les dépens.

De plus, pour les mêmes motifs, l'EURL [L] [C] Architecture, dont l'appel est rejeté, assumera les dépens de l'appel, de même que les frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés en appel. Elle sera donc déboutée de sa demande présentée à ce titre sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, mais devra également verser aux intimées, sur le même fondement, une somme fixée à 1 000 euros au profit de Mme [D], à l'encontre de laquelle elle a abandonné toute demande, à l'exception de celle relatives aux dépens et frais irrépétibles, et à 3 500 euros au profit de la SCI [D].

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

CONFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 10 novembre 2020,

Y ajoutant,

REJETTE la demande d'expertise judiciaire ;

CONDAMNE l'EURL [L] [C] Architecture aux dépens de l'appel,

REJETTE la demande de l'EURL [L] [C] Architecture présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNE l'EURL [L] [C] Architecture à verser la somme de 1 000,00 (mille) euros à Mme [I] [D] et celle de 3 500,00 (trois mille cinq cents) euros à la SCI [D] sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/00307
Date de la décision : 27/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-27;21.00307 ?
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