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19/01/2023 | FRANCE | N°20/03734

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 19 janvier 2023, 20/03734


MINUTE N° 29/2023





























Copie exécutoire à



- la SELARL ARTHUS



- Me Christine BOUDET





Le 19 janvier 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 19 janvier 2023





Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/03734 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HONK



Décision déférée à la cour : 27 Juillet 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG





APPELANTE :



Madame [U] [P]

demeurant chez Madame [E] [P] [Adresse 2] à [Localité 3]



représentée par la SELARL ARTHUS, avocats à la cour.

plaidant : Me David ATTALI, a...

MINUTE N° 29/2023

Copie exécutoire à

- la SELARL ARTHUS

- Me Christine BOUDET

Le 19 janvier 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 19 janvier 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/03734 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HONK

Décision déférée à la cour : 27 Juillet 2020 par le tribunal judiciaire de STRASBOURG

APPELANTE :

Madame [U] [P]

demeurant chez Madame [E] [P] [Adresse 2] à [Localité 3]

représentée par la SELARL ARTHUS, avocats à la cour.

plaidant : Me David ATTALI, avocat à Strasbourg.

INTIMÉE :

La S.A. ALLIANZ VIE, prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 1] à [Localité 4]

représentée par Me Christine BOUDET, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 15 Septembre 2022, en audience publique, devant la cour composée de :

Madame Isabelle DIEPENBROEK, Présidente de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Mme Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 24 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Madame Isabelle DIEPENBROEK, présidente et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Le 2 février 2012, Mme [U] [P] a adhéré à un contrat collectif d'assurance de prévoyance pour travailleurs non-salariés proposé par la société Allianz Vie, ce contrat proposant notamment une garantie indemnités journalières en cas d'incapacité temporaire totale, pour une durée maximale de 1065 jours.

Le 3 juillet 2013 et le 6 novembre 2013, elle a subi des interventions chirurgicales destinées à la pose de prothèses de hanche, successivement à la hanche gauche puis à la hanche droite.

Suite à ces interventions et en exécution du contrat de prévoyance, la SA Allianz Vie lui a versé des indemnités journalières pendant huit mois à compter du 26 juillet 2013, Mme [P] ayant pu reprendre son travail à compter du 1er avril 2014.

Le 20 octobre 2014, la prothèse de la hanche gauche s'est fracturée, ce qui a nécessité une nouvelle intervention réalisée le 29 octobre 2014, au cours de laquelle il a été procédé à un changement complet de sa prothèse gauche et à une ostéosynthèse du fémur.

Depuis cette date, Mme [P] n'a pas repris le travail. Suite à la nouvelle intervention chirurgicale, la société Allianz Vie a versé de nouvelles indemnités journalières, à compter du 5 décembre 2014, à l'issue du délai de carence d'un mois, et ce jusqu'au 30 septembre 2015, soit pendant 10 mois.

En effet, une expertise médicale privée réalisée par le professeur [Y], médecin expert mandaté par la société Allianz Vie, faisant suite à un examen du 28 août 2015, a conclu que la consolidation de l'état de santé de Mme [P] était acquise au 1er octobre 2015 (date postérieure à l'envoi du rapport), ce que l'intéressée a contesté. Elle a alors saisi le juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg qui, par décision du 6 décembre 2016, a ordonné une expertise médicale confiée au docteur [W].

L'expert judiciaire a déposé son rapport le 1er juin 2017, retenant également que la consolidation était intervenue le 1er octobre 2015.

Mme [P] a saisi la commission de conciliation et d'indemnisation des accidents médicaux, laquelle a rendu le 15 novembre 2016 un avis de rejet de sa demande, considérant que les dommages qu'elle avait subis n'étaient la conséquence, ni d'une faute médicale, ni d'un accident médical non fautif, ni d'une affection iatrogène ni d'une affection nosocomiale.

Mme [P] a contesté cet avis en saisissant le tribunal de grande instance de Strasbourg en janvier 2019, cette procédure (RG 19/0675) étant toujours pendante devant cette juridiction.

