GLQ/KG
MINUTE N° 23/74
NOTIFICATION :
Pôle emploi Alsace ( )
Clause exécutoire aux :
- avocats
- délégués syndicaux
- parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
ARRET DU 17 Janvier 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 22/00871
N° Portalis DBVW-V-B7G-HY72
Décision déférée à la Cour : 29 Janvier 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SAVERNE
APPELANTE :
Société CONTINENTAL DISC CORPORATION société de droit étranger
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 3]
(THE NERTHERLANDS)
Représentée par Me Guillaume HARTER, avocat à la Cour
INTIME :
Monsieur [D] [A]
[Adresse 2]
[Localité 1]
Représenté par Me Hervé BERTRAND, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
L'affaire a été débattue le 08 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. PALLIERES, Conseiller
M. LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme THOMAS
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,
- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
FAITS ET PROCÉDURE
La société CONTINENTAL DISC CORPORATION (CDC) est une entreprise dont le siège social est situé sur le territoire américain et qui a pour activité la production de disques de rupture et de systèmes de protection basse pression. Elle exploite un établissement situé aux Pays-Bas.
Par contrat à durée indéterminée du 18 mai 2010, elle a embauchée M. [D] [A] en qualité de responsable de vente régional.
Le 15 novembre 2018, M. [D] [A] a été convoqué à un entretien préalable à un éventuel licenciement auquel le salarié ne s'est pas présenté. Par courrier du 29 novembre 2018, l'employeur lui a notifié son licenciement pour cause réelle et sérieuse en faisant état d'un manque d'implication dans l'action de prospection, de carence dans les informations communiquées et d'une dégradation des relations professionnelles.
Le 27 septembre 2019, M. [D] [A] a saisi le conseil de prud'hommes de Saverne pour contester le licenciement.
Par jugement du 29 janvier 2021, le conseil de prud'hommes a :
- dit que le licenciement de M. [D] [A] est dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- fait application du barème prévu par l'article L. 1235-3 du code du travail,
- condamné la société CONTINENTAL DISC CORPORATION à verser à M. [D] [A] la somme de 68 820,66 euros à titre de dommages et intérêts,
- débouté M. [D] [A] de sa demande au titre des frais professionnels,
- condamné la société CONTINENTAL DISC CORPORATION à verser à M. [D] [A] la somme de 7 461,58 euros au titre des jours RTT,
- débouté M. [D] [A] de sa demande au titre des congés payés afférents aux RTT,
- ordonné la rectification des documents de fin de contrat,
- condamné la société CONTINENTAL DISC CORPORATION à verser à M. [D] [A] la somme de 17 908 euros au titre des bonus restant dus,
- condamné la société CONTINENTAL DISC CORPORATION à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage à concurrence de six mois,
- débouté la société CONTINENTAL DISC CORPORATION de ses demandes.
- condamné la société CONTINENTAL DISC CORPORATION à verser à M. [D] [A] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la société CONTINENTAL DISC CORPORATION aux dépens.
La société CONTINENTAL DISC CORPORATION a interjeté appel le 23 février 2021.
Par arrêt du 22 février 2022, la cour d'appel a prononcé la radiation de l'affaire et l'a retirée du rôle des affaires en cours.
Par acte déposé le 1er mars 2022, la société CONTINENTAL DISC CORPORATION a sollicité la reprise de l'instance.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 1er mars 2022, la société CONTINENTAL DISC CORPORATION demande à la cour d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné l'employeur à verser à M. [D] [A] la somme de 68 820,66 euros à titre de dommages et intérêts,
- ordonné la rectification des documents de fin de contrat,
- condamné la société CONTINENTAL DISC CORPORATION à verser à M. [D] [A] la somme de 17 908 euros au titre des bonus restant dus,
- condamné la société CONTINENTAL DISC CORPORATION à rembourser à Pôle Emploi les indemnités de chômage à concurrence de six mois,
- débouté la société CONTINENTAL DISC CORPORATION de ses demandes.
- condamné la société CONTINENTAL DISC CORPORATION à verser à M. [D] [A] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile
- condamné la société CONTINENTAL DISC CORPORATION aux dépens.
