n° minute : 8/2023
Copie exécutoire à :
- Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ
- Me Laurence FRICK
Le 25 janvier 2023
La Greffière,
RÉPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE DES URGENCES
ORDONNANCE DE RÉFÉRÉ
N° RG 22/00090 - N° Portalis DBVW-V-B7G-H5UP
mise à disposition le 25 Janvier 2023
Dans l'affaire opposant :
M. [H] [K]
[Adresse 1]
[Localité 4]
Représenté par Me Valérie SPIESER-DECHRISTÉ, avocate à la cour
- partie demanderesse au référé -
La Caisse de Crédit Mutuel [Localité 3]
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 3]
Représentée par Me Laurence FRICK, avocate à la cour
- partie défenderesse au référé -
Nous, Pascale BLIND, présidente de chambre à la cour d'appel de Colmar, agissant sur délégation de Madame la première présidente, assistée lors des débats et de la mise à disposition de la décision de Corinne ARMSPACH-SENGLE, greffière, après avoir entendu, en notre audience publique de référé du 7 Décembre 2022, les avocats des parties en leurs conclusions et observations et avoir indiqué qu'une décision serait rendue ce jour, statuons publiquement, par mise à disposition d'une ordonnance contradictoire, comme suit :
La Caisse de Crédit Mutuel [Localité 3] a consenti le 18 septembre 2015 à la société Aksapark l'ouverture d'un compte courant professionnel n° 210 037 01 et un prêt professionnel, le 24 novembre 2015, référencé sous le n° 210 037 02 ,d'un montant de 100 000 euros, remboursable en 60 mensualités de 1 796,57 euros, au taux de 3 % l'an, ce dernier étant garanti par l'engagement, du même jour, de la caution personnelle et solidaire de Monsieur [H] [K] dans la limite de 50 000 euros et de 50 % de l'encours.
Monsieur [K] a en outre souscrit les 3 août 2017 et 13 avril 2018, deux cautionnements « omnibus » garantissant tous engagements de la société Aksapark pour une durée de cinq ans, respectivement dans la limite de 36 000 euros et de 90 000 euros.
Par jugement réputé contradictoire du 22 avril 2022, la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg a :
- condamné Monsieur [H] [K] à payer à la CCM [Localité 3] la somme de 18 127,15 euros avec intérêts au taux de 14,55 % l'an, dans la limite de 126 000 euros à compter du 7 avril 2021, au titre du solde débiteur en compte courant n° 210 037 01
- condamné Monsieur [H] [K] à payer à la CCM [Localité 3] la somme de 17 879,83 euros, augmentée des intérêts au taux de 6 % l'an et 0,5 % l'an, sur la somme de 16 776,36 euros et au taux d'intérêt légal pour le surplus à compter du 7 avril 2021, dans la double limite de 50 000 euros et 50 % de l'encours au titre du prêt n° 210 037 02
- condamné Monsieur [H] [K] aux dépens
- rappelé que le jugement est exécutoire par provision.
Monsieur [K] a interjeté appel de ce jugement, par déclaration du 21 juin 2022.
Par acte d'huissier délivré le 3 octobre 2022, suivi de conclusions récapitulatives du 2 décembre 2022 reprises à l'audience, Monsieur [K] a saisi le premier président de la cour d'appel de Colmar statuant en référé, aux fins de voir, sur le fondement de l'article 514-3 du code de procédure civile, ordonner l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement du 22 avril 2022, condamner la Caisse de Crédit Mutuel de [Localité 3] aux dépens ainsi qu'à lui verser la somme de 1 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.
Le demandeur fait valoir que les trois engagements de caution pris par lui sont disproportionnés au regard des revenus dont il disposait au moment de leur signature de même que des revenus qu'il percevait lorsqu'il a été assigné en paiement.
Il soutient également que la banque a manqué à son devoir de mise en garde dès lors que les époux [K] étaient des emprunteurs non avertis et qu'elle n'a pas attiré leur attention sur le risque d'endettement excessif.
Monsieur [K] ajoute que son préjudice s'analyse comme une perte de chance de ne pas conclure les cautionnements litigieux.
Il soutient ainsi disposer de moyens sérieux d'annulation ou de réformation de la décision entreprise.
Sur l'existence de conséquences manifestement excessives liées à l'exécution provisoire, il fait valoir que le paiement des sommes auxquelles il a été condamné qui ne lui incombe pas constitue déjà en soi une conséquence manifestement excessive et que ses faibles revenus ainsi que l'absence de toute épargne ne lui permettent pas de s'acquitter des montants dus.
