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26/01/2023 | FRANCE | N°21/01474

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 26 janvier 2023, 21/01474


MINUTE N° 47/2023

























Copie exécutoire à



- Me Raphaël REINS



- Me Claus WIESEL





Le 26/01/2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 26 Janvier 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01474 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HRAK



Décision déférée à

la cour : 26 Janvier 2021 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE



APPELANTS et intimés sur incident :



Monsieur [M] [V]

Madame [K] [V]

demeurant tous deux [Adresse 1]

[Localité 15]



représentés par Me Raphaël REINS, avocat à la cour.



INTIMÉ et appe...

MINUTE N° 47/2023

Copie exécutoire à

- Me Raphaël REINS

- Me Claus WIESEL

Le 26/01/2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 26 Janvier 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/01474 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HRAK

Décision déférée à la cour : 26 Janvier 2021 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTS et intimés sur incident :

Monsieur [M] [V]

Madame [K] [V]

demeurant tous deux [Adresse 1]

[Localité 15]

représentés par Me Raphaël REINS, avocat à la cour.

INTIMÉ et appelant incident :

Monsieur [T] [E]

demeurant [Adresse 16]

représenté par Me Claus WIESEL, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 23 novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, président de chambre, chargé du rapport.

Ce magistrat a rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, conseiller

Madame Nathalie HERY, conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Dominique DONATH faisant fonction

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Monsieur [M] [V] et Madame [K] [V] née [O] sont propriétaires d'une grange aménagée à usage d'habitation, composée d'un appartement de type F4, d'un garage et de 3 caves situés, au [Adresse 1]. Ils sont voisins de l'immeuble de rapport appartenant à Monsieur [T] [E] composé de 5 logements situés [Adresse 14].

Les deux propriétés sont contiguës et séparées par un chemin indivis.

L'acte d'achat de l'immeuble de rapport situé sur les parcelles [Cadastre 2],[Cadastre 4],[Cadastre 8] et [Cadastre 12] et du 1/3 du chemin indivis (parcelle [Cadastre 5] et [Cadastre 10]) par Monsieur [E] réalisé par acte notarié le 9 août 2017 comportait un paragraphe intitulé « Remarque importante » comportant la mention suivante « Le vendeur déclare qu'il est interdit de stationner sur le chemin d'accès ».

Les relations entre les parties s'étant envenimées au sujet de la question de l'usage de cette voie indivise, Monsieur et Madame [V] ont saisi le tribunal judiciaire de Mulhouse le 6 février 2020.

Par jugement du 26 janvier 2021, le tribunal a partiellement donné gain de cause aux consorts [V] puisqu'il a condamné Monsieur [T] [E] ' outre aux dépens - à leur payer la somme de 1500 € de dommages et intérêts au titre du trouble anormal de voisinage résultant du fait que la voie indivise était fréquemment encombrée notamment par des véhicules appartenant aux locataires de Monsieur [E], et de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile.

En revanche la juridiction a débouté les requérants de leurs demandes tendant à obtenir la condamnation de Monsieur [T] [E] :

* à remettre en état le chemin d'accès indivis sur sa portion jouxtant sa grange cadastrée section 2, n° [Cadastre 5], sous astreinte de 500 € par jour de retard à compter du 8ème jour de la signification de la décision et pendant une durée de 3 mois,

* à leur payer des dommages et intérêts pour cet empiétement,

* à produire sous astreinte le permis de construire portant sur le projet de rénovation de la grange,

La juridiction a débouté en outre M. [T] [E] de sa demande reconventionnelle aux fins d'obtenir des dommages-intérêts et une somme au titre de l'article 700 du code de procédure civile et a constaté le caractère exécutoire de plein droit de la décision, y compris en ce qui concerne les dépens.

