EP/KG
MINUTE N° 23/81
NOTIFICATION :
Pôle emploi Alsace ( )
Clause exécutoire aux :
- avocats
- délégués syndicaux
- parties non représentées
Le
Le Greffier
REPUBLIQUE FRANCAISE
AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS
COUR D'APPEL DE COLMAR
CHAMBRE SOCIALE - SECTION A
ARRET DU 13 Janvier 2023
Numéro d'inscription au répertoire général : 4 A N° RG 21/02715
N° Portalis DBVW-V-B7F-HTG2
Décision déférée à la Cour : 30 Avril 2021 par le CONSEIL DE PRUD'HOMMES - FORMATION PARITAIRE DE SCHILTIGHEIM
APPELANTE :
S.A.S. ALLIANCE AUTOMOBILES
prise en la personne de son représentant légal
[Adresse 2]
[Localité 7]
Représentée par Me Patricia CHEVALLIER-GASCHY, avocat à la Cour
INTIME :
Monsieur [F] [I]
[Adresse 1]
[Localité 3]
Représenté par Me Sabine KNUST-MATT, avocat au barreau de STRASBOURG
COMPOSITION DE LA COUR :
En application des dispositions de l'article 945-1 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 28 Octobre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant M. PALLIERES, Conseiller rapporteur, et, M. LE QUINQUIS, Conseiller.
Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :
Mme DORSCH, Président de Chambre
M. PALLIERES, Conseiller
M. LE QUINQUIS, Conseiller
qui en ont délibéré.
Greffier, lors des débats : Mme THOMAS
ARRET :
- contradictoire
- prononcé par mise à disposition au greffe par Mme DORSCH, Président de Chambre,
- signé par Mme DORSCH, Président de Chambre et Mme THOMAS, Greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.
EXPOSE DU LITIGE
Monsieur [F] [I], né le 2 janvier 1960, a été embauché par la société Alliance Automobiles en qualité de responsable des ventes, selon contrat du 4 mars 2002, soumis à la convention collective nationale des Services de l'Automobile.
Par courrier du 28 août 2009, Monsieur [F] [I] a été nommé directeur du site de [Localité 4], statut cadre correspondant au référentiel conventionnel : Z.C.III.1 chef de service niveau 1, degré A.
En juin 2016, le groupe Cromer a été acquis par le groupe Priod, d'envergure nationale, et M. [W] a été nommé directeur de la société Alliance Automobiles.
En juin 2017, Monsieur [F] [I] s'est vu confier le poste de directeur des ventes des véhicules neufs des concessions de la marque Ford de [Localité 7], [Localité 4] et [Localité 6], statut cadre correspondant au référentiel conventionnel : Z.C.III.1, chef de service niveau 3, degré A.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 26 mars 2019, Monsieur [I] a été convoqué à un entretien préalable fixé au 5 avril 2019, auquel il s'est présenté, assisté de Madame [Y], représentant du personnel.
M. [W] était assisté par Mme [J], représentante du personnel et assistante au service après-ventes.
Monsieur [F] [I] a été placé en arrêt de travail du 29 mars au 14 avril 2019.
Par lettre recommandée avec accusé de réception du 15 avril 2019, la société Alliance automobiles a notifié à Monsieur [F] [I] son licenciement pour insuffisance professionnelle.
Suite à la demande de précision des motifs par Monsieur [I], la société Alliance Automobiles a détaillé, par lettre du 9 mai 2019, les raisons ayant présidé au licenciement.
Par requête du 16 octobre 2019, Monsieur [F] [I] a saisi le Conseil de prud'hommes de Schiltigheim de demandes tendant à :
- un rappel de rémunération variable, et congés payés y afférents,
- un rappel de salaire, notamment pour les périodes d'arrêt maladie,
- un rappel de salaire au titre des heures supplémentaires avec congés payés y afférents
- une indemnité au titre du repos compensateur,
- une indemnité pour travail dissimulé,
- une indemnité pour licenciement nul pour faits de harcèlement moral, subsidiairement, pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- une indemnité pour harcèlement moral,
- une indemnité au titre des frais irrépétibles,
- à la délivrance de bulletins de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation Pole emploi rectifiés, et, ce sous astreinte.
Par jugement du 30 avril 2021, ledit Conseil de prud'hommes a :
- rejeté la demande de Monsieur [F] [I] que soient écartées les pièces de la défenderesse n°38 et 39,
- débouté Monsieur [F] [I] de sa demande d'indemnisation au titre du harcèlement moral,
- dit que le licenciement était sans cause réelle et sérieuse,
- débouté Monsieur [F] [I] de sa demande :
* d'indemnisation pour licenciement nul,
* de rappel de rémunération variable, et congés payés y afférents,
* de rappel de salaire, et congés payés y afférents,
* d'indemnisation pour travail dissimulé,
- a condamné la société Alliance automobile à payer à Monsieur [F] [I] les sommes de :
* 93 227,36 euros bruts au titre des heures supplémentaires et 9 322,73 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
* 37 581,16 euros au titre du repos compensateur,
* 140 600 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens,
- a ordonné la délivrance d'un bulletin de paie, d'un certificat de travail et d'une attestation Pôle Emploi rectifiée,
- et a débouté les parties du surplus de leurs demandes.
Par déclaration du 16 juin 2021, la Sas Alliance automobiles a interjeté appel dudit jugement limité en ses dispositions relatives à ses condamnations, à la fixation du salaire mensuel de référence, en ce que le licenciement a été jugé sans cause réelle et sérieuse, et en ce que sa demande au titre des frais irrépétibles a été rejetée.
Par écritures transmises par voie électronique le 4 octobre 2022, la Sas Alliance automobiles sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il a :
- dit et jugé le licenciement sans cause réelle et sérieuse,
- fixé le salaire moyen des trois derniers mois de Monsieur [F] [I] à la somme de 10 049,97 euros bruts
- ordonné la délivrance d'un bulletin de paye, d'un certificat travail d'une attestation Pole emploi rectifiée,
- condamné la société à payer les sommes de :
* 93 227,36 euros bruts au titre des heures supplémentaires et 9 322,73 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
* 37 581,16 euros au titre du repos compensateur,
* 140 600 euros au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse,
* 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens,
et rejeté sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile.
et que la Cour, statuant à nouveau, :
- constate que le salaire mensuel brut moyen est de 5 544,66 euros,
- dise le licenciement pour insuffisance professionnelle fondé,
- rejette les demandes de Monsieur [F] [I] relatives au licenciement, aux heures supplémentaires, avec congés payés y afférents, au titre de l'indemnité de repos compensateur, ainsi qu'au titre de l'appel incident.
