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12/01/2023 | FRANCE | N°20/03501

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 12 janvier 2023, 20/03501


MINUTE N° 9/2023

























Copie exécutoire à



- Me Joëlle LITOU-WOLFF



- la SELARL ARTHUS





Le 12/01/2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 12 Janvier 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/03501 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HOAI



Décision déféré

e à la cour : 19 octobre 2020 par le tribunal judiciaire à compétence commerciale de MULHOUSE





APPELANTE et intimée sur incident :



La S.A.S. ALAPONT FRANCE

ayant son siège social [Adresse 1] à [Localité 4]



représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avoc...

MINUTE N° 9/2023

Copie exécutoire à

- Me Joëlle LITOU-WOLFF

- la SELARL ARTHUS

Le 12/01/2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 12 Janvier 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/03501 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HOAI

Décision déférée à la cour : 19 octobre 2020 par le tribunal judiciaire à compétence commerciale de MULHOUSE

APPELANTE et intimée sur incident :

La S.A.S. ALAPONT FRANCE

ayant son siège social [Adresse 1] à [Localité 4]

représentée par Me Joëlle LITOU-WOLFF, avocat à la cour.

Avocat plaidant : Me SEGOND, avocat à Marseille

INTIMÉE et appelante sur incident :

La S.A.S. PROTEC, prise en la personne de son représentant légal,

ayant son siège social [Adresse 2] à [Localité 3]

représentée par la SELARL ARTHUS, avocats à la cour.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre, et Madame Nathalie HERY, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT contradictoire

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

La société Protec, spécialisée dans l'édification de maisons pour personnes âgées, a procédé à la construction d'un EPHAD dénommé « La Pinède '' sis [Adresse 5] à [Localité 6], et ce au profit de la société Korian, maître d'ouvrage final.

La société Alapont France, selon marché de travaux du 15 octobre 2013, s'est vue confier la réalisation du lot n°17 consistant en la fabrication et la pose d'ascenseurs. La somme totale de ses travaux était fixée à la somme de 73.554 euros revalorisée à 73 800 euros TTC.

La société B2F Ingénierie intervenait en qualité de maître d'oeuvre.

Un premier acompte était versé par la société Protec, le 16 mai 2014, à hauteur de 18.201,29 euros, puis un second, en date du 21 avril 2015, à hauteur de 26.629,99 euros.

La société Alapont France éditait une facture n° IN000047 du 31 décembre 2016 pour un montant de 28.968,72 euros. Deux relances étaient adressées à la société Protec en date du 16 janvier 2017 et du 13 février 2017.

En l'absence de réponse, une mise en demeure lui était adressée en date du 2 mars sans que celle-ci ne réagisse.

La société Alapont France a obtenu une ordonnance du tribunal de grande instance de Mulhouse du 6 juin 2017, enjoignant à la société Protec de lui payer la somme de 28.968,72 euros. La société Protec a formé opposition.

Selon jugement du 19 octobre 2020, la chambre commerciale du tribunal judiciaire de Mulhouse a :

- déclaré recevable l'opposition à injonction de payer formée par le SAS Protec et mis à néant l'ordonnance d'injonction de payer rendue le 6 juin 2017,

Statuant a nouveau

- débouté la SAS Alapont de ses demandes,

- condamné la SAS Alapont à payer à Protec la somme de 6 610,10 euros à titre de dommages et intérêts du fait de l'inexécution par la société Alapont de ses obligations contractuelles,

- débouté la SAS Alapont Protec du surplus de ses demandes,

- condamné la SAS Alapont à payer à la société Protec la somme de 2 500 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- rejeté la demande formée par la SAS Alapont au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

- condamné la SAS Alapont aux dépens,

- dit n'y avoir lieu à exécution provisoire.

Les premiers juges ont estimé que la société Alapont France - qui a admis ne pas avoir exécuté intégralement son obligation de faire en n'achevant pas les travaux qui lui avaient été confiés - n'a pas démontré qu'elle a été empêchée d'exécuter sa prestation par le fait de la société Protec.

