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12/01/2023 | FRANCE | N°20/03415

France | France, Cour d'appel de Colmar, Chambre 2 a, 12 janvier 2023, 20/03415


MINUTE N° 11/2023

























Copie exécutoire à



- Me Thierry CAHN



- Me Nadine HEICHELBECH





Le 12/01/2023



Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS



COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE



ARRÊT DU 12 Janvier 2023



Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/03415 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HN4D



Décision déférée

à la cour : 20 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE





APPELANT et intimé incident :



Monsieur [A] [Y]

demeurant [Adresse 8]



représenté par Me Thierry CAHN, avocat à la cour.





INTIMÉ et appelant incident :



Monsieur [E] [Y]

dem...

MINUTE N° 11/2023

Copie exécutoire à

- Me Thierry CAHN

- Me Nadine HEICHELBECH

Le 12/01/2023

Le Greffier

REPUBLIQUE FRANCAISE

AU NOM DU PEUPLE FRANCAIS

COUR D'APPEL DE COLMAR

DEUXIEME CHAMBRE CIVILE

ARRÊT DU 12 Janvier 2023

Numéro d'inscription au répertoire général : 2 A N° RG 20/03415 - N° Portalis DBVW-V-B7E-HN4D

Décision déférée à la cour : 20 octobre 2020 par le tribunal judiciaire de MULHOUSE

APPELANT et intimé incident :

Monsieur [A] [Y]

demeurant [Adresse 8]

représenté par Me Thierry CAHN, avocat à la cour.

INTIMÉ et appelant incident :

Monsieur [E] [Y]

demeurant [Adresse 7]

représenté par Me Nadine HEICHELBECH, avocat à la cour.

INTIMES :

Monsieur [J] [Y]

demeurant [Adresse 6]

(décédé le 16 septembre 2018)

Monsieur [R] [Y]

demeurant [Adresse 4]

assigné le 26 février 2021 à domicile, n'ayant pas constitué avocat.

Madame [U] [Y] épouse [W]

demeurant [Adresse 5]

assignée le 3 mars 2021 à sa personne, n'ayant pas constitué avocat.

Madame [X] [Y] épouse [L]

demeurant [Adresse 3]

assignée le 23 février 2021 par dépôt à l'étude, n'ayant pas constitué avocat.

Madame [S] [Y] épouse [K]

demeurant [Adresse 1]

assignée le 24 février 2021 par dépôt à l'étude, n'ayant pas constitué avocat.

COMPOSITION DE LA COUR :

En application des dispositions des articles 805 modifié et 910 du Code de procédure civile, l'affaire a été débattue le 10 Novembre 2022, en audience publique, les parties ne s'y étant pas opposées, devant Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre, et Madame Nathalie HERY, Conseiller, chargés du rapport.

Ces magistrats ont rendu compte des plaidoiries dans le délibéré de la Cour, composée de :

Monsieur Franck WALGENWITZ, Président de chambre

Madame Myriam DENORT, Conseiller

Madame Nathalie HERY, Conseiller

qui en ont délibéré.

Greffier lors des débats : Madame Sylvie SCHIRMANN

ARRÊT par défaut

- prononcé publiquement par mise à disposition de l'arrêt au greffe de la cour, les parties en ayant été préalablement avisées dans les conditions prévues au deuxième alinéa de l'article 450 du Code de procédure civile.

- signé par Monsieur Franck WALGENWITZ, président et Madame Sylvie SCHIRMANN, greffier, auquel la minute de la décision a été remise par le magistrat signataire.

EXPOSE DU LITIGE

Messieurs [E], [J] et [A] [Y] viennent aux droits, chacun pour un tiers, de la succession en pleine propriété de leur mère feue [N] [Y] née [B] décédée le 4 février 2013 à [Localité 9].

[A] [Y] a engagé une procédure de partage judiciaire selon requête déposée devant le tribunal d'instance de Mulhouse le 10 février 2015 ; le 3 juin 2015, la juridiction rendait une ordonnance ouvrant le partage judiciaire, et nommant à cet effet Maître [D], notaire, chargé d'accommoder les parties.

Aucun accord n'ayant pu intervenir, Maître [I], successeur de Maître [D], a dressé un procès-verbal de difficultés le 29 mars 2017, relevant l'existence de blocages opposant les cohéritiers sur trois séries de questions portant sur :

- la régularité de retraits de fonds sur les comptes bancaires de la défunte ouverts dans les livres du Crédit Agricole Alsace Vosges, faits à l'aide de la procuration donnée à [E] [Y],

- les cotisations versées sur les 8 contrats d'assurance vie qui étaient considérées comme exagérées par M. [A] [Y],

- le devenir du mobilier meublant et des bijoux de la défunte.

