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12/01/2023 | FRANCE | N°21/00636

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 12 janvier 2023, 21/00636


MINUTE N° 20/2023

























Copie exécutoire à



- Me Valérie SPIESER



- la SELARL LEXAVOUE COLMAR





Le 12 janvier 2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 12 Janvier 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00636 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HPUP



Décisi

on déférée à la cour : 17 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE





APPELANTS :



Monsieur [P] [E] [Z]

Madame [M] [Z]

demeurant ensemble [Adresse 2]



représentés par Me Valérie SPIESER, avocat à la cour.





INTIMEE :



La S.A. SOGECA...

MINUTE N° 20/2023

Copie exécutoire à

- Me Valérie SPIESER

- la SELARL LEXAVOUE COLMAR

Le 12 janvier 2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 12 Janvier 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 21/00636 - N° Portalis DBVW-V-B7F-HPUP

Décision déférée à la cour : 17 Novembre 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANTS :

Monsieur [P] [E] [Z]

Madame [M] [Z]

demeurant ensemble [Adresse 2]

représentés par Me Valérie SPIESER, avocat à la cour.

INTIMEE :

La S.A. SOGECAP, prise en la personne de son représentant légal

demeurant [Adresse 1]

représenté par la SELARL LEXAVOUE COLMAR, avocat à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 08 Septembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, et Madame Myriam DENORT, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre,

Madame Myriam DENORT, Conseiller,

Madame Nathalie HERY, Conseiller,

qui en ont délibéré.

Greffier lors de débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRET contradictoire

- prononcé publiquement après prorogation du 17 novembre 2022 par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

FAITS, PROCÉDURE et PRÉTENTIONS des PARTIES

Le 8 octobre 2002, Mme [C] [W], épouse [Z], a adhéré à un contrat collectif d'assurance accident dénommé CERTIPEL, souscrit auprès de la société Sogecap. Elle a choisi la clause désignant comme bénéficiaire son conjoint non divorcé et non séparé de corps, son partenaire lié par un PACS, à défaut chacun de ses enfants nés ou à naître, à défaut ses héritiers.

Mme [C] [W], épouse [Z], est décédée le 16 octobre 2013.

Par lettre du 13 février 2017, la société Sogecap a notifié à M. [P] [Z], son époux, un refus de prise en charge au motif que la cause du décès de son épouse n'entrait pas dans le cadre de la définition contractuelle de l'accident.

M. [P] [Z] et Mme [M] [Z], fille de l'assurée, ont saisi le tribunal de grande instance de Mulhouse aux fins d'obtenir la condamnation de la société Sogecap à leur verser le capital qu'ils estimaient dû en exécution de ce contrat d'assurance accident.

Par jugement du 17 novembre 2020, le tribunal, devenu le tribunal judiciaire de Mulhouse, a notamment déclaré recevable leur action mais il a rejeté leur demande d'indemnisation au titre de ce contrat d'assurance.

Il les a condamnés aux dépens et a rejeté les demandes respectives des parties fondées sur les dispositions de l'article 700 du code de procédure civile, disant n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Sur le fond, le tribunal a retenu que la définition de l'accident figurant à l'article 1er du contrat, selon laquelle constituait un accident « toute atteinte corporelle non intentionnelle de la part de l'assuré ou du bénéficiaire provenant de l'action soudaine et imprévisible d'une cause extérieure » était opposable aux assurés et aux bénéficiaires du contrat d'assurance-vie. Il s'agissait en effet d'une clause claire et non équivoque définissant l'étendue du risque couvert et non pas d'une clause d'exclusion de garantie soumise aux dispositions de l'article L 113-1 du code des assurances exigeant des exclusions formelles et limitées.

De plus, les rapports d'expertise médicale concluaient que la cause la plus probable du décès de Mme [C] [W], épouse [Z], opérée le 14 octobre 2013 pour une scoliose, était une embolie graisseuse, complication très inhabituelle après une chirurgie rachidienne.

