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20/01/2023 | FRANCE | N°21/00139

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 20 janvier 2023, 21/00139


MINUTE N° 33/2023





























Copie exécutoire à



- Me Valérie SPIESER



- Me Katja MAKOWSKI





Le 20/01/2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 20 Janvier 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00139 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HOZB



Décision déférée à la cour : 19 Octobre 2020 par le tribunal judiciaire à compétence commerciale de MULHOUSE





APPELANTE et intimée sur appel incident :



La S.À.R.L. BUGEAU, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]



repré...

MINUTE N° 33/2023

Copie exécutoire à

- Me Valérie SPIESER

- Me Katja MAKOWSKI

Le 20/01/2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 20 Janvier 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00139 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HOZB

Décision déférée à la cour : 19 Octobre 2020 par le tribunal judiciaire à compétence commerciale de MULHOUSE

APPELANTE et intimée sur appel incident :

La S.À.R.L. BUGEAU, prise en la personne de son représentant légal

ayant son siège social [Adresse 1]

représentée par Me Valérie SPIESER, avocat à la cour.

plaidant : Me KHAMLICHI-RIOU substituant Me RÉMOND, avocat à SAINTES.

INTIMÉE et appelante sur incident :

La S.A.S. PROTEC

ayant son siège social [Adresse 2]

représentée par Me Katja MAKOWSKI, avocat à la cour.

plaidant : Me MEKKI, avocat à BESANÇON.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 21 Octobre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre,

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Mme Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Dominique DONATH, faisant fonction de greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

La SAS Protec a fait construire un immeuble à destination de foyer-logement comportant 42 studios, à [Localité 3] (Charentes Maritimes), qu'elle a vendu en l'état futur d'achèvement à la société Médica France (devenue Korian), selon acte authentique du 14 octobre 2011, la livraison devant intervenir le 30 janvier 2013.

Le lot carrelage-faïences a été confié à la SARL Bugeau.

Les travaux ont fait l'objet d'une réception avec réserves, le 18 décembre 2014, et les réserves ont été levées le 13 janvier 2015.

La société Korian a toutefois refusé la livraison le 30 janvier 2015 invoquant des inachèvements et une expertise judiciaire a été ordonnée.

Parallèlement, la société Protec n'ayant pas réglé le solde des marchés de différentes entreprises intervenues sur le chantier après établissement par chacune d'elles de son mémoire définitif, neuf d'entre elles l'ont assignée devant la chambre commerciale du tribunal de grande instance de Mulhouse. Les procédures ont été jointes.

Par jugement du 19 octobre 2020, le tribunal judiciaire, dans les rapports entre la société Protec et la société Bugeau, a :

- débouté la société Bugeau de sa demande au titre du marché de travaux,

- condamné la société Bugeau à payer à la société Protec la somme de 2 290,83 euros au titre des pénalités de retard et pertes d'exploitation nées du retard dans l'exécution des travaux,

- rejeté les demandes sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la société demanderesse aux dépens.

Le tribunal, après avoir rappelé les termes de l'article 3.6 du CCAP a retenu, s'agissant de la demande en paiement de la société Bugeau, que :

- selon l'article 1er du CCAP qui énumère les pièces contractuelles les dispositions du CCAP primaient en cas de contradiction sur celles de la norme NFP 03-001, ce qui était le cas en l'espèce,

- la société Protec avait adressé son mémoire définitif à la société Bugeau faisant apparaître un solde en faveur du maître de l'ouvrage, par lettre recommandée avec accusé de réception du 12 avril 2016,

- la société Bugeau ne justifiant pas l'avoir contesté, sa demande au titre du solde de son marché devait être rejetée.

Pour accueillir partiellement la demande reconventionnelle de la société Protec en paiement de pénalités de retard et de dommages et intérêts, le tribunal a retenu que le retard dans l'exécution des travaux était avéré mais que les pièces afférentes aux pénalités et pertes d'exploitations visées dans le DGD n'étant pas produites, ni la justification des sommes dont la société Protec avait dû s'acquitter à l'égard de la société Korian, il y avait lieu de réviser les pénalités dues par les entreprises, en application de l'article 1152, ancien du code civil.