La juridiction de premier degré a estimé que les requérants rapportaient la preuve de l'existence d'un trouble anormal de voisinage découlant du fait que les locataires ou connaissances de Monsieur [E] avaient l'habitude de stationner leurs véhicules sur la voie d'accès indivise menant aux deux propriétés, et ce de manière récurrente, et que ces faits étaient démontrés tant par le constat de l'huissier établi le 26 juillet 2019 que par les nombreuses photographies produites aux débats par les consorts [V].

S'agissant de l'empiétement dénoncé par ces derniers, le tribunal a considéré que les requérants ne rapportaient pas la preuve de la réalisation de travaux par

Monsieur [E] sur le chemin d'accès indivis jouxtant l'accès à sa grange, de sorte que leur demande de démolition de l'empiétement allégué et d'allocation de dommages-intérêts à ce titre ne pouvait prospérer.

Au sujet du défaut d'affichage du permis de construire, le juge a estimé que les photographies versées aux débats permettaient uniquement de constater que les travaux réalisés par Monsieur [E] portaient sur la création de canalisations souterraines, ne nécessitant pas délivrance préalable d'un permis de construire.

La demande reconventionnelle formulée par Monsieur [E] était quant à elle rejetée, le juge considérant que si ce dernier démontrait l'existence d'un conflit avec la partie demanderesse, il échouait à prouver que ces derniers avaient été motivés par une intention de nuire quand ils ont introduit leur action en justice.

Les consorts [V] ont interjeté appel de ce jugement le 4 mars 2021.

PRETENTIONS DES PARTIES

Aux termes de leurs dernières conclusions transmises par voie électronique le 12 novembre 2021, les époux [V] demandent en substance à la cour l'infirmation partielle de la décision, sauf en ce qu'elle a reconnu le principe de la responsabilité de Monsieur [T] [E] au titre du trouble anormal du voisinage enduré par eux.

En revanche ils demandent son infirmation pour le surplus et à ce que la cour, statuant à nouveau :

- condamne Monsieur [T] [E] à leur verser une somme de 9.000 € à titre de dommages et intérêts pour le trouble anormal du voisinage enduré,

- rectifie l'erreur matérielle figurant dans le dispositif du jugement entrepris en ce qu'il a condamné Monsieur [T] [E] à payer à Monsieur [M] [V] et « Mme [K] [E] » (au lieu de [V]) la somme de 1.500 Euros de dommages et intérêts au titre du trouble anormal,

- enjoigne à Monsieur [T] [E] de laisser libre de tout obstacle, de toute entrave et de tout stationnement de véhicules le chemin indivis, parcelle cadastrée section 2 n°[Cadastre 6] et [Cadastre 10] sous peine d'une astreinte de 300 euros par infraction constatée par huissier,

- condamne Monsieur [T] [E] à procéder à la remise en état du chemin en indivision, parcelle cadastrée section 2 n°[Cadastre 6] et [Cadastre 10], ainsi qu'à la démolition de la butée et de la dalle béton devant la grange et de faire le nécessaire pour mettre fin aux nuisances sonores découlant de la porte de la grange, dans un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir sous peine d'une astreinte de 500 € par jour de retard,

- enjoigne à Monsieur [T] [E] de produire les autorisations d'urbanisme obtenues pour la réalisation des travaux et de son affichage dans un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir sous peine d'une astreinte de 150 € par jour de retard,

- réserve les droits la compétence de la présente juridiction pour liquider l'astreinte,

- Sur l'appel incident formulé par Monsieur [E], le déclare irrecevable, en tous cas mal fondé,

' et en tout état de cause, condamne Monsieur [T] [E] à leur verser une somme de 3.000 € au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile au titre de la procédure d'appel, outre 2.000 € au titre de l'article 700 du

code de procédure civile concernant les frais irrépétibles de la procédure de première instance,

- condamne Monsieur [T] [E], outre aux dépens, à rembourser aux consorts [V] une somme de 597,29 € au titre des frais de constats d'huissier supportés.