Dès lors, l'atteinte corporelle ayant entraîné son décès provenait d'une opération chirurgicale programmée et ne constituait pas une action soudaine, en l'absence de faute des intervenants. De plus, les fractures observées lors de l'expertise médico-légale étaient en lien avec des gestes de réanimation, alors que le c'ur de Mme [C] [W], épouse [Z], était déjà arrêté.

Enfin, il n'était pas conclu que l'embolie graisseuse avait pour cause une fracture osseuse mais il était observé que cette complication s'observait habituellement chez les polytraumatisés qui avaient des fractures des os longs.

M. [P] [Z] et Mme [M] [Z] ont interjeté appel de ce jugement le 21 janvier 2021.

Par leurs conclusions transmises par voie électronique le 31 mars 2022, ils sollicitent que leur appel soit déclaré recevable et bien fondé et que le jugement déféré soit infirmé en ce qu'il a considéré que le décès de Mme [C] [W], épouse [Z], ne relevait pas de la définition de l'accident couvert par la garantie et que les conditions de mise en 'uvre de celle-ci n'étaient pas réunies.

Tous deux demandent que la cour, statuant à nouveau, condamne la société Sogecap à leur verser le capital égal à la somme des deux montants suivants :

- le montant des avoirs constatés sur le plan épargne logement à la date effective du décès accidentel, incluant les intérêts acquis à cette date et éventuellement la prime d'Etat acquise,

- le montant des versements programmés à échoir entre la date effective du décès accidentel et le 4ème anniversaire du plan.

Les appelants sollicitent également la condamnation de l'intimée aux entiers frais et dépens ainsi qu'au versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Reprenant la définition de l'accident et l'énumération des risques exclus figurant au contrat, ils soutiennent que la clause limitant la garantie aux seules causes accidentelles n'est ni formelle, ni limitée, et qu'elle doit donc être écartée.

Le contrat précisant que ne sont jamais considérés comme accidents au titre de la garantie les accidents cérébraux ou cardio-vasculaires, quelle qu'en soit l'origine, les appelants soutiennent que l'embolie graisseuse, qui est une embolie de la moelle osseuse, ne constitue ni un accident cardio-vasculaire, ni un accident cérébral et que le lien entre le décès de Mme [C] [W], épouse [Z], et un éventuel accident cérébral cardio-vasculaire est à exclure.

De plus, ils soutiennent qu'une intervention chirurgicale peut être considérée comme une atteinte corporelle non intentionnelle, soudaine et résultant d'une cause extérieure à l'assuré, ce dont il résulte qu'ils peuvent prétendre au bénéfice de la garantie contractuelle. La cause du décès de Mme [C] [W], épouse [Z], étant une complication post-opératoire très rare dans le type d'intervention chirurgicale en cause, l'action soudaine de la cause extérieure est établie.

Ils ajoutent que cette intervention chirurgicale était nécessaire pour la santé de Mme [C] [W], épouse [Z].

Par ses conclusions transmises par voie électronique le 22 juin 2021, la société Sogecap sollicite la confirmation du jugement déféré en toutes ses dispositions et que toutes les demandes de M. [P] [Z] et de Mme [M] [Z] soient déclarées irrecevables et rejetées.

Elle sollicite également la condamnation des appelants aux entiers dépens ainsi qu'à lui payer la somme de 3000 euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

La société Sogecap soutient que, comme l'a retenu le tribunal, la définition de l'accident prévue au contrat est une clause claire et non équivoque, qui ne s'analyse pas en une exclusion de garantie soumise aux exigences de l'article L 113-1 du code des assurances.

Elle fait valoir que les appelants n'établissent pas le caractère accidentel du décès de Mme [C] [W], épouse [Z], au sens de la définition du contrat et elle reprend à ce titre les motifs du jugement déféré selon lesquels il ne peut être retenu que ce décès provient de l'action soudaine et imprévisible d'une cause extérieure, au sens de la définition du décès accidentel prévue au contrat.

*

Pour l'exposé complet des prétentions et moyens des parties, la cour se réfère à leurs conclusions notifiées et transmises aux dates susvisées.

La clôture de l'instruction a été prononcée par ordonnance du 05 avril 2022.