Parallèlement, en novembre 2018, elle a saisi le tribunal de grande instance de Strasbourg d'une demande tendant notamment à la condamnation de la société Allianz Vie lui verser la somme de 10 206 euros avec intérêts légaux à compter du 10 mars 2016.

La société Allianz Vie s'est opposée à cette demande.

Par jugement du 27 juillet 2020, le tribunal, devenu le tribunal judiciaire de Strasbourg, l'a déboutée de l'intégralité de ses prétentions et l'a condamnée aux entiers frais et dépens, dont distraction au profit de la SELARL Lexio en application de l'article 699 du code de procédure civile, ainsi qu'à payer à la société Allianz Vie la somme de 2 000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile, rejetant toutes demandes plus amples ou contraires.

Mme [P] ayant demandé que fussent prises en compte, pour la fixation de la date de consolidation, des pathologies induites par le fait dommageable, le tribunal a retenu que l'expert judiciaire avait expressément indiqué que les pathologies dégénératives à l'origine de la poursuite de l'arrêt de travail étaient sans relation avec l'accident. Dans une réponse aux dires du conseil de la demanderesse, il avait précisé sans ambiguïté que ces pathologies dégénératives évoluaient pour leur propre compte et qu'il n'y avait pas de relation directe et certaine entre les lésions dégénératives et le traumatisme. De plus, il avait clairement exclu tout lien de causalité entre les douleurs au niveau du genou et la réparation de la hanche.

Le tribunal a considéré qu'aucun des éléments versés aux débats ne démontrait que l'accident médical aurait révélé, provoqué ou décompensé les prédispositions pathologiques qui avaient justifié la prolongation de l'arrêt de travail et qu'il n'y avait donc pas lieu d'en tenir compte pour fixer la date de consolidation. Mme [P] n'était donc pas fondée à solliciter la fixation de la date de consolidation au 10 mars 2016, date correspondant aux pathologies dégénératives, à la fin des démarches de soins afférentes, et non à l'accident médical.

Mme [P] a interjeté appel de ce jugement selon déclaration du 9 décembre 2020.

Par ordonnance du 24 novembre 2021, le conseiller chargé de la mise en état a rejeté la demande de l'intimée aux fins de sursis à statuer, dans l'attente du jugement à intervenir dans la procédure en cours devant le tribunal judiciaire de Strasbourg (RG 19/0675).

En effet, il a relevé que, si la même question de l'imputabilité des conséquences des pathologies dégénératives à l'accident était posée à la cour et au tribunal judiciaire de Strasbourg, dans le cadre des deux procédures en cours, il n'apparaissait pas que la cour, juridiction du second degré, dût surseoir à statuer pour éviter une contradiction de sa décision sur ce point avec celle du tribunal, l'éventuelle contradiction pouvant se résoudre par un appel. Par ailleurs, dans l'hypothèse où la société Allianz Vie devrait verser des indemnités journalières et où Mme [P] obtiendrait une indemnisation du producteur de la prothèse, la compagnie d'assurances disposerait d'un recours subrogatoire à l'encontre de ce dernier.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 30 novembre 2021, Mme [P] demande que son appel soit déclaré recevable et bien fondé.

Elle sollicite, sur le fondement de l'article 1103 du code civil, l'infirmation du jugement déféré en chacune de ses dispositions et que la cour, statuant à nouveau, fixe la date de consolidation au 10 mars 2016 et condamne la société Allianz Vie à lui payer la somme de 10 206 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 10 mars 2016, ainsi que la somme de 3 000 euros au titre des frais irrépétibles d'appel et les dépens de première instance et d'appel, y compris ceux de la procédure de référé expertise, notamment quant au remboursement des frais d'expertise judiciaire, à hauteur de 720 euros.