Au soutien de leur appel les parties appelantes dénoncent Monsieur [E] comme s'étant accaparé la jouissance du chemin indivis, comportement qui aurait occasionné de nombreux troubles et désordres, l'intimé n'ayant pas hésité à ériger une butée en béton sur le chemin litigieux.

S'agissant du trouble anormal de voisinage qu'ils dénoncent, les appelants demandent la confirmation du jugement sauf en ce qu'il a limité leur indemnisation. Elle devrait l'être à hauteur de 9000 €. Ils soutiennent que contrairement à ce que prétend la partie adverse, les véhicules figurant sur les photographies remises au tribunal n'étaient pas à l'arrêt temporaire mais stationnaient sur le chemin indivis. Ils estiment que l'enquête produite par le détective privé engagé par Monsieur [E] devrait être écartée des débats, car ils soupçonnaient le détective d'avoir enregistré les paroles de Monsieur [V] à son insu, ce qui est contraire notamment à l'article 9 du code civil.

Les appelants évoquent également un trouble sonore résultant du fait que les deux pans de la porte de la grange de Monsieur [E] s'entrechoquent lors du passage du vent, ce qui génère un bruit répétitif particulièrement gênant, et ce depuis la réalisation de travaux dans la grange qui avait entraîné la découpe du bas de la porte.

Contrairement à ce qui a été décidé en première instance, les époux [V] considèrent que la cour devrait constater l'existence d'un empiétement suite aux travaux de pose d'une dalle béton dans la grange de Monsieur [E], et ce sur la voie indivise de sorte que ce dernier devrait être condamné à remettre en état le chemin d'accès. Pour s'en convaincre, il conviendrait de se référer au nouveau constat d'huissier établi par Maître [G] le 8 février 2021 lors duquel ce dernier a effectué un traçage entre les bornes délimitant la parcelle [Cadastre 11] (appartenant à Monsieur [E]) de la [Cadastre 9] sur laquelle se trouve le chemin indivis. L'étude de ce procès-verbal démontrerait l'existence de « stigmates » des travaux réalisés pour le compte de Monsieur [E], la tranchée creusée ayant été sommairement rebouchée et touchant la partie indivise. En outre depuis la réalisation des travaux consistant en la mise en place d'une dalle béton dans la grange de Monsieur [E], la porte de la grange empiéterait également sur la parcelle indivise. Il conviendrait de mettre un terme à ces empiétements.

Enfin les appelants estiment que Monsieur [E] a fait réaliser des travaux sur la grange très probablement pour créer à terme un ou des logements supplémentaires de sorte qu'il doit faire l'objet d'une injonction de produire la preuve l'obtention d'un permis de travaux ou de construire.

* * *

Aux termes de ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 18 août 2022, M. [E] demande à la cour de confirmer le jugement sauf en ce qu'il l'a condamné aux dépens et à payer aux parties adverses les sommes de l 500 € au titre de dommages et intérêts et de 1 200 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Il sollicite de la cour, statuant à nouveau sur ces points, qu'elle déboute purement et simplement les consorts [V] de leurs demandes et les condamne aux entiers dépens de la procédure ainsi qu'au paiement de la somme de 3 500 € en application de l'article 700 du code de procédure civile.

S'agissant de la question du trouble anormal du voisinage dont il serait à l'origine, Monsieur [E] conteste le raisonnement du juge dans la mesure où c'est la configuration des lieux qui expliquerait le phénomène de stationnement des véhicules devant sa propriété sans être en infraction en ce qui concerne le libre accès au chemin indivis. Les véhicules qui souhaitent accéder à sa grange qui est utilisée comme garage doivent emprunter la partie indivise du chemin, et pour ce faire sont obligés de marquer l'arrêt devant la porte de garage pour que le conducteur puisse l'ouvrir avant d'y accéder.