La société Bugeau a interjeté appel de ce jugement, le 8 décembre 2020, en ce qu'il l'a déboutée de sa demande au titre du marché de travaux et de celle au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et en ce qu'il l'a condamnée au paiement de pénalités de retard et de pertes d'exploitation nées du retard dans l'exécution des travaux.

La procédure a été clôturée par ordonnance du 4 octobre 2022.

MOYENS ET PRÉTENTIONS DES PARTIES

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 5 septembre 2022, la société Bugeau demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de sa demande en paiement et condamnée au paiement de pénalités de retard et de pertes d'exploitation nées du retard dans l'exécution des travaux,

Statuant à nouveau de :

- condamner la société Protec à lui payer la somme de 22 990,83 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 23 février 2016, en application du marché de travaux signé le 30 novembre 2012 et de ses avenants postérieurs,

- débouter la société Protec de son appel incident et de toutes demandes, fins et conclusions contraires.

- condamner la société Protec à lui verser la somme de 5 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, et aux entiers dépens de première instance comme d'appel.

Au soutien de son appel, elle fait valoir que le mémoire définitif de la société Protec, qu'elle conteste avoir reçu, lui est inopposable puisque le maître de l'ouvrage n'a pas respecté le délai de 45 jours imposé par l'article 3.6 du CCAP, dont il se prévaut, pour communiquer son décompte général définitif (DGD) en réponse à celui de l'entreprise.

Elle soutient que cet article reprend les articles 19.5 et 19.6 de la norme NFP 03-001, sauf en ce qui concerne les sanctions attachées au délai, et qu'il doit être considéré que la norme, qui est contractuelle, n'est pas contraire au CCAP mais le complète.

En outre, selon le CCAP seul le délai de 8 jours imparti à l'entreprise pour répondre au DGD notifié par le maître de l'ouvrage emporterait présomption irréfragable d'acceptation de ce décompte, alors que la norme prévoit qu'en l'absence de notification par le maître de l'ouvrage de son décompte définitif dans le délai de 45 jours de la réception du mémoire définitif de l'entreprise, il est réputé avoir accepté le mémoire définitif de l'entrepreneur après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours,

or une présomption irréfragable d'acceptation tacite du mémoire définitif ne saurait exister au seul détriment d'une partie au risque de créer un déséquilibre contractuel et de faire un usage déloyal du contrat, en méconnaissance de l'article 1104 du code civil.

L'appelante ajoute que, en application de l'article 1189 du code civil, les clauses d'un contrat s'interprètent les unes par rapport aux autres en donnant à chacune le sens qui respecte la cohérence de l'acte tout entier.

Elle conteste également que le retard du chantier lui soit imputable et invoque le manque de réactivité et l'inertie du maître de l'ouvrage auquel elle a d'ailleurs adressé le 25 novembre 2014 une lettre recommandée avec accusé de réception pour dénoncer sa carence.

Elle considère que puisque son propre décompte définitif a été adressé au maître de l'ouvrage et au maître d'oeuvre le 19 février 2015, et que la réception des travaux a été prononcée le 13 juin 2015, après levée des réserves, son décompte doit prévaloir, la société Protec qui ne l'a pas contesté étant réputée l'avoir accepté conformément à l'article 19.6.2 de la norme NFP 03-001.

Par voie de conséquence, la demande de la société Bugeau au titre du solde de son marché doit être accueillie et la demande reconventionnelle de la société Protec rejetée.

Subsidiairement, la société Bugeau conteste avoir été défaillante, la société Protec ne démontrant pas en quoi le retard du chantier lui serait imputable, l'essentiel du retard étant en réalité la conséquence de la carence du maître de l'ouvrage. En outre aucune mise en demeure ne lui a été adressée en méconnaissance de l'article 1231-5 in fine du code civil, et la société Protec ne fournit aucun justificatif démontrant la réalité de ses pertes d'exploitation nées du retard dans l'exécution des travaux, et ne justifie pas des indemnisations qui auraient été sollicitées par l'acquéreur gestionnaire du bâtiment.