Elle sollicite, par ailleurs, la condamnation de Monsieur [F] [I] à lui payer la somme de 3 000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile, et les dépens.
Par écritures transmises par voie électronique le 19 septembre 2022, Monsieur [F] [F] [I], qui a formé un appel incident, sollicite l'infirmation du jugement entrepris en ce qu'il l'a débouté de ses demandes relatives à la rémunération variable et au titre des congés payés y afférents, aux rappels de salaire et congés payés y afférents, aux dommages et intérêts pour travail dissimulé, aux dommages et intérêts pour nullité du licenciement, subsidiairement, sur le montant des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, aux dommages et intérêts pour harcèlement moral, " subsidiairement ou exécution déloyale du contrat de travail ", et que la Cour, statuant à nouveau :
- écarte des débats les pièces 38 et 39 produites par la société Alliance Automobiles,
- condamne la société Alliance Automobiles à verser à M. [F] [I] les montants suivants, majorés des intérêts à compter du jour de la demande s'agissant des créances salariales et à compter du jugement à intervenir s'agissant des dommages et intérêts :
* 54 000 euros bruts, au titre de la rémunération variable, et 5 400 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
* 2 102,10 euros bruts, au titre de rappels de salaire, et 210, 20 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
* 93 227,36 euros bruts, au titre des heures supplémentaires, ainsi que 9 322,73 euros bruts au titre des congés payés y afférents,
* 37 581,16 euros, au titre de la contrepartie obligatoire en repos,
* 60 300 euros nets au titre des dommages et intérêts pour travail dissimulé,
* 301 400 euros nets au titre des dommages et intérêts pour nullité du licenciement, subsidiairement, 241 200 euros nets, au titre des dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, très subsidiairement, 10 049,97 euros, au titre du licenciement irrégulier ;
- ordonne la délivrance de bulletins de paie ainsi qu'un certificat de travail et une attestation Pôle Emploi rectifiés dans un délai de huit (8) jours à compter du prononcé de la décision à intervenir, ce sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
- se réserve le droit à liquidation éventuelle de l'astreinte,
- condamne la société Alliance Automobiles à lui verser la somme de 5 000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile, outre les dépens, y compris les éventuels frais d'exécution forcée.
Une ordonnance de clôture de l'instruction a été rendue le 21 octobre 2022.
En application de l'article 455 du code de procédure civile, la cour se réfère aux conclusions susvisées pour plus amples exposé des prétentions et moyens des parties.
MOTIFS
Liminaire
Si Monsieur [I] a formé un appel incident, il sollicite, pour partie, que la Cour statuant, à nouveau, lui accorde les mêmes montants que le Conseil de prud'hommes.
Dès lors que le montant du salaire mensuel brut de référence est contesté, il convient d'examiner, d'abord, les demandes de rappels de salaire, notamment, relatives à des heures supplémentaires.
I. Sur les pièces n°38 et 39 de la société Alliance Automobiles
Dans le dispositif de ses écritures, Monsieur [I] sollicite que soient écartées des débats ces pièces constituées de 2 attestations de témoin.
Toutefois, il n'a pas sollicité l'infirmation du jugement entrepris sur le rejet de sa demande initiale, à ce titre, de telle sorte que la décision de première instance est définitive sur ce point.
II. Sur la part variable de la rémunération
Selon lettre de l'employeur du 28 août 2009, Monsieur [I] a été promu au poste de directeur du site de [Localité 4] avec une rémunération fixe mensuelle de 4 900 € sur 13 mois, et une rémunération variable trimestrielle de 1 500 € à " l'atteinte de la marge commerciale fixée ".
Par ailleurs, cet avenant prévoit également une rémunération variable annuelle en fonction d'un palier minimal de 200 000 € de résultat avant impôt pour le groupe Alliance Automobiles.
Si Monsieur [I] s'est vu confié le poste de directeur des ventes des véhicules neufs des concessions de la marque Ford de [Localité 7], [Localité 4] et [Localité 6], aucun nouvel avenant au contrat de travail n'a été régularisé, de telle sorte que l'avenant du 28 août 2009 avait toujours vocation à s'appliquer.
Toutefois, selon courriel du 10 octobre 2017, Monsieur [W] a proposé une rémunération variable mensuelle en fonction d'éléments, permettant une prime maximale de 1 500 € par mois.
Il résulte, de façon implicite et non équivoque, de la demande de paiement de cette prime mensuelle que le salarié a accepté cette modification d'un élément de rémunération.
Toutefois, contrairement à la situation antérieure au 10 octobre 2017, le salarié disposait des éléments de calcul suffisamment précis pour déterminer le montant de la prime mensuelle.
Or, il ne justifie pas qu'il était en mesure de bénéficier de cette prime, de telle sorte que sa demande, au titre de la période du 10 octobre 2017 au 15 avril 2019, apparaît mal fondée.
Mais, pour la période du 15 avril 2016 au 09 octobre 2017, en l'absence de fixation, par l'employeur, de la marge commerciale à atteindre, la prime trimestrielle de 1 500 euros est due étant rappelée que le salarié a lui-même fait application de la prescription de trois ans.
En conséquence, le jugement entrepris, sur le rappel de salaire au titre de la rémunération variable, pour la période du 15 avril 2016 au 09 octobre 2017, sera infirmé, et confirmé pour la période du 10 octobre 2017 au 15 avril 2019, et la Sas Alliance Automobile sera condamnée à payer à Monsieur [I] la somme de 3 000 euros.
III. Sur le rappel de salaire pour heures supplémentaires
En application de l'article L 3171-4 du code du travail, en cas de litige relatif à l'existence ou au nombre d'heures de travail accomplies, il appartient au salarié de présenter, à l'appui de sa demande, des éléments suffisamment précis quant aux heures non rémunérées qu'il prétend avoir accomplies afin de permettre à l'employeur, qui assure le contrôle des heures de travail effectuées, d'y répondre utilement en produisant ses propres éléments.
