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27/01/2023 | FRANCE | N°21/00086

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 27 janvier 2023, 21/00086


MINUTE N° 41/2023





























Copie exécutoire à



- Me Claus WIESEL



- Me Anne CROVISIER





Le 27/01/2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 27 JANVIER 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00086 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HOWI



Décision déférée à la cour : 17 Novembre 2020 par le Tribunal judiciaire à compétence commerciale de SAVERNE





APPELANTE :



La S.À.R.L. AXEST, représentée par son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 6] à [Localité 3]



représentée par Me Claus WIESEL...

MINUTE N° 41/2023

Copie exécutoire à

- Me Claus WIESEL

- Me Anne CROVISIER

Le 27/01/2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 27 JANVIER 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00086 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HOWI

Décision déférée à la cour : 17 Novembre 2020 par le Tribunal judiciaire à compétence commerciale de SAVERNE

APPELANTE :

La S.À.R.L. AXEST, représentée par son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 6] à [Localité 3]

représentée par Me Claus WIESEL, avocat à la cour.

plaidant : Me SOLOKOV, avocat à Strasbourg.

INTIMÉE :

La S.A. MIRA, représentée par son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1] à [Localité 4]

représentée par Me Anne CROVISIER, avocat à la cour.

plaidant : Me MILINKIEWICZ, avocat à Strasbourg.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 01 Septembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Mme Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 10 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Dominique DONATH faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La SA Mira, propriétaire de l'usine située [Adresse 2] à [Localité 5] (67), a confié à la SARL ACR Habitat des travaux d'enlèvement de plaques ondulées contenant de l'amiante en toiture dans ces locaux, suivant un devis du 26 octobre 2017, pour un montant total de 73 320 euros TTC.

Par un contrat signé le 17 novembre 2017, la société ACR Habitat a sous-traité la réalisation des travaux de désamiantage à la SARL Axest, qui lui avait adressé un devis de 39 800 euros HT le 24 octobre 2017.

L'intégralité des travaux a été réglée par la société Mira à la société ACR Habitat, suivant deux factures du 9 novembre 2017 et du 1er mars 2018, d'un montant de 36 160 euros chacune.

Le 28 février 2018, la société Axest a émis une facture d'un montant de 39 800 euros HT pour les travaux qu'elle avait réalisés, adressée à la société ACR Habitat. Celle-ci étant demeurée impayée, elle a saisi le président du tribunal de grande instance de Saverne d'une requête en injonction de payer, à laquelle il a été fait droit par l'ordonnance du 7 août 2018, signifiée le 24 août 2018.

Les mesures d'exécution forcée diligentées à l'encontre de la société ACR Habitat se sont révélées infructueuses et, par lettre du 8 novembre 2018, la société Axest a, en sa qualité de sous-traitant, mis en demeure la société Mira, en sa qualité de maître de l'ouvrage, aux fins de paiement des montants qui lui étaient dus puis, par acte du 21 janvier 2019, elle a saisi la chambre commerciale d'une demande dirigée contre cette dernière, tendant à obtenir le règlement de sa facture, sur le fondement de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975, avant de modifier le fondement juridique de sa demande pour exercer l'action indemnitaire fondée sur l'article 14-1 de la même loi, y ajoutant une demande de dommages-intérêts pour résistance abusive.

Parallèlement, la société ACR Habitat a fait l'objet d'une liquidation judiciaire ouverte le 25 février 2019.

Par jugement du 17 novembre 2020, le tribunal, devenu le tribunal judiciaire de Saverne, a débouté la société Axest de son action indemnitaire et de sa demande de dommages-intérêts dirigées contre la société Mira. Il a dit n'y avoir lieu à application de l'article 700 du code de procédure civile, condamné la société Axest aux entiers dépens et ordonné l'exécution provisoire.

Le tribunal, relevant le changement de fondement juridique de la demande au profit de l'action indemnitaire ouverte au sous-traitant à l'encontre du maître de l'ouvrage sur le fondement de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, a rappelé qu'en application de ce texte et de l'article 3 de ladite loi, le maître de l'ouvrage doit mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ses obligations, s'il a connaissance d'un sous-traitant sur le chantier n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou 6, ainsi que de celles définies à l'article 5, selon lesquelles il appartient à l'entrepreneur qui a recours à un sous-traitant de faire accepter et agréer les conditions de paiement par le maître d'ouvrage.