Elle demande à la cour de débouter M. [D] [A] de sa demande de dommages et intérêts au titre du licenciement sans cause réelle et sérieuse. A titre subsidiaire, elle demande de limiter la condamnation à deux mois de salaire et, à titre infiniment subsidiaire, de juger que la condamnation à hauteur de six mois de salaires s'élève à 58 217,96 euros.
Elle demande par ailleurs à la cour de limiter le versement du bonus restant dû au titre de 2018 à 8 702 euros, de débouter M. [D] [A] de ses demandes au titre de l'appel incident et, en tout état de cause, de le condamner au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 20 janvier 2022, M. [D] [A] demande à la cour de confirmer le jugement du 29 janvier 2021 en ce qu'il a :
- dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse,
- condamné la société CONTINENTAL DISC CORPORATION à lui verser la somme de 7 461,58 euros au titre des jours RTT,
- ordonné la rectification des documents de fin de contrat,
- condamné la société CONTINENTAL DISC CORPORATION à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage jusqu'à concurrence de six mois,
- débouté la société CONTINENTAL DISC CORPORATION de l'ensemble de ses demandes,
- condamné la société CONTINENTAL DISC CORPORATION à lui verser la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,
- condamné la société CONTINENTAL DISC CORPORATION aux dépens.
Il demande à la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il a :
- dit que l'application du barème de l'article L. 1235-3 du code du travail devait être retenue,
-limité la condamnation de la société CONTINENTAL DISC CORPORATION au titre de dommages et intérêts à la somme de 68 820,66 euros,
- débouté le salarié de ses demandes au titre des frais professionnels et des congés payés afférents aux RTT,
- limité la condamnation de la société CONTINENTAL DISC CORPORATION à 17 908 euros au titre des bonus restants dus.
Il demande à la cour, statuant à nouveau, de :
- dire que l'application du barème résultant des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail doit être écartée comme étant non conforme aux engagements internationaux de la France,
- condamner la société CONTINENTAL DISC CORPORATION au paiement de la somme de 183 117,90 euros à titre de dommages et intérêts avec intérêts légaux à compter de l'arrêt à intervenir,
- condamner la société CONTINENTAL DISC CORPORATION au paiement des sommes suivantes :
* 97 662,88 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse avec intérêt au taux légal à compter de l'arrêt à intervenir,
* 1 795,76 euros au titre des frais professionnels,
* 746,15 euros au titre des congés payés afférents aux jours de RTT,
- ordonner la rectification des documents de fin de contrat sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter de l'arrêt à intervenir,
- condamner la société CONTINENTAL DISC CORPORATION au paiement d'une somme de 32 613 euros nets au titre des bonus restants dus,
- débouter la société CONTINENTAL DISC CORPORATION de l'ensemble de ses demandes,
- condamner la société CONTINENTAL DISC CORPORATION au paiement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur d'appel,
- condamner la société CONTINENTAL DISC CORPORATION aux dépens de la procédure d'appel.
Pour un exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux écritures précitées, en application de l'article 455 du code de procédure civile.
La clôture de l'instruction a été prononcée le 25 octobre 2022. L'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 08 novembre 2022 et mise en délibéré au 17 janvier 2023.
MOTIFS
Sur le licenciement
Aux termes de l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.
Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les limites du litige.
Dans la lettre de licenciement du 29 novembre 2018, l'employeur formule les griefs suivants à l'encontre du salarié :
'Vous ne vous êtes pas présenté à l'entretien préalable pour lequel vous étiez convoqué le lundi 26 novembre 2018. Nous vous informons, par la présente, de notre décision de vous licencier pour les motifs suivants :
Nous constatons un manque d'implication de votre part dans votre action de prospection commerciale et une carence dans l'information que vous nous communiquez.
En effet, depuis de nombreux mois vous ne visitez pas suffisamment les clients. Au premier trimestre vous n'avez réalisé que la moitié des visites fixées dans le plan d'action 2018 et vous n'avez pas amélioré la situation par la suite.
Vous ne remplissez pas avec régularité vos (MOR) ce qui rend la visibilité de votre action commerciale difficile.
Ce manque de prospection a entraîné une baisse de vos résultats en France, en Espagne et en Turquie successivement en 2017 et 2018.