Le juge forme sa conviction en tenant compte de l'ensemble de ces éléments au regard des exigences rappelées aux dispositions légales et réglementaires précitées. Après analyse des pièces produites par l'une et l'autre des parties, dans l'hypothèse où il retient l'existence d'heures supplémentaires, il évalue souverainement, sans être tenu de préciser le détail de son calcul, l'importance de celles-ci et fixe les créances salariales s'y rapportant (Cass. Soc. 21 octobre 2020 pourvoi n°19-15.453).
Le contrat de travail du 4 mars 2002, prévoyant une durée mensuelle de travail de 151, 67 heures, soit 35 heures par semaine, n'a pas été modifié sur ce point.
En l'espèce, Monsieur [I] produit :
- les photographies des horaires des sites des concessions de [Localité 4] et de [Localité 7], dans lesquelles il a exercé ses fonctions,
- les attestations de témoin de Madame [C] [B] et de Monsieur [X] [O],
- un décompte, détaillé par semaine, des heures de travail qui auraient été effectuées pour la période de la semaine 16 de 2016 à la semaine 23 de l'année 2019.
Ce décompte apparaît suffisamment précis permettant à l'employeur de faire valoir ses arguments et produire des pièces justificatives du temps de travail effectué.
De son côté, l'employeur ne produit aucune pièce justifiant d'un quelconque contrôle du temps de travail du salarié, et se contente d'indiquer que les tableaux, du salarié, n'apparaissent pas crédibles dès lors que :
- les heures supplémentaires indiquées ne lui ont pas été demandées,
- le demandeur a mis en compte des heures supplémentaires sur des périodes de congé, ou d'absence, notamment pour le 23 mai 2019,
- le salarié a mis en compte des temps de déplacement d'un site à l'autre, alors qu'il ne s'agit pas d'un temps de travail effectif.
Si les contestations de l'employeur, sur des périodes injustement mises en compte par le salarié, au cours desquels il était en congé ou absent, apparaissent partiellement justifiées au regard des bulletins de paie produits, d'un récapitulatif des congés pour la période de juin 2016 à juillet 2018, et d'un courriel de Monsieur [I] du 28 mai 2019, ces arguments ne permettent pas d'écarter la réalisation d'heures supplémentaires par le salarié, pour le surplus, alors que l'employeur invoque, pour partie, les conséquences de sa propre turpitude en n'ayant pas procédé au contrôle du temps de travail.
Or, le paiement d'heures supplémentaires est dû dès lors que ces dernières ont été effectuées, avec l'accord, au moins implicite, de l'employeur, ou lorsque la réalisation de ces heures supplémentaires a été rendue nécessaire par les tâches confiées au salarié.
Au regard des pièces produites, et des arguments des parties, et les temps de repos et repas non décomptés par le salarié, la Cour est en mesure de fixer à 1 200 heures supplémentaires effectuées, dont 900 heures à 25 % et 300 heures à 50 %.
Il résulte des bulletins de paie et des éléments contractuels que la rémunération horaire représente 36, 56 euros bruts.
En conséquence, la Sa Alliance Automobiles sera condamnée à payer à Monsieur [I] les sommes de :
- 41 130 euros bruts au titre des heures majorées de 25 %,
- 16 452 euros bruts au titre des heures majorées de 50 %,
Soit un total de 57 582 euros bruts, outre 5 758, 20 euros bruts au titre des congés payés y afférents. Le jugement est donc infirmé sur ces points.
IV. Sur l'indemnité au titre du repos compensateur obligatoire
Selon l'article 1.09 de la convention collective nationale des Services de l'automobile, le contingent annuel d'heures supplémentaires est de 220 heures.
En application de l'article 18 de la loi n°2008-789 du 20 août 2008, sauf disposition conventionnelle plus favorable, la contrepartie obligatoire en repos due pour toute heure supplémentaire accomplie au-delà du contingent est fixée à 100% des dites heures dès lors que l'effectif est supérieur à 20 salariés.
Le repos dû pour les heures effectuées au-delà du contingent annuel d'heures supplémentaires se cumule avec le repos compensateur de remplacement.
Sont prises en compte, pour ouvrir droit au repos, les heures de travail effectif, au sens des dispositions de l'article L 3121-1 du code du travail.
Il résulte de l'article 1.09 bis c et g de la convention collective nationale des Services de l'automobile que :
- les entreprises peuvent faire effectuer chaque année 220 heures supplémentaires. Les salariés peuvent toutefois accomplir des heures choisies au-delà du contingent annuel, dans les conditions précisées au paragraphe g ci-après,
- les entreprises de plus de 20 salariés qui font usage de ce contingent de 220 heures doivent donner le repos compensateur prévu par la loi pour chaque heure supplémentaire accomplie au-delà de 41 heures hebdomadaires.
Le contingent d'heures supplémentaires, au-delà de 41 heures, représente un volume de 414 heures, soit une indemnité, à ce titre, de 15 135, 84 euros bruts, de telle sorte que le jugement entrepris sera infirmé sur le montant retenu.
V. Sur le rappel de salaire relatif au maintien du salaire pendant les arrêts maladie et l'absence de perception de la rémunération contractuelle
Selon l'article 616 du code civil local devenu article L 1226-23 du code du travail, en cas d'absence pour une cause personnelle indépendante de sa volonté et pour une durée relativement sans importance, le salarié a le droit au maintien de son salaire.
Monsieur [I] était en arrêt maladie du 11 au 24 février 2019, du 15 au 24 mars 2019, et du 29 mars au 14 avril 2019.
S'agissant, à chaque fois, de périodes relativement sans importance, l'employeur devait assurer le maintien du salaire mensuel pour ces périodes.
Pour le mois d'août 2018, l'employeur ne donne aucune explication pour justifier le non paiement de la somme de 128 euros.
Pour le mois de mai 2019, également, la différence n'est pas expliquée.
En conséquence, il y a lieu d'infirmer le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de rappel de salaires à ces titres et de condamner la Sas à payer les sommes de 2 102, 10 euros, outre la somme de 210, 21 euros bruts au titre des congés payés y afférents.