Il a retenu que la société Mira avait eu connaissance de l'intervention de la société sous-traitante, Axest, ayant signé le bordereau de suivi des déchets amiante le 11 novembre 2017. Elle ne contestait pas avoir accepté cette sous-traitante, mais elle n'avait pas mis en demeure la société ACR Habitat de respecter ses obligations. La

faute de la société Mira était caractérisée, dès lors que la découverte du sous-traitant était antérieure au paiement intégral de l'entreprise principale, intervenu le 8 mars 2018.

Cependant, le tribunal a relevé l'absence de lien de causalité entre la faute de la société Mira et le préjudice subi par Axest, privée de garantie de paiement, dans la mesure où l'action directe aurait été infructueuse en ce qu'à la date de la demande en paiement direct formée par la société Axest le 8 décembre 2018, la société Mira n'était plus débitrice d'aucune somme à l'égard de l'entrepreneur principal et n'était donc pas tenue de payer aux sous-traitants les montants réclamés.

Par ailleurs, le tribunal a retenu l'absence d'abus dans l'exercice de ses droits par la société Mira.

La société Axest a interjeté appel de ce jugement le 30 novembre 2020.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 1er février 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 24 septembre 2021, la société Axest sollicite l'infirmation du jugement déféré en chacune de ces dispositions et que la cour, statuant à nouveau :

- condamne la société Mira à lui payer la somme de 39 800 euros à titre de dommages intérêts, correspondant au solde impayé de la facture du 28 février 2018, et ce avec intérêts de retard au taux légal à compter du 8 novembre 2018, date de la mise en demeure,

- ordonne la capitalisation des intérêts échus à compter du 8 novembre 2018, dans les conditions prévues à l'article 1343-2,

- condamne la société Mira à lui payer la somme de 5 000 euros à titre de dommages-intérêts pour résistance abusive,

- condamne la société Mira à lui payer la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, ainsi que les entiers frais et dépens de l'instance.

En premier lieu, la société Axest reproche au tribunal d'avoir dénaturé les dispositions de l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, en ce que celle-ci n'emporte aucune considération relative à une hypothétique action directe, dont précisément le sous-traitant ne dispose pas à l'égard du maître de l'ouvrage, faute d'avoir été accepté et d'avoir vu ses conditions de paiement agréées.

Elle souligne qu'elle exerce une action indemnitaire et non une action directe et que, dans ce cadre :

- la faute du sous-traitant ne peut être opposée par le maître de l'ouvrage,

- la société Mira a eu connaissance de son intervention au plus tard le 17 novembre 2017 et, si elle a admis l'avoir acceptée, elle n'a jamais fait agréer ses conditions de paiement, tout en ayant malgré cela soldé le marché de l'entrepreneur principal,

- si la société Mira semble avoir accepté le principe de son intervention sur le chantier, l'agrément ne se limite pas en effet à l'intervention du sous-traitant, mais porte aussi sur les conditions de paiement,

- seul compte le fait que, lors de la découverte de l'existence du sous-traitant, le maître de l'ouvrage n'avait pas encore totalement réglé l'entrepreneur principal,

- le tribunal a opéré une confusion entre action directe et action indemnitaire, qui bénéficie au sous-traitant sur la seule base de la faute du maître de l'ouvrage et n'exige pas que son action directe contre ce dernier soit recevable,

- par la faute de la société Mira, elle a perdu une quasi-certitude de règlement au moyen des mécanismes de la loi du 31 décembre 1975.

En second lieu, la société Axest reproche au tribunal d'avoir dénaturé des éléments factuels qui lui étaient soumis, ayant retenu une date du 8 décembre 2018 qui ne correspond à aucune échéance dans le litige et la date d'émission de la facture ne constituant aucun critère de mise en 'uvre de l'action indemnitaire, seule la date du 17 novembre 2017, à laquelle le maître d'ouvrage a eu connaissance de son intervention sur le chantier, devant être prise en considération.