C'est en l'état que M. [A] [Y] a saisi le tribunal de grande instance de Mulhouse par assignation délivrée à Messieurs [J] et [E] [Y] en 2017.

Outre les trois difficultés mentionnées dans le procès verbal du 29 mars 2017, il demandait à la juridiction de statuer également sur le sort de la maison de [Localité 11] qui avait fait l'objet d'une donation partage en 1985 avec un droit d'usage et d'habitation concédé à Mme [N] [Y] née [B], et la question de l'avenir d'un terrain qui pourrait devenir constructible.

Il a assigné par la suite en intervention forcée par actes délivrés en avril 2018 [R] [Y], [X] [Y] épouse [L] et [S] [Y] épouse [K] en leur qualité de petits enfants de Mme [N] [Y] née [B].

Dans l'intervalle, suite au décès de Monsieur [J] [Y] le 16 septembre 2018, M. [A] [Y] a assigné en date du 6 février 2019 en intervention forcée Mme [U] [Y] épouse [W], ès qualité d'héritière dudit défunt.

Par jugement rendu le 20 octobre 2020, le tribunal judicaire de Mulhouse a ordonné la réintégration à la succession à la charge de [E] [Y] d'une somme de 23.323 euros correspondant à la valeur du droit d'usage et d'habitation qui avait profité à Mme [N] [Y] née [B] sur la maison de [Localité 11].

En revanche il a rejeté toutes les autres demandes formulées par Monsieur [A] [Y], considérant que ce dernier n'avait « produit aucun élément probant » permettant de soutenir ses demandes, à savoir que :

- son frère aurait bénéficié de mouvements de fonds injustifiés de la part de leur mère notamment grâce à l'usage de la procuration qu'elle lui avait consentie sur ses comptes bancaires,

- que cette dernière aurait accepté de se laisser déposséder de son droit d'usage sur la maison qu'elle occupait sans y avoir consenti valablement,

- que les montants investis sur les contrats d'assurance vie étaient disproportionnés,

- que les meubles avaient disparu de manière illicite.

M. [A] [Y] a formé appel le 16 novembre 2020.

PRETENTIONS DES PARTIES

Dans ses dernières écritures transmises par RPVA le 26 janvier 2022, [A] [Y] demande à la cour d'appel de :

REJETER l'appel incident

INFIRMER le jugement en toutes ses dispositions ;

statuant à nouveau :

PRONONCER l'interruption d'instance à l'endroit du défunt Monsieur [J] [Y] du fait de son décès survenu le 16 septembre 2018 ;

DECLARER la qualité d'héritière de Madame [U] [V] [Y] épouse [W] ;

ORDONNER à Maître [L] [I] d'établir la valeur actualisée du droit d'usage et d'habitation conférée à Madame [B] selon acte du 24 février 1984 tout en tenant compte de la valeur en euros constants et de l'érosion monétaire aux fins de sa réintégration dans l'actif successoral ;

ORDONNER à Maître [L] [I] de se rapprocher tant de la Mairie de [Localité 11] et du constructeur du lotissement dénommé « [10] » à l'effet de connaître la possibilité d'y inclure la propriété de Madame [B], à savoir le terrain à [Localité 11] section [Cadastre 2] ;

ORDONNER le rapport à la succession de l'intégralité des montants prélevés sur les comptes ouverts dans les livres du Crédit Agricole Alsace Vosges au nom de Madame [B] pour un montant total de 43.700 euros ;

ORDONNER le rapport à la succession de l'intégralité des montants payés à titre des loyers versés par Madame [B] au profit de la SCI Humajess pour un montant total de 64.655,20 euros.

ENJOINDRE aux héritiers de justifier des autres contrats d'assurance-vie dont ils auraient été bénéficiaires de par le décès de Madame [B] ;

ORDONNER aux bénéficiaires des contrats d'assurance-vie et livrets de préciser les montants perçus par eux au titre desdits contrats et livrets dont ils auraient été rendus bénéficiaires auprès du Crédit Agricole et du Crédit Mutuel ou de tout autre établissement financier ;

DECLARER que les montants prélevés sur les comptes de Madame [B] ainsi que les versements sur les contrats d'assurances-vie sont manifestement disproportionnés au regard du patrimoine, du train de vie et de la situation financière de la défunte ;

ORDONNER le rapport à la succession de l'intégralité des primes d'assurances-vie des montants prélevés sur les comptes ouverts auprès du Crédit Agricole Alsace Vosges et du Crédit Mutuel Des deux vallées au nom de Madame [B] pour un montant total de 66.464,51 euros ainsi que les intérêts générés par lesdites assurances :

o Soit les primes versées sur les contrats Crédit Agricole :