Les nombreuses photographies présentées par les parties adverses ne concerneraient que des véhicules arrêtés pour un bref instant, le temps d'ouvrir et de fermer la porte du garage, ce qui ne peut en aucun cas constituer un trouble anormal de voisinage. Pour démontrer sa bonne foi et le bien-fondé de son argumentation, Monsieur [E] indique avoir fait appel à un tiers, un détective privé, qui lorsqu'il s'est rendu sur place pour effectuer la man'uvre décrite ci-dessus (arrêter le véhicule devant la porte de la grange, ouvrir la porte, entrer dans la grange) a pu constater le comportement excessif, agressif et provocateur de Monsieur [V].

Concernant la question de la remise en état du chemin, Monsieur [E] affirme s'être contenté de bétonner l'intérieur de sa grange et précise que si la dalle qu'il y a créée est effectivement plus élevée que le chemin d'accès extérieur, de quelques centimètres, cela ne concerne que sa propriété et est sans incidence sur le chemin indivis. Il conteste aussi tout empiétement découlant de l'utilisation de la porte de la grange ou encore résultant des travaux de raccordement qu'il a fait réaliser.

Enfin, au sujet du défaut d'affichage du permis de construire qui devrait porter sur les travaux de rénovation de la grange, l'intimé rejoint le raisonnement du premier juge qui a considéré que les seuls travaux réalisés par Monsieur [E] ont consisté à raccorder son garage au réseau de canalisations.

Monsieur [E] indique qu'à l'heure actuelle il n'envisage pas de transformer sa grange utilisée comme garage en appartements, de sorte qu'il n'existe aucune raison pour qu'il soit condamné à verser au débat d'hypothétiques autorisations administratives portant sur un projet non avéré.

* * *

Par ordonnance du 4 janvier 2022, la présidente de chambre, chargée de la mise en état, a ordonné la clôture de la procédure et renvoyé l'affaire à l'audience du 23 novembre 2022.

En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour renvoie expressément pour plus ample exposé des prétentions et moyens des parties, aux conclusions transmises aux dates susvisées.

MOTIVATION

1) Sur la situation des parcelles des parties au litige

Monsieur et Madame [V] sont propriétaires d'une grange aménagée à usage d'habitation composée d'un appartement d'un garage et de cave située sur la parcelle section n°[Cadastre 7] à [Localité 15] et voisins de l'immeuble de rapport appartenant à Monsieur [T] [E] sous les références cadastrales sections de numéros [Cadastre 4],[Cadastre 8] et [Cadastre 12]. Les deux propriétés sont contiguës et sont séparées par un chemin indivis situé sur les parcelles [Cadastre 2],[Cadastre 5] et [Cadastre 10].

Pour faciliter la visualisation de la situation et les points litigieux, la cour - à partir d'une vue du plan cadastral produite par les appelants en annexe 3 - renvoie au présent schéma qu'elle a annoté, comportant

- « en rouge » les indications portant sur les immeubles appartenant aux parties au litige,

- « en vert » les références cadastrales,

- sous la forme d'un trait rose, la localisation de la porte en bois litigieuse de la remise de Monsieur [E],

- le chemin indivis matérialisé par la couleur orange.

Il est constant que l'ensemble des biens immobiliers composant le lot de Monsieur [E] bénéficie d'un droit d'accès au chemin indivis, destiné uniquement à être emprunté.

2) sur le trouble anormal du voisinage

Le premier juge, après avoir rappelé les dispositions de l'article 815'9, 544 et 655 du code civil qui portent sur les règles d'usage d'une partie indivise et sur la notion d'abus de droit, a retenu l'existence d'un trouble anormal du voisinage de la part de Monsieur [E].

Pour ce faire il s'est référé :

- aux photographies produites par les consorts [V] sur lesquelles on constate la présence de véhicules stationnés sur la voie indivise,

- au contenu de nombreuses attestations confirmant que des véhicules ' de proches ou de locataires de Monsieur [E] - étaient régulièrement stationnés soit devant le domicile des consorts [V] soit sur le chemin d'accès indivis,

- au constat d'huissier établi par Maître [G] le 26 juillet 2019 constatant la présence d'engins de chantier sur cette voie lors de travaux réalisés pour le compte de l'intimé.