Elle ajoute que le CCAP prévoit que les délais d'exécution sont prorogés en cas de retard dans l'exécution des travaux à réaliser par le maître de l'ouvrage, or dès le départ le chantier a été retardé et les comptes rendus de chantier démontrent le peu de réactivité de la société Protec.

Très subsidiairement, la société Bugeau approuve le tribunal en ce qu'il a fait application de l'article 1152 ancien, désormais 1231-5 du code civil, pour réduire le montant réclamé au titre des pénalités de retard prévues par l'article 4 du CCAP qui s'analysent en une clause pénale.

Aux termes de ses dernières écritures transmises par voie électronique le 5 septembre 2022, la société Protec demande à la cour de déclarer l'appel de la société Bugeau irrecevable ou pour le moins mal fondé,

- confirmer le jugement, au besoin par substitution de motif en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a condamné la société Bugeau à payer à la société Protec la somme de 2 290,83 euros au titre des pénalités de retard et pertes d'exploitation nées du retard dans l'exécution des travaux, (ou plus exactement en ce qu'il a débouté la société Protec du surplus de ses demandes) et en ce qu'il a rejeté les demandes des parties faites au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;

- déclarer l'appel incident de la société Protec recevable et bien fondé,

- annuler, infirmer ou réformer le jugement des chefs susvisés,

Statuant à nouveau :

- constater le caractère irrecevable et en tout état de cause infondé des demandes formées par la société Bugeau au regard du caractère définitif et contractuel du mémoire définitif présumé accepté de façon irréfragable,

- débouter la société Bugeau de l'intégralité de ses demandes, fins et conclusions et notamment au titre de la facturation "complémentaire" de celle-ci,

- recevoir la société Protec en sa demande reconventionnelle

- condamner la société Bugeau à lui payer la somme de 41 493,38 euros au titre du solde négatif de son marché,

- dire et juger que les condamnations ainsi prononcées produiront intérêts au taux légal à compter de la date de réception du décompte définitif de la société Protec par la société Bugeau, soit le 12 avril 2016,

- ordonner la capitalisation des intérêts,

- condamner la société Bugeau à payer à la société Protec, sauf à parfaire, la somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'en tous les dépens.

Elle fait valoir que l'absence de réponse dans le délai de 8 jours suite à la notification, le 8 avril 2016, de son DGD à la société Bugeau qui l'a reçu le 12 avril 2016 ainsi qu'elle en justifie, entraîne acceptation tacite et irréfragable de ce décompte par l'entreprise.

Elle relève que l'appelante ne démontre pas l'envoi de son mémoire définitif, et quels en auraient été les destinataires.

Elle souligne que le délai de 45 jours imparti au maître de l'ouvrage pour établir son propre décompte n'est assorti d'aucune sanction contractuelle, et que conformément à l'article 1120 nouveau du code civil, le silence ne peut valoir acceptation en l'absence de disposition spécifique. En outre, les dispositions de la norme NFP 03-001, à supposer qu'elles s'appliquent, prévoient l'envoi d'une mise en demeure d'avoir à établir son décompte définitif au maître de l'ouvrage, or aucune mise en demeure ne lui a été adressée à cette fin, mais seulement pour paiement d'un prétendu solde, et la preuve n'est pas rapportée de l'envoi d'une copie de cette mise en demeure au maître d'oeuvre.

L'intimée fait valoir en effet que, dans la hiérarchie des documents contractuels, le CCAP prime sur la norme NFP 03-001, et que celle-ci n'a pas vocation à s'appliquer puisqu'il existe des contradictions entre les dispositions relatives à l'établissement des mémoires définitifs. Elle considère que le CCAP se suffit à lui-même et n'a pas à être complété.

Elle soutient que l'appelante ne démontre pas en quoi la procédure d'établissement des comptes créerait un déséquilibre contractuel non prévu initialement puisque le CCAP a été librement accepté par tous, et qu'il n'y a pas non plus de déloyauté de sa part à se prévaloir des stipulations contractuelles.