- N°09474854520 ' ATOUT PLUS POOL 001- souscrit le 16 juin 1994, prime versée : 10.573,48 euros

- N°09474854520 ' ATOUT PLUS POOL 002 ' souscrit le 9 mai 1995, prime versée : 1.524,49euros

- N°09474854770 ' OPTALISSIME ' souscrit le 24 novembre 1999, prime versée ; 5.183,27euros

- N°09474854765 ' PREDISSIME ' souscrit le 24 novembre 1999, prime versée : 29.183,27 euros

o Soit les primes versées sur les contrats Crédit Mutuel :

- LIVRET AVENIR RT 5049130 ACM VIE

- LIVRET AVENIR RT 5049140 ACM VIE

- LIVRET RETRAITE RB 0294981 ACM VIE

- LIVRET RETRAITE RB 0294984 ACM VIE

ORDONNER le rapport à raison du montant de la valorisation retenue par Monsieur [A] [Y] des meubles meublants à hauteur de 3.000 euros.

ORDONNER à Monsieur [E] [Y] ainsi qu'à l'ensemble des autres héritiers de justifier du devenir des bijoux de Madame [B] et de leur valorisation et d'en faire rapport à la succession ;

ORDONNER pour le surplus le renvoi du dossier au notaire pour la poursuite des débats ;

En tout état de cause :

CONDAMNER solidairement les intimés aux entiers frais et dépens de la procédure de première instance et d'appel ;

CONDAMNER solidairement les intimés d'avoir à payer à Monsieur [A] [Y] la somme de 5.000 euros en application de l'article 700 du Code de procédure civile au titre de la procédure de première instance et 5.000 euros sur le même fondement au titre de la procédure d'appel.

M. [A] [Y] estime que sa mère s'est appauvrie à raison des man'uvres de Monsieur [E] [Y] qui aurait dilapidé la quasi-totalité de son patrimoine à savoir en :

- lui faisant accepter de vendre la maison sur laquelle elle disposait d'un droit d'habitation gratuit, de sorte qu'elle avait par la suite été obligée de dépenser indûment des loyers à hauteur de 64.655,00 euros,

- lui faisant verser des primes manifestement excessives sur des contrats d'assurance-vie ouverts au Crédit Agricole (46.464 euros) et au Crédit Mutuel (20.000 euros),

- réalisant des retraits frauduleux sur les comptes d'[N] [Y] née [B] pour 43.700,00 euros...

... ce qui représente une somme globale de 174.819,00 euros que [E] [Y] devrait réintégrer à la succession.

A l'appui de ses demandes, l'appelant développe les explications suivantes.

* Sur la maison de [Adresse 12], il rappelle qu'elle a été attribuée à Monsieur [E] [Y] par acte de donation-partage reçu par Maître [G] ' notaire à [Localité 11] - en date du 24 février 1984. Cet acte comprenait un droit d'usage et d'habitation gratuit et viager réservé au profit de Madame [B]. La maison a fait l'objet d'une vente selon acte reçu par Maître [T] ' notaire à Wittelsheim ' en date du 19 juin 1995, pour être cédée à la SCI Humajess. Madame [B] a alors sollicité la radiation du livre foncier de l'inscription relative à son droit d'usage et d'habitation, tout en demeurant occupante des lieux en qualité de locataire..

Or, Monsieur [E] [Y] a perçu l'intégralité du prix de vente, soit la somme totale de 850.000 Francs ce qu'il ne conteste pas, alors que [N] [Y] aurait dû percevoir la contrepartie de son droit de jouissance et d'habitation.

Le principe de réintégration de cette valeur à la succession par [E] [Y] a été admis par le tribunal.

Cependant l'appelant réclame, qu'outre le rapport de ce montant fixé par la juridiction à 254.131,18 Francs, que la cour tienne aussi compte du fait que consécutivement à la vente de la maison à la SCI Humajess, Madame [B] a été contrainte de payer à ladite SCI un loyer mensuel sur la période couvrant le mois de juillet 1995 au mois de janvier 2013, soit un montant total de 64.655,20 euros.

Ce versement de loyers aurait été effectué au détriment du patrimoine de Madame [B], qui s'est, par conséquent, appauvrie.

L'appelant considère que c'est à tort que le premier juge a relevé que « Madame [B] est intervenue à l'acte de vente de sorte qu'il (= [E] [Y]) ne peut être tenu de rapporter des loyers que celle-ci a accepté de payer en toute connaissance de cause ». Il y aurait lieu de déclarer que cette dernière y a été contrainte par Monsieur [E] [Y] qui souhaitait vendre la maison pour éponger ses dettes notamment d'ordre professionnel.