Rappelant que le droit à réparation de la victime doit être intégral et que, contrairement à un état antérieur patent, l'état antérieur latent, qui a été provoqué ou qui s'est révélé uniquement à l'occasion du fait dommageable, ne doit pas être pris en compte dans l'évaluation de son préjudice, Mme [P] invoque une jurisprudence de la Cour de cassation résultant d'un arrêt du 20 mai 2000 dont il résulte, selon elle, qu'une prédisposition pathologique ne peut réduire le droit à indemnisation de la victime que s'il est prouvé que la pathologie préexistante de la victime se serait manifestée d'une part de façon certaine et indépendamment de la survenance du fait dommageable, et d'autre part dans un délai prévisible.

Elle ajoute que la jurisprudence exige de la victime qu'elle prouve uniquement l'absence de manifestation de l'affection avant le fait dommageable et que, par ailleurs, le doute scientifique, en matière médicale, n'est pas de nature à faire obstacle à la possibilité de prouver le lien de causalité, notamment en recourant à des présomptions graves, précises et concordantes.

Elle souligne que ses pathologies dégénératives étaient latentes mais qu'elles ont été révélées par l'accident médical du 20 octobre 2014, postérieurement à celui-ci, le tribunal n'ayant pas répondu à cette question.

Elle invoque un rapport d'expertise du professeur [B] [F], missionné par la société Axa, dans le cadre d'un autre contrat de prévoyance souscrit auprès de cette compagnie d'assurances, qui conclut formellement, à l'opposé du docteur [W], que les effets néfastes des pathologies latentes (atteinte tendineuse et articulaire au genou droit, à la cheville gauche et au pied gauche) ont été révélés par l'accident médical, postérieurement à celui-ci, s'agissant de troubles de la statique post-opératoire.

Elle déplore que le tribunal ne fasse aucune mention de ce rapport d'expertise communiqué en première instance et souligne que, si le premier juge ne pouvait se fonder exclusivement sur ce rapport d'expertise, à laquelle la société Allianz Vie n'avait pas participé, celui-ci constituait un élément de preuve devant être pris en compte.

Elle affirme que, désormais, selon la Cour de cassation, les juges peuvent se fonder exclusivement sur un rapport d'expertise unilatérale, à condition que celui-ci ait été régulièrement communiqué à la procédure et qu'il ait pu être librement discuté par les parties. Dans la situation présente, le rapport d'expertise du professeur [F], qui a pu être librement discuté par les parties, est corroboré par plusieurs autres pièces de la procédure.

Elle invoque à ce titre deux certificats médicaux du docteur [X], de septembre et novembre 2015, soumis au premier juge, et explique que l'impossibilité de voir son état s'améliorer, suite à la nouvelle intervention du 20 octobre 2014, est liée à la décompensation de deux pathologies latentes extrêmement invalidantes, dont les manifestations sont apparues pour la première fois seulement au début de l'année 2015.

La société Allianz Vie ne prouve pas que les pathologies préexistantes se seraient manifestées de façon certaine, indépendamment de la survenance du fait dommageable et dans un délai prévisible. Ces pathologies latentes sont donc imputables à l'accident et son droit à réparation doit être intégral.

Mme [P] ajoute que le docteur [W] a été amené à réaliser une nouvelle expertise dans le cadre d'un autre contrat de prévoyance souscrit auprès de Générali, dans le cadre de laquelle, selon un rapport du 27 avril 2018, il retient la date du 10 mars 2016 comme étant celle de sa consolidation, ayant cette fois pris en compte les pathologies dégénératives, alors que les exclusions de garantie sont les mêmes dans les deux contrats.

Elle précise enfin que, début mars 2016, son état de santé ne s'est pas amélioré après le traitement administré et que ses douleurs au genou nécessitaient une nouvelle échographie réalisée le 4 mars 2016.

Au regard des limitations contractuelles de garantie relatives au nombre maximal d'indemnités journalières dans le cas de certaines maladies à manifestations répétitives, Mme [P] précise n'avoir perçu aucune indemnisation pour ses pathologies au genou droit, au pied gauche et à la cheville gauche. Elle réclame 162 jours d'indemnités journalières d'un montant de 63 euros, pour la période du 1er octobre 2015 au 10 mars 2016.