Ces preuves ont permis au juge de considérer en toute logique que Monsieur [E] a outrepassé ses droits de propriétaire indivis, en rappelant que la notion de trouble anormal du voisinage est aussi applicable aux relations entre co indivisaires.

La production par Monsieur [E] d'attestations tendant à démontrer le caractère irascible de Monsieur [V] ou encore d'un rapport d'un détective privé duquel il ressort que Monsieur [V] est particulièrement soupçonneux, n'est pas de nature à faire disparaître l'existence du trouble anormal de voisinage résultant du fait de la présence fréquente de véhicules stationnés sur ce chemin de passage indivis.

La décision du premier juge, en ce qu'il a retenu l'existence d'un trouble anormal de voisinage du fait du stationnement intempestif et récurrent de véhicules de proches ou de locataires de Monsieur [E] sur le chemin indivis ' alors qu'il est admis de tous que nul stationnement n'y est permis, s'agissant d'une servitude de passage - doit être confirmée.

Les appelants estiment qu'ils subissent en outre un second trouble anormal de voisinage de nature sonore, découlant du fait que depuis le moment où Monsieur [V] a découpé le bas de la double porte en bois qui permet d'accéder à sa grange, celle-ci génère un bruit, qualifié de « nuisances sonores » lorsque le vent vient battre la porte et la fait claquer.

L'existence de cette nuisance est attestée d'une part par le procès-verbal de constat établi par Maître [G] le 8 février 2021 en ce qu'il « constate en outre que la porte cochère est sommairement fermée de sorte que les deux pans de porte s'entrechoquent lors du passage du vent, bruit particulièrement nuisible car répétitif et bruyant », et d'autre part par l'annexe 22 constituée d'un message émanant de Madame [N] [P], ancienne locataire d'un appartement de Monsieur [E] qu'elle adressait à Madame [V] dont la teneur est la suivante : « si jamais vous voyez une barre de fer sur la porte de la grange, c'est [Y] et moi qui l'avons mise, impossible de dormir cette nuit avec le bruit, du coup on a fait en sorte de la bloquer ce matin ».

En outre l'examen des prises de vue de la porte prises par Monsieur [V] (annexe 23) et de celles présentes au procès-verbal de Me [G] (annexe 9) démontre qu'aucun système de nature à atténuer le claquement des portes n'est présent sur celles-ci, que ce soit au sol avec une butée ou au niveau des deux battants.

Il résulte de ces développements, que les consorts [V] démontrent que ladite porte en bois, ancienne, ne dispose pas d'un système permettant de l'immobiliser totalement lorsqu'elle est en position fermée (absence de butée'cf. page 8 de l'annexe 9) et est dénuée de tout système de nature à atténuer son claquement.

Considérant que les nuisances sonores répétitives sont particulièrement handicapantes pour le voisinage et notamment les époux [V], il y a lieu de retenir l'existence d'un trouble anormal de voisinage résultant de cette nuisance auditive.

La cour estime que le chiffrage du préjudice subi par le trouble anormal de voisinage, tel que retenu par le premier juge, est insuffisant pour indemniser les époux [V] et ce d'autant plus qu'il existe un trouble supplémentaire de nature sonore.

Une somme de 5000 € sera accordée aux appelants à ce titre, le jugement de première instance étant infirmé sur la question du chiffrage de l'indemnisation.

Corrélativement la demande de rectification de l'erreur matérielle figurant dans le dispositif du jugement entrepris - en ce qu'il a condamné Monsieur [T] [E] à payer à Monsieur [M] [V] et « Mme [K] [E] » (au lieu de [V]) la somme de 1.500 euros de dommages et intérêts au titre du trouble anormal - devient sans objet, ladite condamnation étant infirmée.