Par ailleurs, nous remarquons une dégradation de vos relations professionnelles : beaucoup de vos collègues se plaignent qu'il est difficile de travailler avec vous car vous refusez le dialogue et vous ne prenez pas en compte l'opinion des autres, ce qui crée des situations conflictuelles.
Nos distributeurs, et en particulier, RTI France, et IBERFLUID, nous rapportent que vous ne vous intéressez absolument pas à leurs besoins et n'êtes pas l'écoute de leurs demandes. RTI France ne veut plus que vous participiez aux réunions avec leurs clients.
Nous considérons que ces faits constituent une cause réelle et sérieuse de licenciement.'
Sur le manque d'implication dans la prospection commerciale :
La société CDC reproche au salarié de ne pas réaliser suffisamment de visites de clients depuis de nombreux mois. Elle explique à ce titre que l'augmentation du nombre de commandes passe par la prospection commerciale et que la visite des clients existants et des clients potentiels fait partie des fonctions définies au contrat de travail.
M. [D] [A] fait valoir à juste titre qu'aucun document contractuel ne fixe un objectif de visites de clients, le contrat de travail stipulant uniquement qu'une partie de la rémunération du salarié est constitué d'un bonus versé en fonction d'un objectif de chiffre d'affaire annuel déterminé par l'employeur.
Toutefois, l'existence d'un objectif contractualisé n'interdit pas à l'employeur, dans le cadre de son pouvoir de direction, de fixer unilatéralement d'autres objectifs qui n'entrent pas dans les modalités de calcul de la part variable de la rémunération dès lors que ces objectifs ont été portés à la connaissance du salarié en début d'exercice et qu'ils sont réalisables. L'employeur produit ainsi un courriel adressé au salarié le 02 février 2018 par M. [Z] [W], directeur Europe et Afrique (pièce n°47) qui fixe notamment au salarié, pour l'année 2018, un objectif de 240 visites clients dont 80 nouveaux prospects. Dans un précédent message du 04 septembre 2017 (pièce n°37), M. [W] avait également attiré l'attention du salarié sur cette question des visites de clients en lui demandant de développer un plan personnel d'amélioration du travail visant notamment à améliorer sa visibilité auprès des clients, à augmenter la pénétration de la clientèle France et à réaliser des visites clients et des prospections de nouveaux clients conformes au plan de performance. Dans une réponse datée du même jour, M. [D] [A] n'avait fait aucune observation sur ces propositions d'amélioration du travail formulées par son supérieur hiérarchique.
La société CDC produit également un document intitulé 'détail de gestion de la performance' (pièce n°48) qui dresse le bilan de M. [D] [A] pour l'année 2018. Ce document mentionne un objectif de huit nouveaux clients en 2018 avec un plan d'action prévoyant six visites par semaine dont trois au moins concernant de nouvelles opportunités commerciales, soit 240 visites par an dont 120 auprès de nouveaux clients. Le document précise qu'au premier trimestre, M. [D] [A] n'a réalisé que trente visites pour un objectif de soixante et que, pour le second et le troisième trimestre, il n'a fourni aucune donnée au moment de la revue, qu'aucun progrès significatif n'a été constaté et que le salarié ne répond pas aux attentes de l'employeur.
Force est de constater toutefois que certains objectifs mentionnés dans ce document ne figuraient pas dans le message du 02 février 2018 (six visites par semaine dont trois au moins étant de nouvelles opportunités commerciales) ou diffèrent des objectifs communiqués au salarié (240 visites par an dont 120 doivent être de nouveaux clients). L'employeur ne justifiant pas par ailleurs qu'il aurait porté à la connaissance du salarié les objectifs ainsi modifiés, ceux-ci ne sont pas opposables à M. [D] [A]. En outre, le seul élément chiffré figurant dans ce document sur le nombre de visites clients réalisées est contesté par M. [D] [A] qui fait valoir que le bilan 2018 ne prend pas en compte certaines des visites qu'il a réalisées, notamment pas celles effectuées en compagnie des représentants du secteur en qualité de support. Il apparaît surtout que l'employeur ne produit aucun bilan du nombre total de visites de clients réalisées sur l'année entière ni d'éléments de comparaison avec le nombre de visites réalisées au cours des années précédentes, les éléments chiffrés invoqués par la société CDC ne concernant que le premier trimestre 2018. Il convient également de constater que le licenciement est intervenu le 29 novembre 2018, avant la fin de l'exercice en question.