Par ses conclusions récapitulatives transmises par voie électronique le 24 janvier 2022, la société Allianz Vie sollicite le rejet de l'ensemble des conclusions de « Monsieur [P] » (s'agissant manifestement d'une erreur matérielle) et la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions.

Elle demande également que la cour, y ajoutant, condamne Mme [P] aux entiers dépens par application de l'article 699 du code de procédure civile, dont distraction au profit de Me [S], ainsi qu'à lui payer la somme de 2 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Allianz Vie soutient que la consolidation s'entend comme étant celle des séquelles du fait générateur qu'est la maladie ou l'accident et que l'expert est formel en concluant que les pathologies dégénératives de l'appelante sont sans lien avec l'accident médical, objet de la garantie incapacité temporaire de travail, alors que la date du 10 mars 2016 est celle de la consolidation de ces pathologies dégénératives et non de l'accident médical.

Elle ajoute que Mme [P] ne peut invoquer des expertises médicales auxquelles elle-même n'a pu participer, pour n'avoir pas été partie aux procédures qui y ont donné lieu.

Elle soutient qu'il n'est pas démontré que l'accident médical ait révélé, provoqué ou décompensé une prédisposition pathologique, l'expert ayant affirmé que les pathologies dégénératives dont Mme [P] souffrait évoluaient pour leur propre compte, de sorte que ces pathologies ne peuvent être rattachées à l'accident médical.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 1er mars 2022.

MOTIFS

Selon une jurisprudence constante, le droit de la victime à obtenir l'indemnisation de son préjudice corporel ne saurait être réduit en raison d'une prédisposition pathologique, lorsque l'affection qui en est issue n'a été provoquée ou révélée que par le fait dommageable.

Dans son rapport du 1er juin 2017, le docteur [W], expert judiciaire désigné par ordonnance du juge des référés du tribunal de grande instance de Strasbourg du 6 décembre 2016, a relevé que la période d'arrêt de travail de Mme [P] ayant fait suite à la pathologie traumatique représentée par la rupture de la tête en céramique de la prothèse totale de hanche gauche du 21 octobre 2014, était toujours en cours lors de la réunion d'expertise. Il a estimé « raisonnable » la date de consolidation proposée par le docteur [Y], missionné par l'assureur dans le cadre d'une expertise privée, à savoir le 1er octobre 2015, indiquant que la poursuite de l'arrêt de travail était en relation avec une douleur au pied gauche due à une tendinite du jambier postérieur et à une douleur du genou droit en lien avec une gonarthrose externe. Il s'agissait de pathologies dégénératives dont l'expert a retenu qu'elles n'étaient pas en lien avec l'accident survenu sur la hanche gauche.

Il a proposé la même date de consolidation que le docteur [Y].

Cependant, différents éléments postérieurs à ce rapport permettent de contredire ces appréciations, s'agissant du lien entre l'accident lié à la rupture de la prothèse de la hanche gauche de Mme [P] et les pathologies dégénératives de cette dernière, et de la date de consolidation à retenir.

Deux certificats du docteur [X], chirurgien orthopédiste, du 18 septembre 2015 et du 27 novembre 2015, précisent que, suite à la reprise en urgence de la prothèse de hanche gauche réalisée le 30 octobre 2014, Mme [P] a présenté une dégradation fonctionnelle importante au niveau des autres articulations, notamment au niveau du genou droit, avec une arthrose évolutive compartimentale externe, et surtout de la cheville et du pied gauches, avec une ténosynovite du jambier postérieur, se manifestant par un affaissement complet de la voûte plantaire.