3) sur la demande de remise en état du chemin

Monsieur [E] a fait poser une dalle en béton à l'intérieur de sa grange qui a relevé le niveau du sol de celle-ci de sorte qu'il a dû découper le bas de la porte en bois de la grange ce qui explique que ladite porte claque au vent dorénavant.

L'étude des photographies jointes au procès-verbal de l'huissier du 8 février 2021 (annexe 9), démontre que pour rattraper le niveau surélevé de la dalle de la grange, Monsieur [E] a rehaussé de quelques centimètres la partie du chemin indivis se trouvant devant la porte de la grange sur environ une quinzaine de mètres carrés.

Il est donc faux d'affirmer, comme le fait Monsieur [E], que la création de la dalle dans sa grange n'a pas eu d'impact sur le chemin d'accès indivis, les photographies produites et le constat d'huissier démontrant clairement que la partie du chemin d'accès indivis jouxtant l'entrée de la grange a été rehaussée.

Les époux [V] estiment qu'il s'agit là d'un « empiétement » qui devrait faire l'objet d'une remise en état du chemin d'accès.

Cependant, en premier lieu on ne peut guère évoquer un « empiétement » en ce que l'ajout de béton n'est pas allé déborder sur leur propre parcelle.

En second lieu, il ne s'agit que d'un ajout de matière sur la surface du chemin, nullement de nature à l'endommager. Ces travaux de surface ne sont pas de nature à modifier la nature de la voie indivise, ni à en diminuer sa valeur, ni encore à entraver son usage ; ils peuvent au contraire être considérés comme des « travaux d'entretien », de sorte qu'il n'était pas nécessaire pour Monsieur [E] d'obtenir l'autorisation des consorts [V] préalablement à leur réalisation.

Le même raisonnement doit être tenu au sujet des travaux réalisés par Monsieur [E] lorsqu'il a fait procéder au raccordement de la grange au tout-à-l'égout, et qu'il a pour ce faire du faire creuser une tranchée sur son terrain (parcelle [Cadastre 12] et une partie de la [Cadastre 13]) pour rejoindre le regard se trouvant au niveau de la voie indivise. Ces opérations d'excavation puis de rebouchage, ne peuvent être appréhendées comme étant de nature à constituer ou à générer un empiètement.

Les « stigmates de la tranchée creusée (') sommairement rebouchée avec du tout-venant » qui sont toujours visibles selon les époux [V] au niveau de la limite ouest du chemin indivis ne peuvent davantage être considérés comme un « empiétement » ; il s'agit simplement de traces de l'intervention.

Enfin, l'étude des photographies et du constat d'huissier produits par les consorts [V] ne permet pas davantage de retenir l'existence d'un empiétement sur la voie indivise de la part de la porte de la grange.

L'ensemble des demandes des consorts [V] portant sur ce point (remise en état et dommages et intérêts) sera alors rejeté, le jugement étant confirmé.

4) sur l'absence d'autorisation d'urbanisme dénoncée par les époux [V]

Les appelants estiment qu'à partir du moment où Monsieur [E] a indiqué qu'il allait faire des travaux sur la grange en vue de procéder au changement de la porte (qui claque), des raccordements électriques et de reprises de béton, il aurait convenu que ce dernier déposât une demande de permis de construire ou une déclaration préalable de travaux.

Cependant, il n'est nullement démontré que l'intimé se soit engagé dans de tels travaux de rénovation de la grange, ou même que lesdits travaux nécessitent une déclaration de travaux préalable.

La demande des époux [V] ne peut être accueillie, le jugement devant être confirmé sur ce point.

5) les demandes incidentes et annexes

Dans le corps de leurs conclusions, les époux [V] demandent à la cour d'écarter des débats le rapport rédigé par le détective privé engagé par Monsieur [E] au motif qu'il le soupçonne d'avoir enregistré M. [V] à son insu. Nulle demande en ce sens ne figurant néanmoins dans le dispositif des conclusions des appelants, la cour n'a pas à statuer sur cette question, n'étant pas valablement saisie.