En l'absence d'établissement de son mémoire définitif par l'entreprise, la société Protec pouvait établir le sien, et dès lors que son propre décompte fait apparaître un solde négatif en sa faveur, elle doit en obtenir paiement puisque l'entreprise qui ne l'a pas contesté en temps utile est présumée de façon irréfragable l'avoir accepté, le caractère définitif de son décompte faisant en outre obstacle à l'application de l'article 1152, ancien du code civil.

Elle soutient que le retard est avéré, or l'article 4-1 du CCAP prévoit que toutes les entreprises sont solidairement responsables vis-à-vis du maître de l'ouvrage du respect du délai global d'exécution du chantier, de sorte qu'il n'y a pas lieu de justifier de l'imputabilité du retard, en tout état de cause des retards sont imputables à la société Bugeau.

Enfin, l'article 1231-1 du code civil exigeant une mise en demeure préalable, qui est issu de la réforme de 2016, n'est pas applicable, l'article 4 du CCAP

prévoyant de plus que les pénalités de retard courent de plein droit sans mise en demeure.

Subsidiairement, elle conteste le décompte de l'entreprise.

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs dernières conclusions notifiées et transmises par voie électronique aux dates susvisées.

MOTIFS

À titre liminaire, il sera relevé en premier lieu que la société Protec conclut à l'irrecevabilité de l'appel mais sans soulever aucun moyen précis. Cette demande n'ayant pas été soumise au conseiller de la mise en état qui a compétence exclusive pour en connaître, est irrecevable en tant que formée devant la cour, et en l'absence de cause d'irrecevabilité susceptible d'être soulevée d'office, il y a lieu de déclarer l'appel recevable.

Les pièces contractuelles sont définies à l'article 1er du cahier des clauses administratives particulières (CCAP) qui vise en premier lieu le marché de travaux, puis le CCAP et en dernier lieu, après différents autres documents techniques, la norme NFP 03-001 dans sa version en vigueur à la date de signature du marché de travaux. Cet article dispose par ailleurs qu'en cas d'éventuelle contradiction les pièces contractuelles priment les unes sur les autres dans l'ordre de leur énumération.

Par voie de conséquence, en cas de contradiction le CCAP prime sur la norme NFP 03-001.

En l'occurrence, les modalités d'établissement des mémoires définitifs sont prévues à l'article 3.6 du CCAP qui dispose :

' Dans le délai de 30 jours calendaires à compter de la réception ou de la résiliation du contrat l'entrepreneur adressera au maître de l'ouvrage et au maître d'oeuvre, par lettre recommandée avec accusé de réception, son projet de mémoire définitif des travaux.

Le mémoire définitif est établi par la maîtrise d'oeuvre dans le mois de la réception par ses soins du projet de mémoire définitif.

Ce mémoire définitif, éventuellement modifié par le maître de l'ouvrage, est notifié par celui-ci à l'entreprise, par lettre recommandée avec accusé de réception dans les 45 jours de sa réception.

Celle-ci dispose d'un délai de 8 jours pour notifier sous la même forme au maître d'ouvrage et à la maîtrise d''uvre, ses éventuelles observations écrites.

Passé ce délai et à défaut de notification en réponse, l'entreprise est présumée de façon irréfragable avoir accepté le décompte dressé par le maître d'ouvrage.

L'entreprise s'interdit, dans cette hypothèse, de contester le bien-fondé de ce décompte qui constituera la loi des parties et sur la base duquel seront liquidées les sommes qui lui sont éventuellement dues.

Si l'entreprise n'a pas établi son projet de mémoire définitif dans le délai de 30 jours à compter de la réception ou de la résiliation de son marché, le maître de l'ouvrage peut, si bon lui semble, établir ou faire établir par la maîtrise d'oeuvre, le mémoire définitif des travaux.

Celui-ci est alors notifié et éventuellement contesté par l'entreprise dans les conditions de forme et de délais ci-dessus stipulées. 

Ces dispositions divergent de celles prévues par les articles 19.5 et 19.6 de la norme NFP 03.001 dans sa version de décembre 2000 applicable au contrat. L'article 19.5.1 prévoit en effet, sauf dispositions contraires du CCAP, un délai de 60 jours à dater de la réception ou de la résiliation, pour la remise par l'entreprise au maître d'oeuvre de son mémoire définitif, et l'article 19.5.4, qu'en l'absence de remise de son mémoire définitif par l'entreprise, le maître de l'ouvrage peut, après mise en demeure restée sans effet, le faire établir par le maître d'oeuvre aux frais de l'entrepreneur.