VI. Sur l'indemnisation pour travail dissimulé
Selon l'article L 8221-5 du code du travail, en sa version antérieure au 10 août 2016, est réputé travail dissimulé par dissimulation d'emploi salarié le fait pour tout employeur :
1° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 1221-10, relatif à la déclaration préalable à l'embauche ;
2° Soit de se soustraire intentionnellement à l'accomplissement de la formalité prévue à l'article L. 3243-2, relatif à la délivrance d'un bulletin de paie, ou de mentionner sur ce dernier un nombre d'heures de travail inférieur à celui réellement accompli, si cette mention ne résulte pas d'une convention ou d'un accord collectif d'aménagement du temps de travail conclu en application du titre II du livre Ier de la troisième partie ;
3° Soit de se soustraire intentionnellement aux déclarations relatives aux salaires ou aux cotisations sociales assises sur ceux-ci auprès des organismes de recouvrement des contributions et cotisations sociales ou de l'administration fiscale en vertu des dispositions légales.
Selon l'article L 8223-1 du code du travail, en cas de rupture de la relation de travail, le salarié auquel un employeur a eu recours dans les conditions de l'article L. 8221-3 ou en commettant les faits prévus à l'article L. 8221-5 a droit à une indemnité forfaitaire égale à six mois de salaire.
En l'espèce, il n'est pas établi d'intention frauduleuse de l'employeur pour contourner les règles précitées, alors que Monsieur [I] disposait d'un contrat de travail écrit, avec avenants, la seule absence de mise en place d'un système de contrôle de la durée de travail ne pouvant à elle seule permettre de déduire une telle intention, en l'absence de présomption de mauvaise foi.
En conséquence, le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation à ce titre.
VII. Sur le harcèlement moral et la nullité du licenciement
Selon les dispositions de l'article L 1152-1 du code du travail, aucun salarié ne doit subir les agissements répétés de harcèlement moral qui ont pour objet ou pour effet une dégradation de ses conditions de travail susceptible de porter atteinte à ses droits et à sa dignité, d'altérer sa santé physique ou mentale ou de compromettre son avenir professionnel.
Selon l'article L1152-2 du même code, aucun salarié ne peut être licencié pour avoir subi des agissements répétés de harcèlement moral ou pour avoir témoigné de tels agissements ou les avoir relatés.
L'article L1154-1 prévoit qu'en cas de litige, le salarié concerné présente des éléments de faits laissant supposer l'existence d'un harcèlement et, au vu de ces éléments, il incombe à l'employeur de prouver que ces agissements ne sont pas constitutifs d'un tel harcèlement et que sa décision est justifiée par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement, et le juge forme sa conviction après avoir ordonné, en cas de besoin, toutes les mesures d'instruction qu'il estime utiles.
Monsieur [I] fait valoir :
- des pressions constantes et pernicieuses de son supérieur hiérarchique, par des objectifs fixés le 14 janvier 2019, un travail qui lui a été demandé le vendredi 8 février 2019 à 16 h 57 pour un retour le lundi suivant, la transmission des éléments de calcul des commissions des collaborateurs pour le 23 février 2019 date où il était en arrêt maladie, une culpabilisation par son supérieur, l'organisation d'un entretien annuel d'évaluation le 12 mars 2019, une sollicitation le 14 mars 2019 à 21 h 59 par courriel,
- un retrait d'une partie de ses prérogatives : le 5 décembre 2018, Monsieur [W] a informé l'ensemble de l'équipe qu'il se chargerait dorénavant de l'animation des réunions commerciales en ses lieu et place,
- sa mise à l'écart : Monsieur [W] a diffusé la rumeur qu'il ne reprendrait pas son travail à l'issue des arrêts de travail, et a embauché, sans l'associer, un collaborateur de son équipe de vente,
- la création d'un environnement hostile : il a reçu une invitation de faire ses calculs, et la présence de Madame [J] lors de l'entretien préalable visant à l'humilier, et Monsieur [W] a affiché du mépris à son égard et une absence de reconnaissance professionnelle en critiquant, notamment, son plan d'actions commerciales,
- une absence de prise en compte de ses alertes.
a- sur les faits invoqués par le salarié
Sur les pressions
Monsieur [I] produit un courriel du 1er février 2019 qui fait état d'échanges qui auraient eu lieu avec Monsieur [W] son supérieur hiérarchique, sur la politique commerciale à adopter.
Ce courriel ne fait état d'aucune pression, mais de points de vue différents.
Il produit, par ailleurs, :
- un courriel du vendredi 8 février 2019, de Monsieur [W], demandant, notamment, sa position pour lundi sur la position à adopter au regard de mailing Ford Edge non relancé,
- un échange de courriels du 28 février 2019, relatif à un échange de courriels sur la demande de Monsieur [W] de transmettre des éléments pour les paies des collaborateurs,
- un échange de courriels du 4 mars 2019,
- un compte rendu d'entretien d'évaluation 2018-2019,
- un courriel du 14 mars 2019 qu'il a émis après l'entretien d'évaluation qui lui était défavorable,
- un courriel du 14 Mars 2019 à 21 h 59 de Monsieur [W] lui demandant des renseignements sur un véhicule.
Sur le retrait d'une partie de ses prérogatives
Monsieur [I] produit :
- une attestation de témoin de Monsieur [E] [A] selon laquelle Monsieur [W] a pris la décision d'animer lui-même les réunions commerciales à Souffleweyersheim,
- un courriel du 5 décembre 2018 de Monsieur [W] indiquant qu'il animera lui-même lesdites réunions.
Sur la mise à l'écart
Monsieur [I] ne justifie pas de faits matériels de mise à l'écart, les pièces à ce titre étant constituées d'échanges entre les conseils des parties, et de la lettre de licenciement.
Sur la création d'un environnement hostile
Monsieur [I] produit des échanges de courriels des 16 novembre et 22 novembre 2018, dont les termes ne justifient pas de la création d'un environnement hostile, Monsieur [W] contestant les termes que Monsieur [I] lui a attribué (faire ses calculs) et précisant qu'il n'était pas dans les objectifs de la société de se séparer de lui (à cette période).