Le tribunal a adopté le raisonnement de la société Protec, qui proposait de chiffrer son préjudice en soustrayant à la facture réclamée par Alapont certains frais, des indemnités de retard de 7527,60 euros puis le montant de la facture de la société tierce ayant dû intervenir pour achever les travaux.

Le premier juge a en revanche rejeté la demande en paiement formulée par la société Protec à hauteur de 10 000 euros au titre du préjudice commercial subi du fait de la mauvaise image donnée au groupe Korian.

La société Alapont a fait appel dudit jugement le 20 novembre 2020.

PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures datées du 11 août 2021 et notifiées par RPVA, la société Alapont France demande à la cour de bien vouloir :

- INFIRMER intégralement la décision entreprise

et statuant à nouveau :

CONDAMNER la société Protec à lui verser la somme de 28.968,72 euros, outre intérêts légaux à compter de la mise en demeure adressée le 2 mars 2017,

DEBOUTER la société Protec de toutes conclusions contraires et de l'ensemble de ses fins, moyens et prétentions,

CONDAMNER la société Protec à lui verser la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

DIRE que dans l'hypothèse où à défaut de règlement spontané des condamnations prononcées dans la décision à intervenir, l'exécution forcée devra être réalisée par l'intermédiaire d'un huissier de justice, le montant des sommes retenues par l'huissier de justice, en application de l'article 10 du décret du 8 mars 2001, portant modification du décret du 12 décembre 1996 n° 96/1080 (tarif des huissiers) devant être supporté par le débiteur en sus de l'application de l'article 700 du code de procédure civile,

CONDAMNER la société Protec aux entiers dépens de première instance et d'appel, en ce compris les frais relatifs à la signification de l'ordonnance d'injonction de payer,

Sur l'appel incident de la société Protec :

Le DIRE irrecevable sinon mal fondé,

DEBOUTER la société Protec,

La CONDAMNER aux frais de l'appel incident.

A l'appui de son argumentation, la société Alapont France soutient ne pas avoir été en mesure d'achever sa mission du fait du comportement fautif de la société Protec ; les appareils qui avaient été installés depuis le mois d'avril 2015, ne pouvaient fonctionner du fait de l'absence de courant définitif dans le bâtiment. Elle affirme également s'être déplacée en vain plusieurs fois en juillet et août 2015 pour terminer sa prestation, mais que sans électricité elle ne pouvait procéder aux essais des appareils.

L'appelante avance en outre que les parties se seraient mises d'accord pour reporter le planning initialement prévu en raison du passage de la commission de sécurité prévue le 4 novembre 2017, et que c'est unilatéralement que la société Protec a décidé de faire appel à l'entreprise F2A pour finaliser l'installation - une fois le courant électrique rétabli - sans tenir informée la société Alapont France et ce en méconnaissance des obligations contractuelles réciproques définies par l'article 4.4 du CCAP et par un du mail du 15 octobre 2015 lui ouvrant un délai de trois semaines pour finaliser la mise en conformité des ascenseurs ; aussi la décision de l'intimée de faire intervenir une société tierce à la fin du mois d'octobre 2015 pour réaliser ces travaux constituait un acte déloyal.

Dans ces conditions, d'une part la société Alapont France serait en droit d'obtenir le paiement de sa dernière facture de 29 968,72 euros, et d'autre part la société Protec ne pourrait lui réclamer la somme de 22 134,30 euros correspondant au coût de l'intervention de la société tierce.

La société appelante ajoute en outre que les factures produites par la société Protec dont elle réclame le paiement de la part de la SAS Alapont France, seraient manifestement excessives et totalement disproportionnées ; cette dernière soupçonnait l'intimée de vouloir 's'enrichir sur le compte de Alapont France' (page 7 des conclusions) . Pour illustrer ses propos, la société Alapont France analyse la facture de 14 400 euros produite par la société Protec pour la mise en service des appareils, dont le montant serait sans commune mesure avec le coût réel d'une telle prestation qui serait à son sens de l'ordre de 900 euros HT (soit une journée d'intervention pour deux techniciens). Il en serait de même pour la facture de 7 734,30 euros afférente à la réalisation et la mise en place d'un bouton 'non stop' (la valeur d'un tel bouton serait de 150 euros et sa mise en place nécessiterait un travail de câblage et un travail final d'une heure, soit un coût de 300 euros par appareil sans la main d'oeuvre).