MOTIFS

La définition de l'accident garanti par le contrat d'assurance-vie CERTIPEL souscrit par Mme [C] [W], épouse [Z], auprès de la société Sogecap, figurant aux conditions générales de ce contrat, a été rappelée par le tribunal, s'agissant de « toute atteinte corporelle non intentionnelle de la part de l'assuré ou du bénéficiaire provenant de l'action soudaine et imprévisible d'une cause extérieure ».

Ce n'est qu'à la suite de cette définition que l'article 1er de ce contrat mentionne des exclusions de garantie, en précisant que ne sont jamais considérés comme accident au titre de la garantie, les accidents cérébraux ou cardio-vasculaires, qu'elle qu'en soit l'origine.

Il résulte des pièces versées aux débats par les appelants, et notamment du rapport d'expertise judiciaire des professeurs [N] et [J], que Mme [C] [W], épouse [Z], a subi le 15 octobre 2013 une intervention chirurgicale programmée pour une scoliose, au sein du CHU de [Localité 3]. Elle est décédée durant la soirée du lendemain, et l'expertise médicale réalisée par les professeurs [N] et [J], après autopsie puis examen anatomo-pathologique réalisés dans le cadre de l'enquête ouverte pour recherche des causes de la mort de Mme [C] [W], épouse [Z], a conclu que la cause la plus probable de cette mort était une embolie graisseuse. Expliquant qu'il s'agissait du passage de lobules graisseux et de graisse dans la circulation, envahissant la circulation capillaire pulmonaire et cérébrale, les experts ont précisé qu'il s'agissait d'une « complication exceptionnelle, pour ne pas dire inexistante » , après une chirurgie rachidienne, alors qu'elle était habituelle chez les polytraumatisés ayant des fractures des os longs.

Les experts ont évoqué un diagnostic de l'embolie graisseuse souvent difficile dans sa forme habituelle et classique, mentionnant des manifestations respiratoires, neurologiques et cutanées, les manifestations neurologiques étant surtout le fait des atteintes capillaires cérébrales et se traduisant par des troubles de la vigilance et de la conscience. Concernant Mme [C] [W], épouse [Z], ils soulignent que seuls des signes mineurs et non spécifiques, à savoir une somnolence sans trouble neurologique vrai, et une saturation à la limite inférieure de la normale, sous faible débit d'oxygène, sans aucun signe de détresse respiratoire, peuvent être en faveur de cette hypothèse diagnostique.

Le rapport d'examen anatomo-pathologique conclut que l'examen des viscères prélevés lors de l'autopsie de Mme [C] [W], épouse [Z], révèle « une congestion et un oedème alvéolaire massif des poumons avec, dans de nombreux vaisseaux artériels, des thrombi d'éléments mononucléés et adipeux, compatibles avec des lésions d'embolie graisseuse, une congestion poly-viscérale ».

Le résultat de cet examen est donc clair sur l'existence d'une embolie graisseuse et, si la prudence des experts s'explique du fait de l'extrême rareté d'une telle complication suite à une intervention rachidienne, ainsi que par la faiblesse des symptômes apparus, il y a lieu de souligner que les professeurs [N] et [J] ont pris soin d'examiner les autres causes possibles du décès de Mme [C] [W], épouse [Z], telles que deux lésions post-opératoires observées lors du séjour de la patiente en réanimation, à savoir une thrombose partielle de la veine poplitée droite et un minime pneumothorax basal gauche, mais aussi une éventuelle embolie pulmonaire cruorique massive secondaire à une phlébite périphérique, un accident léthal en lien avec l'anti-coagulation introduite devant la présence de cette thrombose, et enfin une détresse respiratoire d'origine médicamenteuse.

Or, ils ont éliminé ces hypothèses, l'une après l'autre, en fournissant des explications précises.

Il en résulte qu'au vu de l'examen anatomo-pathologique et du rapport d'expertise médicale, il n'existe en réalité pas de doute sur la cause du décès de Mme [C] [W], épouse [Z], qui résulte bien d'une embolie graisseuse, s'agissant d'une complication de l'intervention rachidienne qu'elle a subie le 15 octobre 2013.

