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27/01/2023 | FRANCE | N°16/06121

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 27 janvier 2023, 16/06121


MINUTE N° 39/2023

























Copie exécutoire à



- Me Guillaume HARTER



- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI





Le 27/01/2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 27 Janvier 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 16/06121 - N° Portalis DBVW-V-B7A-GLDL



Décisio

n déférée à la cour : 16 novembre 2016 par le tribunal de grande instance de STRASBOURG



APPELANTE :



SA ELECTRICITE DE STRASBOURG prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 4]



représentée par Me G...

MINUTE N° 39/2023

Copie exécutoire à

- Me Guillaume HARTER

- la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI

Le 27/01/2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 27 Janvier 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 16/06121 - N° Portalis DBVW-V-B7A-GLDL

Décision déférée à la cour : 16 novembre 2016 par le tribunal de grande instance de STRASBOURG

APPELANTE :

SA ELECTRICITE DE STRASBOURG prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 2]

[Localité 4]

représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la cour.

INTIMÉES :

CAISSE DE CREDIT MUTUEL SAINT JEAN prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

SA ASSURANCES DU CREDIT MUTUEL IARD prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 3]

représentées par la SCP CAHN G./CAHN T./BORGHI, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre, et Madame Myriam DENORT, chargées du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Mme Dominique DONATH, faisant fonction

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Mme Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Le 12 novembre 1998, la Caisse de Crédit Mutuel Saint Jean a conclu auprès de la société Electricité de Strasbourg, aux droits de laquelle vient désormais la société Strasbourg électricité réseaux, un contrat pour la fourniture d'énergie électrique au tarif jaune.

Le 12 avril 2012, le personnel de la Caisse de crédit mutuel Saint Jean a constaté un dysfonctionnement au niveau du système de chauffage constitué de deux pompes à chaleur Aermec comprenant chacune deux groupes de production frigorifique.

Le 28 juin 2012, le cabinet Texa, mandaté par la société Assurances du Crédit Mutuel (ci-après ACM), assureur de la Caisse de crédit mutuel Saint Jean, a constaté que le secteur avait subi le 12 avril 2012 à 01h38 une coupure d'alimentation électrique, et estimé que l'arrêt brutal d'un groupe en phase de production avait provoqué le gel par inertie du circuit d'eau, gel qui avait endommagé un échangeur.

Un 'procès-verbal de constatations relatives aux causes et circonstances et à l'évaluation du dommage' a été établi le 24 juillet 2012, et signé par la société Texa et par un représentant de la société Electricité de Strasbourg, reprenant les mêmes causes, et chiffrant le coût des réparations à 11 961 euros, la société Electricité de Strasbourg ayant mentionné à titre d'observations : ' il s'agit d'une coupure d'électricité. La responsabilité d'ES n'était pas engagée, voir conditions générales de fourniture (contrat tarif jaune UL)  .

La société ACM IARD ayant vainement demandé à société Electricité de Strasbourg de prendre en charge le coût du sinistre a, avec la Caisse de crédit mutuel Saint Jean, saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg, le 9 avril 2015, d'une demande dirigée contre cette société aux fins d'obtenir sa condamnation au paiement des sommes de 11 022,25 euros à la première et de 938,75 euros à la seconde, outre intérêts au taux légal à compter du 9 avril 2015, et de dommages et intérêts pour préjudice de jouissance.

Par jugement du 16 novembre 2016, le tribunal a fait droit à cette demande, allouant la somme de 1 000 euros à la Caisse de crédit mutuel Saint Jean en réparation de son préjudice de jouissance et la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile aux deux sociétés demanderesses.

Le tribunal a relevé que la société Electricité de Strasbourg avait signé le procès-verbal de constatations sans remettre en cause le travail de l'expert Texa et n'avait pas non plus sollicité de contre-expertise, de sorte qu'elle ne pouvait plus en contester les conclusions claires et précises quant au lien de causalité entre l'interruption de la fourniture d'électricité et la survenance du dommage.

Après avoir constaté que les conditions générales de fourniture de la société Electricité de Strasbourg étaient très restrictives quant à sa responsabilité et lui étaient très favorables, le premier juge a constaté que le fournisseur ne démontrait pas leur acceptation par la Caisse de crédit mutuel Saint Jean à laquelle elles n'étaient donc pas opposables. Il a ainsi fait droit à la demande à hauteur respectivement de l'indemnité versée par la société ACM IARD, agissant par subrogation dans les droits de son assurée, et du montant resté à la charge de la Caisse de crédit mutuel Saint Jean.

La société Electricité de Strasbourg a interjeté appel de ce jugement le 30 décembre 2016.