Aux termes de ses écrits du 1er décembre 2022 soutenus à l'audience, la Caisse de Crédit Mutuel [Localité 3] conclut au rejet de l'intégralité des demandes de Monsieur [K] et à sa condamnation aux dépens ainsi qu'au versement d'un montant de 2 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Elle soutient que l'engagement de caution n'était pas disproportionné au regard des fiches patrimoniales complétées par Monsieur [K] à l'occasion des deux premiers actes de cautionnement laissant apparaître qu'il était propriétaire avec son épouse de trois biens immobiliers. Elle affirme que les consorts [K] sont actuellement propriétaires d'actifs immobiliers pour un montant supérieur ou égal à la somme de 635 000 euros, les concours financiers ayant été en partie entièrement remboursés. Elle relève en outre que Monsieur [K], associé unique et gérant de société, maîtrise sa propre rémunération dans le cadre de son mandat.
La Caisse de Crédit Mutuel rappelle, s'agissant du manquement au devoir de mise en garde, que l'absence de disproportion du cautionnement établit l'absence de risque d'endettement excessif qui justifie selon la jurisprudence que l'établissement de crédit soit déchargé de son obligation de conseil. De plus, Monsieur [K] ne saurait s'en prévaloir dans la mesure où il doit être considéré comme caution avertie, étant gérant expérimenté de deux sociétés et parfaitement familiarisé avec la souscription de prêts notamment dans le cadre de l'acquisition de biens immobiliers à usage d'habitation ou d'investissement locatif.
SUR CE
L'instance devant la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Strasbourg ayant été introduite le 30 juin 2021, il convient d'une part de constater que la décision de première instance est de droit exécutoire à titre provisoire et d'autre part de faire application de l'article 514-3 du code de procédure civile, tel qu'issu du décret n° 2019 -1333 du 11 décembre 2019.
Aux termes de cet article, en cas d'appel, le premier président peut être saisi afin d'arrêter l'exécution provisoire de droit de la décision lorsqu'il existe un moyen sérieux d'annulation ou de réformation et que l'exécution risque d'entraîner des conséquences manifestement excessives.
Ces conditions sont cumulatives.
Le caractère manifestement excessif des conséquences de l'exécution provisoire doit être apprécié, par rapport à la situation du débiteur, compte tenu de ses facultés de paiement ou des facultés de remboursement du créancier.
En l'espèce, seule, l'absence de facultés de paiement du débiteur est invoquée.
Les conséquences manifestement excessives supposent, pour être retenues, que les facultés du débiteur ne lui permettent pas d'exécuter le jugement sans encourir de graves conséquences, susceptibles de rompre de manière irréversible son équilibre financier.
Monsieur [K] soutient qu'il est dans l'incapacité de payer les montants dus au regard de la modicité de ses revenus et de l'absence d'économie.
Mais il passe sous silence l'existence d'un patrimoine immobilier.
Or, aux termes des fiches patrimoniales remplies par Monsieur [K] les 16 septembre 2015 et 13 avril 2018, destinées à l'information de la banque, le demandeur a déclaré être titulaire avec son épouse, commune en biens, d'un patrimoine immobilier composé d'un quart de la propriété d'un immeuble situé à [Localité 5], dont la valeur nette a été estimée par lui à 800 000 euros le 13 avril 2018, ce qui représente 200 000 euros, et d'un appartement situé à [Localité 6] d'une valeur nette de 176 000 euros.
S'agissant de l'immeuble de Mulhouse, mentionné également dans ces fiches patrimoniales, il apparaît que le bien est en réalité la propriété d'une SCI constituée en 2003 dans laquelle l'épouse de Monsieur [K] est associée à hauteur d'un tiers. Il est constaté qu'aux termes de la fiche patrimoniale du 13 avril 2018 la valeur nette du bien immobilier a été estimée à 229 000 euros.
En l'état de ces éléments, Monsieur [K] ne justifie pas ne pas être en capacité de trouver un financement pour s'acquitter du montant des condamnations prononcées à son encontre d'un montant de l'ordre de 40 000 euros.
Par conséquent, le demandeur n'établit pas que l'exécution du jugement entraînerait pour lui un risque de conséquences manifestement excessives, au sens de l'article 514-3 précité.
La demande sera donc rejetée.
Monsieur [K], qui a succombé à sa demande, sera condamné aux dépens de la présente instance.
L'équité ne commande pas de faire application de l'article 700 du code de procédure civile au profit de la banque.
PAR CES MOTIFS
Statuant par décision contradictoire, après débats en audience publique,
Rejetons la demande de Monsieur [H] [K] tendant à l'arrêt de l'exécution provisoire du jugement rendu par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 22 avril 2022 ;
Rejetons les demandes respectives des parties fondées sur l'article 700 du code de procédure civile ;
Condamnons Monsieur [H] [K] aux dépens de la présente instance.
La greffière, La présidente,