Enfin, elle produit aux débats le devis n° YS 2015 10 036 édité par la société SGA Ascenseurs, qui est intervenue comme sous traitant de la société F2A sur le chantier Protec. Or le montant de ce devis de 4 740 euros TTC est sans commune mesure avec la facture éditée par F2A pour 14400 euros TTC, soit le triple.

La société Protec ne saurait alors obtenir le remboursement de la somme de 22.134,30 euros au titre de l'intervention de la société F2A.

Enfin, la société Protec ne produirait aucun développement utile quant à son prétendu préjudice commercial subi.

* * *

Dans ses dernières écritures du 31 janvier 2022, la société Protec conclut à ce que la cour :

REJETTE l'appel de la SAS Alapont France comme non fondé.

CONFIRME le jugement entrepris en toutes ses dispositions sauf en ce qu'il a débouté la SAS Protec de sa demande tendant à la condamnation de la SAS Alapont France à lui payer une somme de 10 000 euros au titre de son préjudice commercial.

Statuant à nouveau en ce qui concerne l'appel incident,

CONDAMNE la SAS Alapont FRANCE à payer à la SAS Protec la somme de 10 000 euros à titre de dommages et intérêts.

En tout état de cause,

CONDAMNE la SAS Alapont France à payer à la SAS Protec une somme de 4 000 euros par application des dispositions de l'article 700 du code de procédure civile ainsi qu'aux entiers dépens.

Le société intimée, pour s'opposer aux prétentions de la société Alapont France, soutient que cette dernière a été défaillante dans l'exécution du marché qui lui a été confié. Bien que sommée à plusieurs reprises d'intervenir et d'achever son marché, elle serait restée passive de sorte que la société Protec a été contrainte de faire appel à une société tierce, la société F2A, pour terminer le travail avant le passage de la commission de sécurité.

La société Protec soutient qu'on ne saurait estimer qu'elle a adopté un comportement déloyal; si elle a fait intervenir une société tierce pour achever le travail dans le délai des trois semaines ouvert suite au mail du 15 octobre 2015, c'est que Alapont France n'a jamais répondu audit mail et que le temps pressait puisque la commission de sécurité était annoncée pour le 4 novembre 2015.

En outre elle conteste l'argument de l'appelante selon lequel elle n'aurait pu faire appel à une société tierce au termes de l'article 4.4 du CCAP.

En aucun cas il y aurait eu accord entre les parties pour un report du planning, en sachant que la date de passage de la commission de sécurité était fixée et a été maintenue au 4 novembre 2015.

Enfin, concernant la somme réclamée par Alapont France, elle doit être revue à la baisse et ne saurait dépasser 23 551,80 euros, car il y aurait lieu d'y soustraire des frais de participation au compte prorata (2% de la facture), un escompte prévu contractuellement de 3% et des frais d'adjudication.

Concernant les sommes réclamées par la société Protec, cette dernière précise:

* au sujet de la somme de 6 110,10 euros réclamée, qu'elle est obtenue en soustrayant de la facture de la SAS Alapont France rectifiée de 23 551,80 euros, d'une part la facture émise par la société F2A qui a achevé les travaux (soit 22 134,80 euros) et d'autre part la somme de 7.527,60 euros au titre des pénalités de retard,

* au sujet de son préjudice commercial, il découlerait du fait que la société Korian, maître d'ouvrage final de l'Ehpad construit par la société Protec, a manifesté dans un mail du 8 janvier 2016 ses doutes quant à la qualité et la fiabilité du matériel Alapont; aussi, la société Protec voit son image de marque et son sérieux remis en cause, de sorte qu'elle est en droit de chiffrer à 10.000 euros son préjudice commercial.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur l'exception d'inexécution soulevée par la société Protec à l'égard de la demande de la société Alapont France

L'article 1353 du code civil édicte que celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver et réciproquement que celui qui se prétend libéré doit justifier le paiement ou le fait qui a produit l'extinction de son obligation.