Les appelants réclament dans le cadre du présent appel qu'il soit enjoint à Monsieur [T] [E] d'une part de laisser libre de tout obstacle, de toute entrave et de tout stationnement de véhicules le chemin indivis sous peine d'une astreinte de 300 euros par infraction constatée par huissier, d'autre part de faire le nécessaire pour mettre fin aux nuisances sonores découlant de la porte de la grange, dans un délai de 8 jours à compter de la décision à intervenir sous peine d'une astreinte de 500 € par jour de retard, et que l'intimé soit condamné à les rembourser de la somme de 597,29 € au titre des frais de constats d'huissier supportés.

Les trois demandes seront accueillies.

La première et la deuxième le seront car elles sont de nature à mettre fin aux troubles de voisinage, cependant avec la mise en place d'une astreinte de 50 euros selon les modalités exposées dans le dispositif, la troisième car les appelants peuvent légitimement obtenir le remboursement des frais d'huissier qu'ils ont engagés en vue de faire réaliser des constats qui ont constitué des pièces probantes utiles aux débats.

Le jugement de première instance statuant sur la question des dépens et de l'article 700 du code de procédure civile, sera confirmé.

M. [E] partie succombante principale au sens de l'article 696 code de procédure civile, sera condamné aux dépens de la procédure d'appel et à verser aux époux [V] une somme de 1500 € au titre des frais irrépétibles qu'ils ont exposés dans le cadre de la procédure d'appel, ces condamnations emportant nécessairement rejet de la propre demande de l'intimé tendant à être indemnisé de ses frais irrépétibles.

PAR CES MOTIFS

La cour statuant publiquement, par arrêt contradictoire et contradictoirement :

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Mulhouse le 26 janvier 2021 sauf en ce qu'il a fixé l'indemnisation du préjudice subi du fait des troubles normaux du voisinage à 1500 €,

CONSTATE corrélativement que la demande de rectification d'erreur matérielle portant sur la partie du dispositif infirmée, est devenue sans objet,

STATUANT à nouveau sur le seul point non confirmé

CONDAMNE Monsieur [T] [E] à payer à Monsieur [M] [V] et Madame [K] [V] la somme de 5000 € (cinq mille euros) à titre de dédommagement du trouble anormal de voisinage,

Et Y ajoutant

ENJOINT à Monsieur [T] [E] de laisser libre de tout obstacle, de toute entrave et de tout stationnement de véhicules, le chemin indivis (section [Cadastre 3], [Cadastre 6] et [Cadastre 13]) sous peine d'une astreinte de 50 euros par infraction constatée par huissier à compter de la date de signification du présent arrêt,

ENJOINT à Monsieur [T] [E] de faire le nécessaire pour mettre fin aux nuisances sonores découlant des claquements intempestifs par temps de vent de la porte de la grange, en mettant en place un système de nature à faire disparaitre le risque de claquement des battants de la porte, dans un délai de 30 jours à compter de la signification du présent arrêt sous peine d'une astreinte de 50 € (cinquante euros) par jour de retard ;

PRECISE que la durée de l'astreinte sera limitée à 6 mois,

CONDAMNE Monsieur [T] [E] à rembourser aux consorts [V] une somme de 597,29 € (cinq cent quatre-vingt-dix-sept euros et vingt-neuf centimes) au titre des frais de constat d'huissier supportés,

CONDAMNE M. [T] [E] aux dépens de la procédure d'appel,

CONDAMNE M. [T] [E] à verser à Monsieur [M] [V] et Madame [K] [V] une somme de 1500 € (mille cinq cents euros) au titre des frais irrépétibles qu'ils ont engagés à hauteur d'appel,

REJETTE la demande de M. [T] [E] fondée sur l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier Le président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/01474
Date de la décision : 26/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-26;21.01474 ?
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