Suite à une lettre du conseil de Monsieur [I] du 28 novembre 2018 adressée au président directeur général de la Holding Priod, sollicitant un départ négocié, par lettre du 28 novembre 2018, le conseil de l'employeur a rappelé qu'en l'état, ce dernier n'entendait pas se séparer de Monsieur [I] mais lui demandait d'assumer pleinement ses fonctions.
Monsieur [I] produit également des courriels des 7 et 14 mars 2019 lui rappelant les process commerciaux à respecter, et des attestations de témoin de Monsieur [E] [A] (attestation n°2) et de Madame [C] [B] faisant état, pour l'un d'un management brutal et systématique de Monsieur [W], et pour l'autre de propos injurieux et brutaux tenus par Monsieur [W] à l'égard de Madame [B].
Enfin, il est constant que Madame [J] a assisté Monsieur [W] lors de l'entretien préalable à une mesure éventuelle de licenciement de Monsieur [I].
Sur l'absence de prise en compte de ses alertes
Monsieur [I] se fonde sur une partie des mêmes pièces que précitées, outre son courriel du 14 mars 2019, et soutient que l'employeur n'a pas réagi à ce courriel se plaignant de critiques systématiques et de l'absence de reconnaissance de ses efforts ou réalisations.
Ce faisant, Monsieur [I] ne justifie pas d'une absence de réaction à une alerte, dès lors que dès le mois de novembre 2018, il avait pris l'initiative de contacter, par son conseil, le président directeur général de la holding et que des réponses lui avaient déjà été apportées.
***
Les faits, pour lesquels la matérialité est établie, pris dans leur ensemble, permettent de présumer l'existence d'un harcèlement moral.
Il appartient, dès lors, à l'employeur de démontrer que les mesures en cause sont étrangères à tout harcèlement moral et que ses décisions sont justifiées par des éléments objectifs étrangers à tout harcèlement.
b- sur les éléments apportés par l'employeur
La Sas Alliance Automobiles fait valoir que les remarques et observations de Monsieur [W], dans les échanges produits par le salarié, étaient parfaitement légitimes, empreintes de courtoisie et mesurées.
Il soutient, en résumé, que Monsieur [I] instrumentalise les échanges avec son supérieur hiérarchique pour jeter le discrédit sur lui, et précise que c'est le salarié, qui sous un prétexte, a fait part de sa volonté de mettre un terme à la collaboration.
Il relève que le salarié se contredit sur l'objet de la réunion du 1er octobre 2018, et que Monsieur [I] a travesti les propos tenus en inventant des menaces, pressions et propos relevant de la brutalité.
La Sas Alliance Automobiles précise, à juste titre, que le fait que Monsieur [W] envoie un mail le vendredi 8 février 2019, alors que Monsieur [I] bénéficiait d'un repos (Rtt), n'oblige pas le salarié à y répondre au cours de son absence.
Sur ce point, la Cour note que les termes mêmes du courrier font état du lundi suivant. Or, il n'est pas établi que le salarié aurait été absent également ce jour.
Il résulte clairement des échanges de courriels produits par le salarié que Monsieur [W], dans le cadre de ses fonctions qui l'obligeaient à contrôler l'application des règles commerciales des différents constructeurs, a été amené à effectuer des rappels, qui, en soi, ne sont que l'exercice normal du pouvoir hiérarchique, sans qu'aucun excès, à ce titre, ne puisse être relevé.
Ainsi, il ne peut être reproché au représentant d'un employeur, exerçant des fonctions commerciales, que des objectifs soient mis en place, et que des réunions commerciales soient tenues.
S'il est établi que Monsieur [W] a pris l'initiative d'animer des réunions commerciales à [Localité 7], en lieu et place de Monsieur [I], ce dernier ne saurait prétendre à un retrait de ses prérogatives, dès lors qu'il n'est pas établi que l'employeur ait interdit à Monsieur [I] d'encadrer l'équipe commerciale de cette concession et d'organiser des réunions quotidiennes, comme ils le faisaient précédemment, avant le 11 décembre 2018, au regard de l'attestation de Monsieur [E] [A] du 24 mai 2018.
Les faits matériels de " création d'un environnement hostile " par humiliations, vexations, critiques injustifiées, ne sont, également, ce qui concerne, Monsieur [I] qu'une interprétation subjective et orientée, par Monsieur [I], de propos anodins relevant des relations normales entre son supérieur hiérarchique et lui-même sur le fonctionnement commercial des concessions.
Les attestations de témoin de Monsieur [A] (attestation n°2) et de Madame [B] ne concernent pas des faits relatifs à Monsieur [I].
Enfin, la seule présence de Madame [J], auprès de Monsieur [W], représentant l'employeur, lors de l'entretien préalable de licenciement ne constitue pas, en l'absence de tout élément, un acte de vexation ou d'humiliation de Monsieur [I].
Il en résulte que l'employeur renverse la présomption et que les faits de harcèlement moral sont inexistants, de telle sorte que le jugement entrepris en ce qu'il a rejeté la demande de nullité du licenciement et les dommages et intérêts pour licenciement nul sera confirmé.
VIII. Sur le licenciement pour insuffisance professionnelle
L'insuffisance professionnelle doit reposer sur des critères objectifs et matériellement vérifiables.
En l'espèce, la lettre de licenciement est motivée par :
- Au niveau commercial, incompétence à établir un suivi des marges ('marges négatives)
- Perte de plus de 9 000 euros pour l'entreprise par application de ventes sur la base des conditions commerciales 2017 et non 2018,
- Validation indue de ventes de véhicules, notamment, avec livraisons décentralisées sans répercution du coût de transport ayant entrainé une disparition de la marge,
- Suivi des clients très insuffisamment assuré,
- Baisse de résultats par rapport à l'an précédent,
- Absence de tenue régulière de rapports de vente,
- Difficultés récurrentes à faire respecter ses consignes par ses équipes,
- Absence d'investissement dans le recrutement de collaborateurs,
- Absence de fixation des objectifs de vente, depuis janvier 2019, aux vendeurs et au chef de groupe du site d'[Localité 4],
- Absence de suivi des agents en relation contractuelles avec la concession,
- Absence d'autonomie et obligation de lui faire des rappels,
- Fourniture d'une seule liste de thèmes, depuis juin 2018, aux membres du Codir pour la réunion hebdomadaire.