L'appelant en conclut ainsi que [N] [Y] a été victime, au sens de l'article 1140 du Code civil d'une 'violence' qualifiée de 'morale', pour s'être engagée à vendre son droit d'usage et d'habitation 'sous la pression d'une contrainte'. Le consentement de Madame [B] à la vente aurait, au sens de l'appelant, été vicié, de telle sorte que le versement des loyers à la SCI Humajess en contrepartie du maintien dans les lieux apparaîtrait irrégulier.

Il conviendrait en conséquence de rapporter à la succession la somme de 64.655 euros au titre des loyers indûment versés par Madame [B] et ainsi d'infirmer le jugement sur ce point.

Par ailleurs, il est également sollicité de la cour d'infirmer le jugement en ce qu'il n'a pas fait droit à la demande de l'appelant tendant à demander à Maître [L] [I] de procéder à un calcul exact de la valeur actuelle du droit d'usage et d'habitation portant sur cette maison d'[Localité 11], en euros constant et en tenant compte de l'érosion monétaire.

* Au sujet des comptes bancaires de sa mère, [A] [Y] formule une série d'observations de nature à susciter la condamnation de [E] [Y] au rapport de diverses sommes.

L'appelant soutient que pour faire face à ses propres difficultés financières, Monsieur [E] [Y] - qui aurait déjà contraint sa mère à vendre la maison d'habitation dans laquelle elle disposait d'un droit d'usage et d'habitation - aurait effectué des prélèvements sur les comptes de celle-ci en utilisant les procurations qu'elle lui avait données pour un montant total de 43.700 euros entre 2004 et 2013.

[A] [Y] versait aux débats le détail des retraits qu'il attribuait à M. [E] [Y] estimant que sa mère avait été victime d'un 'potentiel abus de faiblesse' et d'une'possible extorsion de signature en vue de la régularisation des procurations'.

Il soupçonnait également son frère d'avoir imité la signature de leur mère, ou encore d'avoir rédigé lui-même les mentions « bon pour pouvoir » figurant dans les procurations rédigées en 2008 et 2011.

L'appelant demande à la cour de ne pas tenir compte de l'attestation signée par [N] [Y] dans laquelle elle indique que les prélèvements effectués par son fils l'ont été à sa demande, le document ne respectant pas le formalisme minimal exigé par les articles 200 à 203 du Code civil.

En toutes hypothèses, le mandataire qui n'agit pas dans l'intérêt de son mandant, doit rendre des comptes ; en leur absence, il peut être condamné à réintégrer les sommes injustifiées dans l'actif successoral. Par conséquent, il est demandé à la cour de constater que son frère ne rend pas de comptes et d'infirmer le jugement sur ce point et d'ordonner la réintégration desdits montants dans la succession de la de cujus.

* Au sujet des contrats d'assurance vie, M. [A] [Y] indique que sa mère a souscrit, entre ses 75 et 88 ans (soit entre 1994 et 1999), quatre contrats d'assurance-vie auprès du Crédit Agricole Alsace Vosges, pour des versements globaux de l'ordre de 46.000 euros, et 4 autres auprès du Crédit Mutuel des deux Vallées en date du 18 mars 1999, affectant sur chacun d'eux une valeur de 5.000 euros, soit un montant total de 20.000 euros.

L'appelant estime que ces primes cumulées versées au-delà des 70 ans de Madame [B] seraient manifestement excessives par rapport à son patrimoine global puisqu'elle y avait placé la quasi-intégralité de son épargne, alors qu'elle ne percevait qu'une pension de réversion mensuelle de l'ordre de 1.150 euros.

Ces sommes devraient alors être rapportées à la succession compte-tenu de leur caractère exagéré.

* Sur la question du terrain situé à [Localité 11] section [Cadastre 2], l'appelant précise que Maître [L] [I] avait informé les héritiers de ce qu'il serait susceptible de faire l'objet d'un classement en zone d'urbanisation future. C'est pourquoi, [A] [Y] demande au notaire de se rapprocher tant de la mairie que de l'aménageur du lotissement en cours de construction à l'effet de connaître ses intentions quant à la possibilité d'y inclure les terrains proches et, notamment celui en cause afin de convenir de sa valeur actuelle.

M. [A] [Y] précise qu'il s'en remet à la revalorisation retenue dans le cadre du partage définitif de la succession.

* Enfin Monsieur [A] [Y] dénonce le fait qu'il aurait été écarté du partage du mobilier de sa mère, estimant que sa valeur à 3.000 euros pour les éléments meublant la cuisine, la salle à manger, la chambre à coucher et la salle de bain, et à 2.000 euros pour les bijoux.