Par ordonnance du 27 septembre 2017, le conseiller de la mise en état a ordonné une mesure d'expertise aux fins notamment, de dire si la coupure de l'alimentation électrique a provoqué un gel à l'origine de la fissuration de l'échangeur d'un groupe d'une pompe à chaleur, préciser si d'autres circonstances ont contribué à la détérioration de cet équipement, et apporter tous éléments techniques sur l'origine de cette détérioration.

Après plusieurs changements d'experts, M. [L] [T] a déposé un rapport daté du 4 avril 2018.

Par ordonnance du 5 février 2019, le conseiller de la mise en état a ordonné le retour du dossier à l'expert pour qu'il achève sa mission, dans la mesure où il n'avait pas communiqué son avis définitif aux parties afin de leur permettre de présenter des dires avant dépôt de son rapport.

Par ordonnance du 10 janvier 2020, M. [L] [T] a été déchargé de sa mission au profit de M. [F] [J] qui a déposé son rapport le 13 juillet 2021, après avoir procédé à une expertise sur pièces, les installations sinistrées ayant disparu.

L'expert a indiqué que s'il y avait bien eu un concours de circonstances, il n'y avait pas nécessairement un lien entre la coupure de courant, ou plutôt son rétablissement, et la détérioration, celui-ci n'étant pas formellement avéré car il y avait d'autres circonstances à considérer, évoquant un défaut de paramétrage, ainsi que la défaillance d'un composant de sécurité, un défaut d'entretien ou de conduite de l'installation.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 1er mars 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 6 décembre 2021, la société Strasbourg électricité réseaux, venant aux droits de la société Electricité de Strasbourg, demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris dans l'ensemble de ses dispositions, de rejeter l'ensemble des prétentions des intimées et de les condamner aux dépens et au paiement d'une somme de 6 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elle indique avoir fait valoir en première instance que le rapport Texa était purement descriptif et qu'un échangeur en bon état ne pouvait être affecté par une interruption de courant, circonstance qui intervenait inévitablement de temps à autre, alors que tout appareil de ce type devait être conçu pour résister à un tel incident, et que la cause du dommage devait être recherchée dans une défectuosité de l'échangeur, un seul des quatre échangeurs ayant d'ailleurs subi un dommage suite à l'arrêt du courant, alors que les trois autres n'ont pas été affectés par la coupure.

Elle relève que, selon le dernier expert judiciaire, de nombreuses causes techniques peuvent expliquer la détérioration, sans lien avec la coupure de courant, l'expert évoquant ainsi les paramètres introduits dans l'automate concernant notamment les valeurs réglées du pressostat différentiel, du pressostat basse pression et du mode de réarmement, outre un possible dysfonctionnement d'un composant de sécurité ou encore un défaut d'entretien ou de conduite de l'installation.

Elle considère que de multiples causes pouvant être à l'origine du désordre, la responsabilité ne peut être déterminée, en l'absence de tout élément concernant la

maintenance et la conduite de l'installation, également susceptibles d'être à l'origine de la défaillance de la pompe.

Aux termes de leurs dernières écritures transmises par voie électronique le 6 décembre 2021, la société ACM IARD et la Caisse de crédit mutuel Saint Jean demandent à la cour de rejeter l'appel, confirmer le jugement entrepris et de condamner la société Strasbourg électricité réseaux aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 3 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Elles approuvent les motifs du jugement quant à l'opposabilité des conclusions du rapport Texa qui sont particulièrement claires, et à l'inopposabilité des conditions générales de fourniture de l'appelante.

Elles soulignent que l'expert, M. [L] [T], relève que la cause probable du sinistre est bien celle envisagée au départ, à savoir le gel du circuit d'eau par inertie suite à une coupure de tension avec non circulation d'eau occasionnant la fissuration de la conduite, la présence d'eau dans l'huile au niveau du regard de la pompe à chaleur attestant du mélange des circuits, et considèrent que les conclusions de ce rapport confortent celles du rapport Texa antérieur.

Si M. [J], dans son rapport du 13 juillet 2021, relève, par prudence, qu'il y a concours de circonstance et qu'il n'y a pas nécessairement un lien entre la coupure du courant ou plutôt son rétablissement et la détérioration, évoquant diverses circonstances, il ne s'agit toutefois que de simples hypothèses, alors qu'il y a indéniablement concomitance entre la coupure d'électricité et les désordres.

Elles estiment que la responsabilité de la société Strasbourg électricité réseaux doit être retenue sur le fondement de l'article 1147 du code civil et subsidiairement, sur le fondement des articles 1386-1 et suivants du code civil s'agissant d'une obligation de résultat.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

A titre liminaire, il sera observé que le dommage étant imputé à une rupture dans la fourniture d'électricité, la responsabilité de la société Strasbourg électricité réseaux n'est pas susceptible d'être recherchée sur le fondement des articles 1386-1 et suivants, anciens du code civil, relatifs à la responsabilité des produits défectueux, en l'absence de défectuosité du produit, mais seulement sur le fondement de l'article 1147, ancien du code civil.