Sur les marges et la perte de l'ordre de 9 000 euros
Selon la convention collective nationale des services de l'automobile, article 5.03, le niveau III des cadres (correspondant au niveau de Monsieur [I]) correspond à la définition suivante : " ce niveau comportant trois degrés concerne les cadres qui assument de larges responsabilités exigeant une forte expérience et une réelle autonomie de jugement et d'initiative, en particulier dans la direction d'un des services de l'entreprise ".
Selon l'article 1.20 de ladite convention, une qualification professionnelle est un ensemble d'activités constitutives d'un emploi type dans un domaine d'activité déterminé.
Les qualifications professionnelles reconnues par la branche des services de l'automobile sont décrites dans les fiches du RNQSA visé au paragraphe b. Le panorama des qualifications professionnelles, placé en tête du RNQSA visé au paragraphe b, permet de repérer les qualifications professionnelles existantes pour chacun des domaines d'activité identifiés.
Un répertoire national des qualifications des services de l'automobile (RNQSA) est annexé à la convention collective. Ce répertoire dresse la liste exhaustive et les caractéristiques des qualifications professionnelles. Un panorama des qualifications placé en tête du répertoire permet de repérer l'ensemble des fiches classées horizontalement par échelon ou niveau de classement, et verticalement pour chaque domaine d'activité.
Le Rnqsa définit, pour la vente de véhicules, un cadre niveau CIII-1 comme un chef des ventes.
Il définit le cadre classé ZC III-1 comme un chef de service.
Selon l'annexe correspondante, les activités du chef de service sont définies par un cadre de niveau IV ou par le chef d'entreprise lui-même.
S'agissant des activités relatives à l'organisation et à la gestion, le Rnqsa ne vise pas l'obligation de vérification des marges mensuellement, mais un suivi de l'activité par élaboration et actualisation de tableaux de bords d'activité, l'élaboration et le suivi du budget, la participation à la gestion financière de l'activité, et l'établissement du suivi des relations avec les fournisseurs/les clients : négociation des conditions d'achat et de vente.
En l'espèce, par courriel du 16 janvier 2019, Monsieur [W] a demandé, à Monsieur [I], et à Monsieur [S], chef des ventes d'un autre site, la vérification de cohérence de marges en précisant qu'il n'était pas normal, sauf cas particulier, d'avoir une marge négative ou inférieure à 5 %.
Il ne peut être reproché à Monsieur [I] d'avoir mentionné une absence d'anomalie majeure, alors qu'au surplus, le détail de la réponse aux 14 dossiers de contrôle des marges apparaît parfaitement crédible, sur les absences d'erreurs imputables à Monsieur [I], et alors qu'il est, par ailleurs, constant qu'un des dossiers en cause avait été validé par Monsieur [W] lui-même (pièce de l'employeur n°18 m et 50), de telle sorte que l'employeur ne justifie pas d'erreurs lui ayant causé un manque à gagner de l'ordre de 8 727, 32 euros.
Validation indue de ventes de véhicules, notamment, avec livraisons décentralisées sans répercution du coût de transport ayant entrainé une disparition de la marge
Comme valablement soutenu par Monsieur [I], l'employeur ne justifie pas de lui avoir notifié à un quelconque moment l'impossibilité de validation de vente avec livraison décentralisée entraînant un coût de l'ordre de 280 euros par véhicule, selon les factures produites par la Sas Alliance Automobiles.
Il le justifie d'autant moins que Monsieur [W], le supérieur hiérarchique de Monsieur [I], qui a signé la lettre de licenciement et exerce donc le pouvoir disciplinaire pour l'employeur, a validé, au moins, une vente avec livraison décentralisée sans facturation de frais de livraison, selon courriel du 25 juillet 2018 avec le bon de commande.
Suivi des clients très insuffisamment assuré
Ce motif imprécis et invérifiable a été complété par des précisions de l'employeur, suite à la demande du salarié du 29 avril 2019.
Dans sa réponse du 9 mai 2019, l'employeur a fait état de 2 clients : Adiral et France Hôpital.
Il n'est pas établi que le départ de ces clients à la concurrence soit la conséquence d'un manque de suivi de ces 2 clients, alors qu'il résulte de :
- le courriel du 10 décembre 2018 de Monsieur [I] à Monsieur [M] de la société Adiral que ce dernier se plaignait du service après vente, qui ne relevait pas de la responsabilité de Monsieur [I] qui pourtant essayait, par ce courriel, de s'assurer de la fidélité de ce client,
- le courriel du 4 juin 2019 de Monsieur [K] de France Hopital que la société a préféré des véhicules Toyota en l'absence de modèle hybride sur le modèle Ford Focus et d'un mauvais positionnement du véhicule Ford Mondéo.
Alors que l'employeur n'avait pas fait état de ce client précédemment, dans la présente instance, il précise que Monsieur [L] [V], directeur de Aterno, s'est plaint d'un manque de suivi suite au départ d'un commercial, suivant courriel du 27 novembre 2018.
Toutefois, il n'est pas établi que ce client soit parti à la concurrence.
Par ailleurs, l'employeur fait état de rappels de Monsieur [W], notamment du 24 janvier 2019, sur des ventes qui n'auraient pas été payées ou des véhicules non livrés et sollicitant des explications.
La Cour constate que ce courriel est relatif à 3 opérations distinctes, que seule l'absence de livraison du véhicule à la Mairie de [Localité 5] est reprochée à Monsieur [I], le courriel en cause s'adressant également à d'autres chefs de vente.
Enfin, la Sas Alliance Automobiles produit un courriel du 1er février 2019 de Madame [Z] du Garage Schaeffer relatif à des commissions et primes de contrats de croissance non réglés à ce garage sur 2018.
S'il appartient au chef de service de suivre l'activité financière de la concession, il n'est pas responsable des écritures comptables.
Sur la baisse des résultats
Si la Sas Alliance Automobiles produit un tableau comparatif des ventes ou location entre mars 2018 et mars 2019 faisant apparaître des baisses importantes pour les concessions de [Localité 7] et [Localité 6], ce tableau permet de relever une augmentation des ventes ou location sur le site de [Localité 4].