L'article 1219 du code civil prévoit qu'une partie peut refuser d'exécuter son obligation alors même que celle-ci est exigible, si l'autre partie n'exécute pas la sienne et si cette inexécution est suffisamment grave.

La société Alapont France s'est engagée selon marché de travaux du 15 octobre 2013 à fournir et poser au bénéfice de la société Protec deux ascenseurs dans le cadre de la construction d'un Ephad à [Localité 6] en contrepartie du paiement d'une somme de 73 800 euros.

La SAS Alapont France sollicite le règlement, au titre du solde des travaux, d'une facture qu'elle estime exigible de 28.968,72 euros, montant réclamé suite à l'édition de la facture n° IN000047 du 31 décembre 2016.

Cette facture ne précise pas la nature des prestations facturées puisqu'elle se contente d'indiquer qu'elle correspond à des 'Travaux effectués suivant devis'. Elle précise que des acomptes ont déjà été perçus pour 44 831,28 euros.

La société Protec s'oppose à tout règlement, au motif que la société Alapont France aurait été défaillante dans l'exécution de ses obligations contractuelles, l'accusant même d'avoir abandonné le chantier de sorte que les travaux finaux ont dû être confiés à une société tierce.

1-1) Sur la situation de retard alléguée par la société Protec

Il ressort des pièces produites et notamment du 'Marché de travaux ' passé entre les parties le 15 octobre 2013, que la société Alapont s'engageait à respecter un planning qui était joint au contrat et qu'une pénalité de 2 pour mille du montant TTC définitif des travaux était due au titre des pénalités, par jour calendaire de retard.

Les modalités de calcul des délais et des pénalités de retard étaient précisées dans le CCAP qui a été signé par la société Alapont, et plus précisément en son article 4.

Il ressort des pièces produites que la société Alapont France n'a pas respecté le planning qui avait été fixé en application du marché de travaux qui l'engageait.

Les nombreuses correspondances démontrent que la société Alapont France a été relancée pour son retard dès le mois de janvier 2015, tant par le maître d'oeuvre (B2F Ingénierie) que par le maître d'ouvrage (la SAS Protec), qui lui demandaient de venir achever son ouvrage.

On se référera utilement aux courriers et mails adressés par B2F Ingénierie le 29 janvier et 16 février, 21 septembre et 5 octobre 2015 et par la SAS Protec le 13 février et 23 septembre 2015.

La société Alapont France soutient que la cause de ce retard résiderait dans le fait que le bâtiment n'était pas sous tension et qu'elle aurait été empêchée d'achever les travaux, notamment lors de ses déplacements des mois de juillet et août 2015.

S'il est exact que la SAS Alapont France a écrit le 3 septembre 2015 à la SAS Protec pour se plaindre de l'absence de courant définitif dans le bâtiment, la cour note cependant que la SAS Alapont France ne s'est jamais plainte précédemment de cette absence ; aussi, le retard pris par rapport au planning initial ne peut être considéré comme étant la conséquence de ce problème de 'courant définitif'.

Dans un mail du 15 octobre 2015, B2F informait la SAS Alapont France du fait que les ascenseurs n'étaient pas conformes à la législation française selon le procès-verbal établi par l'APAVE, de sorte que la SAS Alapont France était invitée à effectuer leur mise en conformité dans un 'délai strict'de trois semaines.

Il y a lieu de conserver à l'esprit que cette opération s'inscrivait dans un planning tendu en ce sens que la commission de sécurité devait se présenter sur le chantier le 4 novembre 2015.

La SAS Alapont France reconnaît dans ses écritures que suite à la réception de ce au mail du 15 octobre 2015 'les parties se sont finalement mises d'accord pour reporter le planning initialement prévu, en raison du passage de la commission de sécurité, au 4 novembre 2017 '(cf. conclusions de la SAS Alapont France, page 5) ; il s'en évince que la difficulté de mise en tension du bâtiment n'était plus à l'ordre du jour, et que rien n'empêchait la société Alapont France de venir finaliser son marché.