Elle ajoute cependant que le règlement du solde des travaux de la société ACR Habitat par la société Mira est intervenu le 8 mars 2018, soit postérieurement à l'émission de sa propre facture.

S'agissant de son préjudice, la société Axest précise qu'il est composé de la perte d'une garantie de paiement ayant vocation à couvrir l'ensemble des sommes qui lui restaient dues par l'entrepreneur principal, correspondant à sa facture du 28 février 2018 demeurée impayée, soit 39 800 euros.

Elle demande en outre que la capitalisation des intérêts échus soit ordonnée à compter du 8 novembre 2018, date de la mise en demeure adressée à la société Mira.

À l'appui de sa demande de dommages-intérêts pour résistance abusive, la société Axest soutient qu'en s'abstenant de répondre à ses nombreuses sollicitations d'un règlement amiable de cette affaire, la société Mira lui a causé un trouble de trésorerie, l'ayant contrainte à agir en justice et à interjeter appel, alors que ce dossier aurait pu se terminer amiablement.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 29 novembre 2021, la société Mira sollicite, au visa des articles 1240 du code civil et 13 al.2 de la loi du 31 décembre 1975, la confirmation du jugement déféré en ce qu'il a débouté la société Axest de l'intégralité de ses demandes et la condamnation de cette dernière aux entiers frais et dépens, ainsi qu'à lui payer la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Mira souligne que la société Axest avait initialement fondé sa demande sur l'action directe et sur l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975, et qu'elle pouvait être considérée comme ayant été tacitement agréée par le maître de l'ouvrage.

Sur l'action indemnitaire de l'article 14-1 de ladite loi exercée désormais par l'appelante, l'intimée soutient que celle-ci n'est pas applicable à la présente situation, dans la mesure où elle a agréé la société Axest en sa qualité de sous-traitant. Cet agrément pouvant être implicite et résulter d'actes du maître de l'ouvrage impliquant nécessairement son consentement à la personne du sous-traitant, elle invoque à ce titre la signature du bordereau de suivi des déchets dangereux contenant de l'amiante et de nombreux échanges de courriels intervenus entre les parties à la procédure.

Soutenant ainsi avoir tacitement agréé le sous-traitant, la société Mira fait valoir qu'il ne lui incombait pas de mettre en demeure l'entrepreneur principal, comme le prescrit l'article 14-1, et que sa responsabilité ne peut être engagée sur ce fondement.

Elle conteste également que sa prétendue faute ait causé le préjudice invoqué par l'appelante, consistant en la perte de l'action directe, aux motifs que :

- quand bien même elle aurait agréé la société Axest, l'action directe de cette dernière aurait été nécessairement infructueuse car, au jour où elle aurait été possible, elle-même ne devait plus aucune somme à la société ACR Habitat et n'aurait donc plus été tenue d'aucune obligation à l'égard du sous-traitant,

- la société Axest a entièrement concouru à la réalisation de son propre dommage en ne prenant pas les dispositions qui s'imposaient à elle pour garantir le paiement de ses prestations, ayant pris le risque d'accomplir celles-ci sans garantie de paiement, au vu du devis finalement signé avec l'entrepreneur principal, dans lequel elle a renoncé à un acompte de 80 %, et n'apportant pas la preuve des mesures d'exécution diligentées à l'encontre de la société ACR Habitat, préalablement à la procédure de liquidation judiciaire de cette dernière.

Enfin, la société Axest ne pourrait tout au plus se prévaloir que d'une perte de chance et il ne pourrait lui être accordé l'intégralité des sommes correspondant aux factures de ses prestations, l'action indemnitaire exercée n'étant pas un mécanisme automatique d'indemnisation.

Par ailleurs, c'est par une erreur purement matérielle que le tribunal a retenu la date du 8 décembre 2018, la mise en demeure délivrée par l'appelante datant en réalité du 8 novembre 2018.

De plus, la société Mira conteste toute résistance abusive de sa part, soulignant que la seule démarche amiable de la société Axest a consisté en un courrier recommandé du 8 novembre 2018, envoyé de nombreux mois après l'exécution des travaux et le paiement des factures, rendant impossible toute solution amiable. En outre, elle n'est pas à l'origine du préjudice de l'appelante.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

I ' Sur l'action indemnitaire de la société Axest fondée sur l'article 14-1 de la loi du 31 décembre 1975, dans sa version applicable au présent litige.