Il est constant que la détérioration d'un des groupes de production de froid d'une des pompes à chaleur s'est produite concomitamment à la coupure d'alimentation électrique, cette concomitance n'étant toutefois pas suffisante pour établir un lien de causalité entre cette détérioration et la panne, la société Strasbourg électricité réseaux, comme les experts judiciaires, rappelant qu'un équipement de pompe à chaleur doit pouvoir supporter une coupure de courant qui est inévitablement susceptible de se produire, quelle qu'en soit la cause.

A cet égard, force est de constater avec l'appelante que le rapport Texa est purement descriptif, l'expert de l'assureur se contentant d'affirmer 'l'arrêt brutal d'un groupe en phase de production a provoqué le gel par inertie du circuit d'eau, gel qui a

endommagé un échangeur', sans étayer de quelque manière que ce soit cette affirmation.

Ni M. [L] [T], ni M. [F] [J], experts judiciaires, n'ont été mis en mesure d'examiner le matériel en question qui avait été remplacé et évacué.

L'un et l'autre envisagent cependant différentes causes possibles, M. [T] évoquant notamment un sur-dimensionnement de l'installation pouvant occasionner des cycles de fonctionnement courts entraînant une usure prématurée des compresseurs, et un redémarrage qui génère un besoin de froid plus élevé, ce qui peut endommager le compresseur de façon irréversible par un 'coup de liquide'.

Si M. [T] concluait que la cause la plus probable est bien celle du rapport de départ, à savoir le gel du circuit par inertie suite à coupure tension avec non-circulation d'eau, il pondère toutefois son analyse en évoquant le fait que l'installation était peut-être usée de façon prématurée à cause d'un mauvais dimensionnement pouvant générer plus facilement ce défaut ou 'un coup de liquide' au démarrage, ou un défaut d'entretien.

M. [J] a quant à lui écarté tout défaut du matériel, la documentation technique fournie démontrant que toutes les sécurités normales d'une installation frigorifique étaient présentes.

Il a par ailleurs indiqué que, s'il y avait bien eu un concours de circonstances, il n'y avait pas nécessairement un lien entre la coupure de courant, ou plutôt son rétablissement, et la détérioration, celui-ci n'étant pas formellement avéré car il y avait d'autres circonstances à considérer, évoquant un défaut de paramétrage, la défaillance d'un composant de sécurité, un défaut d'entretien ou de conduite de l'installation, et regrettant comme, M. [T], de n'avoir pas été mis en possession d'éléments relatifs à la maintenance de l'installation.

Il conteste formellement l'hypothèse de M. [T] d'une inertie du circuit frigorifique à l'arrêt qui aurait provoqué la détérioration, indiquant que, comme l'a relevé le cabinet Texa, s'il y a bien eu inertie du circuit d'eau, il n'y a en revanche pas d'inertie dans un circuit frigorifique à l'arrêt. Il précise que les conséquences du rétablissement du courant dépendent de différents paramètres réglables et que la fissuration de l'échangeur constatée peut avoir été provoquée par la défaillance de l'un des éléments du processus en lien avec les paramètres introduits dans l'automate, citant notamment les valeurs réglées du pressostat différentiel, du pressostat basse pression et du mode réarmement, outre un dysfonctionnement d'un composant de sécurité lié à une usure normale de l'équipement, ainsi qu'un défaut d'entretien et de conduite de l'installation.

Il résulte de ces conclusions expertales qu'aucun des deux experts judiciaire n'a été en mesure de se prononcer précisément sur l'origine exacte de la détérioration, émettant différentes hypothèses.

Par voie de conséquence, l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la coupure d'alimentation électrique et le dommage n'est pas établie.

Il y a donc lieu d'infirmer le jugement entrepris en toutes ses dispositions et de débouter la société ACM IARD et la Caisse de crédit mutuel Saint Jean de leur demandes d'indemnisation.

Les dépens de première instance et d'appel seront supportés par les intimées qui seront déboutées de leur demande sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il n'est pas inéquitable de laisser à la charge de la société Strasbourg électricité réseaux, venant aux droits de la société Electricité de Strasbourg, les frais exclus des dépens qu'elle a exposés en première instance comme en cause d'appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME le jugement du tribunal de grande instance de Strasbourg en date du 16 novembre 2016, en toutes ses dispositions,

Statuant à nouveau et ajoutant au jugement,

DEBOUTE la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD et la Caisse de crédit mutuel Saint Jean de leurs demandes en paiement ;

REJETTE toutes les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ; 

CONDAMNE la SA Assurances du Crédit Mutuel IARD et la Caisse de crédit mutuel Saint Jean aux entiers dépens de première instance et d'appel.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 16/06121
Date de la décision : 27/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-27;16.06121 ?
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