L'article 19.6 intitulé 'Vérification du mémoire définitif - établissement du décompte définitif' énonce par ailleurs :

' 19.6.1 Le maître d'oeuvre examine le mémoire définitif et établit le décompte définitif des sommes dues en exécution du marché. Il remet ce décompte au maître de l'ouvrage.

19.6.2 Le maître de l'ouvrage notifie à l'entrepreneur ce décompte définitif dans un délai de 45 jours à dater de la réception du mémoire définitif par le maître d'oeuvre. Ce délai est porté à 4 mois à dater de la réception des travaux dans le cas d'application du paragraphe 19.5.4.

Si le décompte n'est pas notifié dans ce délai, le maître de l'ouvrage est réputé avoir accepté le mémoire définitif remis au maître d'oeuvre après mise en demeure restée infructueuse pendant 15 jours.

La mise en demeure est adressée par l'entrepreneur au maître d'ouvrage avec copie au maître d''uvre. 

19.6.3 L'entrepreneur dispose de 30 jours à compter de la notification pour présenter, par écrit, ses observations éventuelles au maître d'oeuvre et pour en aviser simultanément le maître de l'ouvrage. Passé ce délai, il est réputé avoir accepté le décompte définitif.

19.6.4 Le maître de l'ouvrage dispose de 30 jours pour faire connaître, par écrit, s'il accepte ou non les observations de l'entrepreneur. Passé ce délai, il est réputé avoir accepté ses observations. 

Les dispositions du CCAP ci-dessus rappelées sont contraires à celles de la norme en ce qui concerne les délais et leurs sanctions, puisque, notamment, le CCAP n'assortit d'aucune sanction le délai de 45 jours imparti au maître de l'ouvrage pour établir son propre décompte en réponse à celui de l'entreprise.

La norme subordonne par ailleurs la mise en oeuvre de certaines dispositions à l'envoi préalable d'une mise en demeure restée infructueuse, ce que ne reprend pas le CCAP.

Par voie de conséquence, dès lors que le CCAP organise une procédure de vérification du mémoire définitif et d'établissement du décompte définitif différente de celle prévue par la norme NFP 03-001, les dispositions du CCAP, conformément à la hiérarchie des dispositions contractuelles, priment sur celles de la norme, à laquelle elles dérogent.

Ces dispositions étant claires et dépourvues de tout ambiguïté ne donnent pas lieu à interprétation.

Si les stipulations du CCAP sont certes défavorables à l'entrepreneur puisque le délai de 45 jours imparti au maître de l'ouvrage pour contester le décompte établi par l'entreprise n'est assorti d'aucune sanction, à la différence du délai de 8 jours imparti à cette dernière pour contester le DGD notifié par le maître de l'ouvrage, pour autant l'appelante ne prétend pas que cette clause n'était pas négociable, et ne demande pas qu'elle soit réputée non écrite. Elle ne peut donc soutenir que le fait pour la société Protec de se prévaloir des dispositions du CCAP acceptées par les parties caractériserait un usage déloyal d'une prérogative contractuelle au sens de l'article 1134, ancien du code civil, applicable au litige, l'article 1104 issu de l'ordonnance n° 2016-131 du 10 février 2016 n'étant pas applicable.

Au surplus, en l'espèce, comme l'a relevé le tribunal, la société Bugeau ne justifie pas avoir régulièrement notifié son mémoire définitif au maître de l'ouvrage et au maître d'oeuvre par lettre recommandée avec accusé de réception comme l'impose l'article 3.6 du CCAP. Si le non-respect de cette règle de forme n'est assorti d'aucune sanction, cette règle a néanmoins pour objet de permettre à l'entrepreneur de se ménager la preuve de l'envoi de son mémoire définitif et de sa réception qui fait courir le délai de 45 jours imparti au maître de l'ouvrage pour notifier son propre décompte, ainsi que celle du destinataire de cette notification.