Les pièces produites par la société CDC n'établissent pas non plus que M. [D] [A] aurait été alerté et rappelé à l'ordre sur le manque de visites clients lors de chaque revue trimestrielle de résultats et lors de conférences téléphoniques hebdomadaires ni que l'employeur aurait demandé au salarié de fournir les données relatives aux visites de clients après le premier trimestre.
La société CDC soutient par ailleurs que l'insuffisance des prospections commerciales aurait entraîné une baisse des performances commerciales du salarié. L'employeur reconnaît que le salarié a réalisé l'objectif 2018 pour les produits GROTH (valves) qui était fixé à 365 000 USD (pièce n°45) mais fait valoir que cet objectif a été réalisé pour moitié grâce à une seule commande réalisée le 12 mars 2018 pour un montant de 176 774 USD (pièce n°60).
Il résulte cependant du tableau de calcul du bonus attribué à M. [D] [A] pour l'année 2018 (pièce n°53) que l'objectif annuel de chiffre d'affaire était fixé à 365 000 USD pour les produits GROTH et que M. [D] [A] a dépassé cet objectif de manière significative puisque le chiffre d'affaire réalisé par le salarié atteint 518 942 USD, soit 142,18 % de l'objectif, cette performance ne résultant pas exclusivement de la commande mentionnée par l'employeur qui ne correspond qu'à un tiers de ce chiffre d'affaire. Après intégration des commandes sur les produits CDC (disques) le chiffre d'affaire total réalisé par le salarié, soit 1 506 992 USD, représente 99,34 % de l'objectif annuel fixé à 1 516 996 euros, alors que le salarié n'a pu exercer son activité sur la totalité de l'exercice puisque son licenciement est intervenu le 29 novembre 2018.
La baisse des résultats alléguée par rapport aux années précédentes n'apparaît pas non plus démontrée par la production d'un simple graphique (pièce n°46) dont les montants sont contestés par le salarié.
Il résulte de ces éléments que l'employeur n'établit ni la réalité d'un manque d'implication du salarié dans la prospection commerciale ni une baisse du chiffre d'affaire réalisé par lui. Ce motif invoqué pour justifier le licenciement n'apparaît donc pas démontré.
Sur la transmission des rapports d'activité :
Dans la lettre de licenciement, l'employeur reproche au salarié de ne pas remplir régulièrement ses rapports d'activité dit 'MOR' (monthly operating report), ce qui ne permet pas de contrôler son activité commerciale. Le contrat de travail prévoit à ce titre que les fonctions de support de vente régional du salarié incluent le fait 'de développer et d'assurer des rapports d'activité appropriés en vue de rechercher de nouvelles opportunités d'affaires et d'assurer que les agents effectuent de manière active la prospection, la préparation des devis ainsi que le traitement des commandes' et 'de rapporter au directeur commercial'.
La société CDC justifie de nombreux rappels et relances adressés par le directeur des ventes entre 2015 et 2018 dans lequel il demande à M. [D] [A] de lui adresser ses rapports d'activité hebdomadaires (pièces n°14 à 28, 32, 33), de les remplir correctement (pièces n°29 à 31) ou d'utiliser le logiciel de gestion de clientèle (pièces n°38, 39).
Il apparaît toutefois que la lettre de licenciement ne fait mention que des rapports d'activité mensuels dits 'MOR'. Les autres retards et erreurs ne sont pas visés et ne peuvent dès lors justifier le licenciement. Pour les rapports dits 'MOR', l'employeur justifie de rappels adressés par le directeur des ventes à plusieurs collaborateurs dont M. [D] [A] le 02 juin 2016 (pièce n°22) et le 03 octobre 2016 (pièce n°25) ainsi qu'à M. [D] [A] seul le 05 janvier 2016 (pièce n°28), le 06 juillet 2016 (pièce n°27), le 07 février 2017 (pièce n°26), le 02 mai 2017 (pièce n°24) et le 1er décembre 2017 (pièce n°23). M. [D] [A] justifie quant à lui qu'à compter du mois de janvier 2018, ses rapports d'activité mensuels 'MOR' ont été adressés chaque mois dans les délais prescrits.