En outre, les seuls résultats des 2 concessions en cause ne justifient pas, en eux même, d'une insuffisance professionnelle du chef des ventes, ce d'autant plus que Monsieur [I] a été en arrêt maladie du 11 au 24 février 2019, puis du 15 au 24 mars 2019, et du 29 mars au 14 avril 2019, outre en congés Rtt les 7 et 8 février 2019.
Sur l'absence de tenue régulière de rapports de vente et les difficultés récurrentes à faire respecter ses consignes par ses équipes
L'attestation de témoin de Monsieur [A], précitée, fait état de réunions habituelles les mardi et occasionnelles les vendredi animées par Monsieur [I] sur le site de [Localité 7] jusqu'au mois de décembre 2018.
S'agissant de tenue régulière de rapports de vente, aucun reproche n'avait été fait jusqu'alors à Monsieur [I], à ce titre, alors que ce n'est que le 5 décembre 2018, par courriel, que Monsieur [W] a informé de sa volonté de remettre en place un rapport des ventes régulier.
Monsieur [W] a reproché à Monsieur [I] de s'être contenté de courriels adressés aux vendeurs de son équipe. Or, l'existence de courriels justifie d'un suivi.
Sur l'absence d'investissement dans le recrutement des collaborateurs
Aucun fait précis et vérifiable n'est invoqué par l'employeur, à ce titre.
Sur l'absence de fixation des objectifs de vente, depuis janvier 2019, aux vendeurs et au chef de groupe du site d'[Localité 4]
Il est justifié par la Sas Alliance Automobiles qu'au moins 2 vendeurs, Messieurs [D] [T] et [P] [U], sur 6, n'avaient pas eu de feuille d'objectifs pour le mois de janvier 2019 (courriel du 20 février 2019 de Monsieur [W], courriels des 21 février 2019 des 2 vendeurs précités), Monsieur [T] ajoutant également l'absence d'objectif pour le mois de février.
Toutefois, la Cour relève qu'il résulte des courriels échangés les 1er et 8 février 2019, entre Monsieur [W], qui a seul la qualité de directeur de la société, et Monsieur [I], chef de service, que les objectifs pour l'année 2019 étaient en cours de discussion entre les 2.
Dès lors que les objectifs des divers sites n'étaient pas préalablement déterminés par Monsieur [W], début février 2019, il ne peut être reproché au chef des ventes de ne pas avoir fixé les objectifs des vendeurs.
En conséquence, aucune négligence ou insuffisance ne peut être reprochée à Monsieur [I], à ce titre, étant ajouté que l'employeur ne justifie d'aucun conflit avec les vendeurs en cause.
Sur l'absence de suivi des agents en relations contractuelles avec la concession
La Sas Alliance Automobiles fait état de l'absence de récupération rapide de véhicules neufs en dépôt dans l'entreprise Europ Auto, et de l'intervention de Monsieur [W], à ce titre, par courriel du 2 avril 2019.
Toutefois, Monsieur [I] était en arrêt maladie du 15 au 24 mars 2019, et du 29 mars au 14 avril 2019, et il n'est pas établi qu'il n'ait pas donné des instructions avant ses périodes d'arrêt, alors que la résiliation du contrat Europ Auto fait suite à une lettre du 29 février 2019 qui mentionne un effet à compter du 2 mars 2019.
Dès lors, l'insuffisance professionnelle n'est également pas établie.
Sur l'absence d'autonomie et obligation de lui faire des rappels
Il résulte des motifs précités que Monsieur [I] n'avait pas la qualité de cadre dirigeant et devait agir sous l'autorité et les directives du chef d'entreprise ou d'un cadre de niveau IV, de telle sorte qu'il ne peut lui être valablement reproché une absence d'autonomie.
Le fait de faire des rappels constitue l'exercice normal des fonctions de directeur de Monsieur [W].
Sur la fourniture d'une seule liste de thèmes, depuis juin 2018, aux membres du Codir pour la réunion hebdomadaire
Selon attestations de témoin de Messieurs [E] [N] et [G] [H], il a été convenu en juin 2018 de transmettre un ordre du jour aux autres membres du Comité de direction (Codir) de la société, qui se tient chaque semaine, et que Monsieur [I], également membre, n'a transmis qu'un ordre du jour (pour le Codir du 5 février 2019), Monsieur [H] ajoutant que Monsieur [I] n'a pas émis de demande ou de proposition.
Toutefois, il n'est pas établi que ces faits constituent une insuffisance professionnelle dans les fonctions de chef de service niveau III, alors qu'il n'est pas soutenu que Monsieur [I] n'assistait pas aux réunions ou aurait adopté une attitude désinvolte au regard des décisions prises par le Codir.
Sur les déficiences dans la gestion courante de l'activité commerciale de la société
Dans ses écritures, la Sas Alliance Automobiles ajoute le motif précité, en faisant état de 2 faits, distincts de ceux déjà évoqués :
- une erreur dans le maximum d'une remise sur le prix d'un véhicule Ranger Vd relevée par Monsieur [W] et confirmée par Monsieur [I],
- le retrait d'une prime, pour la société, " vente au personnel " en raison d'un bon d'éligibilité non conforme au bon vente au personnel Ford.
Pour le premier cas, une unique erreur sur le maximum d'une remise ne suffit pas à caractériser une insuffisance professionnelle.
Pour le second, il y a lieu de relever qu'il n'est pas établi que le formulaire du bon d'éligibilité non conforme était spécifique aux concessions dans lesquelles Monsieur [I] exerçait ses fonctions, ou qu'il ait été établi par ce dernier, alors que le bon devant être conforme au modèle fait pour le personnel de Ford, il relevait des obligations du directeur de diffuser un bon identique à toutes les concessions gérées.
Sur la synthèse
Il résulte des motifs supra que l'insuffisance professionnelle n'est pas établie de telle sorte que le licenciement apparaît sans cause réelle et sérieuse.
IX. Sur l'indemnité pour licenciement sans cause réelle et sérieuse et sur le salaire moyen mensuel brut de référence
Au regard des condamnations au titre des rappels de salaire précitées, le salaire mensuel de référence s'élève à la somme de 5 000 X 13/12 + 128 + 1 759, 45 =
7 304, 12 euros bruts, étant précisé que l'employeur, hors heures supplémentaires, prend pour base une somme de 5 000 X 13/12 + 128.