* * *

Dans ses dernières écritures datées du 10 mai 2021 notifiées par RPVA, M. [E] [Y] conclut au rejet de l'appel et à la confirmation du jugement entrepris, sauf en ce qu'il a rejeté sa demande formulée au titre de l'article 700 du Code de procédure civile.

Sur appel incident, il demande à la cour de condamner M. [A] [Y] à lui payer la somme de 3.000 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance, et à lui régler une seconde somme de 4.500 euros au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour les frais engagés à hauteur d'appel.

L'intimé conteste la présentation des faits avancée par son frère [A] indiquant que ce dernier était en 'guerre ouverte contre toute sa famille' ainsi qu'en témoigneraient les assignations en intervention forcée délivrées à [R] et [X] (enfants de [E]), [U] (fille de [J]), et même [S] (fille de [A]).

Concernant la maison, l'intimé indique avoir toujours admis, et ce même devant le notaire, avoir perçu l'intégralité du prix de vente et avoir proposé de reverser à la succession le montant de la valeur du droit d'usage d'[N] [Y], soit 23 323 euros.

L'intimé explique ne pas comprendre pourquoi on lui demande de rapporter la somme de 64.655,20 euros, au titre des loyers que sa mère a versés à un tiers, à savoir la SCI Humajess qui était son bailleur.

On ne saurait en outre remettre en cause la validité de la vente de la maison, sachant que [N] [Y] est intervenue à l'acte de vente, et que [A] [Y] ne rapporte nullement la preuve de l'existence d'un vice du consentement de celle-ci.

Au sujet des comptes bancaires, d'une part on ne saurait reprocher à l'intimé les retraits antérieurs au 16 décembre 2008, date à laquelle il a commencé à disposer d'une procuration. D'autre part, tous le retraits réalisés après cette date porteraient la signature d'[N] [Y] en personne, qui était lucide comme l'atteste son médecin traitant. En outre cette dernière a signé une attestation pour expliquer que les retraits les plus importants avaient été réalisés en vue de faire des cadeaux à ses enfants et petits enfants.

Seuls 6 retraits ont été signés par l'intimé en vertu de la procuration confiée ; ce dernier affirme que tous ces retraits ont été réalisés à la demande, et au profit, de la de cujus. En aucun cas, il n'y aurait eu abus de faiblesse, [N] [Y] ayant continué à suivre ses comptes jusqu'à son décès.

S'agissant des contrats d'assurance vie ouverts au Crédit agricole, l'intimé ne comprend pas pourquoi l'appelant lui réclame l'intégralité du remboursement des primes alors qu'il n'est pas unique bénéficiaire de ces polices. Il formule la même remarque concernant la demande de [A] [Y] portant sur les contrats passés avec le Crédit Mutuel, les bénéficiaires étant [X] et [U] [Y].

Quant au terrain de [Localité 11], M. [E] [Y] avance que l'appelant ne formule aucune demande ou prétention, ce qui sous entend qu'il souhaite rester dans l'indivision.

Enfin concernant le mobilier, la défunte avait clairement demandé, de son vivant, qu'il soit donné à une association caritative.

* * *

Les petits enfants de la de cujus, se sont vus signifier les déclarations d'appel et les conclusions afférentes , à domicile pour [R] [Y] , à personne pour [U] [Y] épouse [W], à étude d'huissier pour [X] [Y] épouse [L] et [S] [Y] épouse [K], respectivement les 26 février, 3 mars, 23 février et 24 février 2021. Ils ne se sont pas fait représenter devant la cour d'appel, il sera statué par arrêt rendu par défaut.

MOTIFS DE LA DÉCISION

1) Sur la demande d'interruption d'instance

Mme [U] [Y] est, aux termes du certificat d'hérédité du 9 janvier 2019, l'unique héritière de son père [J] [Y], décédé le 16 septembre 2018.

Comme le faisait justement remarquer le premier juge, l'appelant n'apporte aux débats aucune pièce de nature à démontrer que [U] [Y] a renoncé à la succession de son père, de sorte qu'elle doit être considérée comme venant aux droits de ce dernier.

L'appelant, qui s'est contenté de reprendre à hauteur d'appel les mêmes développements que ceux exposés devant le tribunal judiciaire, n'apporte aucune explications nouvelles.

Dans ces conditions, il n'y a pas lieu d'interrompre l'instance.

2) Sur la maison d'[Localité 11]

Ladite maison a fait l'objet d'une donation partage le 24 février 1984, de la part de [N] [Y] née [B] au profit de ses trois enfants, [A], [E] et [J] [Y]. La propriété du bien - évaluée à 180 000 Francs - était attribuée à [E] [Y] à charge pour lui de verser à [E] [Y] et à [J] [Y], chacun, une soulte de 60 000 Francs. La donation

comportait en outre une réserve d'un droit d'usage et d'habitation gratuit concédé à [N] [Y] née [B].