1-2) Sur la régularité de l'intervention d'une société tierce du fait de l'abandon du chantier allégué

La société Protec refuse de régler cette facture au motif que les travaux finaux, facturés, n'ont pas été réalisés par la société Alapont, qui de son côté soutient que la SAS Protec aurait été déloyale car elle a fait intervenir la société S2A pour finaliser les travaux sur les ascenseurs à la fin du mois d'octobre 2015, et ce en méconnaissance d'une part du délai de trois semaines qui était ouvert par le courrier du 15 octobre 2015, et de manière générale des stipulations de l'article 4.4 du CCAP qui accorderaient un délai de deux mois à toute société intervenante avant son éviction.

Les dispositions de l'article 4.4 du CCAP invoqués par la société Alapont ne comportent cependant aucune mention obligeant le maître d'oeuvre, ou le maître d'ouvrage, à attendre un délai de 2 mois après une mise en demeure, avant de pouvoir faire intervenir une entreprise tierce en cas de défaillance de l'entreprise principale.

L'appelante a fait une confusion avec les dispositions de l'article 4.5 du CCAP, qui prévoit un délai de 2 mois après mise en demeure demeurée infructueuse pendant un délai de 15 jours, mais dans un cas très différent, à savoir celui de 'l'entreprise' qui subit un retard dans le paiement de ses factures, et qui ne peut alors interrompre ses travaux sans avoir respecté ce double délai (2 mois et 15 jours).

S'agissant du délai de trois semaines ouvert par le courrier du 15 octobre 2015, comme l'a noté à juste titre le premier juge, il s'inscrivait dans un calendrier particulièrement serré du fait de l'arrivée de la commission de sécurité le 4 novembre.

Or la SAS Alapont France ne démontre pas avoir répondu, même par un simple accusé de réception, à ce mail du 15 octobre 2015.

En outre elle ne soutient pas avoir plannifié une intervention sur les ascenseurs.

* * *

Dans ces conditions, la SAS Protec rapporte la preuve de ce qu'elle pouvait légitimement considérer que la SAS Alapont France - qui n'a pas réagi au mail du 15 octobre 2015 - a abandonné le chantier.

Sachant que les installations mises en place par la société Alapont France n'étaient pas conformes, il y a lieu de constater que l'inexécution imputable à celle-ci était grave et de nature à constituer une exception d'inexécution au sens de l'article 1219 du code civil.

D'autre part, la société Protec pouvait alors faire appel à une société tierce pour mettre aux normes les deux ascenseurs.

2) Sur les droits des parties

2-1) au titre des dommages et intérêts

En vertu de l'article 1147 ancien du code civil applicable à l'affaire, une obligation de faire se résout en dommages et intérêts.

La SAS Alapont France réclame le paiement de sa facture de 28.968,72 euros n° IN000047 du 31 décembre 2016, correspondant au solde du marché qui lui a été confié.

Cependant, elle ne conteste pas le fait qu'elle a omis de tenir compte de retenues, contractuellement prévues, au titre de sa participation au compte prorata (soit 2 % de la facture au sens du contrat cf. annexe n° 1) ce qui entraîne un première réduction de 1 476 euros, de l'escompte prévu contractuellement de 3 % (voir page 2 du contrat en

annexe n° 1) soit une minoration de 2 169,72 euros, et enfin des des frais d'adjudication de 1 771,20 € (cf. annexe n° 33 de Protec).

Le montant de la facture exigible que la SAS Alapont France pouvait émettre est donc de 23 551,80 euros, et non de 28 968,72 euros.

Il y a lieu de tenir compte de ce montant comme créance de la société Alapont France.

La SAS Alapont France ne conteste pas avoir exécuté ses prestations en retard par rapport au planning qui s'imposait à elle ; aussi le calcul des indemnités de retard fait par la SAS Protec aboutissant à une somme de 7 527,60 € (soit 51 jours de retard actés déjà le 15 avril 2015 x 2/1000 ème × 61 500 € HT x 1,20 % (TVA) = 7 527,60 € ) est justifié.