Il résulte des dispositions de l'article 3 de la loi n°75-1334 du 31 décembre 1975 en vigueur lors de la signature du contrat de sous-traitance entre la société ACR Habitat et la société Axest que l'entrepreneur qui entend exécuter un contrat ou un marché en recourant à un ou des sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée du contrat ou du marché, faire accepter chaque sous-traitant et les conditions de paiement de chaque contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage.

L'article 5 fait obligation à l'entrepreneur principal, lors de la soumission, sans préjudice de l'acceptation prévue à l'article 3, d'indiquer au maître de l'ouvrage la nature et le montant de chacune des prestations qu'il envisage de sous-traiter, ainsi que les sous-traitants auxquels il envisage de faire appel.

Il lui fait également obligation de déclarer préalablement au maître de l'ouvrage les nouveaux sous-traitants auxquels il peut faire appel en cours d'exécution du marché.

L'article 6 énonce que le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution, et ce lorsque le montant du contrat de sous-traitance est supérieur à un certain seuil (fixé à 600 euros).

Par ailleurs, l'article 14 de la même loi énonce qu'à peine de nullité du sous-traité, les paiements de toutes les sommes dues par l'entrepreneur au sous-traitant, en application de ce sous-traité, sont garantis par une caution personnelle et solidaire obtenue par l'entrepreneur d'un établissement qualifié ('). Cependant, la caution n'aura pas lieu d'être fournie si l'entrepreneur délègue le maître de l'ouvrage au sous-traitant dans les termes de l'article 1338 du code civil, à concurrence du montant des prestations exécutées par le sous-traitant.

(').

Enfin, en application de l'article 14-1, pour les contrats de travaux de bâtiment et de travaux publics :

- le maître de l'ouvrage doit, s'il a connaissance de la présence sur le chantier d'un sous-traitant n'ayant pas fait l'objet des obligations définies à l'article 3 ou à l'article 6, ainsi que celles définies à l'article 5, mettre l'entrepreneur principal ou le sous-traitant en demeure de s'acquitter de ses obligations. (') ;

- si le sous-traitant accepté, et dont les conditions de paiements ont été agréées par le maître de l'ouvrage dans les conditions définies par décret en conseil d'État, ne bénéficie pas de la délégation de paiement, le maître de l'ouvrage doit exiger de l'entrepreneur principal qu'il justifie avoir fourni la caution.

(')

Dans la situation présente, il n'est pas contesté que les travaux en cause, accomplis par la société Axest, sont bien des travaux de bâtiment. La lecture du bordereau de « suivi des déchets dangereux contenant de l'amiante » signé les 13 et 14 novembre 2017 par le gérant de la société Axest et celui de la société Mira démontre que cette dernière avait connaissance de l'intervention du sous-traitant et qu'elle a accepté tacitement ce dernier, ainsi qu'elle le reconnaît elle-même.

Cependant, elle n'a pas agréé ses conditions de paiement et n'y a pas été invitée par l'entrepreneur principal, ce qui a privé la société Axest de l'action directe de l'article 12 de la loi du 31 décembre 1975 à son égard.

En revanche, dès lors qu'elle avait connaissance de la présence sur le chantier de la société Axest, à l'égard de laquelle les obligations des articles 3, 5 et 6 de la loi susvisée n'avaient pas été remplies, ce qu'elle ne pouvait ignorer, elle avait pour obligation, selon le premier paragraphe de l'article 14-1 rappelé ci-dessus, de mettre en demeure la société ACR Habitat, entrepreneur principal, de s'acquitter de ses obligations à l'égard de ce sous-traitant, précisément de le faire accepter et également de faire agréer ses conditions de paiement. Or, ainsi que l'a fort justement relevé le premier juge, si le maître de l'ouvrage a accepté tacitement le sous-traitant, ce qu'il reconnaît, il n'a pas agréé ses conditions de paiement, l'entrepreneur principal ne les ayant jamais soumises à son agrément.