Le 19 juin 1995, [A] [Y] et [N] [Y] née [B] ont vendu au profit de la SCI Humajess ladite maison pour un prix de 850 000 Francs, l'acquéreur s'engageant à maintenir 'la fraction des biens affectée à l'habitation pendant une durée minimale de trois années à compter de la signature'. Il était aussi mentionné que le bien était occupé par les vendeurs. Un séquestre était mis en place pour permettre au notaire de désintéresser les nombreux titulaires des 9 hypothèques, légales, judiciaires et conventionnelles qui ont été inscrites sur l'immeuble entre 1985 et décembre 1994.

L'appel ne porte pas sur la question de la notion de réintégration dans la masse successorale de la valeur du droit d'usage et d'habitation dont bénéficiait [N] [Y] née [B] sur cette maison, en ce sens que son principe est admis par tous.

En revanche [A] [Y] réclame d'une part que le notaire établisse la valeur actualisée du droit d'usage et d'habitation conféré à Madame [B] selon acte du 24 février 1984 en tenant compte de la valeur en euros constants et de l'érosion monétaire, et d'autre part que [E] [Y] rapporte - en sus de la somme correspondant à la valorisation du droit d'usage et d'habitation - une somme supplémentaire de 64 655,20 euros au titre des loyers que sa mère aurait été contrainte de verser au propriétaire de son logement une fois la maison d'[Localité 11] vendue en 1995, estimant que l'intimé aurait trompé le consentement de leur mère pour qu'elle accepte la vente de la maison qu'elle occupait gratuitement.

Concernant la première demande de [A] [Y], le juge a parfaitement bien évalué le droit d'usage et d'habitation, en appliquant le barème de l'article 669 du CGI ( soit 60% de la valeur d'usufruit, elle- même fixée à 30% de la valeur du bien au regard de l'âge de [N] [Y] née [B] au moment de la vente).

Il y a lieu de noter que l'appelant, qui réclame des investigations de la part du notaire quant aux effets de l'érosion monétaire, n'explique pas en quoi celles-ci se justifieraient. Il est évident que la valeur du droit d'usage et d'habitation devait se faire au jour du paiement du prix de vente.

Au sujet des loyers versés par [N] [Y] née [B] à l'acquéreur de la maison, à savoir la SCI Humanjess, suite à la vente du 19 juin 1995, l'acte authentique précisait que la maison serait occupée par le vendeur de sorte que le droit de [N] [Y] née [B] de rester dans la maison était préservé, tout du moins pour 3 ans.

[N] [Y] née [B] a participé à la signature de l'acte authentique, ayant paraphé toutes les pages et signé la dernière. Elle a donc bénéficié des conseils et des informations du notaire.

M. [A] [Y], qui parle d'un possible vice ayant affecté le consentement de [N] [Y] née [B], ne rapporte aucun élément de preuve de nature à démontrer son existence, en sachant en outre que M. [E] [Y] produit un certificat médical daté du 3 février 2016 du médecin traitant de [N] [Y] née [B] qui écarte l'existence d'un état de vulnérabilité chez sa patiente puisqu'il écrit que cette dernière 'était capable de gérer ses biens jusqu'à la fin de sa vie'.

Enfin il aurait été intéressant que l'appelant précisât et développât le fondement juridique de cette demande de rapport formulée contre [E] [Y], alors qu'il est constant que les loyers ont été versés et encaissés par une société tierce, la SCI Humanjess, et aucunement [E] [Y].

Dans ces conditions, il y a lieu de rejeter les demandes formulées au sujet des droits dont était détentrice la de cujus sur l'immeuble d'[Localité 11].

3) Sur les mouvements de fonds sur les comptes de [N] [Y] née [B]

[E] [Y] disposait d'une procuration sur les comptes bancaires que [N] [Y] née [B] avait ouverts auprès d'agences bancaires du Crédit Mutuel et du Crédit Agricole.

Le premier juge a parfaitement bien délimité les débats, en soulignant que la quasi totalité des prélèvements dénoncés ont été réalisés par [N] [Y] née [B] en personne, dans les agences bancaires comme le démontre la lecture des 'avis d'opéré' joints à l'annexe 5 de l'intimé, qui démontre que l'intéressée était encore en capacité de se déplacer en agence et de suivre ses comptes comme l'attestait d'ailleurs son médecin traitant, comme exposé plus haut.

L'appelant ne saurait sérieusement alléguer que certaines signatures seraient fausses, alors que sa mère était présente aux guichets des agences bancaires au moment des retraits.