Ce décès a donc pour origine une atteinte corporelle non intentionnelle de la part de l'assuré ou du bénéficiaire. De plus, la définition de l'accident figurant au contrat liant les parties mentionne, non pas une cause extérieure soudaine et imprévisible, étant rappelé que l'intervention rachidienne subie par Mme [C] [W], épouse [Z], ne revêtait aucun de ces qualificatifs, ayant été programmée à l'avance. Mais elle évoque l'action soudaine et imprévisible d'une cause extérieure. Or, il apparaît indéniable que cette intervention chirurgicale, cause extérieure, a eu une action soudaine et imprévisible, en provoquant la complication rarissime survenue, qui a entraîné le décès de la patiente moins de 30 heures après la fin de l'acte chirurgical lui-même.

Dès lors, les conditions de mise en 'uvre du contrat d'assurance accident CERTIPEL souscrit par la défunte sont remplies, ce qui justifie l'infirmation du jugement déféré en ce qu'il a rejeté la demande formulée à ce titre par M. [P] [Z] et Mme [M] [Z].

Par ce contrat, la société Sogecap s'est engagée à verser aux bénéficiaires, en cas de décès accidentel de l'assuré, au sens du contrat, un capital égal à la somme des deux montants suivants : montant des avoirs constatés sur le plan épargne logement à la date effective du décès accidentel, incluant les intérêts acquis à cette date et éventuellement la prime d'Etat acquise, et le montant des versements programmés à échoir entre la date effective du décès accidentel et le 4ème anniversaire du plan.

La cour accueillera donc la demande de M. [P] [Z] et Mme [M] [Z] tendant à la condamnation de l'intimée à leur verser ce capital, calculé à partir du plan épargne logement souscrit par Mme [C] [W], épouse [Z].

II - Sur les dépens et les frais non compris dans les dépens

Le jugement déféré étant infirmé en ses dispositions principales, il le sera également en celles relatives aux dépens et aux frais non compris dans les dépens.

La demande de M. [P] [Z] et de Mme [M] [Z] étant accueillie, la SA Sogecap sera condamnée aux dépens de première instance et d'appel.

Pour les mêmes motifs, il ne serait pas équitable de laisser à la charge de M. [P] [Z] et de Mme [M] [Z] les frais non compris dans les dépens, engagés par ces derniers en appel. En conséquence, il sera fait droit à leur demande fondée sur l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de 2 500 euros.

En revanche, la société Sogecap sera déboutée des demandes formulées sur le même fondement.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant par arrêt contradictoire, publiquement, par mise à disposition de l'arrêt au greffe, conformément aux dispositions de l'article 450, alinéa 2 du code de procédure civile,

INFIRME, dans les limites de l'appel, le jugement rendu entre les parties par le tribunal judiciaire de Mulhouse le 17 novembre 2020, en ce qu'il a rejeté la demande d'indemnisation au titre du contrat d'assurance accident CERTIPEL de la SA Sogecap, ainsi qu'en ses dispositions relatives aux dépens et aux frais exclus des dépens,

Statuant à nouveau sur ces chefs,

CONDAMNE la SA Sogecap à verser à M. [P] [Z] et Mme [M] [Z] le capital égal à la somme des deux montants suivants :

- le montant des avoirs constatés sur le plan épargne logement souscrit par Mme [C] [W], épouse [Z], à la date effective du décès accidentel de cette dernière, incluant les intérêts acquis à cette date et éventuellement la prime d'Etat acquise,

- le montant des versements programmés à échoir entre la date effective du décès accidentel de Mme [C] [W], épouse [Z], et le 4ème anniversaire du plan,

Ajoutant au dit jugement,

CONDAMNE la SA Sogecap aux dépens de première instance et d'appel,

CONDAMNE la SA Sogecap à payer à M. [P] [Z] et Mme [M] [Z] la somme de 2 500,00 (deux mille cinq cents) euros sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de la SA Sogecap présentée sur le fondement de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 21/00636
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;21.00636 ?
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