Il résulte de ces éléments que les sept retards dont la société CDC justifie de la part de M. [D] [A] dans la transmission du rapport mensuel d'activité étaient anciens à la date du licenciement et que le salarié avait corrigé cette difficulté à compter du mois de janvier 2018. Aucun élément ne permet en outre de considérer que ces retards ont eu des conséquences sur le fonctionnement de l'entreprise. Cet élément ne permet dès lors pas d'établir une insuffisance professionnelle du salarié susceptible de pour justifier le licenciement.
Sur la dégradation des relations de travail :
La société CDC reproche au salarié une attitude d'opposition excessive et une inflexibilité qui auraient entraîné une dégradation de ses relations avec ses collègues de travail et avec les clients de l'entreprise.
Elle produit l'attestation établie par M. [Y] [O], salarié de la société IBERFLUID et délégué commercial des société CDC et GROTH CORPORATION pour l'Espagne et le Portugal (pièce n°56 pour la traduction) qui témoigne que 'M. [D] [A] a une personnalité particulière', que, s'il est extrèmement aimable, accessible et travaille beaucoup, 'il a tendance à répondre aux questions en ajoutant des difficultés qui n'étaient pas présentes dans la question posée', qu'il est 'difficile de parvenir rapidement à des solutions concrètes et d'obtenir une vue d'ensemble pour mettre en oeuvre des stratégies positives'. Il ajoute que 'face aux clients, il a tendance à contourner le sujet principal à traiter et s'en éloigne' et que les 'interactions complexes avec les clients et les collègues (...) m'ont par conséquent demandé à plusieurs reprises d'éviter les visites clientèle en la présence de M. [D] [A] parce qu'elles étaient difficiles à gérer et n'apportaient rien de positif'. M. [O] précise qu'il était parfois très difficile d'obtenir de M. [D] [A] des présentations structurées dans le délai prévu et que des clients avaient demandé s'il était possible d'organiser les réunions hors de sa présence. Il ajoute que la situation s'est un peu améliorée en 2018, M. [D] [A] ayant fait des efforts pour être plus concis, mais qu'il a demandé à CDC qu'une autre personne intervienne lors de réunions concernant des commandes potentiellement importantes.
Dans deux attestations établie le 21 février 2020 (pièces n°57 et 58), M. [J] [P], qui exerçait les fonctions de directeur commercial au sein de la société CDC jusqu'au mois de juillet 2019, décrit M. [D] [A] comme une personne entêtée et déterminée que rien ne pourra faire changer d'avis lorsqu'il a pris une décision. Il explique également que M. [D] [A] ne parvient pas à être succinct et que son comportement a entraîné une dégradation rapide des relations avec certains collègues et certains employés des partenaires de la société ainsi qu'une frustration considérable chez certains clients. Il fait état de plaintes de collègues et de partenaires à cause du comportement obsessionnel de M. [D] [A]. Il explique que, lors de réunions avec des clients importants, les membres du personnel du client en question étaient particulièrement frustrés par l'approche excessive de M. [D] [A]. Il cite l'exemple d'une réunion en Espagne au cours de laquelle M. [D] [A] a déclaré au client qu'il ne le croyait pas, ce qui a obligé le directeur commercial à recontacter ce client pour s'excuser du comportement du salarié. Il fait état de ses tentatives pour échanger avec M. [D] [A] sur ses difficultés et du fait que ce dernier a refusé d'évoluer.
M. [G] [R], ancien collègue de travail de M. [D] [A], témoigne (pièce n°75) qu'il était parfois très difficile d'être efficace et de comprendre ce que M. [D] [A] demandait et voulait réellement dire en raison de ses compétences limitées en anglais mais aussi du fait qu'il est très élaboré dans sa communication. Il ajoute que M. [D] [A] était toujours en désaccord et trouvait plus de détails pour expliquer pourquoi les choses devraient être traitées de sa façon. Il mentionne également le fait qu'en 2017, M. [D] [A] partageait des feuilles de calcul que personne n'était en mesure de comprendre. Il décrit M. [D] [A] comme une personne manquant de flexibilité, voulant garder le contrôle de tous les détails, incapable d'accepter les opinions des autres, inefficace dans sa communication et ses méthodes de travail et qui ne sait pas du tout travaillé en équipe.