Le débat ne saurait alors porter que sur la régularité des retraits effectués sous la signature de [E] [Y] les 23 décembre 2009 (7000 euros), 20 juillet 2010 (700 euros) , 22 décembre 2010 (3 500 euros) , 10 décembre 2011 (4 400 euros) et 16 décembre 2011(1000 euros) retracés dans l'annexe 8 de l'intimé.

Ces retraits ont été réalisés en vertu des procurations que [N] [Y] née [B] a données à son fils [E] [Y], procurations dont la validité n'est pas remise en cause.

Le mandataire, qui doit pouvoir justifier de l'usage de ces fonds, produit en pièce 7 un document dactylographié dans lequel Mme [N] [Y] née [B] affirme que les 6 prélèvements réalisés par son fils [E] en décembre 2008, 2009, 2010 (3 retraits) et 2011 pour plusieurs milliers d'euros à chaque fois (les montants variant entre 2 100 euros et 7 000 euros) ont été réalisés 'à l'occasion de noël, et que les sommes retirées ont été données à mes enfants et petits enfants'. Ledit document est daté du 8 décembre 2012 et suivi de la mention manuscrite, tremblante, 'Lu et approuvé' accompagnée de la signature de Mme [N] [Y] née [B].

La cour ne dispose d'aucun élément de preuve de nature à lui permettre d'écarter cette pièce, comme le souhaiterait l'appelant. Les relations tendues existant entre les membres de la famille, expliquent que Mme [N] [Y] née [B] ait estimé utile en son temps de rappeler ses volontés.

Dans un tel contexte, cet écrit constitue la preuve de ce que Mme [N] [Y] née [B] suivait ses comptes, et était bien à l'origine de la demande de ces retraits d'espèces pour des montants importants, la plupart du temps effectués par elle-même au guichet de la banque ou à quelques occasion par son fils [E].

La cour estime que M. [E] [Y] démontre qu'il a fait un usage de la procuration conforme à la volonté de Mme [N] [Y] née [B].

La demande de M. [A] [Y] sera de ce fait rejetée.

4) Sur la disproportion alléguée des primes d'assurance vie

* Sur la demande de [A] [Y] aux fins que les héritiers 'justifient' des autres contrats d'assurance-vie dont ils auraient été bénéficiaires de par le décès de Madame [B]

L'appelant ne rapporte aucune pièce, ne développe aucune explication, quant aux motifs qui le poussent à penser que les autres héritiers auraient pu être désignés bénéficiaires d'autres contrats d'assurance vie contractés par Mme [N] [Y] née [B] demeurés secrets.

En outre il y a lieu de rappeler que cette demande a d'ores et déjà été rejetée par le juge de la mise en état du tribunal de Mulhouse dans son ordonnance du 4 avril 2019.

Elle ne saurait dès lors prospérer.

* Sur les quatre contrats d'assurance vie ouverts auprès de la CCM

Le montant des primes versées sur ces 4 contrats était de 20 000 euros (4 fois 5 000 euros), et le capital a été versé à des bénéficiaires qui ne sont pas des héritiers d'[N] [Y] née [B], en l'espèce [X] et [U].

En application de l'article 843 du Code civil, le rapport des libéralités à la succession n'est due que par les héritiers 'ab intestat'.

Dans le cas présente, les héritiers sont les deux parties et l'ayant droit de [J]. Ni [X], ni [U], fille de M. [A] [Y], ne sont donc héritiers 'ab intestat'.

Aussi, après avoir rappelé les dispositions régissant le régime successoral des contrats d'assurance vie, puis le principe selon lequel s'il est démontré que des primes versées présentent un caractère manifestement exagéré il est possible d'ordonner leur rapport à la succession, le juge de première instance a fort logiquement estimé que la demande de rapport formulée par M. [A] [Y] au sujet des 4 contrats d'assurance vie ouverts auprès du Crédit Mutuel - dont les bénéficiaires sont [X] et [U], deux petites filles de la défunte qui ne sont pas héritières- doit être considérée comme étant irrecevable.

Il y a lieu de confirmer cette décision.

* Sur les 4 contrats d'assurance vie ouverts auprès du Crédit Agricole

Deux des contrats (ATOUT PLUS POL 001 et POL 002) ont été souscrits par Mme [N] [Y] née [B] en 1994 et 1995 quand elle avait 75 et 76 ans, et disposait d'une épargne diversifiée placée sur un LDD, un livret A notamment. Elle disposait alors d'un logement gratuit et de revenus mensuels de l'ordre de 1 200 euros au titre de la pension de réversion.

