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17/01/2023 | FRANCE | N°21/04272

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 4 a, 17 janvier 2023, 21/04272


GLQ/KG



MINUTE N° 23/58





















































NOTIFICATION :



Pôle emploi Alsace ( )







Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées



Le



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A



ARRET DU 17 Janvier 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/04272

N° Portalis DBVW-V-B7F-HV3K



Décision déférée à la Cour : 06 Septembre 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COLMAR



APPELANTE :



S.A.R.L. MB [Localité 4] (MONSIEUR BRICOLAGE)

prise ...

GLQ/KG

MINUTE N° 23/58

NOTIFICATION :

Pôle emploi Alsace ( )

Clause exécutoire aux :

- avocats

- délégués syndicaux

- parties non représentées

Le

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

CHAMBRE SOCIALE - SECTION A

ARRET DU 17 Janvier 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/04272

N° Portalis DBVW-V-B7F-HV3K

Décision déférée à la Cour : 06 Septembre 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE COLMAR

APPELANTE :

S.A.R.L. MB [Localité 4] (MONSIEUR BRICOLAGE)

prise en la personne de son représentant légal

[Adresse 1]

[Localité 4]

Représentée par Me Anne CROVISIER, avocat à la Cour

INTIMEE :

Madame [N] [M] [J]

[Adresse 3]

[Localité 2]

Représentée par Me Benoît NICOLAS, avocat au barreau de COLMAR

COMPOSITION DE LA COUR :

L'affaire a été débattue le 08 Novembre 2022, en audience publique, devant la Cour composée de :

Mme DORSCH, Président de Chambre

M. PALLIERES, Conseiller

M. LE QUINQUIS, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier, lors des débats : Mme THOMAS

ARRET :

- contradictoire

- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,

- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS ET PROCÉDURE

Par contrat à durée indéterminée du 29 mars 2004, Mme [N] [M] [J] a été embauchée en qualité de caissière par la S.A.S. COLORADOR, exploitant un magasin à [Localité 4] sous l'enseigne MR BRICOLAGE.

Le magasin ayant été cédé à la S.A.R.L. MB [Localité 4] au mois de décembre 2018, celle-ci a embauchée Mme [N] [M] [J] en qualité de vendeuse par contrat à durée indéterminée du 02 avril 2019 avec reprise de l'ancienneté acquise depuis le 29 mars 2004.

Le 19 mars 2020, Mme [N] [M] [J] a participé à une discussion sur le site internet de l'association Les Vitrines de [Localité 4] suite à l'annonce de l'ouverture du magasin pendant les mesures de confinement. En réponse à un commentaire indiquant que le magasin MR BRICOLAGE restait ouvert en tant que magasin d'alimentation pour animaux, Mme [N] [M] [J] a répondu que le magasin ne possédait pas de rayon animaux. Dans un second message, en réponse à une internaute qui se déclarait curieuse de savoir ce qu'il y avait dans les caddies, Mme [N] [M] [J] a répondu : 'eh bien, pour vous répondre, peinture, clou, vis et nous avons aussi une découpe de bois donc (je plaisante mes collègues ont vraiment peur SVP n'y allez plus)'.

Par courrier du 11 mai 2020, la S.A.R.L. MB [Localité 4] a convoqué Mme [N] [M] [J] à un entretien préalable en vue d'un éventuel licenciement avec mise à pied à titre conservatoire qui s'est tenu le 18 mai 2020.

Par courrier du 23 mai 2020, la S.A.R.L. MB [Localité 4] a notifié à Mme [N] [M] [J] son licenciement pour faute grave, reprochant à la salariée et d'avoir tenu des propos publics malveillants visant l'entreprise sur le site 'Les vitrines de [Localité 4]' le 19 mars 2020 et de ne pas avoir respecté son obligation de discrétion professionnelle absolue.

Le 19 juin 2020, Mme [N] [M] [J] a saisi le conseil de prud'hommes de Colmar pour contester le licenciement.