D'autre part il est démontré que la SAS Alapont France n'a pas exécuté l'intégralité des prestations qui lui avaient été confiées contraignant - comme cela a été vu plus haut - la SAS Protec à faire appel à une entreprise tierce, la société F2A, et à lui régler la somme de 22.134,80 €.

La société Alapont conteste le bien fondé des factures établies par F2A pour respectivement 14.400 euros et 7 734.30 euros, estimant qu'elle seraient surévaluées.

Cependant, elle est mal venue à tenir de telles affirmations (expliquant que les travaux étaient simples et peu valorisables) alors qu'elle-même a été incapable de les mener à terme.

De surcroît, le montant facturé par F2A est sensiblement du même ordre que la facture litigieuse émise par la société Alapont.

S'il semble établi que le sous traitant de F2A ait facturé à celle-ci des travaux réalisés pour le compte du chantier Protec pour 4 740 euros TTC, il n'est pas établi que F2A - qui a facturé son intervention 14 400 euros à la société Protec - n'ait pas réalisé directement une partie de l'intervention. En tout état de cause il n'est nullement acquis et prouvé que la société Protec ait connu cette sous traitance et la facturation mise en place entre ces deux sociétés. En revanche elle démontre avoir réglé intégralement la société F2A en produisant les bordereaux de remise en banque des virements SEPA réalisés.

Dans ces conditions, le montant des deux factures réglées par la société Protec au profit de la société F2A, pour un montant total de 22 134.80 euros, doit être pris en compte.

Pour évaluer les dommages et intérêts réclamés par la SAS Protec, il y a lieu d'y intégrer les montants correspondant respectivement aux factures de la société F2A pour un total de 22 134,80 euros et les pénalités de retard retenues (7 527,60 euros).

* * *

Dans ces conditions, en tenant compte de la créance de la société Alapont France de 23 551.80 euros, le juge de première instance, tenant compte des éléments de faits qui lui ont été soumis, a, à juste titre chiffrer les dommages et intérêts à la somme de 29 662.40 euros au profit de l'intimée.

Aussi, y a-t-il lieu de confirmer la décision de première instance qui condamnait l'appelante à verser à l'intimée la somme de 6 110.10 euros (soit la différence entre les deux créances croisées).

2-2) au titre du préjudice commercial avancé par la société Protec

C'est à juste titre que le tribunal judiciaire de Mulhouse a considéré que la SAS Protec ne démontre pas avoir subi un préjudice commercial ; les doutes évoqués par la société KORIAN - maître d'ouvrage final de l'EHPAD construit par la SAS Protec - portent sur la fiabilité du matériel Alapont France, et non sur le sérieux de la société Protec

La mauvaise qualité des prestations de la société Alapont France et son attitude d'une façon générale à refuser d'exécuter ses prestations contractuelles, si elles génèrent une mauvaise image pour ladite société, ne sont pas en soi de nature à ternir l'image de sérieux de la société Protec à l'égard notamment des Sociétés KORIAN et NEOLIA, en ce sens que l'intimée a su démontrer qu'elle savait faire face à une société défaillante, en l'espèce en ayant fait appel à une société tierce.

Le jugement, qui ne retenait pas l'existence d'un tel préjudice, sera confirmé.

3) Sur les demandes annexes.

L'appelante sera condamnée aux dépens de la procédure d'appel et à verser au titre de l'article 700 du code de procédure civile une somme de 2 500 euros à la SAS Protec.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt contradictoire , mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

CONFIRME le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Mulhouse le 19 octobre 2020,

REJETTE la demande incidente de la SAS Protec,

et y ajoutant

CONDAMNE la SAS Alapont France aux dépens de l'appel,

CONDAMNE la SAS Alapont France à payer la SAS Protec une somme de 2.500 euros (deux mille cinq cents euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de la SAS Alapont France formulée contre la SAS Protec au titre de l'article 700 du code de procédure civile.

Le greffier, Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/03501
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;20.03501 ?
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