Une expertise privée a été réalisée par le professeur [B] [F], chirurgien et expert national, intervenu à la demande de la Compagnie d'assurance Axa Epargne et Protection, ayant donné lieu à un rapport du 25 février 2016, selon lequel la date de consolidation médico-légale doit être fixée au 24 février 2016. Cet expert privé missionné par un autre assureur relève une apparition assez rapide, après l'intervention chirurgicale du 30 octobre 2014, de douleurs de la cheville gauche et du pied gauche, avec mise en évidence d'une ténosynovite fissuraire du tendon tibial postérieur, ainsi que de douleurs du genou droit avec l'apparition d'une gonarthrose externe droite. Le professeur [F] précise que ces manifestations douloureuses poly-articulaires correspondent à une atteinte tendineuse et articulaire en rapport avec des troubles de la statique post-opératoire, la gonarthrose du genou droit étant pré-existante, mais jusque-là latente.

Le docteur [W] a été chargé d'une nouvelle expertise judiciaire par une ordonnance du 1er février 2017, dans une procédure opposant Mme [P] à l'assureur Generali. Dans un rapport du 27 avril 2018, il maintient que la consolidation relative à la rupture de la prothèse de hanche gauche du 21 octobre 2014 proposée par le docteur [Y], au 1er octobre 2015, « paraît raisonnable ».

Il évoque à nouveau les pathologies dégénératives mentionnées dans son précédent rapport et maintient qu'elles sont sans lien avec l'accident survenu sur la hanche gauche. Cependant, il relève dans ce rapport, tout comme dans celui précédemment rédigé au contradictoire de l'intimée, s'agissant des « commémoratifs », que c'est au moment de la reprise d'appui, début 2015, postérieurement à la reprise de la prothèse de hanche gauche, que Mme [P] a ressenti les douleurs au pied gauche et au genou droit, la gonarthrose externe droite ayant été mise en évidence par des radiographies du 18 août 2015 et la ténosynovite du tendon tibial postérieur par une échographie du 11 juin 2015.

Il fixe la date de consolidation relative à ces pathologies au 10 mars 2016, qui est celle de la dernière démarche de soin. D'après un certificat du docteur [G], rhumatologue, du 10 mars 2016, il s'agissait d'une infiltration opérée dans la gaine, concernant la ténosynovite du jambier postérieur gauche, après une viscosupplémentation subie en septembre 2015 concernant le genou droit. Un certificat du docteur [N], chirugien orthopédiste, du 26 octobre 2015, avait évoqué la nécessité d'un traitement de première intention conservateur et recommandé également une rééducation fonctionnelle et, à défaut d'amélioration, l'utilité de l'avis d'un rhumatologue afin d'envisager des gestes infiltratifs. Il retenait une indication d'intervention si, au bout de plusieurs mois, le retentissement fonctionnel du problème restait trop important. Il évoquait donc une évolution possible, ce qui ne concordait pas avec une consolidation acquise.

Si les différents rapports d'expertise médicale de Mme [P] produits, postérieurs à l'expertise judiciaire réalisée entre les parties, n'ont pas été rédigés contradictoirement à l'égard de la société Allianz Vie, il s'agit de rapports rédigés par des experts distincts qui ont été soumis au débat contradictoire dans le cadre de la présente procédure d'appel et qui sont également corroborés par les certificats médicaux évoqués ci-dessus.

Sur le lien des pathologies dont souffre Mme [P] au pied et à la cheville gauches et au genou droit avec la rupture de la prothèse de hanche gauche d'octobre 2014, il convient d'observer que le docteur [W], tout en évoquant une absence totale de relation avec cet accident de prothèse, ne remet cependant pas en cause la date et les circonstances d'apparition des symptômes de ces pathologies qu'il mentionne dans la partie « Commémoratifs » de son rapport. Or, celles-ci tendent bien à faire apparaître que ces affections en cause n'ont été provoquées ou révélées que par cet accident de prothèse.

De plus, le certificat du docteur [X] du 18 septembre 2015 fait lui aussi apparaître que ces pathologies ne se sont manifestées que suite à la reprise en urgence de la prothèse de hanche gauche du 30 octobre 2014, corroborant le rapport d'expertise privée du professeur [B] [F], très clair sur ce point. Il précise d'ailleurs que la gonarthrose du genou droit était pré-existante, mais jusque-là latente.