Le fait que la société Protec n'ait pas expressément contesté avoir reçu le mémoire établi par la société Bugeau ne saurait valoir reconnaissance de sa réception.

Par voie de conséquence, comme l'a exactement retenu le tribunal, la société Bugeau ne démontrant ni l'envoi de son mémoire au maître d'oeuvre et au maître de l'ouvrage, ni sa réception, la société Protec était en droit, en application des stipulations contractuelles ci-dessus rappelées, de notifier son propre décompte, ce qu'elle a fait par lettre recommandée avec accusé de réception du 8 avril 2016, réceptionnée le 12 avril 2016, ainsi que cela résulte de l'accusé de réception versé aux débats.

La société Bugeau n'ayant pas contesté ce décompte dans le délai de 8 jours qui lui était imparti pour présenter ses observations, en application de l'article 3.6 du CCAP précité, c'est à bon droit que le tribunal a considéré qu'elle était présumée de manière irréfragable avoir accepté le décompte de la société Protec

et s'interdisait de le contester, ce qui commandait le rejet de sa demande en paiement, puisque ce décompte ne faisait apparaître aucun solde en sa faveur.

En revanche, c'est à tort que le tribunal, motif pris d'une absence de justificatifs et de preuve de l'imputabilité du retard, faisant application de l'ancien article 1152, ancien du code civil, a procédé d'office à la révision des pénalités de retard et pertes d'exploitation nées du retard dans l'exécution des travaux, alors que selon les stipulations contractuelles ci-dessus, le décompte définitif accepté constitue la loi des parties, l'entreprise s'interdisant de le contester, de sorte que le tribunal n'avait pas à vérifier si les montants portés en déduction des sommes dues à l'entreprise étaient assortis de justificatifs et n'avait pas davantage le pouvoir de réviser d'office le décompte, les contestations élevées par l'appelante étant en effet inopérantes.

Le jugement entrepris sera donc confirmé en tant qu'il a débouté la société Bugeau de sa demande en paiement, mais infirmé sur la demande reconventionnelle de la société Protec qui sera accueillie, la société Bugeau étant condamnée à lui verser la somme de 41 493,38 euros, outre intérêts au taux légal à compter à compter du 31 octobre 2019, date de la demande, et non pas de la réception du décompte qui n'était pas encore définitif à cette date. Il y a lieu d'ordonner la capitalisation des intérêts échus pour une année entière dans les conditions prévues par l'article 1154 ancien du code civil, devenu 1343-2.

Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais irrépétibles. Les dépens de la procédure d'appel seront supportés par la société Bugeau qui ne peut bénéficier des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile. Il sera en revanche alloué à la société Protec une somme de 1 500 euros sur ce fondement en appel.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant dans les limites de l'appel par arrêt contradictoire, prononcé publiquement, par mise à disposition au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

DECLARE l'appel de la société Bugeau recevable ;

CONFIRME le jugement du tribunal judiciaire de Mulhouse, chambre commerciale, en date du 19 octobre 2020, dans les rapports entre la société Bugeau et la société Protec, sauf en ce qu'il a condamné la société Bugeau à payer à la société Protec la somme de 2 290,83 euros au titre des pénalités de retard et pertes d'exploitation nées du retard dans l'exécution des travaux et a rejeté le surplus de la demande de la société Protec ;

Statuant à nouveau dans cette limite et ajoutant au jugement,

CONDAMNE la SARL Bugeau à payer à la SAS Protec la somme de 41 493,38 € (quatre et un mille quatre cent quatre-vingt-treize euros trente-huit centimes), outre intérêts au taux légal à compter du 31 octobre 2019 ;

ORDONNE la capitalisation des intérêts échus pour une année entière dans les conditions prévues par l'article 1154 ancien du code civil, devenu 1343-2 ;

CONDAMNE la SARL Bugeau aux entiers dépens d'appel ainsi qu'à payer à la SAS Protec la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile en cause d'appel ;

DEBOUTE la société Bugeau de sa demande sur ce fondement en appel.

Le greffier, La présidente


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/00139
Date de la décision : 20/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-20;21.00139 ?
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