Ces attestations sont confirmés par des échanges de courriels entre M. [P] et M. [W] au mois de novembre 2017 (pièce n°68) dans lesquels ce dernier lui demande de discuter avec M. [D] [A] sur des points d'amélioration, M. [P] répondant qu'il n'a pas réussi à évoquer avec M. [D] [A] des commentaires d'IBERFLUID et de deux autres personnes déclarant qu'il est difficile voire impossible de travailler avec lui. Ces difficultés apparaissent également dans un échange de courriels du 20 février 2018 (pièce n°67) entre M. [D] [A] et M. [P] qui lui demande de lui transmettre toutes les questions et demandes de clarification internes ou externes pour pouvoir garder une trace.
Pour contester ces éléments, M. [D] [A] produit quant à lui une attestation rédigée collectivement par MM. [V] [T], [M] [S] et [M] [U] (pièce 19), salariés de la société TUBES TECHNOLOGIES, distributeur de la société CDC en France et qui témoignent de ses qualités techniques, commerciales et relationnelles, de sa grande implication et de la pertinence de son action. M. [E] [B], salarié de FLUIDES PRECISION, distributeur de la marque GROTH en France, et M. [H] [I], ancien salarié de la société CDC, témoignent dans le même sens (pièce n°20). Les attestations établies par M. [K] [X] (pièces n°21 et 24) et M. [C] [N] (pièce n°28) apparaissent en revanche peu objectives, ceux-ci ayant manifestement rédigés leurs attestations après avoir pris connaissance de l'ensemble du dossier de la présente procédure.
Il résulte toutefois des attestations produites par l'employeur que les difficultés relationnelles et de comportements décrites concernaient seulement une partie des collègues et clients de M. [D] [A]. M. [O] décrit aussi le salarié comme une personne extrêmement aimable, très accessible et qui travaille beaucoup. M. [P] souligne également que, dans certaines circonstances, la passion et l'attention des détails de M. [D] [A] peuvent être des éléments positifs. Dès lors, les attestations produites par le salarié n'apparaissent pas en contradiction avec les éléments invoqués par l'employeur et ne permettent pas de remettre en cause la réalité de la dégradation des relations professionnelles visée dans la lettre de licenciement.
De telles difficultés relationnelles avec une partie des clients de l'employeur et des collègues de travail du salarié apparaissent peu compatibles avec les fonctions de responsable des ventes régional qui impliquent à la fois l'encadrement d'une équipe et des relations commerciales avec des clients importants de la société. Il en résulte que l'employeur rapporte la preuve d'un élément de nature à justifier le licenciement de M. [D] [A] et il convient en conséquence de considérer que ce licenciement est fondé sur une cause réelle et sérieuse. Le jugement du 29 janvier 2021 sera donc infirmé en ce qu'il a dit que le licenciement était dépourvu de cause réelle et sérieuse, condamné la société CDC au paiement de la somme de 68 820,66 euros à titre de dommages et intérêts et condamné l'employeur à rembourser à Pôle emploi les indemnités de chômage.
Sur le paiement du bonus pour l'année 2018
Le contrat de travail prévoit le versement d'un bonus correspondant à 20 % de la paie de base en cas de réalisation de l'objectif de chiffre d'affaire annuel pour les ventes de CDC avec des paiements trimestriels en cas de réalisation d'un chiffre d'affaire minimum de 80 % de l'objectif.
Les parties s'accordent sur le montant du bonus de base en 2018, soit 17 908 euros correspondant à 20 % de 89 538 euros (pièce n°11 du salarié). Il résulte par ailleurs du document intitulé 'programme d'incitation' (pièce n°45 de l'employeur), accepté par M. [D] [A] le 06 avril 2018, que des objectifs de chiffre d'affaire étaient fixés par trimestre et par type de produit, l'objectif total pour 2018 étant fixé à 1 516 996 USD.