M. [A] [Y] a produit dans ses annexes un récapitulatif des nombreux comptes épargne de sa mère détenus au Crédit agricole (compte livret; LDD, épargne populaire; livret A, LEP, livret Orchestral, livret titres, PEL) et au crédit mutuel (LEP, livret bleu), le listing des retraits dont il remet en cause la régularité avec les décomptes de certains mouvements bancaires. Il s'en évince qu'il disposait des extraits bancaires de sa mère. Pourtant il ne les a pas produits.

De par cette absence, il ne permet pas à la cour de connaître la situation financière exacte de Mme [N] [Y] née [B] au moment où elle abondait ses contrats d'assurance vie.

Il n'est donc pas démontré que le montant des primes était disproportionné.

[N] [Y] née [B] a en outre souscrit un contrat PREDISSIME et un contrat OPTALISSIME quand elle avait 80 ans, en novembre 1999. Si sa situation financière avait été modifiée par le fait qu'elle avait à sa charge un loyer de l'ordre de 300 euros, l'absence de production de pièces portant sur sa situation financière ne permet pas davantage de caractériser l'existence d'une disproportion. En outre il n'est ni démontré, ni même allégué, qu'elle se soit trouvée en situation financière délicate suite à l'ouverture de ces contrats d'assurance vie.

En conclusion, le caractère excessif des versements réalisés sur les huit contrats d'assurance-vie souscrits par [N] [Y] née [B] n'est pas démontré.

5) Sur la réclamation portant sur les meubles

L'intimé verse aux débat un document dactylographié comportant le texte suivant : 'Je soussignée Mme [Y] [N], déclare souhaite que les meubles de ma maison soient donnés à l'Association Emmaüs Communauté de l'Abbé Pierre. Fait à [Localité 13]. Le 8 décembre 2012" suivi d'une signature manuscrite (annexe 9).

Il ressort des courriers rédigés par CARITAS du 5 février 2016, que l'association a récupéré au titre de dons, les meubles, lit, armoires, table basse, vêtements et vaisselle de [N] [Y] née [B] suite à son décès (annexe 10). L'Armée du Salut a aussi établi un document intitulé REMISE DE DON faisant état de dons de meubles de la part de la défunte.

Les documents produits, démontrent que [N] [Y] née [B] a souhaité faire don de ses meubles à des associations caritatives, voeux respecté, qui ne saurait être remis en cause par M. [A] [Y] qui ne rapporte nullement la preuve de ce qu'ils auraient pu être accaparés par des héritiers.

Quant aux bijoux de la défunt qui auraient été détournés par certains, force est de constater que la seule pièce produite par l'appelant (à savoir une liste qu'il a établie) est insusceptible de pouvoir constituer une preuve de leur existence.

Dans ces conditions, les demandes de [A] [Y] portant sur les meubles, ne pouvaient être accueillies.

6) Sur l'appel incident

Au regard du contexte, de la nature du litige, c'est en toute lucidité et à juste titre que le premier juge a décidé ne pas faire application des dispositions de l'article 700 du Code de procédure civile. Sa décision sera aussi confirmée sur ce point.

7) Sur les frais de la procédure d'appel et les demandes formulées au titre de l'article 700 du Code de procédure civile

L' appelant, qui a formé appel sans réellement fournir d'explications ou de pièces supplémentaires par rapport à la décision de première instance, sera condamné aux dépens de la procédure d'appel et à verser au titre de l'article 700 du Code de procédure civile une somme de 2 500 euros à M. [E] [Y].

La demande fondée sur ce même article par M. [A] [Y] sera rejetée.

PAR CES MOTIFS

La cour, statuant, publiquement par arrêt rendu par défaut, mis à disposition au greffe, après débats en audience publique et après en avoir délibéré :

CONFIRME intégralement le jugement rendu par le tribunal judiciaire de Mulhouse le 20 octobre 2020,

DÉBOUTE M. [E] [Y] de son appel incident tendant à obtenir une indemnité au titre de l'article 700 du Code de procédure civile pour la procédure de première instance,

Y ajoutant

CONDAMNE M. [A] [Y] aux dépens de l'appel,

CONDAMNE .M. [A] [Y] à payer à M. [E] [Y] une somme de 2.500 euros ( deux mille cinq cents Euros) au titre de l'article 700 du code de procédure civile,

REJETTE la demande de M. [A] [Y] tendant à obtenir une indemnité au titre de l'article 700 du code de procédure civile à hauteur de la procédure d'appel.

Le greffier Le président,


Synthèse
Tribunal : Cour d'appel de Colmar
Formation : Chambre 2 a
Numéro d'arrêt : 20/03415
Date de la décision : 12/01/2023

Origine de la décision
Date de l'import : 27/03/2024
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.appel;arret;2023-01-12;20.03415 ?
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