En application de l'article L 1235-3 du code du travail, au regard de l'ancienneté du salarié, de son âge et de son préjudice, la Cour fixe à la somme de 90 000 euros euros bruts les dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse, le jugement est donc sur ce point infirmé.
X. Sur l'indemnisation pour exécution déloyale du contrat de travail
Monsieur [I] ne justifie pas d'un préjudice distinct de celui indemnisé pour la rupture abusive de son contrat de travail, ni d'un préjudice distinct de celui indemnisé par les intérêts moratoires des créances au titre des rappels de salaire alloués.
En conséquence, la demande d'indemnisation, à ce titre, apparait mal fondée, de telle sorte que le jugement entrepris sera confirmé en ce qu'il a rejeté cette demande.
XI. Sur les documents
La Sas Alliance Automobiles sera condamnée à remettre à Monsieur [I] une attestation destinée à Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie rectifiés conformément aux termes du présent arrêt, et, ce, à compter du 31ème jour suivant la signification de l'arrêt qui lui sera faite sous astreinte provisoire de 20 euros par jour de retard et par document.
Il n'y a pas lieu de se réserver le contentieux de la liquidation de l'astreinte.
XII. Sur les demandes annexes
En application de l'article 696 du code de procédure civile, la Sas Alliance Automobiles sera condamnée aux dépens d'appel.
En application de l'article 700 du même code, elle sera condamnée à payer à Monsieur [I] la somme de 2 000 euros.
La demande, à ce titre, de la Sas sera rejetée.
Le jugement entrepris sera confirmé en ses dispositions relatives aux dépens et frais irrépétibles.
XIII. Sur le remboursement à Pole Emploi
Aux termes de l'article L. 1235-4 du code du travail, dans les cas prévus aux articles L 1132-4, L 1134-4, L 1144-3, L 1152-3, L 1152-4, L 1235-3, et L 1235-11, le juge ordonne le remboursement par l'employeur fautif aux organismes intéressés de tout ou partie des indemnités de chômage versées au salarié licencié, du jour de son licenciement au jour du jugement prononcé, dans la limite de six mois d'indemnités de chômage par salarié intéressé ;
Ce remboursement est ordonné d'office lorsque les organismes intéressés ne sont pas intervenus à l'instance ou n'ont pas fait connaître le montant des indemnités versées, ce qui est le cas en l'espèce ;
Il conviendra en conséquence d'ordonner le remboursement des indemnités éventuellement versées dans la limite de 6 mois.
PAR CES MOTIFS
La Cour, Chambre sociale, statuant par arrêt contradictoire mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré,
DIT que le jugement du 30 avril 2021 du Conseil de prud'hommes de Schiltigheim est définitif sur le rejet de l'écart des pièces n°38 et 39 de la Sa Alliance Automobiles ;
INFIRME, pour le surplus, le jugement précité SAUF en ses dispositions sur :
- le rejet de la demande d'indemnisation pour travail dissimulé,
- le rappel de salaire au titre de la rémunération variable pour la période du 10 octobre 2017 au 15 avril 2019,
- le rejet de la demande d'indemnisation pour harcèlement moral,
- le rejet de la demande de nullité du licenciement et des dommages et intérêts en conséquence,
- le rejet de la demande d'indemnisation pour exécution déloyale du contrat de travail,
- l'absence de cause réelle et sérieuse du licenciement,
- les dépens et l'article 700 du code de procédure civile ;
Statuant à nouveau sur les chefs infirmés et y ajoutant,
FIXE le salaire mensuel moyen de référence à la somme de 7 304, 12 euros bruts ;
CONDAMNE la Sas Alliance Automobiles à payer à Monsieur [F] [I] les sommes de :
* 3 000 euros bruts (trois mille euros) au titre du rappel de salaire au titre de la rémunération variable, pour la période du 15 avril 2016 au 9 octobre 2017 ,
* 57 582 euros bruts (cinquante sept mille cinq cent quatre vingt deux euros) au titre du rappel de salaire pour heures supplémentaires,
* 5 758, 20 euros bruts (cinq mille sept cent cinquante huit euros et vingt centimes) au titre des congés payés sur heures supplémentaires,
* 15 135, 84 euros bruts (quinze mille cent trente cinq euros et quatre vingt quatre centimes) au titre de l'indemnité pour repos compensateur obligatoire,
* 2 102, 10 euros bruts (deux mille cent deux euros et dix centimes) au titre des rappels de salaire pour les mois d'août 2018, février, mars, avril et mai 2019,
* 210, 21 euros bruts (deux cent dix euros et vingt et un centimes) au titre des congés payés sur rappel de salaire précédent,
* 90 000 euros bruts (quatre vingt dix mille euros) à titre de dommages et intérêts pour licenciement sans cause réelle et sérieuse ;
CONDAMNE la Sas Alliance Automobiles à remettre à Monsieur [F] [I] une attestation destinée à Pôle Emploi, un certificat de travail et un bulletin de paie rectifiés conformément aux termes du présent arrêt, et, ce, à compter du 31ème jour suivant la signification de l'arrêt qui lui sera faite sous astreinte provisoire de 20 euros (vingt euros) par jour de retard et par document ;
DIT n'y avoir lieu de se réserver le contentieux de la liquidation de l'astreinte ;
CONDAMNE la Sas Alliance Automobiles à payer à Monsieur [F] [I] la somme de 2 000 euros (deux mille euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
DEBOUTE la Sa Alliance Automobiles de sa demande au titre de l'article 700 du code de procédure civile ;
ORDONNE le remboursement par la Sas Alliance Automobiles aux organismes intéressés des indemnités de chômage versées le cas échéant à Monsieur [F] [I] dans la limite de 6 mois à compter de la rupture sur le fondement des dispositions de l'article L 1235-4 du code du travail ;
CONDAMNE la Sa Alliance Automobiles aux dépens d'appel.
Ledit arrêt a été prononcé par mise à disposition au greffe le 13 janvier 2023, signé par Madame Christine Dorsch, Président de Chambre et Madame Martine Thomas, Greffier.
Le Greffier, Le Président,