Or, cette faute, caractérisée dès les jours qui ont suivi le 14 novembre 2017, a été commise alors que la société Mira avait réglé seulement un acompte sur le coût des travaux à la société ACR Habitat, le solde, correspondant à la facture du 1er mars 2018, n'ayant été versé que le 8 mars 2018.

Il en résulte qu'à la date de la commission de cette faute, il était largement possible au maître de l'ouvrage de mettre en demeure l'entrepreneur principal de remplir ses obligations à l'égard de son sous-traitant, afin de se voir soumettre l'agrément des conditions de paiement de ce dernier, ce qui ne devait poser aucune difficulté, au regard de ce que furent celles de l'entrepreneur principal lui-même.

Or, la société Mira n'a accompli aucune des diligences qui lui incombaient vis-à-vis de la société Axest et n'a pas rempli les obligations mises à sa charge par l'article 14-1 précité, n'ayant pas sollicité l'entrepreneur principal afin qu'il lui soumette les conditions de paiement de son sous-traitant et ne l'ayant pas non plus mis en demeure de justifier de la caution personnelle évoquée plus haut, ou encore de le déléguer au sous-traitant, s'agissant des obligations prévues par l'article 14 de la loi du 31 décembre 1975.

Cette faute est d'autant plus déterminante qu'une jurisprudence constante en application de ces dispositions légales fait obligation au maître de l'ouvrage de veiller à l'efficacité des mesures qu'il met en 'uvre pour satisfaire aux obligations mises à sa charge par l'article 14-1.

La société Mira a donc fait perdre au sous-traitant le bénéfice des garanties de paiement que l'entrepreneur principal était tenu de lui fournir en application de l'article 14 et, par la perte de ces garanties, sa faute lui a fait perdre le juste coût de ses prestations, peu important qu'au vu de la date d'émission de la facture, la mise en 'uvre de l'action directe aurait été compromise.

Dès lors, l'appelante est fondée à solliciter de la société Mira le paiement de dommages et intérêts équivalents au prix des travaux qu'elle a exécutés dans le cadre du contrat de sous-traitance conclu avec la société ACR Habitat, sans que puisse lui être opposée une quelconque négligence.

En conséquence, le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a rejeté sa demande d'indemnisation et il doit être fait droit à cette demande à hauteur du montant de sa facture correspondant à ces travaux, soit 39 800 euros, lequel portera intérêts au taux légal à compter du présent arrêt.

II ' Sur la demande de dommages et intérêts pour résistance abusive

Il n'est pas démontré qu'en refusant de régler les sommes réclamées par la société Axest, l'intimée ait excédé l'exercice normal de ses droits à son égard et ait fait preuve de mauvaise foi, voire de légèreté blâmable, étant observé que le tribunal a estimé que son refus de payer était fondé.

C'est pourquoi le jugement déféré sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande de dommages et intérêts de la société Axest pour résistance abusive.

III - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant pour l'essentiel infirmé, il le sera également en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais non compris dans les dépens.

L'action indemnitaire de la société Axest étant accueillie, la société Mira sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel. Pour ces mêmes motifs, il n'apparaît pas inéquitable de laisser à sa charge les frais non compris dans les dépens qu'elle a engagés en première instance et en appel. En conséquence, sa demande fondée sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile sera rejetée. En revanche, elle réglera la somme de 2 500 euros à l'appelante sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant contradictoirement, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement rendu entre les parties par le tribunal judiciaire de Saverne le 17 novembre 2020 en ce qu'il a rejeté l'action indemnitaire de la SARL Axest, ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens et aux demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile,

Statuant à nouveau sur ces seuls chefs et ajoutant au dit jugement,

CONDAMNE la SA Mira à régler à la SARL Axest la somme de 39 800,00 euros (trente-neuf mille huit cents euros) à titre de dommages et intérêts,

Y ajoutant,

CONDAMNE la SA Mira aux dépens de l'appel, et à payer à la SARL Axest la somme de 2 500,00 euros (deux mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

REJETTE la demande de la SA Mira présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/00086
Date de la décision : 27/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-27;21.00086 ?
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