Tous ces éléments permettent d'établir que, si Mme [P] souffrait de prédispositions pathologiques, la ténosynovite fissuraire du tendon tibial postérieur gauche ainsi que la gonarthrose du genou droit qui en sont issues n'ont été provoquées ou révélées que par la rupture prothétique de la hanche gauche d'octobre 2014. Il en résulte que la société Allianz Vie doit sa garantie indemnités journalières jusqu'au terme de l'incapacité temporaire totale due à ces pathologies, c'est à dire jusqu'à la date de la consolidation en lien avec elles.

Or, les éléments produits par Mme [P] démontrent, au vu de la nécessité de la prise en compte des pathologies révélées par l'accident du 21 octobre 2014, que la date de consolidation de l'assurée à retenir, s'agissant de la période postérieure à la reprise de la prothèse de hanche gauche, n'est pas celle du 1er octobre 2015, qui excluait cette prise en compte, mais une date postérieure.

En effet, compte tenu des soins qui se sont poursuivis au cours de l'année 2015 et au début de l'année 2016, jusqu'au 10 mars 2016, ainsi que de l'évolution des pathologies douloureuses de Mme [P], c'est la date du 10 mars 2016, mentionnée dans le dernier rapport du docteur [W], qui doit être retenue.

Si deux rapports d'expertise sont divergents sur ce point, le rapport d'expertise privée du professeur [F] du 25 février 2016 ayant retenu la date du 24 février 2016, l'analyse la plus récente doit être privilégiée, soit celle du docteur [W], qui est largement postérieure à la date de consolidation qu'il relève, en lien avec ces pathologies dégénératives. En effet, le professeur [F], au 25 février 2016, ignorait que Mme [P] allait encore subir de nouveaux soins à ce titre le 10 mars suivant.

Il en résulte que la garantie relative à l'incapacité temporaire totale souscrite par Mme [P] auprès de la société Allianz Vie doit être mise en 'uvre jusqu'au 10 mars 2016. Les indemnités journalières, d'un montant de 63 euros chacune, ayant été réglées par l'assureur jusqu'au 30 septembre 2015 seulement, elles sont dues pour 162 jours supplémentaires, soit du 1er octobre 2015 au 10 mars 2016.

En conséquence, le jugement déféré doit être infirmé en ce qu'il a rejeté la demande de l'assurée présentée à ce titre et celle-ci doit être accueillie à hauteur de 10 206 euros, soit 63 x 162.

Le jugement déféré étant infirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais non compris dans les dépens.

La demande de Mme [P] dirigée contre la société Allianz Vie étant accueillie, cette dernière sera condamnée aux dépens de première instance, qui incluront ceux de la procédure de référé-expertise n°16/832 du tribunal de grande instance de Strasbourg, et aux dépens d'appel. Aucune distraction des dépens ne sera ordonnée, l'article 699 du code de procédure civile n'étant pas applicable en droit local.

Pour les mêmes motifs, il ne serait pas équitable de laisser à la charge de Mme [P] les frais non compris dans les dépens, engagés par cette dernière en appel. En conséquence, il sera fait droit à sa demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 3 000 euros.

En revanche, la société Allianz Vie sera déboutée de sa demande formulée sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME en toutes ses dispositions le jugement rendu entre les parties par le tribunal judiciaire de Strasbourg le 27 juillet 2020,

Statuant à nouveau et ajoutant au dit jugement,

CONDAMNE la SA Allianz Vie à verser à Mme [U] [P] la somme de 10 206,00 (dix mille deux cent six) euros au titre des indemnités journalières dues en application de la garantie incapacité temporaire totale du contrat liant les parties,

CONDAMNE la SA Allianz Vie aux dépens de première instance, incluant ceux de la procédure de référé-expertise n°16/832 du tribunal de grande instance de Strasbourg, et aux dépens d'appel,

CONDAMNE la SA Allianz Vie à payer à Mme [U] [P] la somme de 3 000,00 (trois mille) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de la SA Allianz Vie présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, La présidente,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/03734
Date de la décision : 19/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-19;20.03734 ?
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