Par jugement du 06 septembre 2021, le conseil de prud'hommes a :

- dit que le licenciement de Mme [N] [M] [J] est abusif,

- condamné la S.A.R.L. MB [Localité 4] à payer à Mme [N] [M] [J] la somme de 9 236,70 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- condamné la S.A.R.L. MB [Localité 4] à payer à Mme [N] [M] [J] les sommes de 3 078,90 euros au titre du préavis, 307,89 euros au titre des congés payés sur préavis, 7 014,77 euros au titre de l'indemnité de licenciement,

- débouté Mme [N] [M] [J] de ses demandes pour le surplus,

- condamné la S.A.R.L. MB [Localité 4] à payer à Mme [N] [M] [J] la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

La S.A.R.L. MB [Localité 4] a interjeté appel le 04 octobre 2021.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 14 février 2022, la S.A.R.L. MB [Localité 4] demande d'infirmer le jugement. Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de débouter Mme [N] [M] [J] de ses demandes et de la condamner aux dépens de l'appel principal et de l'appel incident.

Dans ses dernières conclusions transmises par voie électronique le 24 novembre 2021, Mme [N] [M] [J] demande de confirmer le jugement en toutes ses dispositions sauf s'agissant des dommages et intérêts pour licenciement et des dommages et intérêts relatifs au préjudice distinct. Elle demande à la cour, statuant à nouveau, de :

- condamner la S.A.R.L. MB [Localité 4] à payer la somme de 25 400,93 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif,

- condamner la S.A.R.L. MB [Localité 4] à payer la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts pour préjudice distinct,

- condamner la S.A.R.L. MB [Localité 4] à payer la somme de 4 000 euros en application de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux dépens.

Pour un exposé plus complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère aux écritures précitées, en application de l'article 455 du code de procédure civile.

La clôture de l'instruction a été prononcée le 25 octobre 2022. L'affaire a été fixée pour être plaidée à l'audience du 08 novembre 2022 et mise en délibéré au 17 janvier 2023.

MOTIFS

Sur le licenciement

Selon l'article L. 1235-1 du code du travail, en cas de litige relatif au licenciement, le juge, à qui il appartient d'apprécier la régularité de la procédure suivie et le caractère réel et sérieux des motifs invoqués par l'employeur, forme sa conviction au vu des éléments fournis par les parties.

La faute grave est celle qui résulte d'un fait ou d'un ensemble de faits imputables au salarié qui constitue une violation des obligations découlant du contrat de travail ou des relations de travail d'une importance telle qu'elle rend impossible le maintien du salarié dans l'entreprise même pendant la durée du préavis. Les motifs énoncés dans la lettre de licenciement fixent les limites du litige et il appartient à l'employeur qui invoque la faute grave d'en rapporter la preuve.

Dans la lettre de licenciement du 23 mai 2020, l'employeur reproche les griefs suivants à la salariée :

- avoir tenu le 19 mars 2020 des propos sur le site « les vitrines de [Localité 4] » à caractère malveillant, propos rendus publics et visant ouvertement l'entreprise,

- ne pas avoir respecté son obligation d'observer une discrétion professionnelle absolue pour tout ce qui concerne les faits ou informations que vous avez eu dans l'exercice de vos fonctions.

Mme [N] [M] [J] ne démontre pas que les propos qu'elle a tenus sur le site internet 'Les Vitrines de [Localité 4]' n'auraient pas un caractère public. Il apparaît en revanche que ces propos ont été tenus quelques jours seulement après la mise en place du premier confinement pendant la crise sanitaire liée au virus Covid-19 et suite à la publication de l'arrêté ministériel du 15 mars 2020 fixant la liste des établissements pouvant continuer à recevoir du public, ce qui était notamment le cas pour le magasin exploité par la S.A.R.L. MB [Localité 4].