M. [D] [A] sollicite un bonus d'un montant total de 32 613 euros en soutenant qu'il aurait atteint l'objectif de chiffre d'affaire pour les différents produits et qu'il aurait dépassé cet objectif pour les produits GROTH à hauteur de 225 %. Il soutient que les éléments de calcul produits par l'employeur ne prendraient pas en compte une commande GROTH d'un montant de 173 774 USD le 28 novembre 2018. La société CDC justifie toutefois que cette vente est en fait intervenue au mois de mars en produisant une facture du 12 mars 2018 d'un montant presque identique à celui mentionné par le salarié, soit 176 774,06 USD (pièce n°60). Le montant du chiffre d'affaire réalisé par M. [D] [A] pour les produits GROTH au 1er trimestre 2018 (359 609 USD) tel que mentionné dans le tableau de calcul du bonus produit par la société CDC (pièce n° 53) est en outre compatible avec la prise en compte effective de cette facture.
Il résulte par ailleurs de ce même tableau de calcul du bonus, dont le contenu n'est pas critiqué par le salarié, que celui-ci a réalisé 99,34 % de l'objectif annuel. Dès lors que M. [D] [A] ne démontre pas qu'il a atteint l'objectif de chiffre d'affaire annuel, il n'établit pas qu'il pouvait prétendre à un bonus correspondant à 20 % de sa rémunération, soit 17 908 euros, ni qu'il aurait droit à un bonus supérieur au montant reconnu par la société CDC, soit 12 732 euros. Le jugement sera donc infirmé en ce qu'il a condamné la société CDC à payer à M. [D] [A] la somme de 17 908 euros à ce titre. Compte tenu par ailleurs des montants déjà versés par la société CDC à ce titre, soit 4 030 euros, il convient de condamner l'employeur à verser à M. [D] [A] la somme de 8 702 euros au titre du solde du bonus 2018.
Sur les frais professionnels
Les factures et les courriers de demande de remboursement produits par le salarié ne permettent pas d'établir que les frais dont M. [D] [A] sollicite le remboursement pour les mois de décembre 2018 et janvier 2019, soit postérieurement à son licenciement, ont une nature professionnelle et qu'ils doivent être pris en charge par son ancien employeur. Le jugement du 29 janvier 2021, qui a débouté M. [D] [A] de sa demande, sera donc confirmé sur ce point.
Sur la demande de remboursement de jours de congés non pris
Le conseil de prud'hommes a condamné l'employeur l'employeur à payer à M. [D] [A] la somme de 7 461,58 euros au titre de jours de RTT non pris, cet élément n'étant pas contesté par les parties. Le conseil de prud'hommes a par ailleurs débouté M. [D] [A] de sa demande de congés payés sur ces jours de RTT. Dès lors qu'il ne produit aucun élément pour justifier de l'existence d'un droit à congés sur ces jours de RTT, il convient de confirmer le jugement sur ce point.
Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile
Le jugement sera infirmé en ce qu'il a condamné la société CDC à verser à M. [D] [A] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'au dépens.
Compte tenu de l'issue du litige, il convient de laisser à chacune des parties la charge des dépens qu'elle aura exposer et de rejeter les demandes formées par les parties sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.
PAR CES MOTIFS
La cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,
CONFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Saverne du 29 janvier 2021 en ce qu'il a :
- débouté M. [D] [A] de sa demande de 1 795,76 euros au titre des frais professionnels,
- débouté M. [D] [A] de sa demande de 746,15 euros au titre des congés payés afférents aux RTT ;
INFIRME le jugement entrepris en toutes ses autres dispositions ;
Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant,
DIT que le licenciement repose sur une cause réelle et sérieuse ;
DÉBOUTE M. [D] [A] de sa demande de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
DÉBOUTE M. [D] [A] de sa demande de rectification des documents de fin de contrat ;
CONDAMNE la société CONTINENTAL DISC CORPORATION à payer à M. [D] [A] la somme de 8 702 euros (huit mille sept cent deux euros) au titre du solde du bonus de l'année 2018 ;
LAISSE les dépens à la charge de la partie qui les aura exposés ;
REJETTE les demandes fondées sur l'article 700 du code de procédure civile.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.
Le Greffier Le Président