Dans un tel contexte, les propos tenus par Mme [N] [M] [J] n'apparaissent pas comme malveillants à l'égard de son employeur mais comme une critique des mesures gouvernementales et comme l'expression ironique de l'inquiétude de la salariée de devoir occuper son poste de travail dans ce contexte sanitaire. Si ces propos sont susceptibles d'être considérés comme fautifs dès lors que Mme [N] [M] [J] se présentait comme une salariée du magasin, ils ne permettent toutefois pas de caractériser une faute grave. Il sera en outre relevé que, dans ses messages, la salariée n'a divulgué aucune information non publique dont elle aurait eu connaissance dans l'exercice de ses fonctions et que l'employeur n'établit pas une violation de l'obligation de discrétion professionnelle figurant au contrat de travail. Compte tenu de ces éléments, la sanction prononcée, à savoir le licenciement pour faute grave, apparaît disproportionnée. Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il a jugé que le licenciement de Mme [N] [M] [J] était sans cause réelle et sérieuse.

Le montant du salaire de référence retenu par le conseil de prud'hommes, soit 1 539,45 euros, n'est pas critiqué par les parties. Il convient donc de confirmer le jugement sur ce point ainsi que sur les montants attribués à Mme [N] [M] [J] au titre de l'indemnité compensatrice de préavis (3 078,90 euros), des congés payés afférents (307,89 euros) et de l'indemnité de licenciement (7 014,77 euros), la S.A.R.L. MB [Localité 4] ne faisant état d'aucun élément susceptible de remettre en cause les montants retenus à ce titre.

S'agissant de l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, compte tenu des dispositions de l'article L. 1235-3 du code du travail et de l'ancienneté de Mme [N] [M] [J], soit seize années, il convient d'infirmer le jugement du conseil de prud'hommes en ce qu'il a fixé une indemnité correspondant à six mois de salaire. Le montant alloué à Mme [N] [M] [J] à ce titre sera fixé à un montant correspondant à dix mois de salaire et la S.A.R.L. MB [Localité 4] sera condamnée à lui payer à ce titre la somme de 15 394,50 euros bruts à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse.

S'agissant des dommages et intérêts complémentaires sollicités par Mme [N] [M] [J], il convient de constater qu'elle ne produit aucun élément susceptible d'établir la réalité d'un tel préjudice, distinct de celui résultant du licenciement sans cause réelle et sérieuse pour lequel elle est indemnisée par ailleurs. Il convient donc de confirmer le jugement en ce qu'il l'a déboutée de cette demande.

Sur les dépens et l'article 700 du code de procédure civile

Le jugement sera confirmé en ce qu'il a condamné la S.A.R.L.. MB [Localité 4] aux dépens ainsi qu'au paiement de la somme de 1 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Compte tenu de l'issue du litige, il convient de condamner la S.A.R.L.. MB [Localité 4] aux dépens de la procédure d'appel. Par équité, elle sera en outre condamnée à payer à Mme [N] [M] [J] la somme de 1 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile. La S.A.R.L. MB [Localité 4] sera par ailleurs déboutée de la demande présentée sur ce fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par mise à disposition au greffe par arrêt contradictoire, après en avoir délibéré conformément à la loi,

INFIRME le jugement du conseil de prud'hommes de Colmar du 06 septembre 2021 en ce qu'il a condamné la S.A.R.L. MB [Localité 4] à payer à Mme [N] [M] [J] la somme de 9 236,70 euros à titre de dommages et intérêts pour licenciement abusif ;

CONFIRME le jugement entrepris pour le surplus ;

Statuant à nouveau dans cette limite et y ajoutant

CONDAMNE la S.A.R.L. MB [Localité 4] à payer à Mme [N] [M] [J] la somme de 15 394,50 euros bruts (quinze mille trois cent quatre-vingt-quatorze euros et cinquantes centimes) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;

CONDAMNE la S.A.R.L. MB [Localité 4] aux dépens de la procédure d'appel ;

CONDAMNE la S.A.R.L. MB [Localité 4] à payer à Mme [N] [M] [J] la somme de 1 500 euros (mille cinq cents euros) sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile ;

DÉBOUTE la S.A.R.L. MB [Localité 4] de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 17 janvier 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.

Le Greffier Le Président


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 4 a
Numéro d'arrêt : 21/04272
Date de la décision : 17/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-17;21.04272 ?
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